II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

La caractéristique principale de cette proposition de directive est son caractère transversal et presque universel. A de rares exceptions près, la Commission tente de résoudre le problème de la circulation de l'ensemble des services dans le marché intérieur, activités par nature complexes et hétérogènes, par un seul texte, alors même qu'il aura fallu de nombreuses dispositions communautaires en complément de la jurisprudence de la CJCE, pour unifier le marché intérieur des marchandises.

La proposition de directive sur les services traite, d'une part, de la liberté d'établissement et, d'autre part, de la libre circulation des services dans l'Union. Des appréciations différentes peuvent être portées sur ces deux volets.

A. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE VOLET « ÉTABLISSEMENT »

1. Une simplification bienvenue sous réserve des autorisations liées à l'intérêt général

Sur le volet « établissement », la proposition de directive comporte indéniablement des initiatives utiles, et des dispositions qui vont dans le bon sens, notamment en matière de simplification administrative. Un certain nombre de mesures ont d'ailleurs déjà été mises en oeuvre dans la législation française, par exemple la création d'un guichet unique. De même, la grande majorité des régimes d'autorisations français en matière d'établissement seraient conformes aux prescriptions de la directive.

Il est cependant nécessaire de s'interroger sur le champ des services concernés, et notamment l'inclusion des services d'intérêt économique général (SIEG), comme la santé ou le domaine médico-social, qui requièrent des précautions particulières. Des régimes d'autorisations spécifiques peuvent être nécessaires, et d'ailleurs la proposition de directive prévoit que des considérations liées à la santé publique peuvent être prises en compte.

À titre d'illustration, pour le secteur social et médico-social, il existe en France un régime d'autorisation territorialisé qui pourrait être remis en cause. Cela poserait des problèmes à l'État mais également aux collectivités territoriales, puisque les conseils généraux seront désormais responsables des schémas d'organisation des services sociaux et médico-sociaux.

De même, les organismes de logements sociaux ont fait valoir qu'ils étaient soumis à un régime d'autorisation et à des règles spécifiques destinées à prévenir les risques de défaillance de l'organisme bailleur, dispositions qui sont directement liées à leurs missions d'intérêt général.

En tout état de cause, les services d'intérêt économique général répondent à certaines obligations de service public exorbitantes de droit commun, qui sont notamment définies par des régimes spécifiques d'autorisations. Ces services ne devront pas être traités de la même manière que l'ensemble des services économiques.

2. Le rôle dévolu à la Commission européenne

D'une manière plus générale, l'attention devra se porter sur les trois principes énoncés par la proposition de directive pour qu'un régime d'autorisation soit valable, à savoir la non-discrimination, la nécessité (sauf raison impérieuse d'intérêt général), et la proportionnalité.

A ce titre, un point sur lequel il convient de s'interroger concerne le mécanisme de notification, qui donnera à la Commission le pouvoir de se prononcer sur la conformité de dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales au texte de la directive « services ». Elle serait amenée dans ce cas à interpréter par exemple la notion de « raison impérieuse d'intérêt général ». On peut se demander pourquoi la Commission européenne s'attribue un rôle presque préjudiciel alors même que la CJCE aura évidemment compétence pour sanctionner toute disposition juridique nationale contraire à la directive.

Enfin, les dispositions selon lesquelles l'absence de réponse de l'administration dans un délai raisonnable vaudrait octroi de l'autorisation , ce qui est contraire aux dispositions actuelles du droit français, devraient être examinées.

En conclusion, le volet de la proposition de directive consacré à la liberté d'établissement ne sera pas sans conséquences sur la législation et la réglementation françaises, notamment pour certaines autorisations ou formalités prévues pour des motifs d'intérêt général, par exemple en matière d'aménagement du territoire, de contrôle des prix, ou de protection de certaines activités économiques. Ainsi, dans un avis rendu le 19 janvier 2005, le Conseil économique et social a estimé que la proposition de directive remettait directement en cause les dispositions nationales en matière d'urbanisme commercial et de ventes à perte et soldes. Les trois critères définis dans la proposition de directive devront donc être examinés de manière très précise.

Cependant, compte tenu de l'ampleur de la directive, le groupe de travail a souhaité se concentrer sur l'un de ses aspects en particulier, à savoir le principe du pays d'origine, puisque c'est ce principe qui soulève le plus de questions.

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