II. L'ACTION CULTURELLE

En 1997, M. Xavier North, actuel délégué général à la langue française et aux langues de France soulignait déjà, dans son remarquable article intitulé portrait du diplomate en jardinier 56 ( * ) , un curieux paradoxe : « Si l'Etat a quelque titre à faire valoir l'importance de l'effort qu'il consent pour entretenir un vaste dispositif de présence culturelle hors de ses frontières, il se pourrait que l'autosatisfaction soit ici inversement proportionnelle aux résultats obtenus. C'est au moment où le dispositif est le plus vaste, et l'effort en francs courants le plus considérable, que le sentiment d'un déclin est le plus fort. Jamais on n'a autant parlé publiquement de "rayonnement" au dehors ; jamais aussi le "message" français n'aura été moins audible qu'aujourd'hui ».

Conscient de cet état de fait, votre rapporteur s'est intéressé aux pratiques des différentes structures en charge de la conception et de la réalisation de notre politique culturelle extérieure afin de déterminer les voies et moyens d'une meilleure gestion de la ressource publique.

A. LES ACTEURS DE L'ACTION CULTURELLE

Contrairement à la plupart des politiques publiques, mises en oeuvre par une seule et même administration, notre action culturelle extérieure est le fait de structures aux statuts hétérogènes et aux missions complémentaires : prennent part en effet à la diffusion de notre culture à l'étranger non seulement des personnes publiques mais aussi des « opérateurs » de droit privé.

1. Une action largement déterminée par le ministère des affaires étrangères

« La culture est au coeur de l'action du ministère des affaires étrangères. (...) Je considère que si le centre de la politique étrangère est diplomatique, politique et stratégique, ses dimensions économiques et culturelles sont également déterminantes. Cela forme un tout » 57 ( * ) . Tirées d'un entretien accordé par M. Hubert Vedrine, alors ministre des affaires étrangères, à Beaux-arts Magazine, ces phrases permettent d'éclairer le néophyte tant sur la conception française de la diplomatie que sur le rôle cardinal joué par le ministère des affaires étrangères en matière d'action culturelle extérieure.

En dépit du poids de la tradition et des prétentions monopolistiques du ministère des affaires étrangères, le ministère de la culture et de la communication a lui aussi développé une certaine expertise en matière internationale. Encore modeste et toujours « en creux » de celle développée par le ministère des affaires étrangères, celle-ci pourrait prendre une nouvelle dimension suite à l'intégration du département des affaires européennes et internationales au sein de la nouvelle délégation au développement et aux affaires internationales.

a) Le rôle prépondérant du ministère des affaires étrangères

Chasse gardée historique du ministère des affaires étrangères, l'action culturelle extérieure est aujourd'hui largement déterminée par ou sous le contrôle de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID).

(1) Le ministère des affaires étrangères

Depuis un arrêté du 22 messidor an VIII - « qui est à la diplomatie ce que le droit divin était à la noblesse » selon la judicieuse expression de Xavier North 58 ( * ) - réservant l'exclusivité des rapports avec l'étranger au Département des relations extérieures 59 ( * ) , le ministère des affaires étrangères revendique une compétence quasi-exclusive en matière de politique culturelle extérieure.

A cet égard, aucune des tentatives ayant pour objet de déposséder celui-ci de tout ou partie de la conduite des relations culturelles internationales de la France n'a abouti. Menées par certains ministres de la culture au nom de la primauté du culturel sur l'international dans ce domaine, elles se sont généralement heurtées au refus du chef du gouvernement. Dans ses Mémoires, M. Michel Debré explique ainsi les raisons qui l'ont conduit à refuser à M. André Malraux le transfert de la direction des affaires culturelles du Quai d'Orsay au nouveau ministère des affaires culturelles : « Je n'ai pas voulu céder à sa demande (...) car il me paraît indispensable de conserver l'unité de notre action à l'étranger. » Celui-ci ajoutait, non sans une pointe de perfidie : « Son génie n'a pas besoin de ces services pour affirmer la présence culturelle de la France hors de nos frontières ! ».

Un demi siècle plus tard, force est de constater que l'unité de notre action à l'étranger a été efficacement préservée ! En 2004, comme l'indique le tableau ci-dessous, le ministère des affaires étrangères a en effet pris en charge plus de 80 % (soit 1 100 millions d'euros) des 1 366 millions d'euros 60 ( * ) consacrés à l'action culturelle extérieure, loin devant les ministères de l'éducation nationale (8,6 % du total), de l'équipement (3,4 %) et de la culture (2,3 %).

