CHAPITRE III : LA TÉLÉCONSULTATION

Comme l'a souligné le Professeur Louis Lareng, lors de son audition, les techniques de médecine à distance ne sont pas nouvelles. La première approche de ces questions date de 1945 avec la mise en place pour les navires de procédures destinées à prodiguer des soins par radio puis, par télécopie.

Une première expérience de télémédecine destinée à la lecture par VHF d'électrocardiogrammes installés dans des ambulances a été conduite en collaboration avec Marcel Dassault en 1966. (Cet exemple souligne l'intérêt d'une union étroite avec l'industrie).

Les outils disponibles aujourd'hui vont permettre dans certains domaines un développement très rapide de l'usage d'Internet à des fins de consultation médicale car, les gains pour médecins comme pour les patients sont évidents à la fois en termes de santé et d'économie. C'est particulièrement vrai pour l'urgence, le suivi de la grossesse en milieu rural ou la médecine pénitentiaire.

Par exemple, dans la région Midi-Pyrénées, en profitant d'une ligne à haut débit avec l'hôpital de Castres la future accouchée peut à Mazamet, dans le cadre hospitalier, bénéficier d'une consultation avec le gynécologue qui l'accouchera ce qui n'était pas le cas auparavant. Cette nouvelle organisation permet d'améliorer la sécurité de la population qui est mieux suivie et on évite ainsi aux parturientes de se déplacer de 75 kilomètres.

SECTION 1 : LES OUTILS DISPONIBLES

Pour bien comprendre les potentialités de la télémédecine, il est indispensable d'examiner le matériel disponible.

A) Les stations de télémédecine

Lors de leur voyage aux Etats-Unis vos rapporteurs ont pu voir fonctionner une station de télémédecine à l'Université du Texas. Aussi, paraît-il utile de décrire très concrètement ce qu'est une station de télémédecine 20 , telle qu'elle fonctionne à l'Université du Texas :

L'Université " Texas Tech - Health Sciences Center " a commencé son premier projet de télémédecine en 1989. Il s'agissait de relier les quatre campus de l'université entre eux, c'est-à-dire ceux de Lubbock, Amarillo, Odessa, et El Paso, pour des téléconférences.

Puis, l'idée d'apporter une aide médicale par cette voie, aux zones rurales éloignées a germé, et en 1990 a eu lieu la 1 ère téléconsultation entre un patient à Alpine, et un médecin à Lubbock.

De 1990 à 1993, TTUHSC a développé un système portatif de Télémédecine appelé " Teledoc ". Aujourd'hui, les recherches continuent pour créer de nouveaux systèmes, plus performants.

Depuis 1993 , plus de 5000 téléconsultations ont été conduites.

Elles ont mis en scène :

- des prisonniers.

- des personnes habitant dans des zones rurales éloignées.

Et elles ont fait appels aux spécialités suivantes :

- orthopédie

- chirurgie générale

- urologie

- gastro-entérologie

- psychologie, psychiatrie

- neurologie

- pédiatrie

Le matériel et la technologie utilisés dans les deux salles de téléconsultation (chez le patient aussi bien que chez le médecin) jouent un rôle primordial pour un bon diagnostic.

La connexion est établie par le médecin grâce à un écran digital. Pour s'assurer la confidentialité de la consultation, les données sont cryptées, et le réseau est privé.

Chez le médecin :

Le médecin visualise le patient sur plusieurs écrans larges de façon à ce qu'il puisse interpréter correctement les images qui lui parviennent. Il a la possibilité d'enregistrer la téléconsultation grâce à un magnétoscope, mais il le fait rarement : non seulement il est difficile de stocker trop de cassettes vidéo, mais en plus, la confidentialité de la consultation n'est plus garantie !

Il possède aussi un fax pour recevoir tous les documents que le patient jugera utile de lui faire parvenir et qui pourront constituer son dossier médical.

Chez le patient :

Une première caméra (caméra principale) filme la salle du patient dans sa globalité. Une deuxième caméra (caméra auxiliaire) montée sur trépied, contrôlable par télécommande, permet de filmer le patient de plus près.

Enfin, une troisième caméra " médicale " permet au médecin de visualiser des zones spécifiques du patient (oreilles, gorge, nez, etc.)

Un stéthoscope électronique est aussi à la disposition du médecin, dans la salle du patient. Celui-ci est analogique. Pour permettre la transmission vers le médecin, l'acoustique est alors numérisée puis envoyée sur le réseau ISDN.

