ALLOCUTION D'OUVERTURE
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Je souligne en préambule que l'humour n'enlève rien au sérieux ni à la philosophie de l'action. Habitant à Honfleur, patrie d'Alphonse Allais, je ne saurais d'ailleurs formuler de reproches à ce sujet.
Madame la Présidente de la Délégation aux droits des femmes,
Monsieur le Président de l'Ordre des médecins,
Mesdames et Messieurs,
Si vous me le permettez, je souhaite, en premier lieu, saluer le travail accompli au Palais du Luxembourg par la Délégation aux droits des femmes. L'oeuvre de cette délégation, sa réflexion comme ses propositions, sont tout à fait remarquables. Je suis très sensible - et c'est ce qui motive ma présence - à l'ouverture de son champ de réflexion au thème fondamental de la mixité.
Ce colloque a été organisé avec le concours de nombreux hommes et femmes de terrain. Il permettra certainement d'approfondir la réflexion et surtout d'analyser les menaces qui ont pu peser à un certain moment sur la mixité. La définition du contenu de la mixité, et plus particulièrement des valeurs que ce concept véhicule, reste difficile.
Je constate avec plaisir que les initiatives sénatoriales tendant à mettre en valeur la place des femmes dans la société se multiplient. La journée consacrée au Livre d'Histoire, organisée le samedi 12 juin, en témoigne parfaitement. L'intitulé de cette manifestation, évocateur, était en effet : « Histoire des femmes, une conquête inachevée ». N'y a-t-il pas là une sorte d'écho - peut-être involontaire mais à tout le moins porteur de sens - entre la manifestation de samedi dernier et celle d'aujourd'hui ? Cela voudrait-il dire non seulement que le chemin à parcourir entre l'égalité formelle et l'égalité réelle est encore long mais que, plus encore, une vigilance sans faille s'impose pour que les femmes de notre pays ne connaissent pas une régression de leurs droits ?
Il peut cependant sembler paradoxal de se demander si la mixité est menacée alors qu'une rétrospective rapide sur l'évolution des cinquante dernières années donnerait plutôt le sentiment qu'elle a définitivement gagné la partie. Les écoles non mixtes, qui sont restées la norme jusqu'au début des années 1960, font aujourd'hui presque figure de curiosités, non seulement dans l'enseignement public mais aussi privé. D'importants corps de la fonction publique - notamment dans le secteur hospitalier - se sont féminisés à plus de 50 %.
Malgré cette évolution - je pense que tous et toutes en seront convaincus -, nous sommes encore dominés, souvent à notre insu, par une représentation sexuée des rôles sociaux. C'est cette représentation qui freine les progrès de la mixité dans tous les domaines. Qu'y a-t-il cependant de plus important à cette période de la vie où tout se construit et où la personnalité se forge, que d'apprendre ce qu'est réellement la mixité, l'affirmation de soi et l'approche de la différence ? La différence doit d'ailleurs être vécue comme facteur d'enrichissement et non comme facteur d'exclusion.
On a parfois le sentiment que les résistances à la mixité ont augmenté à mesure qu'elle progressait et ce, surtout dans les milieux issus d'une immigration récente. Il y a davantage de jeunes filles voilées à l'école qu'il n'y en avait quinze ans auparavant. Dans les hôpitaux, les patientes refusant de se laisser soigner par un homme sont plus nombreuses. C'est dire tout le sens qui a été donné à la loi sur la laïcité qui a été conçue, pensée et élaborée en fonction aussi du thème central pour notre société qu'est l'égalité entre les hommes et les femmes.
La première partie du présent colloque est consacrée aux soins hospitaliers. Dans ce secteur, les menaces contre la mixité peuvent provenir soit d'un membre du personnel qui refuse de prendre en charge un patient de sexe opposé, soit d'un usager qui refuse de se laisser prendre en charge par un membre du personnel de sexe opposé.