(en millions d'euros)

Ministères

Dépenses engagées

Affaires étrangères

1 100,02

Culture et communication

31,48

Education nationale

118,91

Equipement, transports et logement

46,40

Jeunesse et sports

1,99

Totaux dépenses civiles

1 298,80

Le rôle cardinal joué par le ministère des affaires étrangères en matière d'action culturelle extérieure se traduit également en terme d'emplois. Comme le rappelle M. Alain Lombard, le Département est pratiquement « le seul à disposer d'un réseau d'agents à l'étranger entièrement dédié aux relations culturelles internationales, contrairement à ce qui se passe dans les domaines militaires, économiques, financiers ou agricoles, où les ministères compétents disposent de leur propres agents à l'étranger, sous la responsabilité souvent plus théorique que réelle des ambassadeurs ». Au 1 er mars 2004, le ministère employait ainsi 3 848 agents dans son réseau de coopération et d'action culturelle.

TOTAL DES PERSONNELS DE COOPÉRATION ET D'ACTION CULTURELLE

 

Contractuels

Titulaires rémunérés MAE

Détachés administratifs

Total civils

VI

Total général

Personnels de titre III

 
 
 
 
 
 

Instituts à autonomie financière

134

359

257

750

135

885

Services scientifiques - Services culturels

164

375

 

539

194

733

Total Titre III

298

734

257

1 289

329

1 618

Personnels de titre IV

 
 
 
 
 
 

Alliances françaises

76

177

 

253

72

325

Assistants techniques

610

847

 

1 457

429

1 886

Total Titre IV

686

1 024

 

1 710

501

2 211

Total Titres III et IV

974

1 758

257

2 099

830

3 829

(2) La direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID)

Issue de la fusion de l'ancienne direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques (DGRCST) du ministère des affaires étrangères et de la direction du développement du ministère de la coopération, la DGCID est le « bras armé » du ministère des affaires étrangères en matière d'action culturelle et artistique.

Et quel bras ! Non seulement cette direction générale gère la quasi-totalité des interventions du ministère des affaires étrangères en matière de relations culturelles extérieures et exerce la tutelle sur tous les opérateurs intervenant dans ce domaine, mais elle détient également une compétence élargie en matière de coopération scientifique et technique. L'encadré ci-après permet de constater l'étendue de ses missions.

Direction la plus importante du ministère tant en termes budgétaires (près de 2,2 milliards d'euros au titre du projet de loi de finances pour 2005 soit pratiquement 50 % du budget du ministère) qu'en termes de personnels (elle compte près de 600 agents sur Paris et en gère dix fois plus à travers le monde), la DGCID se compose de quatre directions verticales (direction de la coopération culturelle et du français, direction de l'audiovisuel extérieur et des techniques de communication, direction de la coopération scientifique, universitaire et de la recherche et direction du développement et de la coopération technique) et de deux services transversaux (le service de la coordination géographique et le service de la stratégie, des moyens et de l'évaluation).

LES GRANDS AXES D'INTERVENTION DE LA DGCID

Concevoir et mettre en oeuvre l'aide publique française au développement

• Participer à la définition et à l'enrichissement des concepts

• Élaborer des cadres d'action

• Alléger la dette des pays pauvres très endettés

• Contribuer à la lutte contre les grandes endémies : Fonds mondial Sida, Tuberculose, Paludisme

• Gérer l'aide-projet bilatérale au titre du Fonds de solidarité prioritaire

Favoriser la recherche et la formation des élites

• Développer les partenariats scientifiques tant dans l'espace européen qu'avec les communautés scientifiques des pays émergents et du Sud

• Valoriser le patrimoine : plus de 60 missions archéologiques françaises, coopération muséale

• Renforcer les capacités de recherche en sciences humaines et sociales de ses 28 Centres et Instituts de recherche dans le monde

• Favoriser l'accueil de plus de 195 000 étudiants étrangers en France

• Encourager l'exportation des formations et la diversification des partenariats universitaires

Promouvoir la pensée française

• Favoriser l'usage du français dans le monde

• Appuyer le multilinguisme en Europe

• Contribuer au développement culturel

• Faire entendre la voix de la France dans le débat mondial des idées

• Diffuser la création contemporaine française

• Poursuivre la modernisation de son réseau d'établissements culturels et scolaires

• Développer les échanges de jeunes

Renforcer la présence française dans le paysage audiovisuel mondial

• Contribuer à la diffusion de programmes français et en français de télévision et de radio

• Soutenir l'exportation de programmes télévisuels

• Assurer la promotion de films français à l'étranger

• Favoriser l'exportation du disque français

• Aider à la production et à la diffusion de productions audiovisuelles du Sud

• Contribuer à la lutte contre la fracture numérique

• Participer aux réflexions et négociations internationales sur la société mondiale de l'information

Votre rapporteur regrette toutefois que la création du nouvel ensemble ne permette pas d'identifier plus aisément les moyens alloués à l'action culturelle extérieure.

