N° 264
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 mars 2005 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1), sur le rapport de la Cour des comptes relatif à Météo France ,
Par M. Jean-Pierre MASSERET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM.Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, MM. Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
Météorologie. |
AVANT PROPOS
En application de l'article 58 2°) de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), la Cour des comptes a réalisé, à la demande de la commission des finances, une enquête sur les comptes et la gestion de l'établissement public Météo-France.
La communication de la haute juridiction financière, remise le 25 janvier 2005 à votre commission des finances, a formulé plusieurs critiques concernant les missions, l'organisation, la gestion du personnel et les comptes de l'établissement public. Cette communication met notamment en évidence une certaine rigidité des charges, susceptible de compromettre, à l'avenir, l'effort d'investissement, alors même que l'établissement public est confronté à une concurrence accrue. La Cour des comptes souligne, par ailleurs, l'existence d'irrégularités au sein des comptes de l'établissement.
Ayant à coeur de valoriser les travaux de la Cour des comptes et de favoriser la concrétisation des recommandations émises, votre commission a procédé, le 22 mars 2005, à l'audition contradictoire de MM. Jean-Pierre Beysson, président-directeur général de Météo-France, François Perdrizet, directeur de la recherche et des affaires scientifiques et techniques au ministère de l'équipement et Jean-François Bénard, président de la septième chambre de la Cour des comptes. Afin d'en favoriser la plus grande diffusion, cette audition avait, par ailleurs, été ouverte à la presse.
Le 12 avril 2005, Météo-France a transmis ses réponses écrites sur la communication de la Cour des comptes. Ces réponses indiquent que l'établissement « mettra en oeuvre dans les meilleurs délais plusieurs des mesures qui découlent [du] rapport [de la Cour des comptes] », tout en précisant que plusieurs de ces mesures sont déjà en préparation. De façon générale, cependant, l'établissement regrette « une impression d'ensemble particulièrement négative » qui ressortirait de la communication de la Cour des comptes et qui ne serait pas, selon lui, conforme à la réalité des faits.
I. UN BUDGET LARGEMENT SUBVENTIONNÉ PAR L'ETAT
A. LES RESSOURCES DE L'ÉTABLISSEMENT
I. La contribution de l'Etat à la météorologie
Météo-France est un établissement public administratif, qui compte 3.732 agents (au 1 er janvier 2004).
L'Etat consacrera, cette année, quelque 153 millions d'euros à Météo-France. Par ailleurs, l'Etat consacrera également cette année, comme l'année dernière, 36,6 millions d'euros à l'organisation européenne des satellites météorologiques (Eumetsat) 1 ( * ) .
Contributions de l'Etat à Météo-France (hors Eumetsat)
(en millions d'euros)
2004 |
2005 |
Evolution |
||||
Subvention de fonctionnement (hors recherche) |
133,4 |
136 |
+ 1,9 % |
|||
Subvention de fonctionnement à la recherche |
14,8 |
14,8 |
- |
|||
Subvention d'investissement (recherche) |
AP 2,7 |
CP 2,7 |
AP 2,7 |
CP 2,7 |
AP - |
CP - |
Total DO + CP |
150,9 |
153,5 |
+ 1,7 % |
Source : projet de loi de finances pour 2005
II. La structure globale des ressources de Météo-France
(en millions d'euros)
Source : Météo-France (rapport d'activité 2003)
Les ressources totales de Météo-France s'élevaient donc, en 2003, à environ 270 millions d'euros (hors Eumetsat), dont 55 % proviennent de la subvention de l'Etat, 26 % des redevances aéronautiques et 15 % des recettes commerciales :
A. LES CHARGES DE L'ÉTABLISSEMENT
La structure des dépenses de Météo-France est marquée par la place importante des charges de personnel et de fonctionnement courant (80 % du total des dépenses) :
II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES
La Cour des comptes a examiné successivement les missions, l'organisation, la gestion du personnel et les questions financières relatives à l'établissement public administratif Météo-France.