Dans un cas comme dans l'autre, ces comportements sont totalement contraires aux valeurs de la République ainsi qu'aux exigences de la modernité. Mais la stratégie à adopter face à ces menaces n'est pas nécessairement la même dans les deux cas. De même que les autres agents des services publics, les membres du personnel hospitalier doivent témoigner du strict respect du principe de la laïcité, qui leur interdit notamment de refuser d'accomplir un acte professionnel en prenant prétexte de leurs convictions religieuses. Tout manquement à cet égard doit être sanctionné. Pour ce qui est des usagers, la fermeté dans l'application de la règle est également nécessaire. Et je dois insister sur le fait que le cadre juridique actuel ne permet pas à un patient de refuser d'être soigné par tel ou tel médecin même si, nous le savons tous, des difficultés existent dans l'application de ce principe. Cette règle, personne n'en doute ici, doit être conciliée avec le souci de l'intérêt du malade lorsque celui-ci affirme sa volonté de se laisser mourir plutôt que d'être soigné par un membre du personnel de sexe opposé. Fort heureusement, bien sûr, dans une importante proportion des cas, les résistances à la mixité des soins peuvent être surmontées par la persuasion, le dialogue sur le terrain et au cours de colloques singuliers. Ces efforts montrent que la grande majorité du personnel hospitalier reste fidèle aux valeurs de la République et cherche même à les faire partager. Il faut donc leur rendre hommage.
Conformément aux propos du président de la République ainsi qu'au voeu exprimé par le président du Sénat, nous recherchons le meilleur instrument juridique pour affirmer avec force le principe de la laïcité à l'hôpital. Il va de ce thème central comme de l'autre volet majeur du présent colloque : la mixité à travers l'éducation et le sport.
On peut dire que la réussite de la mixité à l'école est une condition nécessaire de sa réussite dans tous les autres secteurs de la vie sociale. Je ne reviendrai pas sur ce que je dis souvent sur le choix de vie que réalisent les jeunes filles françaises de 15, 16 ou 17 ans, tandis que les garçons effectuent alors un choix professionnel. Ce choix initial détermine ensuite la vie des intéressés.
Toute l'action que je mène à la tête de mon ministère vise à donner aux jeunes filles une capacité à être de plus en plus autonomes dans les choix qu'elles devront faire tout au long de leur vie. Nous ne sommes plus au XX e siècle. Nous sommes dans un siècle où chacun et chacune doit être de plus en plus acteur et actrice de sa vie. Nous devons faire en sorte que toutes les politiques sociales que nous menons soient des aides utiles à la liberté et à la responsabilité.
La fréquence des violences scolaires dont les filles sont souvent les victimes montrent que cet objectif est encore loin d'être atteint. Certains sociologues ont même émis l'hypothèse que la mixité pourrait aggraver la situation en incitant aux comparaisons en termes de performances scolaires. La mixité créerait une situation d'affrontement. Comme Madame Gisèle Gautier l'a rappelé, je pense que la mixité peut favoriser la tolérance et la compréhension mutuelle à condition qu'elle s'appuie sur une véritable culture de l'égalité. Ce n'est pas encore le cas actuellement dans les programmes ni dans les manuels, ni non plus dans les méthodes pédagogiques qui sont encore trop souvent imprégnées de stéréotypes sexistes hérités d'un autre âge. La place faite aux auteurs féminins dans les programmes de littérature française ou étrangère n'est pas proportionnelle à leur importance. S'agissant des manuels d'histoire, les femmes y représentent moins de dix principaux personnages. Leur rôle est de surcroît presque toujours présenté comme marginal. Enfin, peut-être même à leur insu - j'insiste à cet égard -, les enseignants n'ont généralement pas les mêmes attentes vis-à-vis des garçons que des filles, les premiers étant considérés comme a priori plus doués pour les études scientifiques et techniques.
Cette situation devrait évoluer. Nous allons la modifier en encourageant une prise de conscience des divers milieux, à la fois professionnels et éducatifs. Je souhaite insister particulièrement sur l'enjeu qui s'attache à notre réussite en matière de mixité dans le domaine scolaire. Je reviendrai sur quelques mesures que je souhaite voir appliquées très prochainement à cet égard. Il me semble qu'il y a là un enjeu de société car former de jeunes citoyens responsables constitue le rempart le plus important pour défendre la démocratie.
