ANNEXES I A VIII.
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EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une séance tenue le mercredi 2 février 2005, la commission a examiné les actes du colloque « Vin, consommation, distribution : nouveaux enjeux, nouvelles opportunités ».
M. Gérard César, rapporteur, a tout d'abord indiqué que s'était tenu le 28 octobre dernier au Sénat, à l'initiative du groupe d'études sur l'économie agricole et alimentaire, un colloque sur le thème «Vin, consommation, distribution : nouveaux enjeux, nouvelles opportunités».
Ce colloque, a-t-il précisé, visait à faire le point avec les professionnels du secteur, les représentants des pouvoirs publics, mais aussi avec des entreprises et des particuliers, sur un certain nombre de questions abordées dans un rapport publié en 2002 par la commission des affaires économiques et, en particulier, sur la stratégie à adopter pour la viticulture française afin de répondre au défi de la demande et des marchés.
Il a rappelé que notre filière vitivinicole connaissait depuis quelques années des difficultés structurelles, puisque, si la France restait le premier producteur et le premier exportateur de vin à l'échelle mondiale, elle subissait à la fois la rude concurrence de nouveaux pays producteurs et une baisse continue de la consommation domestique.
Après avoir expliqué que la première partie du colloque était consacrée aux changements des modes de consommation et de distribution du vin, il a constaté que les intervenants avaient insisté sur le profil des nouveaux consommateurs. Jeunes, occasionnels, curieux, mais néophytes, ces consommateurs, a-t-il observé, recherchent des « vins faciles à acheter » et « faciles à boire » et aspirent aujourd'hui à une offre lisible, structurée notamment par des marques, à des produits d'une qualité constante et à un étiquetage donnant des informations simples.
Il a assuré que les vins français « d'excellence » ou « élitistes » gardaient leurs lettres de noblesse et leur marché, considérant, à cet égard, qu'il était nécessaire d'apporter aux consommateurs une réelle culture du vin, afin qu'ils puissent en apprécier toute la richesse et la complexité. Il a estimé que, dans tous les cas, il importait que ceux écoulant les vins sur le marché définissent leur « coeur de cible commercial », c'est-à-dire qu'ils déterminent les clients qu'ils souhaitent toucher et les attentes de ces derniers.
Puis il a rappelé qu'à l'occasion de la présentation d'une étude de l'Office national interprofessionnel des vins (ONIVINS) sur la restauration hors domicile, l'accent avait été mis sur la nécessité d'adapter les volumes servis aux nouvelles habitudes de consommation (vin au verre, bouteilles de petite taille), de modérer les prix pratiqués tout en garantissant une qualité correcte des vins proposés et, enfin, d'apporter une véritable formation sur le vin aux restaurateurs.
Il a noté que les représentants de la grande distribution, qui constitue aujourd'hui le principal circuit de vente du vin, avaient insisté sur l'aspiration des consommateurs à être aidés dans leurs choix, rappelant, par exemple, que l'interdiction de présenter ensemble, dans un même linéaire, des vins de pays et des vins à appellation d'origine contrôlée (AOC) produits dans une même région constituait un frein à la compréhension de l'offre. Il a ajouté que les distributeurs plaidaient également pour une meilleure entente au sein des différentes familles de vin en matière de communication et jugeaient notamment souhaitable, compte tenu du grand morcellement de la production, une concentration des opérations de promotion à l'échelle de grandes zones géographiques.
Enfin, abordant le tourisme vitivinicole, il a indiqué que, selon les propos d'un intervenant, un producteur pouvait espérer augmenter de 30 % son chiffre d'affaires en ouvrant sa cave aux visites. Il a indiqué que le colloque avait permis d'apprécier la réussite d'une Française installée en Afrique du Sud, qui avait choisi d'ouvrir son domaine aux touristes et de privilégier la vente sur place. Il a cependant souligné que promouvoir le tourisme vitivinicole, ce n'était pas seulement favoriser la « vente au caveau », mais également chercher à associer, dans les campagnes de communication, l'image d'un vin à celle d'une région ou au patrimoine local pour les mettre conjointement en valeur. Il a alors évoqué l'initiative originale de la cave coopérative de Limoux, qui organise, chaque année, une vente aux enchères pour financer la rénovation de clochers dans la région et faire connaître ses vins.
