3. Les limites de la théorie des trappes
Mettre en évidence des phénomènes de désincitation financière ne vaut cependant pas prévision du comportement des personnes concernées. D'autres éléments qu'un calcul financier interviennent dans la décision d'occuper un emploi (recherche de lien social, meilleure estime de soi). En témoigne cette enquête réalisée en 1998 par le ministère de l'emploi et de la solidarité qui révèle qu'un tiers des titulaires du RMI ayant retrouvé un emploi dans l'année affirment n'y avoir rien gagné financièrement.
Par ailleurs, pour effectuer un arbitrage réellement rationnel entre emploi et inactivité, il faudrait que les intéressés bénéficient d'une information complète, ce qui est loin d'être le cas, compte tenu de la complexité des dispositifs.
Au-delà de la décision de reprendre ou non une activité professionnelle, il convient également de s'attacher aux possibilités des bénéficiaires de retrouver un emploi. La durée de l'éloignement du marché de l'emploi, le niveau de qualification, les différents handicaps sociaux auxquels les allocataires sont susceptibles d'être confrontés sont en effet des facteurs au moins aussi déterminants que la question de l'incitation financière.
Enfin, cette approche par l'offre de travail ne tient pas compte de la demande de travail adressée par les entreprises et donc de l'importance d'un chômage involontaire, liée à la faiblesse de la conjoncture économique. En effet, si le chômage résulte d'une insuffisance de la demande de travail, la question des trappes est de second ordre. Dans une économie à fort taux de chômage, inciter à la reprise d'activité peut avoir des effets relativement limités sur le taux d'emploi agrégé et entraîner essentiellement une modification des positions relatives dans les « files d'attentes ».
Au total, si l'on peut conclure que l'existence de « trappes » constitue un frein à la reprise d'emploi au niveau individuel, il n'est pas formellement prouvé, à ce jour, que la levée de ces contraintes a un effet significatif sur l'emploi global. En réalité, lever les trappes à inactivité est davantage une question de justice et d'équité vis à vis des salariés modestes qu'une question d'incitation à la reprise d'une activité.