Dans un tout autre domaine qui est celui de la publicité commerciale - car tout est lié et je n'imagine pas une politique de l'égalité qui ne soit pas une politique touchant à tous les aspects de la société et notamment à son environnement -, j'ai conclu, le 27 novembre 2003, un accord avec les organisations professionnelles afin qu'elles fassent preuve de vigilance pour éviter les images ou les slogans à caractère sexiste. De même, un système d'évaluation et d'autodiscipline pourrait être instauré pour élaborer les manuels scolaires sans porter atteinte à la liberté d'opinion et d'expression des auteurs et des éditeurs. Ces derniers s'engageraient seulement à veiller à ce que le rôle des femmes dans les grands événements du passé soit présenté de façon plus objective et plus complète.
S'agissant de l'école, j'ai souhaité que nous puissions mener une action volontariste pour qu'au cours de leur formation dans les IUFM, les enseignants soient sensibilisés à la question de l'égalité. Je compte également promouvoir l'accès des filles aux filières scientifiques et techniques si essentielles pour notre avenir et dans lesquelles les filles sont si peu nombreuses, notamment par l'instauration d'objectifs chiffrés de progression qui serviraient de référence à l'ensemble des acteurs de l'orientation scolaire.
Réfléchissons également à l'éducation à l'égalité. Je me rends ainsi en Espagne, dans quelques jours, pour étudier avec ce pays les moyens de créer une dynamique européenne sur des valeurs fondamentales comme la promotion de l'égalité à tous les échelons et la lutte contre les violences. Je suis convaincue qu'il faut promouvoir une éducation à l'égalité auprès des nos jeunes et futurs citoyens. Il est tout à fait essentiel de passer d'une politique à une culture de l'égalité qui, seule, permettra de faire entrer notre société dans une démocratie de progrès fondée naturellement sur une dynamique conjointe des hommes et des femmes.
Quant au sport, son importance est évidemment centrale car il s'agit non seulement d'une activité ludique mais aussi d'une discipline qui développe l'affirmation de soi et le sens de la compétitivité. Il est donc essentiel que, là comme ailleurs, les filles puissent être en mesure de développer leur potentiel. Le sport fournit des modèles qui sont largement diffusés par les médias et auxquels beaucoup de jeunes ont tendance à s'identifier. La prépondérance masculine, là comme ailleurs, tend à renforcer les stéréotypes. Pour combattre ces préjugés, il faut valoriser le sport féminin et faire en sorte que l'identification soit égale entre les champions et les championnes. Il faut en outre remédier à la sous-représentation des femmes dans les instances de décisions sportives. À ce titre, je ne peux que saluer l'activité du ministre Jean-François Lamour. Il a en effet su créer une dynamique nouvelle. Il semble par ailleurs important de mieux accompagner les jeunes filles de certains quartiers qui sont, au moment de l'adolescence, évincées ou découragées de la pratique de certains sports.
Vous le constatez, la volonté existe. Cette volonté doit être partagée. Elle ne peut relever de la responsabilité exclusive du gouvernement. Depuis mon arrivée au ministère, je me suis tenue à un principe et à une méthode : faire progresser activement et rapidement notre société vers plus de démocratie, plus de performance mais aussi plus de cohésion sociale avec et à partir du rôle et de la place de la femme dans la société. Il s'agit donc d'une politique globale et cohérente qui ne peut se conduire qu'avec les élus, les associations et les professionnels de tous les secteurs.
Ce débat sur la mixité repose, chacune le voit, sur cette conception moderne de la société française qui est fondée sur la diversité, l'enrichissement par la différence et qui est surtout fondatrice de ce que nous souhaitons de mieux pour la France : faire en sorte que la diversité sociale et culturelle puisse se retrouver dans l'unité de la République. Il s'agit d'un humanisme moderne qui permet d'instaurer au quotidien une sorte de dialectique entre altérité et universalité. La mixité constitue peut-être un chemin malaisé. Il n'en demeure pas moins qu'elle est la seule voie possible pour favoriser la réussite des deux sexes. C'est ma conception de ce ministère. Elle est aussi, je crois, celle de ce colloque pour lequel je vous souhaite une pleine réussite. Ses résultats m'intéresseront à de nombreux titres. Je me réjouis que ce colloque ait lieu aujourd'hui au Sénat. C'est déjà en faire un point essentiel de réflexion et d'action.