Les observations et recommandations de la Cour des comptes portent, dans le détail sur les points suivants :
A. L'ACCOMPLISSEMENT DES MISSIONS
S'agissant de l'accomplissement de ses missions par l'établissement public, la Cour des comptes observe :
- un certain déficit d'intégration européenne dans le domaine de la prévision à court terme, ce qui ne permet pas à la recherche d'atteindre une taille critique ;
- une insuffisante prise en compte de la fonction commerciale au sein de l'entreprise, malgré le développement de la concurrence ;
- une recherche insuffisamment coordonnée au niveau national et qui n'est peut-être pas assez valorisée sur un plan commercial ;
- des coûts de formation élevés au sein de l'École nationale de la météorologie.
La Cour des comptes souligne notamment que les recettes commerciales n'ont pas augmenté autant que ce que prévoyait le contrat d'objectifs 2001-2005. Elle rappelle que les recettes commerciales de Météo-France, qui représentent 39,8 millions d'euros en 2003, proviennent de deux types de produits : le « kiosque » (produits télématiques et téléphoniques « grand public »), qui en constitue la part majoritaire, et les prestations de service à valeur ajoutée aux professionnels. Or les recettes tirées du kiosque sont en baisse (- 8 % entre 1998 et 2003, - 26 % entre 2000 et 2003) malgré les augmentations tarifaires depuis 2000 . Ce déclin est lié à la double concurrence opérée par de nouveaux entrants sur le marché et l'apparition d'une information météorologique gratuite sur Internet. L'émergence de la concurrence n'a toutefois pas encore « ébranlé » la domination du marché français par l'établissement, en matière de prestations aux professionnels, qui représentent une part croissante du total (ces recettes sont passées de 9 millions d'euros à 17,8 millions d'euros entre 1998 et 2003).
Dans ce contexte, la Cour des comptes déplore une prise de conscience tardive de l'importance de la fonction commerciale , la constitution d'un réseau de vente étant récente. L'établissement n'a établi de plan d'action commerciale (ou business plan) qu'au début de 2004 et les fonctions commerciales demeurent, d'après la Cour des comptes, faiblement attractives.
B. L'ORGANISATION DE MÉTÉO-FRANCE
S'agissant de l'organisation de l'établissement, la Cour des comptes met en lumière :
- des services insuffisamment hiérarchisés et une délocalisation inachevée, entraînant des redondances et des chevauchements de compétences ;
- une organisation territoriale qui mériterait d'être rationalisée, notamment eu égard à un échelon départemental dont l'existence n'est peut-être pas totalement justifiée.
C. LA GESTION DU PERSONNEL
La gestion du personnel fait l'objet des remarques suivantes :
- une organisation du travail non optimale, notamment en ce qui concerne le « service permanent » (travail posté 24h/24, 7j/7, jugé très coûteux pour l'établissement en sa forme actuelle) ;
- un mode de gestion des corps marqué par un égalitarisme poussé et hérité d'une période antérieure à la création de Météo-France ;
- une absence de gestion prévisionnelle des emplois ;
- des modalités de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail plus favorables que celles prévalant ordinairement dans la fonction publique de l'Etat ;
- un régime des rémunérations complémentaires irrégulier en raison de l'application de textes non publiés ou rétroactifs.
En définitive, la Cour des comptes critique la rigidité des charges de l'établissement, eu égard à son organisation et à la gestion de son personnel, qui subissent très largement l'inertie du passé ; la haute juridiction financière craint, par conséquent, que l'investissement ne soit la « variable d'ajustement », dans un contexte où les recettes commerciales sont affectées par un accroissement de la concurrence.
C. LES QUESTIONS FINANCIÈRES
La Cour des comptes pointe des « irrégularités comptables substantielles » qui constitueront autant d'obstacles à la certification des comptes de Météo - France par des commissaires aux comptes, ainsi que le prévoit la loi n° 2003-706 du 1 er août 2003 de sécurité financière.
S'agissant des comptes et du budget, la haute juridiction financière remarque :
- des anomalies comptables, relatives notamment au suivi de l'actif immobilisé ;
- l'absence de comptabilité analytique ;
- des charges sous-estimées (en raison des irrégularités comptables qui conduisent à minorer les dotations aux amortissements), et rigides ;
- une dégradation du résultat de l'établissement, se traduisant par une réduction des dépenses de fonctionnement et le report de certaines opérations d'investissement ;
- un contrôle de gestion de la commande publique qui a d'ores et déjà été amélioré mais mériterait encore d'être affiné.
III. LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances reconnaît très volontiers les performances techniques réalisées par Météo-France, ainsi que l'excellence des compétences mises en oeuvre par son personnel. Elle prend également en compte les observations de l'établissement, tendant à montrer que « Météo-France a contribué de façon significative à la maîtrise des dépenses publiques » dans la mesure où, d'une part, « les subventions versées par l'Etat à Météo-France ont progressé entre 1994 et 2003 de 7,8 % seulement pour une inflation constatée de 14,9 %, pendant que les dépenses de l'Etat progressaient sur la même période de 19,2 % » et dans la mesure où, d'autre part, « l'établissement a reversé à l'Etat en 2000, au titre des résultats dégagés sur les exercices antérieurs, 21 millions d'euros ».
Néanmoins, votre commission des finances estime que la Cour des comptes a révélé un certain nombre de dysfonctionnements bien réels dans l'organisation, la gestion et la comptabilité de l'établissement. Ces dysfonctionnements nécessitent des mesures de réforme, à engager rapidement . Il serait, notamment, souhaitable de clarifier l'organisation de l'établissement, tant sur un plan hiérarchique que territorial, d'assouplir et de rendre plus transparentes les règles de gestion des corps et du temps de travail et, enfin, de rectifier les comptes afin qu'ils puissent être certifiés.
Par ailleurs, votre commission des finances s'est intéressée aux objectifs et indicateurs du programme « Météorologie » de la mission « Transports » , mis en place pour l'application de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Or les indicateurs proposés pour ce programme, dont le responsable sera le président-directeur général de Météo-France, reflètent la priorité donnée par l'établissement à l'excellence du service sur la maîtrise des coûts. En effet, si le programme « Météorologie » comporte plusieurs indicateurs de qualité de service, au demeurant pertinents, il ne comporte pas, en revanche, d'indicateur d'efficience satisfaisant, et notamment pas d'indicateur du type « coût unitaire », qui permettrait de rapporter le service rendu à son coût.
Les objectifs et indicateurs du programme « météorologie » de la mission « transports »
Objectif n° 1 : Disposer du meilleur système de prévision météorologique à courte échéance sur l'Europe |
- Indicateur n° 1 : Comparaison des performances du modèle numérique Arpège de Météo-France aux autres modèles de prévision numérique du temps à l'échéance de 48 heures |
- Indicateur n° 2 : Taux de fiabilité des prévisions météorologiques publiées par Météo-France (bulletins départementaux, marine et routes). |
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Objectif n° 2 : Améliorer la prévention des risques d'origine météorologique |
- Indicateur n° 1 : Taux de pertinence de la procédure de vigilance météorologique et des bulletins marine de sécurité |
- Indicateur n° 2 : Taux de notoriété de la procédure de vigilance météorologique |
Objectif n° 3 : Développer les utilisations de la météorologie notamment par secteurs économiques (transports, collectivités locales, services, agriculture, BTP et industrie...) |
- Indicateur n° 1 : Taux de confiance et de satisfaction des usagers dans les prestations météorologiques. |
- Indicateur n° 2 : Nombre de clients par grands secteurs d'activité (transports, collectivités locales, agriculture, BTP, industrie, services...) et progression de la diffusion des données climatologiques. |
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- Indicateur n° 3 : Evolution des recettes propres de l'établissement. |
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Objectif n° 4 : Maintenir au niveau mondial, dans le domaine de la modélisation opérationnelle du temps et du changement climatique, le Centre national de recherche météorologique |
- Indicateur n° 1 : Nombre de publications de niveau international par les chercheurs de Météo-France |
- Indicateur n° 2 : Nombre de contrats de recherche, en tant que chef de file et en tant que partenaire associé. |
Par conséquent, votre commission des finances souhaite procéder d'ici un an à un bilan des mesures qui auront été prises par Météo-France et par sa tutelle, afin de donner suite à la communication réalisée par la Cour des comptes et qui figure au sein du présent rapport d'information.
Votre commission des finances souhaite également que les outils mis en place par la LOLF jouent, à l'avenir, pleinement le rôle qui devrait être le leur dans l'évaluation des performances de l'établissement et dans la mesure des progrès qui doivent être réalisés.
* 1 La subvention à Eumetsat transite par le budget de Météo-France. Elle est complétée par des crédits provenant des autres ressources de Météo-France. En 2003, la contribution totale à Eumetsat s'est ainsi élevée à 39,1 millions d'euros.