Le regroupement, effectué en 1999 dans le cadre du rapprochement entre les ministères des affaires étrangères et de la coopération, des actions culturelles et du développement au sein de la DGCID, s'est en effet accompagné d'un regroupement analogue au sein de la nomenclature budgétaire rendant très opaque la lecture du « bleu » consacré au sujet. Ainsi, l'article 42-15 : « Coopération internationale et développement », regroupe désormais des sommes auparavant distinctement affectées aux actions culturelles et aux actions de développement. Aux financements contenus dans l'article 42-15 s'ajoutent ceux affectés au Fonds de Solidarité Prioritaire qui comporte, de façon croissance, des actions de développement culturel.

Comme pouvait le laisser présager la disparition du terme « culture » dans l'intitulé de la direction générale, la DGCID considère que le développement culturel est indissociable des actions générales d'appui au développement des 54 pays intégrés dans la Zone de Solidarité Prioritaire (ZSP). On peut regretter ce choix tant devraient être animées de philosophies différentes -et par conséquent pourvues d'outils spécialisés- l'aide au développement, d'une part, et la diffusion de notre culture à l'étranger, d'autre part. De fait, en ne tenant compte ni de l'enseignement français à l'étranger, ni de l'audiovisuel extérieur, ni des différentes actions de coopération, le total des crédits consacrés par le ministère des affaires étrangères à la promotion directe de la culture française à l'étranger est inférieur à 200 millions d'euros.

VENTILATION DES CRÉDITS
DE LA DIRECTION DE LA COOPÉRATION CULTURELLE ET DU FRANÇAIS

Secteur

Titre IV

Titre III

Total

Régulation

Définitif

AEFE

 

338 115

338 115

 

338 115

Personnels Alliances françaises

28 239

 

28 239

 

28 239

Coopération culturelle et artistique

67 902

44 228

112 130

9 048

103 082

DCCF

53 959

 

53 959

2 547

51 412

Total DCCF

150 099

382 343

532 442

11 594

520 848

b) Le rôle du ministère de la culture et de la communication

Le ministère de la culture et de la communication, bien que promoteur des contenus essentiels de notre action culturelle extérieure, s'est longtemps contenté de développer ses compétences au niveau national. Comme toute structure administrative nouvellement créée, il s'est ainsi concentré sur l'exécution de ses missions premières, en respectant le monopole de fait du ministère des affaires étrangères en matière d'action culturelle extérieure.

Depuis lors, à l'image des établissements publics les plus prestigieux dont il assure la tutelle (le Louvre, la Bibliothèque nationale de France...), il a développé une politique internationale qui reste néanmoins cantonnée aux domaines délaissés par les services du ministère des affaires étrangères.

(1) Un rôle longtemps marginal

Jusqu'au début des années 1980, le ministère de la culture n'a joué qu'un rôle marginal en matière d'action culturelle extérieure. En dépit des personnalités de renom qui ont pu occuper le poste de ministre de la culture, aucune d'entre elle n'a, semble-t-il, voulu ou pu contester le monopole du ministère des affaires étrangères.

Cette situation est en fait étroitement liée aux missions attribuées initialement à la nouvelle structure. En effet, de 1959 date de sa création, à 1982, les tâches principales imparties au ministère des affaires culturelles n'ont eu qu'un lointain rapport avec l'action internationale : il s'agissait simplement de « rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit qui l'enrichissent . »

Deux domaines ont néanmoins échappé à cette règle : le livre et le cinéma. La direction du livre, formée en 1975 à partir de services épars, a dès l'origine été dotée de la compétence relative à l'exportation de la production littéraire française. De même, le Centre national du cinéma (CNC), a, dès sa création par la loi du 25 octobre 1946, été pourvu d'un service international.

(2) Une importance croissante

Sous l'impulsion de M. Jack Lang notamment, le ministère de la culture s'est cependant progressivement doté de services dédiés à l'action culturelle extérieure. Alors qu'essaiment dans chacune des directions du ministère des cellules consacrées à l'action internationale, celui-ci se dote en 1982 d'un service des affaires internationales rebaptisé en 1986 département des affaires internationales, complété l'année suivante par une mission des affaires européennes.