M. Emmanuel KESSLER
Je vous remercie pour cette intervention qui présente notamment les perspectives du présent colloque.
Par ailleurs, le compte rendu intégral de l'intervention de Madame Nicole Ameline au cours d'une question orale avec débat, qui s'est déroulée il y a quelques semaines au Sénat, a été transmis à tous. Je vous signale, en outre, que le rapport d'activité 2003 de la Délégation aux droits des femmes, qui présente l'ensemble des réflexions et des propositions de ses membres en matière de mixité, est disponible.
I. PREMIÈRE TABLE RONDE - « SOINS HOSPITALIERS » |
Interviennent au cours de la première table ronde :
Mme Eliane APERT, Sous-directrice à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé et de la protection sociale
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX, Surveillante-chef de la maternité du centre hospitalier d'Argenteuil
M. Maurice TOULLALAN, Directeur du centre hospitalier d'Argenteuil.
M. Emmanuel KESSLER
Madame Amale Hazaël-Massieux, vous avez été entendue par la Délégation aux droits des femmes dans le cadre de l'élaboration du rapport 2003 sur la mixité. Je rappelle que la question de la mixité à l'hôpital et, en particulier, le refus de certaines femmes d'être soignées par des médecins du sexe masculin dans le service de maternité que vous dirigez, a été médiatisée lors des travaux de la commission Stasi. La presse a d'ailleurs témoigné du fait que cette question avait représenté un tournant pour les travaux de cette commission. D'abord relativement ignorée, cette problématique a ensuite été mise en lumière et a sans doute partiellement déterminé la prise de conscience des membres de la commission sur la nécessité d'une politique gouvernementale volontariste destinée à faire respecter les principes de laïcité et de mixité comme cela a été conclu concernant l'école. Les débats de la commission Stasi, diffusés intégralement par la chaîne Public Sénat, ont montré cette évolution.
Madame Amale Hazaël-Massieux, pouvez-vous nous présenter brièvement votre service ? Nous aimerions savoir si les difficultés que vous y rencontrez s'accroissent. Des conflits surgissent-ils du fait du refus de certaines patientes d'êtres soignées par des médecins hommes ?
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX, surveillante-chef de la maternité du centre hospitalier d'Argenteuil
Je remercie la Délégation aux droits des femmes de s'être intéressée à ce sujet. Il est vrai que je me sentais très seule quelques années auparavant lorsque j'étais confrontée à des situations de refus de soins ou à des femmes voilées. Je m'interrogeais alors sur les moyens de faire connaître notre situation. Je suis heureuse de constater que notre situation attire ainsi l'attention.
Cadre supérieur, j'ai la charge d'encadrer l'ensemble de l'équipe soignante de la maternité d'Argenteuil et d'y garantir la qualité des soins. Cette maternité de niveau 3 accueille des grossesses à risque élevé. Nous réalisons 2.700 accouchements par an.
Lorsque certaines patientes ont demandé à être soignées par des médecins femmes, cela nous a d'abord semblé relever naturellement du droit de chaque patient à choisir son médecin. Nous nous sommes ensuite interrogés face à la venue de plus en plus fréquente de femmes entièrement voilées, le visage couvert et habillées en noir. Ces femmes venaient en effet accompagnées en exigeant d'être prises en charge et soignées par des femmes.
M. Emmanuel KESSLER
À quelle époque avez-vous été confrontée à ce phénomène pour la première fois ?
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX
Il y a environ quatre ans. Nous avons été alertés par le caractère extrême de cette situation et par l'aspect intégral du voile. Le malaise s'accroissait dans la salle d'attente. Le personnel craignait également de demander aux patientes de se découvrir le visage.
