ALLOCUTION DE
CLÔTURE
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Je m'efforcerai d'être brève et synthétique car de très nombreuses informations extrêmement intéressantes ont été partagées durant ce colloque.
Lors de l'audition de représentants des syndicats d'enseignants, une idée capitale, qui a recueilli l'assentiment de tous, a été exprimée : un garçon arrivant en classe, quel que soit son âge, ne se comporte pas en élève mais en individu.
Nous vivons au sein d'une société machiste. Les témoignages de l'ensemble des participants illustrent des schémas peu ou prou identiques, que ce soit dans le milieu professionnel, politique ou scolaire. La mixité n'a effectivement pas été réfléchie pour les raisons déjà évoquées. Du fait d'un certain nombre de phénomènes, culturels, liés à la violence ou à l'égalité, nous commençons à réfléchir à la problématique de la mixité. À cet égard, je pense que ce sont les écoles primaires, les collèges et les lycées qui constituent le berceau d'un bouleversement progressif des rapports entre les hommes et les femmes dans notre société.
Il a été affirmé que les filles craignent de prendre la parole et se sous-estiment. Elles n'osent pas choisir certaines orientations. Dans ce contexte, un effort considérable doit être réalisé vis-à-vis du corps enseignant et des familles. Nous sommes collectivement responsables des enfants qui seront les adolescents et les adultes de demain et qui construiront notre société.
Les filières littéraires sont systématiquement proposées aux filles tandis que les filières scientifiques et techniques sont plus souvent proposées aux garçons. Nous nous sommes aperçus que les membres du corps enseignant sont tout à fait disposés à combler leur déficit de formation en matière d'orientation. Le corps enseignant est d'ailleurs constitué à 74 % de femmes dans les collèges où les adolescents choisissent leur orientation et leur avenir. Outre la formation du corps enseignant et des conseillers d'éducation et d'orientation, le concours des parents ainsi que celui du monde économique est indispensable pour faire progresser la mixité et l'égalité des chances. Les rapprochements entre les différents acteurs qui font la vie de notre société sont hélas ! insuffisants. Ces rapprochements permettraient pourtant de faire disparaître les archétypes sexués maintes fois décrits lors du présent colloque et qui prévalent notamment dans le domaine du sport. Une meilleure formation des enseignants, essentielle pour l'orientation des jeunes, permettrait de changer la face des choses. Il faut, à mon sens, promouvoir de surcroît une pédagogie anti-sexiste auprès de tous, parents ou grands-parents. Ma fille, qui est également mon assistante parlementaire, me rapporte en effet que mon gendre s'adresse souvent ainsi à son fils de trois ans : « viens Alexis, nous sommes des hommes, laissons les filles de côté ». Nous en sourions mais cela est grave. Nous pouvons nous demander si ne se transmet pas ainsi un machisme regrettable. Soyez rassurés, nous sommes présentes pour corriger ce type de réflexion mais cette anecdote illustre tout de même une constante malheureuse dans notre société qui se juge évoluée...
Par ailleurs, l'école que l'on a souhaitée égalitaire est un échec. Madame Nina Charlier l'a fort justement indiqué, des efforts doivent être réalisés pour que le sport soit accessible à tous. Il ne s'agit pas de tenir compte d'écueils biologiques mais surtout de savoir dispenser certaines disciplines sportives, de savoir apprendre aux filles. En outre, il faut que les femmes soient plus nombreuses dans les instances décisionnelles. Nous sommes tellement peu nombreuses en politique, dans le secteur des sports, dans l'éducation nationale, dans les hôpitaux et un peu partout dans les lieux de pouvoir ! Une présence féminine accrue bouleverserait sans doute la situation.
Je remercie tous ceux qui ont participé à nos auditions pour nous avoir permis d'établir notre rapport et de formuler des propositions. Je remercie le sociologue Michel Fize qui nous a étonné lorsqu'il est venu au Sénat parce que ses propos différaient des termes de son livre. Il était très intéressant de débattre avec lui. Je remercie également Madame Fadéla Amara, présidente du collectif « Ni putes, ni soumises » ainsi que Monsieur Rachid Kaci, auteur de La République des lâches . Je souhaite également remercier ceux qui ont accepté de participer successivement aux auditions : les nombreux représentants de divers syndicats, dont le syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale ; un historien - dont il aurait été intéressant d'entendre l'exposé en premier lieu - ; Monsieur Guy Malandain, maire de Trappes ô combien courageux, qui a refusé d'autoriser la séparation des filles et des garçons dans les piscines ; Monsieur Jean-François Lamour qui nous a présenté les propositions énoncées aujourd'hui par Madame Béatrice Clavel ; Monsieur Maurice Toullalan ainsi que Madame Amale Hazaël-Massieux ; des représentants des parents d'élèves ; et, enfin, Madame Marie-Françoise Blanchet, Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France, ainsi que M. Bernard Brandmayer, Grand Maître du Grand Orient de France. Connaître le sentiment des membres de ce panel extrêmement large concernant ce grand débat de société a été extrêmement riche d'enseignements. Enfin, je souhaite remercier Madame Catherine Beaunez, qui a illustré nos propos, car il n'est pas évident de saisir et de traduire pertinemment et instantanément des débats. Ses dessins ont permis de pimenter un sujet sérieux.
En conclusion, je souhaite vous faire part de deux citations qui s'inscrivent dans l'esprit de ce colloque. Le 17 décembre 2003, le président de la République déclarait : « le degré de civilisation d'une société se mesure d'abord à la place qu'y occupe les femmes. La règle est la mixité parce qu'elle rassemble et qu'elle met tous les individus sur un pied d'égalité ». Je pense que nous ne pouvons qu'agréer ces propos. Par ailleurs, le rapport Stasi précise que « la laïcité ne peut se concevoir qu'en lien direct avec l'égalité entre les sexes et par conséquent avec la mixité ». Laïcité, mixité et égalité sont ainsi liées. Le rapport de la commission Stasi se poursuit ainsi : « la mixité doit viser à faire vivre ensemble les différences reposant sur une complémentarité de ces différences ».
Je vous remercie d'être venus témoigner et écouter les participants à ce colloque.
Comme l'indiquait Madame Hélène Luc, qui est très fidèle aux travaux de notre Délégation, nous continuerons à formuler des propositions -les premières vous ont d'ores et déjà été communiquées. Au-delà de ce colloque, nous poursuivrons ce débat de société car il est grave et important. Cela permet d'éveiller les consciences, de faire prendre conscience aux politiques de l'urgence d'un questionnement sur la problématique de la mixité.
J'ignore la date de notre prochain rendez-vous. Nous aurons en tous les cas l'occasion de nous revoir et de faire le point sur les propositions que nous avons faites et les souhaits que vous avez formulés.