Il faut toutefois attendre le décret du 18 août 2004 pour que soit consolidée la place du département des affaires internationales. Jusqu'alors rattaché directement au cabinet du ministre, il compte désormais parmi les six structures transversales qui composent la nouvelle délégation au développement et aux affaires internationales (DDAI). Aux termes du premier alinéa de l'article 10 du décret précité, cette délégation « coordonne et évalue les politiques européenne et internationale du ministère chargé de la culture. En liaison avec les autres administrations concernées, elle met en oeuvre les actions destinées à assurer le rayonnement dans le monde de la culture française et contribue à l'activité des services et organisations français à l'étranger oeuvrant dans le domaine de l'action culturelle extérieure . »

Votre rapporteur estime que cette restructuration est d'autant plus importante que le ministère de la culture, principal promoteur de l'action culturelle de notre pays, « détient » l'ensemble des « contenus » qui doivent être mis en valeur à l'échelle internationale. Ce ministère a donc une importance cardinale pour notre politique culturelle extérieure que sa position quelque peu effacée dans notre dispositif, qui privilégie pour le moment les rapports de force bien plus que les complémentarités, ne traduit pas toujours.

Le département des affaires européennes et internationales a quatre missions principales :

- coordonner et conduire l'ensemble des activités du ministère chargé de la culture en matière de coopération bilatérale et multilatérale avec l'étranger ;

- élaborer la stratégie européenne du ministère et le représenter auprès des institutions de l'Union européenne ;

- développer la politique d'accueil des artistes et des cultures étrangères en France et favoriser la mise en oeuvre de programmes de formation et d'expertise au profit des professionnels de la culture étrangers ;

- mettre en oeuvre, conjointement avec les ministères concernés, les actions destinées à assurer le rayonnement dans le monde de la culture française, de la création artistique française, de la francophonie et à promouvoir les industries culturelles et audiovisuelles françaises à l'étranger.

L'ACTION DU DÉPARTEMENT
DES AFFAIRES EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES
EN FAVEUR DU SOUTIEN DES INDUSTRIES CULTURELLES FRANÇAISES

Les industries musicales

Le département des affaires européennes et internationales participe au soutien des industries musicales (Bureau export de la musique française, Bureau Européen de la Musique , Francophonie diffusion , Bureaux de la musique de Berlin et de Londres, French Music Office de Los Angeles, Francofolies de Montréal et de Buenos Aires, Fête européenne de la musique , Journée France influence organisée dans le cadre du MIDEM et destinée à sensibiliser les professionnels du disque aux enjeux de l'export).

Le bilan des quatre dernières années et les perspectives de développement qui s'ensuivent -impact accru des musiques françaises dans différents pays du monde, production discographique en augmentation, création du bureau de la musique française à Londres en 1999, création d'antennes du Bureau export de la musique française à l'étranger- démontrent que cette stratégie a porté ses fruits.

L'architecture

En liaison avec la direction de l'architecture et du patrimoine, le département des affaires européennes et internationales apporte son appui à l'organisation d'ateliers professionnels de l' AFEX (architectes français à l'export) sur l'export, de séminaires bilatéraux sur l'architecture, au Forum européen des politiques architecturales, à la formalisation de réseaux européens, à des manifestations internationales à l'étranger ou encore à la tenue de conférences et de colloques.

Les nouvelles technologies de l'information

Le département des affaires européennes et internationales contribue, avec les directions concernées du ministère, à la valorisation du savoir-faire français et au développement de la coopération internationale dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et du multimédia : participation à des groupes de travail bilatéraux et aux projets européens de numérisation de données patrimoniales, organisation de rencontres professionnelles, participation à des projets portant sur les contenus francophones.

Le cinéma, l'audiovisuel et l'édition

Le département des affaires européennes et internationales coordonne l'action des structures concernées (notamment le Centre National de la Cinématographie et le Centre National du Livre ) à l'étranger et dans les instances multilatérales.

2. Un véritable atout : notre réseau culturel

A l'image de nos voisins allemands et britanniques (voir encadré), notre pays s'est doté d'un réseau dense et diversifié chargé de promouvoir notre culture et nos valeurs à travers le monde. Trop souvent assimilé aux seuls centres et instituts culturels français implantés à travers le monde, il se compose également des services culturels localisés au sein même de notre dispositif diplomatique et du réseau des Alliances françaises.

PRÉSENTATION SOMMAIRE DES RÉSEAUX CULTURELS
ALLEMANDS ET BRITANNIQUES

Le Goethe Institut en Allemagne

Créé en 1932, la forme actuelle du Goethe Institut date toutefois de l'accord-cadre signé entre l'institution et la République fédérale le 30 juin 1976. Ce sont des établissements publics dotés de l'autonomie financière définissant eux-mêmes leur action : celle-ci peut donc être plus nuancée, plus diversifiée et plus critique qu'une action menée directement par le gouvernement. Ces instituts sont néanmoins associés à l'instrument diplomatique : ceux installés à l'étranger sont en effet subventionnés par le ministère des affaires étrangères tandis que ceux implantés sur le territoire national doivent s'autofinancer grâce aux droits d'inscription et aux cours de langues.