Nous avons dû, en plusieurs occasions, négocier pour que ces femmes se présentent à visage découvert. Une procédure a ainsi finalement été mise en place pour recevoir ces dernières ainsi que leurs accompagnants, pour leur expliquer la situation et notre exigence de voir leur visage. Certaines femmes et les hommes qui les accompagnaient arguaient de leurs droits et de leurs convictions religieuses pour justifier le voile. Ils nous imposent ainsi un type de prise en charge tandis que nous leur opposons le fait que l'hôpital est une institution publique et laïque et qu'il convient, pour des raisons d'identification, de sécurité et de respect de l'autre, de se dévoiler.
M. Emmanuel KESSLER
Quelle est la proportion de patientes qui, pour des raisons religieuses, demandent à être suivies par une femme et ce, alors que ce n'est ni souhaitable, ni possible au regard de l'organisation du service ?
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX
Ces exigences ne peuvent en effet être respectées pour des raisons d'organisation et de principe. D'une part, les médecins femmes ne sont pas suffisamment nombreuses pour répondre à toutes les demandes. D'autre part, ces demandes qui ne sont pas fondées sur des questions d'entente avec le médecin ou de compétences doivent, pour le principe, être refusées.
J'estime par ailleurs que 5 à 10 % des patientes demandent ces traitements spécifiques. Je pense que notre refus - que nous expliquons - a permis de limiter leur progression.
Lorsqu'il s'agit de consultations non urgentes et que cela est possible, nous accédons tout de même aux demandes des patientes. Lors des cas urgents en revanche, nous expliquons que l'équipe de garde est mixte et qu'il est impossible d'en changer la composition.
M. Emmanuel KESSLER
Est-il arrivé qu'une patiente voilée quitte l'hôpital faute de ne pouvoir être prise en charge par un médecin femme ?
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX
Il est arrivé que l'accompagnant décide, face à l'obstétricien, à l'anesthésiste et au pédiatre qui peuvent tous être des hommes, de quitter la maternité avec la patiente malgré l'urgence de la prise en charge de cette dernière. Cette situation est problématique car la responsabilité médico-légale de l'équipe soignante peut être engagée. Nous subissons les intérêts contradictoires des droits des usagers, d'une part, et de nos responsabilités médico-légales, d'autre part.
M. Emmanuel KESSLER
Avez-vous le sentiment que le cadre légal soit suffisant pour traiter ce type de problèmes ou convient-il de clarifier le droit des patients à choisir leur médecin ?
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX
La loi de mars 2002 qui a placé l'usager au coeur du soin a certes explicité leurs droits mais elle n'a, hélas ! pas précisé leurs devoirs. Je déplore que les droits des usagers ne soient pas limités. Il semble que la liberté de certaines personnes ne s'encombre d'aucun devoir et ne s'arrête pas à la liberté d'autrui. Il convient de conforter le caractère laïque et mixte de l'hôpital et de garantir sa sécurité car nous sommes confrontés à des difficultés quotidiennes. Le personnel ressent un malaise profond.
M. Emmanuel KESSLER
Votre intervention témoigne en effet d'un malaise profond.
Monsieur Maurice Toullalan, comment analysez-vous la situation dans ce service de maternité ? Les difficultés décrites précédemment sont-elles communes à l'ensemble de l'hôpital d'Argenteuil ?
M. Maurice TOULLALAN, directeur du centre hospitalier d'Argenteuil
Je remercie le Sénat d'avoir offert aux acteurs de terrain l'occasion de s'exprimer. Comme l'a souligné Madame Amale Hazaël-Massieux, dont je partage totalement les opinions, nous sommes confrontés quotidiennement à des problèmes de société que nous ne pouvons que régler partiellement si aucune politique ni cadre juridique n'est précisé.
Ce problème se pose, certes, à l'hôpital d'Argenteuil mais je pense qu'il est commun à tous les établissements hospitaliers. Il faut se garder d'ériger l'hôpital d'Argenteuil en cas exceptionnel.
M. Emmanuel KESSLER
L'hôpital d'Argenteuil est tout de même situé dans une banlieue traditionnellement qualifiée de difficile.
