B. UNE PRÉSENCE DANS BIEN DES CAS ILLUSOIRE SUR LE LONG TERME
Ainsi qu'il a été souligné précédemment, la plupart des ONG ne cachent pas leur intention de participer aux opérations de reconstruction et de maintenir leur présence sur une période deux à cinq ans. Il s'agit tout aussi bien de faire valoir leurs compétences que de justifier l'utilisation des dons souvent abondants. Pour les associations qui ne sont pas représentées en Indonésie ou dans la sous-région, le tsunami constitue ainsi une « occasion » de trouver un point d'ancrage pérenne ou définitif dans le pays.
Les « humanitaires » bénéficient d'un visa de droit commun d'une durée d'un mois et renouvelable par période de deux semaines. Le maintien au-delà des trois mois de présence impartis par le gouvernement nécessite cependant d'obtenir un agrément auprès des autorités de Jakarta , et non plus seulement dans la province. Cette perspective suscite nombre d'interrogations et d'inquiétudes au sein des ONG, compte tenu de la difficulté à identifier les instances réellement décisionnaires, de la mauvaise réputation de l'administration et du flou entourant les intentions du pouvoir central. Certaines ONG, notamment celles qui disposent d'un bureau de représentation dans la capitale, tendent à anticiper les futures décisions en nouant des contacts étroits avec des partenaires indonésiens , telles la Croix-Rouge française avec PMI ou Médecins du Monde avec l'hôpital de Banda Aceh (un memorandum of understanding a été conclu), afin que des acteurs locaux ou des ministères défendent leur maintien contre les partisans de la fermeture.
Vos rapporteurs spéciaux considèrent qu'il est à la fois probable et souhaitable que les ONG habilitées à participer à la reconstruction fassent l'objet d'une « sélection » . Le responsable du BCAH a envisagé favorablement la perspective d'une réduction des autorisations d'accès des agents humanitaires étrangers à la province d'Aceh, bien que les incertitudes subsistent sur les critères qui seront mis en oeuvre. Néanmoins, la relative confiance affichée par les Nations-Unies s'explique sans doute par l'assurance d'un maintien et d'une liberté d'action qu'elles ont probablement reçue des autorités locales, non seulement pour leurs agences, mais également pour les ONG qui leur sont proches.
Cette « reprise de contrôle » aurait pour effet d'évincer les ONG manquant de professionnalisme, mais serait également dictée par des considérations de sécurité et des intérêts militaires , dans la mesure où l'armée indonésienne craint plus ou moins légitimement qu'une trop forte présence étrangère à Aceh, notamment médiatique, ne favorise des actions de déstabilisation susceptibles de créer une mobilisation internationale. Le précédent du Timor oriental en 1999 est à cet égard présent dans les esprits : trois occidentaux avaient trouvé la mort, suscitant un certain émoi. Les autorités avaient néanmoins fortement restreint l'accès des ONG et délivré des accréditations pour les transports de personnes et de matériel.
L'encadrement de l'action des ONG ne repose pas exclusivement sur les autorités locales, et l'ONU a, à cet égard, établi des recommandations tendant à établir des critères d'accessibilité aux ONG aux régions touchées par un séisme . Les intervenants devraient en particulier disposer d'une autonomie minimale de deux semaines et de leur propre interprète, ce qui exclut de facto les organisations les plus modestes. M. Michael Elmquist a fait part à vos rapporteurs spéciaux de son souhait de voir ces règles pérennisées et étendues à l'ensemble des catastrophes naturelles. Dans le cas présent, cela aurait notamment permis que l'armée française soit moins perçue comme un prestataire de services des ONG, financé par le contribuable... Lorsque ces moyens aériens ne seront plus disponibles ( a priori à partir du mois de mars), la question se pose de savoir si ces ONG auront accès aux hélicoptères de l'ONU ou de la TNI. Mais un certain nombre d'entre elles disposent vraisemblablement de fonds suffisants pour louer de tels appareils.