Le Goethe Institut et ses 127 centres installés dans 76 pays, dont 18 en Allemagne, se charge de la collaboration avec les administrations scolaires et universitaires ainsi qu'avec les institutions et les enseignants à l'étranger, de l'aide à la formation des professeurs d'allemand étrangers ; de l'élaboration et de la mise au point de méthodes et matériels d'enseignement et de l'attribution de bourses d'études pour l'enseignement de la langue allemande.

Il a par ailleurs en charge la promotion des échanges culturels internationaux par l'organisation de manifestations culturelles à l'étranger, la mise à disposition des pays étrangers d'informations sur la vie culturelle allemande, l'aide et le conseil aux hôtes étrangers avant et après leur séjour en Allemagne, ainsi que par toute autre forme de participation à la collaboration et aux échanges avec les institutions culturelles dans les pays étrangers après accord du ministère des affaires étrangères.

Le British Council en Grande-Bretagne

Créé en 1934 et enregistré comme « charity »  - statut proche de celui défini par notre loi de 1901 - le British Council est régi par une Charte Royale datant de 1940 et une Charte supplémentaire de 1993.

Ses 228 représentations à l'étranger, implantées dans 109 pays, ont pour vocation de promouvoir la coopération linguistique (l'enseignement de la langue anglaise constituant de fait sa mission principale), culturelle, scientifique et technique entre la Grande-Bretagne et les autres pays, afin de développer des partenariats à long terme dans l'ensemble du monde. Il demeure la principale agence pour les relations culturelles britanniques et fait partie intégrante de la mission diplomatique et de coopération du Royaume-Uni.

a) Les services culturels

Notre réseau culturel est d'abord marqué par la figure du conseiller culturel. Nommé dans les ambassades depuis 1949, ce collaborateur direct de l'ambassadeur est investi d'une double mission :

- assurer la direction et la coordination de l'ensemble des services et établissements culturels placés sous son autorité ;

- définir et répartir les moyens nécessaires à la conduite de leurs actions respectives.

L'organisation des services dépendants du conseiller culturel est fonction de l'importance du poste. Dans les plus modestes d'entre eux, un seul collaborateur de l'ambassadeur, portant généralement le titre d'attaché de coopération et d'action culturelle, gère non seulement la coopération culturelle et éducative mais aussi la coopération scientifique, technique, sociale, juridique, médicale....

Concernant les postes les plus importants, il convient de faire une mention spéciale pour les plus prestigieux d'entre eux (Londres, Rome, Berlin, Tokyo, Washington). Dans ce cas en effet, le conseiller culturel peut diriger un service composé d'une centaine d'agents dédié uniquement aux actions culturelles, éducatives et linguistiques, les actions scientifiques et techniques dépendant quant à elles d'un autre conseiller. Toutefois, dans la plupart des cas, le chef du poste culturel gère l'ensemble de ces fonctions au sein d'une même structure intitulée service de coopération et d'action culturelle (SCAC).

UN EXEMPLE D'ORGANISATION

ORGANIGRAMME DU SERVICE DE
COOPÉRATION ET D'ACTION CULTURELLE (SCAC)
DE L'AMBASSADE DE FRANCE À ALGER

Conseiller de coopération et d'action culturelle,
Chef de service,
Directeur de l'Office Universitaire et Culturel Français pour l'Algérie

Attaché de coopération universitaire,
et secteurs de la recherche scientifique et de la santé,
Adjoint au Chef de service

Attaché de coopération technique

Attaché de coopération éducative

Attaché de coopération pour le français

Attaché culturel

Attaché de coopération institutionnelle et administrative,
et secteur de la jeunesse et du sport

Chargée de mission, audiovisuel, presse écrite et cinéma
et information universitaire, scientifique et technique

Chargée de mission, secteurs de la société civile,
de la vie associative et de la coopération décentralisée

Chargé de mission, coopération universitaire

b) Les établissements culturels

Le « coeur » de notre réseau d'action culturelle se compose toutefois de nos 148 établissements culturels répartis dans 91 pays à travers le monde. Créés par arrêté interministériel et ne possédant pas la personnalité morale, ces centres et ces instituts (et leurs 68 annexes) sont des services extérieurs du ministère des affaires étrangères dotés de l'autonomie financière.