M. Maurice TOULLALAN
Probablement mais je ne pense pas que cette problématique soit spécifique à cet établissement ou à des établissements situés dans de tels endroits.
Nous sommes confrontés à deux phénomènes comme le rappelait, me semble-t-il, Madame la Ministre. Le problème lié aux usagers qui est commun aux urgences et aux autres unités médicales et chirurgicales a très bien été décrit par Madame Amale Hazaël-Massieux. Face à ce phénomène, et alertés par l'ensemble des services médicaux, nous avons décidé, il y a cinq ans, d'inscrire ce thème dans le règlement intérieur de l'hôpital. Ce dernier, voté par le conseil d'administration de l'hôpital, dispose ainsi notamment que « les signes ostentatoires ne doivent en aucun cas faire obstacle ni au bon exercice de la médecine et des soins ni au contrôle efficace de l'exercice du droit de visite ». Il nous semblait normal de rappeler cela pour encadrer l'éthique médicale et le comportement des médecins et du personnel soignant vis-à-vis des patients.
Lorsque des patients émettent des exigences particulières, l'équipe médicale et paramédicale tente d'instaurer un dialogue. Je précise que les patientes étant souvent accompagnées d'un membre de leur famille de sexe masculin, le dialogue peut parfois prendre beaucoup de temps et demander beaucoup de sang-froid de la part de l'ensemble du personnel hospitalier. Des impasses surviennent quelquefois, particulièrement lorsque le visage de la patiente est voilé. Dans ce cas, cette dernière est invitée à trouver une institution pouvant répondre à ses exigences. Cette issue est problématique car un malaise grave de la patiente, qui surviendrait alors qu'elle a quitté l'hôpital, nous soumettrait à des logiques contradictoires et pourrait nous valoir d'être accusés de non-assistance à personne en danger. La situation du personnel hospitalier est complexe. Le seul règlement intérieur de l'hôpital ne peut en effet avoir de valeur sur le plan juridique.
Par ailleurs, eu égard aux signes annonçant des difficultés liées au personnel, nous avons décidé d'inscrire à la rubrique « tenue correcte exigée » du règlement intérieur que « l'obligation de réserve impose que soit observée pendant le service une stricte neutralité religieuse ou politique. Tout signe ostentatoire d'appartenance religieuse ou politique notamment lui serait contraire ».
M. Emmanuel KESSLER
À quelle date ?
M. Maurice TOULLALAN
Il y a cinq ans.
M. Emmanuel KESSLER
Vous utilisiez déjà le terme « ostentatoire ».
M. Maurice TOULLALAN
Il s'agissait peut-être d'un hasard. Le conseil d'administration souhaitait ainsi affirmer le caractère neutre et laïque de l'hôpital que le personnel doit respecter.
Vous notiez que ce problème pouvait être un peu plus fréquent qu'ailleurs au regard de notre implantation géographique. Quoi qu'il en soit, nous sommes attentifs à ne pas admettre un seul cas d'infraction sous peine de nous trouver confrontés à une multiplication des exigences de ce type.
Jusqu'à présent, nous avons réussi à endiguer toutes les tentatives du personnel placé sous l'autorité hiérarchique de la direction de l'hôpital de témoigner ostensiblement de son appartenance religieuse ou politique. En revanche, l'attitude de certains intervenants qui ne relèvent pas du pouvoir hiérarchique de la direction de l'hôpital est problématique. Cela peut être le cas, en particulier, des internes qui, dans le cadre de leur cursus universitaire et professionnel, changent d'affectation tous les six mois et sont nommés par les autorités de tutelle - précisément par la direction régionale des affaires sanitaires et sociales. Nous pouvons ainsi gérer tous les six mois la problématique des signes ostentatoires d'appartenance religieuse. Au 1 er mai, deux internes de sexe féminin ont ainsi rejoint l'hôpital, portant un foulard et de très longues manches. La longueur des manches a pu être réglée en arguant des règles hospitalières d'hygiène et des recommandations du Comité de lutte contre les affections nosocomiales. Il a été en revanche plus difficile de s'opposer au port du foulard. Le directeur général des affaires sanitaires et sociales du ministère a été alerté à cet égard. Estimant l'affaire complexe, il a écrit à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) dont il attend une réponse.