Puis M. Gérard César, rapporteur, a expliqué que la deuxième partie du colloque avait eu pour objet d'évaluer l'état d'avancement de la modernisation de la filière. Il a rappelé qu'après une introduction de l'ONIVINS portant sur la rénovation qualitative du vignoble, l'accent avait été mis sur les deux stratégies menées de front par la filière pour se moderniser.
La première stratégie, qui était au centre de la première table ronde de l'après-midi, consiste, a-t-il précisé, à renforcer la tradition d'authenticité des vins français, en faisant en sorte que les appellations d'origine contrôlée « tiennent leurs promesses ». Il a montré l'avancée des réformes dans ce domaine, à travers notamment la réécriture des décrets des appellations et le développement du contrôle des conditions de production. Il a considéré que des progrès devaient néanmoins encore être accomplis en ce qui concerne l'agrément, celui-ci ne devant plus seulement servir à garantir l'origine et l'authenticité, mais aussi la qualité des vins d'appellation. Il a noté, à cet égard, que l'agrément était délivré à un stade que d'aucuns considéraient comme trop éloigné de la commercialisation du produit fini. En outre, a-t-il poursuivi, les commissions de dégustation pourraient gagner à être élargies à d'autres acteurs, tels que des sommeliers ou des consommateurs. Enfin, il a souligné l'intérêt de développer une communication particulière sur la notion d'AOC, qui reste encore étrangère à de nombreux consommateurs, et a souhaité que la modification apportée à la loi Evin, à son initiative, dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux permette des progrès dans ce domaine.
Il a ensuite indiqué que les intervenants de la deuxième table ronde de l'après-midi s'étaient interrogés sur la mise en place d'un marketing de la demande, c'est-à-dire sur les réformes à conduire pour adapter aux attentes des consommateurs les vins français ne se positionnant pas sur le segment de l'authenticité. Cette deuxième stratégie pour la viticulture française, a-t-il fait valoir, doit s'inspirer des méthodes modernes utilisées par nos concurrents pour produire et commercialiser des vins courants de qualité régulière : assouplissement des règles relatives à l'utilisation de copeaux de bois, assemblage de différents millésimes, mise en avant du cépage. Il a considéré que ce segment du marché avait particulièrement vocation à être dynamisé par des marques, relevant toutefois que le développement de celles-ci impliquait une capacité à mobiliser des moyens financiers importants. Il a indiqué que la question de la création d'un « vin de France », réclamée depuis longtemps par le négoce, avait également été évoquée au cours de cette table ronde.
Il a, par ailleurs, rappelé que le secrétaire général de la Fédération espagnole du vin, M. Pau Roca, avait insisté sur le choix fait par l'Espagne de donner au vin -en tant qu'élément du régime alimentaire méditerranéen- un statut particulier le distinguant des autres boissons alcooliques et avait appelé les pays viticoles européens à s'unir afin de faire prévaloir une conception européenne du vin sur le marché mondial.
Enfin, après avoir relevé que M. Hervé Gaymard, alors ministre en charge de l'agriculture, avait notamment évoqué, dans son discours de clôture, la réorganisation de l'offre française de vin et les adaptations souhaitables pour l'organisation commune de marché vitivinicole, il a expliqué que son rapport retranscrivait fidèlement les propos tenus par les différents intervenants au cours du colloque, chacun d'eux ayant donné son accord à la rédaction retenue.
Après avoir félicité le rapporteur de son compte rendu, M. Jean Bizet a fait savoir que les conclusions des travaux qu'il a conduits dans le cadre d'une mission auprès du Premier ministre sur le thème de la protection des indications géographiques agroalimentaires à l'échelle mondiale seraient publiées prochainement. Il a affirmé partager le diagnostic de M. René Renou, président du comité national des vins et eaux-de-vie de l'Institut national des appellations d'origine (INAO) s'agissant du trop grand nombre d'appellations vitivinicoles en France et de l'insuffisante qualité de certains vins. Il s'est déclaré favorable au schéma de réforme proposé par ce dernier, qui combine un renforcement des exigences s'imposant aux vins sous appellation d'origine, notamment par la création d'une nouvelle catégorie « AOC d'excellence » et un assouplissement de la réglementation applicable aux vins de pays. Enfin, il a estimé qu'il ne fallait plus compter sur la consommation domestique pour absorber les excédents de vin français, mais miser davantage sur l'exportation.