Comme le rappelle M. Marc Fumaroli 61 ( * ) dans « l'Etat culturel », ce réseau « fut d'abord un rêve d'intellectuels, s'éprenant d'un Etat fort, l'image inversée de la III e République jugée aboulique et divisée. Ce fut ensuite une compensation officielle à la défaite de 1940, puis à la retraite de l'Empire, et un rempart fictif contre la contagion des moeurs et des loisirs américains. »

Emanant le plus souvent d'universités, les premiers instituts culturels étaient en effet des structures permanentes destinées à permettre aux étudiants et aux chercheurs français de loger sur place, la diffusion de notre culture aux pays d'accueil n'étant qu'une mission annexe : les établissements ouverts à Barcelone et à Naples en 1919, à Zagreb en 1924, à Amsterdam en 1933 et à Stockholm et Lisbonne en 1937 procèdent de cette démarche.

Les établissements dits « de seconde génération » se sont multipliés quant à eux dès la fin de la seconde guerre mondiale. Plus précisément, dans la droite ligne du discours prononcé par le général de Gaulle à Alger le 30 octobre 1943 62 ( * ) , des dizaines d'instituts ont été créés afin de diffuser la langue et la civilisation françaises à l'étranger. A ce propos, M. Xavier North fait observer que « L'action culturelle extérieure est alors chargée de faire oublier les avanies de l'histoire, ou plus simplement (et plus cyniquement) de faire illusion, la réaffirmation de la France comme grande puissance dans le domaine de la "pensée" ou des arts masquant (mais pour combien de temps ?) ses reculades économiques ou politiques: puisqu'on ne brille plus vraiment, disons que l'on brille. »

Les établissements culturels remplissent traditionnellement trois missions principales.

La première d'entre elles consiste à assurer l'enseignement du français . Aux termes de l'arrêté du 30 avril 1999, les établissements sont en effet chargés de contribuer « à l'emploi de la langue française par l'apport de méthodes, d'instruments et d'expertise appropriés ». Cette fonction occupe souvent la plus grande partie des locaux et des personnels, et la taille d'un institut est couramment appréciée par le nombre d'élèves inscrits aux cours de langue. Les cours proposés sont généralement des cours généralistes mais certains instituts s'efforcent de développer des cours en direction de publics spécialisés (chefs d'entreprise, hauts fonctionnaires, responsables politiques). Les centres ne délivrent eux-mêmes aucun diplôme mais préparent au diplôme d'études en langue française (DELF) et au diplôme approfondi de langue française (DALF) destinés aux personnes de nationalité étrangère et délivrés par le ministère français de l'éducation nationale.

Les établissements culturels sont ensuite chargés de la diffusion et de la programmation culturelle . M. Yves Dauge faisait remarquer dans son « plaidoyer pour le réseau culturel français à l'étranger » 63 ( * ) combien variait l'importance de cette mission selon les pays « Nous avons eu l'occasion d'apprécier, lors de nos divers déplacements en Afrique francophone, le rôle primordial assuré par les centres culturels français dans les pays francophones à faibles revenus, en tant qu'animateur de la vie culturelle locale et découvreurs de talents. (...) La tâche est plus compliquée dans d'autres pays. C'est le cas de manière générale dans la plupart des pays développés où les événements culturels de l'institut français entrent en concurrence avec des centaines d'autres, mais c'est le cas également d'autres pays -comme la Chine- où il n'existe a priori qu'une faible appétence pour découvrir la culture française. »

Les centres culturels sont enfin chargés d'assurer la fourniture de documentation et d'informations sur la France. Un programme de modernisation et de dynamisation des bibliothèques des établissements culturels français et des Alliances françaises à l'étranger a ainsi été lancé en 1995, afin de pouvoir mettre en place de véritables « centres de ressources documentaires sur la France contemporaine ». La mission de ces centres est de répondre concrètement aux demandes d'information de toute nature dans les domaines pratiques, éducatifs, artistiques, scientifiques, techniques, touristiques... Elle est aussi de promouvoir une image plus moderne de notre pays en mettant en valeur les pôles d'excellence de la France, en tâchant de lutter contre les clichés et les idées reçues. Pour cela, les bibliothèques ont été appelées à être transformées en médiathèques, incluant tous les supports de la communication culturelle actuelle : imprimés, audiovisuels, numériques et télématiques.

LE CENTRE CULTUREL FRANÇAIS « GEORGES MÉLIÈS »
DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO)

Créé en 1963, le Centre culturel français de Ouagadougou prend le nom de « Georges Méliès » en 1985, en hommage au génial pionnier de l'histoire du cinéma français.