Lorsque le cas s'est de nouveau produit, j'ai demandé au directeur régional des affaires sanitaires et sociales de recevoir les étudiantes concernées. Le directeur régional a cependant décliné ma proposition en indiquant qu'il recevrait les intéressées uniquement à leur demande mais elles n'ont jamais formulé cette demande. J'ai par la suite, le 12 mai, adressé un dossier à Monsieur Edouard Couty, directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins. J'en attends une réponse écrite même si une réponse orale m'a été transmise à l'occasion du congrès de l'Union hospitalière d'Île-de-France. Monsieur Edouard Couty m'y a fait part de sa préoccupation quant à ce sujet et m'a prescrit de faire respecter la laïcité et la neutralité.
Les professionnels de terrain souffrent du flou juridique et réglementaire. Je rappelle que la loi qui a été votée s'applique uniquement à l'école et ne concerne ni l'hôpital ni l'université.
Nos réactions vis-à-vis des internes m'ont valu un abondant courrier mettant en avant des arguments fallacieux ou valables. À ce sujet, je souhaite vous citer un courrier de l'Union des étudiants musulmans de France : « Tout d'abord, permettez-moi de vous rappeler quelques principes fondamentaux sur lesquels notre pays est fondé. La liberté : en effet, selon la célèbre Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public. Ce principe est corroboré par la Déclaration universelle des droits de l'Homme de l'ONU qui dispose clairement : toute personne a droit à la liberté de penser ainsi qu'à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions tant en public qu'en privé ». Je n'ai pas vérifié l'exactitude de ces citations dans les textes afférents. De même, le Collectif contre l'islamophobie en France - organisation dont j'ignorais l'existence - écrit : « nous sollicitons votre conscience ainsi que votre responsabilité de directeur, dont la vocation majeure est la réussite de tous les étudiants sans distinction, pour revenir sur la décision que vous avez prise à l'encontre de mademoiselle X et que vous lui permettiez de ce fait de se rendre à l'hôpital lors de son prochain stage conformément à l'accord qu'elle a passé avec vous ».
Les jeunes internes s'étonnent de mon attitude car elles ont pu effectuer sans difficulté leurs études et des stages au sein d'établissements hospitaliers en portant un foulard. Le centre hospitalier d'Argenteuil est ainsi considéré comme un établissement particulièrement intégriste...
M. Emmanuel KESSLER
Vous êtes donc pénalisé par l'état réglementaire et législatif.
M. Maurice TOULLALAN
En effet. Contrairement au personnel placé sous l'autorité directe du directeur de l'hôpital, les internes sont difficiles à gérer. Je n'ose penser aux problèmes que poserait la nomination d'un praticien hospitalier voulant mettre en valeur sa confession.
M. Emmanuel KESSLER
Je vous remercie de ce témoignage très complet sur vos difficultés. Vous avez rappelé que, contrairement à l'école, les hôpitaux ne sont pas du domaine de la loi récemment votée. Il me semble à cet égard que le rapport Stasi invite à l'élaboration de mesures en faveur du secteur hospitalier.
La tâche de Madame Eliane Apert s'avère plus difficile après ce témoignage fort intéressant illustrant le flottement réglementaire actuel. Madame Eliane Apert, avez-vous été confrontée au niveau national à des cas similaires à ceux qui ont été présentés ? La situation n'appelle-t-elle pas une réponse ferme de la part des pouvoirs publics afin que, comme pour les proviseurs ou les principaux d'établissements scolaires, les directeurs d'hôpitaux ne soient pas abandonnés face à des cas de non-respect de la laïcité ?
Mme Eliane APERT, sous-directrice à la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins du ministère de la santé et de la protection sociale
Je vous remercie de me donner la parole en dernier car, me l'auriez-vous donnée en premier, je vous aurais répondu que l'administration centrale doit faire preuve d'humilité face à une question qui, bien involontairement et parfois bien douloureusement, est surtout du ressort de ceux qui, sur le terrain, sont confrontés à ces difficultés. De ce fait, mon rôle ne peut être que de les écouter, surtout de les entendre puis de leur répondre et ce, en allant au-delà des questions que vous venez de me poser.
