B. PROMOUVOIR UNE AIDE DURABLE ET CIBLÉE

1. Maintenir la capacité de coordination sur la durée

Le tsunami pose clairement la question de la capacité de réaction et de coordination des structures administratives françaises dans les deux phases successives d'urgence humanitaire et d'urgence de la réhabilitation. Il est également nécessaire, considérant en particulier la générosité des Français, motivée par l'émotion immédiate devant le désastre et entretenue par la médiatisation, de préserver la continuité de l'effort d'aide sur le moyen terme.

Cette capacité de mobilisation de l'administration et de la population françaises comme de nos partenaires bailleurs, dans l'urgence et sur plusieurs années, pose un vrai défi pédagogique et politique , ainsi que l'a souligné le délégué interministériel à vos rapporteurs spéciaux. La délégation interministérielle constitue, à cet égard, une réponse pertinente, et témoigne, quoiqu'on en dise, de la réactivité dont sait parfois faire preuve l'administration d'Etat. L'existence de cette structure n'est pas limitée dans le temps et il est prévu qu'un rapport d'étape soit remis durant l'été. On peut néanmoins se poser la question de son éventuelle pérennisation , dès lors que seraient préservées la souplesse et la « légèreté » nécessaires à ce type de structure.

Au-delà de la coordination des interventions des opérateurs publics et privés, la rapidité d'action doit prévaloir dans le financement et la conduite des opérations de reconstruction. L'exemple du Kosovo est à cet égard éclairant , ainsi que votre rapporteur spécial Michel Charasse avait pu le constater sur place en février 2003. L'intervention conjointe de deux structures dont le fonctionnement est proche du secteur privé, l'AFD (impliquée dans 5 projets) et la Caisse des dépôts et consignations ( via la structure ad hoc Développement local Balkans, qui recueillait les fonds issus de la coopération décentralisée et a financé 37 opérations), a permis d'assurer le démarrage de plusieurs projets importants, tant sur le plan économique (route Pristina-Mitrovica) que symbolique (pont de Mitrovica), dans les six mois qui ont suivi le conflit 30 ( * ) . La réalisation des projets a parfois requis davantage de temps que prévu, en particulier la réfection de la route Pristina-Mitrovica, mais l'ensemble du dispositif a fonctionné sans dérogation majeure aux règles comptables et financières et dans des délais rapides, et les travaux réalisés se sont révélés satisfaisants. Une mission interministérielle 31 ( * ) avait également été mise en place dès juillet 1999, avec un objectif plus restreint d'implication des entreprises françaises dans la reconstruction du Kosovo.

L'implication de la France dans la reconstruction du Kosovo avait été facilitée par la situation particulière du protectorat international, sous l'égide de l'ONU (avec la MINUK) et de l'Union européenne, et l'octroi de zones géographiques d'intervention aux principales forces présentes. Ce cas de figure n'est naturellement pas transposable à la province d'Aceh, mais les principes d'une mobilisation internationale et concertée pour la reconstruction peuvent être retenus : la meilleure solution consiste à désigner une « nation-cadre » pour un secteur d'intervention ou une zone géographique .

2. Garantir l'attractivité et le ciblage des prêts de l'AFD

Vos rapporteurs spéciaux formulent enfin deux séries d'observations sur les modalités de mise en oeuvre des futurs concours de l'AFD :

- le risque que l'offre de prêt concessionnel se révèle insuffisamment compétitive au regard des financements proposés par la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement pourrait être atténué si la proposition française comportait un élément de don, même réduit (de l'ordre de 5 à 10 % du montant global), qui serait imputé sur le résultat net de l'Agence. Bien que l'Indonésie n'entre pas dans le champ des pays les moins avancés de la Zone de solidarité prioritaire, qui sont les destinataires exclusifs des dons de l'AFD, le cadre réglementaire de leur octroi pourrait être étendu aux pays affectés par une catastrophe naturelle ou un conflit ;

- les postes diplomatiques devront impérativement être impliqués dans le processus décisionnel et de sélection des projets , afin de prendre en compte leur connaissance des circonstances locales, dans des pays où l'AFD ne dispose pas d'agence locale (exceptée la Thaïlande) mais entend jouer un rôle croissant à moyen et long termes. Un comité consultatif des projets, associant le cas échéant la chambre de commerce et d'industrie locale, pourrait ainsi être institué dans chaque ambassade, dont l'avis serait nécessaire pour valider in fine les projets sélectionnés.

* 30 L'AFD a en particulier bénéficié, en tant qu'agent d'exécution, de crédits délégués par le ministère des finances selon un mandat de gestion technique dont les modalités ont été définies par une convention, signée le 30 décembre 1999 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le directeur général de l'AFD.

La rapidité de la mobilisation des crédits avait été confirmée par une dérogation exceptionnelle aux procédures de passation des marchés de gré à gré, autorisée par le département géographique compétent de l'AFD dans un document du 3 janvier 2000. Ce document précisait notamment qu'il s'agissait de « revenir à une procédure normale dès lors que la pression serait moins forte » et de « comparer les consultants autant que possible ».

* 31 La Mission interministérielle pour l'Europe du Sud-Est (MIESE), présidée par M. Roger Fauroux.

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