Pour remplir ses missions, le Centre s'appuie sur des équipements particulièrement performants :

- la salle du Grand Méliès, théâtre en plein air de 460 places, dotée de tous les équipements scéniques capables d'accueillir les spectacles les plus complexes. Elle est équipée d'un projecteur cinéma 35 mm ;

- le Petit Méliès, salle climatisée de 200 places dédiée au cinéma (35 mm, 16 mm, vidéo projection), mais aussi aux petits spectacles et aux conférences ;

- la Rotonde, salle d'exposition, circulaire de 350 m² ;

- la bibliothèque : une section « adulte » proposant 28 000 ouvrages sur tout sujet, avec un « fonds burkinabé » riche de 1 500 références et un espace « presse et périodiques » fort de 85 abonnements et une section « enfant » comprenant 7 450 ouvrages ;

- la Cafétéria : lieu convivial de rencontres et d'échanges, avant et après les spectacles. Lieu de rendez vous du monde artistique burkinabé.

c) Les Alliances françaises

Afin d'établir une radiographie exhaustive de notre dispositif d'action culturelle à l'étranger, votre rapporteur évoquera enfin le réseau de l'Alliance française.

Créée en 1883 sous l'impulsion de savants, d'ingénieurs, d'écrivains et de diplomates comme Ferdinand de Lesseps, Louis Pasteur, Ernest Renan, Jules Verne ou Paul Cambon, cette association à but non lucratif reconnue d'utilité publique s'est donnée pour mission de favoriser la diffusion de notre langue et de notre culture en s'appuyant sur les amis de la France dans le monde.

Mise en place habituellement à l'issue d'une démarche spontanée émanant de personnes francophiles, chaque comité de l'Alliance est une structure autonome de droit local liée toutefois par une procédure d'approbation à l'Alliance française de Paris, dépositaire du nom. Il n'appartient donc pas au ministère des affaires étrangères de créer ou de supprimer une Alliance française. Toutefois, ce dernier peut s'appuyer sur certaines d'entre elles pour assurer son action culturelle à l'étranger.

En effet, fort de 1 135 comités 64 ( * ) répartis dans 138 pays, le réseau de l'Alliance française est un complément indispensable au réseau des centres culturels. Comme l'indiquait M. Yves Dauge dans son rapport : « dans de nombreux pays -au total une cinquantaine, principalement en Amérique latine et en Asie- il n'y a pas actuellement d'autres opérateurs susceptibles de relayer sur le terrain l'action culturelle française. Plutôt que d'implanter des centres dans ces régions, il a été jugé plus simple, plus efficace -compte tenu de l'insertion souvent remarquable des Alliances- et moins onéreux de renforcer l'effort d'association des Alliances à l'action des postes diplomatiques.»

Le ministère signe ainsi des conventions de partenariat avec les comités locaux en faveur de projets s'inscrivant dans ses priorités. Chacune des Alliances conventionnées (295 au titre de l'année 2004, situées majoritairement dans les zones géographiques ou les établissements culturels français sont peu nombreux) peut dès lors avoir accès aux mêmes moyens d'action que les établissements culturels relevant de l'Etat à savoir : mise à disposition de personnels d'encadrement, subventions d'intervention, fonds d'aide spécialisés, assistance de l'Association française d'action artistique...

3. Des missions réalisées en association avec de nombreux opérateurs

Alors que la Grande-Bretagne et l'Allemagne ont délégué la conduite de leur politique culturelle extérieure au British Council et au Goethe Institut , la France n'a pas souhaité faire assurer son action culturelle internationale par un seul et même opérateur.

Bien que l'Etat ait tout intérêt à se dégager de la gestion de certaines politiques pour mieux assumer son rôle de conception et d'évaluation, et à confier cette tâche à un organisme extérieur pouvant les assumer en conjuguant autonomie et responsabilité, notre pays a préféré faire confiance à de petites structures spécialisées aux moyens limités parmi lesquelles se distingue néanmoins l'Agence française d'action artistique (AFAA).

a) Une kyrielle d'opérateurs spécialisés aux moyens et aux compétences limités

La France n'a, pour le moment, pas délégué à un opérateur principal la conduite de son action culturelle extérieure. Si l'on met à part l'enseignement français à l'étranger et l'audiovisuel extérieur, les autres secteurs de notre action culturelle extérieure n'ont en effet pas vu l'émergence d'opérateurs importants, mais seulement d'une série d'opérateurs spécialisés au champ de compétences et aux moyens souvent assez limités. On constate que la plupart de ces opérateurs ont un simple statut associatif. Celui-ci leur assure une grande souplesse mais aussi une certaine fragilité.

Deux opérateurs du ministère de la culture méritent toutefois d'être signalés :

- la Maison des cultures du monde (MCM). Depuis la disparition de l'Association pour le dialogue entre les cultures (ADEC) en 1994, opérateur spécialisé dans les échanges culturels internationaux, la MCM demeure le principal opérateur du ministère de la culture en ce domaine. Il ne s'agit toutefois que d'une activité marginale au sein des compétences de cette association ;

- l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) contribue, quant à elle, par sa politique de publications, à promouvoir la diffusion de la pensée française à l'étranger.