Pour transmettre au médecin ses documents personnels, le patient dispose d'un fax classique, et d'un " appareil de photo de document ", sorte de scanner pour les radios médicales ou autres...

La station comprend un chariot comportant tous les éléments informatiques standards pour faire de la vidéoconférence. Le système fonctionne sous Windows

L'échange entre médecin et patient sera donc visuel, auditif et même textuel : le logiciel permet l'annotation d'images tels que radios, EEG ou même documents papier scannés. Ainsi, le médecin va pouvoir mieux expliquer à son patient ces documents.

Pour l'auscultation du malade, on peut rajouter à ce système de nombreux appareils spécialisés à cet effet.

Pour la confidentialité :

- Lors de l'installation du logiciel, un numéro de série puis un nom d'utilisateur et un mot de passe pour l'accès au site Web sont attribués à l'utilisateur.

- Le logiciel existe en différents niveaux de sécurité : utilisateur classique, fréquent ou administrateur

- Les mises à jour téléchargeables depuis le site Web sont compressées, cryptées et protégées par un mot de passe. Ainsi les données personnelles du médecin sur ses malades ne sont pas récupérables.

Mode de communication :

- La communication patient/médecin est bidirectionnelle via un système de vidéoconférence utilisant le téléphone classique (en anglais POTS).

- De multiples opérations peuvent être contrôlées à distance par le médecin (image, appel, état de veille, etc.).

Fichiers électroniques des patients :

- Toutes les données concernant un patient sont datées, enregistrées dans une base de données sécurisée, et peuvent être consultées ou imprimées à tout moment (même pendant une autre téléconsultation !)

- Ce sont des fichiers textes, graphiques, ou sonores.

Gestion des images :

- On peut capturer jusqu'à 50 images (localement ou à distance).

- Le médecin ou le patient peut annoter les images, et effacer le commentaire à tout moment.

- Il existe de nombreuses options pour exploiter ces images provenant des divers appareils périphériques et le logiciel très convivial permet une utilisation facile.

- Les images capturées par la caméra médicale (FDA approved) sont d'une excellente qualité pour un diagnostic.

Interface :

L'interface du « HCV imaging » est composée de 3 fenêtres :
- La fenêtre pour les images spéciales telles que celle obtenues grâce à la caméra médicale.
- La fenêtre de la liaison vidéo : on y voit le médecin et le patient.
- La fenêtre des données : date, état civil, commentaires, enregistrements divers (stéthoscope, pression sanguine, etc.) et bien entendu " commencer " ou " arrêter " la vidéoconférence.

HCV Telecare system est un système supplémentaire pour toute logistique de santé. Il a été développé pour compléter le système HCV Imaging.

Il s'agit d'un écran tactile et d'un logiciel convivial pour une utilisation plus facile destinée aux patients à domicile par exemple. Il s'adapte au système d'exploitation Windows 98.

Périphériques :

- Une unité " AMD Electronic Vital Signs "

- Un " Dex Glucometer "

- Un " QRS Spirocard "

- Autres (voir § V)

Les appareils optionnels .

Les appareils médicaux supplémentaires peuvent considérablement améliorer le diagnostic du médecin. Logiciels et matériels sont compatibles avec :

Un appareil qui mesure le taux de glucose dans le sang.

Le Stéthoscope et sa carte téléphonique. Les données capturées peuvent aussi être envoyées par email.

La caméra médicale pour examiner le nez, les oreilles et la gorge.

Le microscope et sa caméra haute résolution

L'ophtalmoscope pour examiner la rétine et le fond de l'oeil.

La caméra dermatologique. Il faut noter que la dermatologie constitue l'une des spécialités le mieux adaptée à la télémédecine

L'écho doppler pulsé portable (ultrasons).

Le spiromètre: cet appareil mesure la capacité pulmonaire.

L'enregistreur de paramètres vitaux Cet appareil mesure la température, la pression sanguine, etc.

L'appareil Caméra et source de lumière pour des images de meilleure qualité.

Pour tous ces équipements, le matériel requis est :

- Un PC (portable ou non) avec Windows 98, NT ou 2000

- Un modem (quelconque)

- Une carte vidéo (SVIDEO, NTSC ou PAL) et format RGB24

- Un standard permettant la vidéoconférence (IP Network WAN, LAN ou Internet, ou par téléphone POTS)

- Les codecs vidéo H.261 ou 263

- Un codec audio (de nombreux types sont possibles)

- Une caméra de vidéoconférence

- Les codecs images (standard ITU)

Plus particulièrement pour les ordinateurs, le minimum requis est :

- Pentium II, 500MHz

- 128 MB de RAM

- 6.4 GB de disque dur

- Lecteur de disquette, CD-ROM, micro, haut-parleur

- Modem 56.6K ou PCMCIA

- Carte réseau

Le retour d'expérience enregistré au Texas montre que ces stations permettent d'éviter un examen physique du patient dans 60% des cas . Elles s'avèrent en termes de qualité des soins particulièrement adaptés à la dermatologie et à la psychiatrie.