Mettant en doute la garantie qualitative apportée par les AOC, M. René Beaumont a fait observer qu'une même appellation recouvrait bien souvent des vins de qualité très inégale, obligeant les producteurs à recourir à d'autres éléments distinctifs, comme les marques.
Ayant pris acte des avancées législatives récemment enregistrées dans ce domaine, M. Dominique Mortemousque a estimé que les viticulteurs devaient être autorisés à communiquer sur les caractéristiques de leurs produits. Il a également jugé souhaitable une meilleure mutualisation des moyens en matière de communication.
M. Jean Desessard s'est interrogé sur la notion de « vins faciles à boire ».
M. Jean-Marc Pastor s'est élevé contre une remise en cause excessive du régime des AOC, considérant que sans les efforts qualitatifs accomplis dans ce cadre, les vins français seraient aujourd'hui dans une situation encore plus difficile.
Mme Odette Herviaux a estimé que, compte tenu de l'évolution des exigences des consommateurs et des pratiques agricoles, une révision des cahiers des charges s'imposait non seulement pour les AOC, mais pour l'ensemble des signes de qualité.
Faisant valoir les efforts accomplis par les producteurs dans le cadre des AOC et le caractère déjà contraignant des normes en vigueur, M. Gérard Bailly a mis en garde contre un renforcement des exigences dans ce domaine. Il s'est déclaré attaché à la notion d'AOC, dans le domaine du vin mais aussi pour d'autres productions agricoles tel le fromage, sur laquelle, a-t-il insisté, de nombreux terroirs ou régions ont fondé leur notoriété.
Admettant que les dérives qualitatives ne concernaient qu'une minorité d'appellations, M. Jean Bizet a fait observer que le renforcement des exigences imposées aux AOC permettait d'éviter la banalisation des produits et, par conséquent, limitait les risques de concurrence à l'échelle internationale.
M. Gérard César, rapporteur, a rappelé que ce colloque faisait suite à un premier colloque sur le vin organisé au Sénat en novembre 2002 et qu'il était souhaitable de reconduire ce type de manifestation tous les deux ans. En réponse à ses collègues, il a tout d'abord rendu hommage au projet de réforme de l'INAO, soulignant que si celui-ci n'avait pas été entièrement soutenu par la filière, notamment s'agissant de la création « d'AOC d'excellence », il avait néanmoins contribué à une prise de conscience des efforts à accomplir. Il a insisté sur la nécessité de conforter les AOC et de mieux les protéger au niveau mondial. Il a, en outre, rappelé que la baisse de la consommation de vin en France, revenue de 110 litres par an et par habitant dans les années 1960 à 55 litres aujourd'hui, s'expliquait principalement par la progression de la consommation occasionnelle au détriment de la consommation régulière. Après avoir annoncé la mise en place prochaine d'un conseil de la modération, conformément aux propositions du Livre blanc sur la viticulture française remis au Premier ministre en juillet 2004, il a précisé qu'un vin « facile à boire » était un vin rond, fruité, au goût simple, à l'image des vins de cépage. Enfin, il s'est félicité que l'INAO ait choisi de célébrer au Sénat, à l'automne prochain, le soixante-dixième anniversaire de sa création.
Par ailleurs, M. Louis Gruillot a fait savoir au rapporteur qu'il considérait comme inévitables les différences entre les vins produits sous une même appellation d'origine, ces différences tenant aux nuances existant entre les parcelles d'un même terroir ou à des facteurs humains. Confortant les propos de son collègue, M. Henri Revol en a déduit qu'il était indispensable que les viticulteurs puissent communiquer sur les caractéristiques de leurs produits.
Après avoir remercié le rapporteur, M. Jean-Paul Emorine, président, a invité M. Jean Bizet à présenter à la commission les conclusions de ses travaux sur la protection des indications géographiques, une fois son rapport publié, et ce dernier a donné son accord.
Puis la commission a adopté le rapport de M. Gérard César à l'unanimité, et en a autorisé la publication.