Enfin, de nombreux opérateurs associant des professionnels du secteur considéré et des partenaires publics interviennent en matière de promotion des industries culturelles françaises à l'étranger tels Unifrance films pour le cinéma, Télévision France International (TVFI) pour les programmes audiovisuels ou France Edition pour les publications.

b) L'Association française d'action artistique (AFAA)

En matière d'action culturelle et artistique, le principal opérateur du ministère des affaires étrangères est l'Association française d'action artistique. Créée en 1922, celle-ci aide régulièrement les Centres dans leur tâche de programmation culturelle. Il convient toutefois de préciser que l'action de l'AFAA emprunte des canaux très divers et que la part consacrée au réseau culturel demeure minoritaire.

Le rôle de l'AFAA est d'informer le réseau culturel extérieur français de l'actualité et des évolutions de la vie artistique en France et de favoriser la présence à l'étranger d'artistes français de toutes les disciplines artistiques, à l'exception du cinéma et de la littérature. Elle apporte aux responsables des centres culturels un appui souvent précieux en termes d'expertise, de financement et de logistique, pour la mise en oeuvre de projets définis dans le cadre de la programmation artistique annuelle. L'AFAA est par ailleurs chargée de promouvoir les cultures étrangères en France.

Depuis la fusion entre la coopération et le ministère des affaires étrangères, une réforme des statuts a été adoptée le 10 janvier 2000 afin d'inscrire dans l'objet de l'association la reprise des missions développées par l'association « Afrique en créations » et de réorganiser les instances dirigeantes dans un esprit plus conforme à l'esprit associatif. C'est ainsi que le conseil d'administration a été ramené de quarante à dix-huit membres et que, dans sa composition, les personnalités de la « société civile » sont en nombre supérieur à celui des représentants de l'Etat. Cette instance se distingue de l'assemblée générale, composée de soixante-huit membres, dans son rôle comme dans sa composition. Ce statut associatif affirmé constitue, pour l'AFAA, le cadre d'intervention qui devra lui permettre d'accomplir avec efficacité les missions dont elle est chargée.

Bien que le rôle de l'AFAA demeure indispensable, un reproche lui est encore trop souvent adressé : celui d'entretenir des liens trop étroits avec la diplomatie traditionnelle et d'être encore trop dépendante d'un « culturellement correct » parisien. Par ailleurs, comme l'avait déjà souligné M. Yves Dauge, beaucoup de postes aimeraient être davantage directement consultés par l'AFAA et encouragés dans leurs initiatives et expériences culturelles. S'il est légitime que les services culturels des ambassades exercent une fonction de coordination, nombre de directeurs de centre se plaignent qu'un filtrage systématique retarde souvent des décisions, parfois à prendre dans l'urgence, et avec pragmatisme.

* 56 Portrait du diplomate en jardinier in Le Banquet, 1997, n°11.

* 57 Entretien de M. Hubert Vedrine avec le mensuel Beaux-arts Magazine, 25 août 1999, cité in politique culturelle internationale, Alain Lombard, Maison des cultures du monde, 2003, Paris.

* 58 Xavier North, ibidem.

* 59 Le département des relations extérieures est l'ancêtre de notre ministère des affaires étrangères.

* 60 Cette somme n'est toutefois qu'indicative puisqu'elle agrège non pas des dépenses effectives mais le coût des projets déclarés par les différents ministères.

* 61 Marc Fumaroli, L'Etat culturel, de Fallois , 1992, Paris.

* 62 Charles de Gaulle, Discours et messages, tome 1 : « La France a pu, de siècle en siècle et jusqu'au drame présent, maintenir à l'extérieur la présence de son génie [...] Sans doute dans l'ordre artistique, scientifique, philosophique, l'émulation internationale est elle un ressort dont l'Humanité soit privée, mais les hautes valeurs ne subsisteraient pas dans une psychologie outrée de nationalisme intellectuel. Nous avons, une fois pour toutes, tiré cette conclusion que c'est par de libres rapports intellectuels et moraux, établis entre nous mêmes et les autres, que notre influence culturelle peut s'étendre à l'avantage de tous et qu'inversement peut s'accroître ce que nous valons. »

* 63 Yves Dauge « plaidoyer pour le réseau des centres culturels français à l'étranger », rapport d'information de l'Assemblée nationale n°2924, onzième législature.

* 64 Autonome et de droit local, chaque comité relève néanmoins d'une procédure d'approbation par l'Alliance française de Paris.

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