Ce dernier point a d'abord surpris vos rapporteurs mais, réflexion faite on peut comprendre qu'en psychiatrie certains patients préfèrent être en présence d'une caméra que d'une personne physique.

B) La téléimagerie

La téléconsultation s'appuie beaucoup sur le transfert d'images médicales.

La téléimagerie médicale est la transmission d'images numériques entre deux sites distants dans un but d'interprétation et de consultation. Elle fait partie intégrante de la télémédecine et concerne des spécialités diverses telles que la radiologie, l'échographie, l'anatomopathologie ou l'endoscopie.

La téléimagerie médicale dépend de facteurs purement technologiques et de facteurs associés.

_ Facteurs technologiques :

- les images numériques sont générées soit par l'imageur soit à partir d'un film. Toutes les modalités d'imagerie proposent aujourd'hui des imageurs numériques, de la radiologie conventionnelle aux ultrasons, mais il existe encore de nombreux systèmes produisant des films. Pour ceux-là, on utilise un numériseur qui doit fournir une image numérique dont les critères de qualité restent à définir ;

- la transmission bénéficie des énormes progrès qui permettent maintenant d'utiliser soit les lignes téléphoniques standards, soit des lignes dédiées. Sauf dans le cas où des volumes très importants sont nécessaires, les débits sont suffisants ;

Comme l'a souligné le Professeur Lareng lors de son audition par vos rapporteurs le problème « n'est pas celui du haut débit mais du bon débit ».

Le tableau ci-après illustre le fait que contrairement à l'intuition initiale de vos rapporteurs le haut débit n'est pas totalement indispensable à la transmission d'images radiologiques, et surtout les techniques de compression qui sont en train d'être développées permettront de plus en plus de s'affranchir de la nécessité d'une liaison à haut débit.

IMAGERIE MÉDICALE ET DÉBITS DE TRANSMISSION.

Tableau comparatif . ( France Télécom R&D. nov 2003)

Type d'examen

types d'images

taille examen complet

compression

Réseau d'accès et

débits nécessaires

temps de
téléchargement
des données

Radiographie classique

fixe niveau de gris

500 K octets

jpeg / jpeg2000

RNIS
ADSL

secondes

Scanners et IRM

fixe niveau de gris

25 à 300

M octets

jpeg / jpeg2000

ADSL1 (6 Mb/s)
ADSL2 (16 Mb/s)
HDSL, SHDSL(4,6 Mb/s)
VDSL (20 Mb/s)

minutes

Imagerie animée

animée

10 à 150

M octets

Mjpeg / Mpeg2 / Mpeg4

ADSL

dizaines
de minutes

Imagerie microscopique

fixe couleur

50 à 600

M octets

jpeg / jpeg2000

VDSL
Gigabit Ethernet

dizaines
de minutes

- La réception des images doit se faire sur une console offrant une qualité d'écran comparable à celle de l'expéditeur.

- Pour l'ensemble des étapes, il s'agit de vérifier qu'autant sur le plan de la transmission que sur celui de la visualisation, le système de téléimagerie médicale répond aux normes et en particulier à DICOM, standard définissant le format informatique de l'image, adopté par tous les constructeurs depuis 10 ans.

_ Facteurs associés :

- la sécurité est un élément majeur de la téléimagerie médicale. Elle est conditionnée par des facteurs techniques - encryptage, sécurisation des lignes - mais également par des facteurs organisationnels tels que le contrôle d'accès ;

- les temps de transmissions doivent être faibles même si les images représentent des volumes importants. Pour réduire le volume d'une image, on utilise des algorithmes de compression qui, lorsqu'ils ne dépassent pas 3, conservent l'intégralité des informations. Pour des taux de compression supérieurs, il reste à préciser les critères définissant la dégradation "acceptable" de la qualité de l'image. Pour réduire le volume d'un examen la sélection est faite par l'expéditeur et des protocoles spécifiques restent à établir ;

- l'utilisation de ces techniques de compression relativise l'intérêt du recours au haut débit ;

- l'utilisation du système doit être simple : ergonomie des consoles d'expédition et de réception et console proche et accessible.

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