B. UN PREMIER RÉAJUSTEMENT DES OBJECTIFS AUX RÉALITÉS ÉCONOMIQUES ET BUDGÉTAIRES EN 2002
1. La proclamation de l'objectif de retour à l'équilibre en 2004
a) Le Conseil européen de Barcelone (mars 2002)
Les conclusions du sommet de Barcelone (mars 2002) ont fixé l'objectif d'un retour à l'équilibre en 2004 : « les Etats membres resteront fidèles ou se conformeront à l'objectif à moyen terme consistant à parvenir, d'ici 2004 au plus tard, à une situation budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire ».
b) Le Conseil ECOFIN de Madrid (20 juin 2002) et le Conseil européen de Séville (21-22 juin 2002)
(1) Le Conseil ECOFIN de Madrid
A l'occasion du Conseil ECOFIN de Madrid du 20 juin 2002, ont été adoptées les « grandes orientations de politiques économiques » (GOPE) pour 2002, ensuite entérinées par le Conseil européen de Séville.
La France a obtenu qu'il soit indiqué que les comptes publics des Etats membres doivent être « proches de l'équilibre » en 2004 (contre « en équilibre » selon la version initiale du texte).
En outre, elle a fait une déclaration affirmant que la réalisation de l'équilibre en 2004 n'était possible que si la croissance française atteignait 3 % en rythme annuel à la fois en 2003 et en 2004.
(2) Le Conseil européen de Séville
Le Conseil européen de Séville (21-22 juin 2002) a réaffirmé l'objectif d'« assainissement des finances publiques » 12 ( * ) .
Il a appelé les Etats membres à suivre des politiques budgétaires conformes aux recommandations contenues dans les grandes orientations des politiques économiques.
2. Un objectif qui ne pouvait être maintenu
Cependant, compte tenu de l'aggravation du déficit public en 2002, l'objectif de retour à l'équilibre en 2004 , prévu 13 ( * ) , dans le cas de la France, par le programme de stabilité 2002-2004 dans son scénario optimiste, reposant sur une croissance du PIB de 3 % par an, ne pouvait être maintenu.
Aussi, dans le rapport général relatif au projet de loi de finances rectificative pour 2002 14 ( * ) , votre rapporteur général prônait un assouplissement des conditions de retour à l'équilibre du solde public, ce qui à court terme passait par :
- le report de cet objectif à l'année 2007 15 ( * ) ;
- la fixation d'objectifs en termes de solde structurel, et non de solde effectif.
En effet, selon l'OFCE, le respect de l'échéance de l'année 2004 aurait conduit à réduire le PIB de la zone euro de 1,9 point en 2004, cet impact étant encore plus élevé en France et en Allemagne, comme l'indique le tableau ci-après.
Impact sur la zone euro d'une résorption du déficit structurel
de la France et de l'Allemagne entre 2002 et 2004
(en points de PIB)
Année 2004 |
|
Impact sur le déficit structurel (1) |
- 1,5 |
Impact sur le PIB (2) |
- 1,9 |
Impact sur le déficit conjoncturel [-(2) x 0,44] (3) |
+ 0,9 |
Impact ex post sur le déficit global (1) + (3) |
- 0,6 |
Source : OFCE, avec modèle MIMOSA 16 ( * )
Il se serait agi alors du renouvellement de l'erreur de politique économique réalisée de 1981 à 1985 : si un seul Etat s'était fixé l'objectif de réduire son déficit public, il y serait parvenu relativement aisément, du fait de la faiblesse du multiplicateur keynésien au sein des différents Etats membres de la CEE ; mais comme ces derniers menaient tous une telle politique, la croissance européenne a été réduite de près de 1,5 point par an, et le déficit global a été peu réduit 17 ( * ) . Il aurait été paradoxal que les progrès de l'intégration européenne réalisés depuis les années quatre-vingt conduisent à répéter cette erreur de politique économique.
Par ailleurs, en raison du refus d'admettre la nécessité de repousser l'échéance du recours à l'équilibre, l'attitude adoptée par les différents Etats vis-à-vis du pacte de stabilité était ambiguë. D'un côté, aucun Etat ne pouvait ou voulait reconnaître que l'objectif d'équilibre des finances publiques ne pouvait qu'être reporté pour certains d'entre eux. De l'autre, le Conseil s'était accommodé de déclarations de la part de certains gouvernements que l'on avait pu juger optimistes, selon lesquelles l'objectif d'équilibre en 2004 serait atteint. L'OFCE écrivait à l'époque : « le caractère plus ou moins contraignant de [l'engagement de retour à l'équilibre en 2004] est, à l'évidence, en contradiction avec son but affiché de crédibilité. Comment, en effet, croire en des programmes nationaux de stabilité qui n'ont, jusqu'à présent, été respectés que très occasionnellement, et qui impliqueraient, pour l'être à l'échéance de 2004, qu'au moins trois conditions, à la conjonction quasi miraculeuse, soient simultanément remplies : une croissance économique très soutenue (supérieure à 3 % pendant trois ans), des dépenses publiques sévèrement contrôlées et quasi constantes, et une élasticité des recettes fiscales à l'activité exceptionnellement élevée, incompatible avec toute baisse de prélèvements obligatoires ? » 18 ( * ) .
3. Le report décidé par l'Eurogroupe le 7 octobre 2002
Votre rapporteur général se félicite de ce que la France et ses partenaires aient alors décidé de mettre en oeuvre les mesures précitées 19 ( * ) préconisées dans le rapport général relatif au projet de loi de finances rectificative pour 2002 20 ( * ) .
A l'occasion de la réunion de l'Eurogroupe le 7 octobre 2002, la France s'est engagée à réduire son déficit structurel de 0,5 point par an à partir de l'année 2004 et à atteindre l'équilibre budgétaire en 2007 21 ( * ) .
Cet accord annulait les engagements qui avaient été pris dans le cadre des grandes orientations de politique économique adoptées par le Conseil européen de Séville le 21 juin 2002.
* 12 « Le Conseil européen (...) réaffirme son attachement au Pacte de stabilité et de croissance et à l'assainissement des finances publiques, et appelle les Etats membres à suivre des politiques budgétaires conformes aux recommandations contenues dans les grandes orientations des politiques économiques. Les Etats membres sont invités à utiliser toutes les retombées de la croissance liées à la reprise économique pour poursuivre l'assainissement des finances publiques ».
* 13 La prévision de solde public pour 2004 était, selon ce scénario, de - 0,2 %, ce qu'on pouvait assimiler à un retour à l'équilibre.
* 14 Rapport n° 372 (2001-2002).
* 15 Ce report avait été envisagé par le Président de la République avant le Conseil européen de Séville.
* 16 Lettre de l'OFCE, n° 219, 28 mars 2002.
* 17 Pierre-Alain Muet, in « Coordination européenne des politiques économique », rapport n° 5, Conseil d'Analyse économique, 1998.
* 18 Lettre de l'OFCE, n° 222, 10 juin 2002.
* 19 Report de l'objectif de retour à l'équilibre à l'année 2007, et fixation des objectifs en terme de solde structurel.
* 20 Rapport n° 372 (2001-2002).
* 21 L'Allemagne, l'Italie et le Portugal - les autres pays alors en déficit - s'étant engagés à mener une telle politique dès l'année 2003, et à atteindre l'équilibre budgétaire en 2006.