Je souhaite toutefois vous répondre brièvement. Les rapports réalisés par les acteurs de terrain ne nous permettent pas de conclure à un phénomène massif en voie de généralisation. Cela ne signifie certes pas qu'il faut se dispenser de s'en soucier ni qu'il ne faudra réfléchir au sujet que lorsqu'il aura constitué un phénomène de masse. M'étant à plusieurs reprises adressée à la DHOS, qui est notamment chargée de recueillir les plaintes tant des patients que des hôpitaux, j'ai pu constater que nous nous ne sommes pas, pour l'instant, submergés par les exigences décrites par les intervenants précédents. Comme il a été indiqué, il est assez évident que la problématique de la mixité des soins a davantage surgi en raison du débat sur la laïcité et sur son symbole, le port du voile, que directement comme un problème fréquent et complexe.
Quoi qu'il en soit, nous devons faire preuve d'humilité et être à l'écoute des préoccupations exprimées par Monsieur Maurice Toullalan et Madame Amale Hazaël-Massieux.
À mon sens, le problème est extraordinairement complexe car il allie l'enjeu de la mixité à celui de la laïcité. Il s'agit, à la fois, d'un enjeu d'organisation qui préoccupe quotidiennement les hôpitaux et d'un enjeu philosophique. Ce dernier aspect complique singulièrement la problématique. Je ne développerai pas ce sujet. Je note, néanmoins, que les deux extraits précédemment lus par Monsieur Maurice Toullalan évoquent la liberté sous sa forme républicaine de liberté des cultes. La référence philosophique de ces courriers est évidente mais l'interprétation est outrancière.
Vous pourriez penser que j'ai trop souligné qu'il ne s'agissait encore que d'un phénomène rare. Cela ne signifie pas que l'on doive négliger cette question. Dans la grande majorité des cas, toutefois, l'opposition a souvent été réglée par le dialogue, comme l'ont indiqué les précédents intervenants. Il s'agit d'un problème d'organisation concernant, d'une part, le personnel de l'hôpital - avec une pointe de difficulté supplémentaire dans le cas des internes - et, d'autre part, les patients.
Un sondage a été réalisé auprès des patients en vue de ma participation à ce colloque. J'ai été frappée de constater, grâce aux éléments qualitatifs recueillis, que le dialogue a souvent permis de faire cesser la situation embarrassante de refus de se faire soigner par un médecin homme -le cas le plus fréquent est celui des patientes dans les services de gynécologie. Vous l'avez noté, ce dialogue nécessite beaucoup de temps. L'organisation dans l'hôpital est pourtant très complexe et ne peut être aisément modifiée pour laisser place à des palabres. Ce dialogue nécessite aussi du courage et beaucoup de sang-froid. Ces attitudes sont essentielles car, quel que soit le soutien législatif ou réglementaire, je pense que l'on ne pourra en faire l'économie.
Pour autant que je sache, le dialogue permet d'aboutir à une solution dans la plupart des cas. En cas d'échec du dialogue toutefois, il s'agit, comme vous l'avez montré, de refus de soin caractérisé pour lequel une procédure prévoyant une déclaration signée du patient permet de décharger la responsabilité des médecins et de l'hôpital. Je vous accorde que cette solution n'est pas satisfaisante mais elle a le mérite d'exister. Pour répondre aux situations d'urgence, je ne suis pas spécialiste en la matière mais la jurisprudence du Conseil d'Etat affirme que « des soins peuvent être imposés au patient pour peu qu'ils aient été précédés d'une tentative d'obtenir son consentement et qu'une information ait été donnée quant aux soins qui doivent être proportionnés à la gravité du cas ». La problématique liée aux patients me semble être la plus complexe et la plus empreinte de philosophie.
Par ailleurs, j'ai été très sensible à la manière dont Monsieur Maurice Toullalan a présenté la situation concernant le personnel et le refus à opposer face aux signes ostensibles ou ostentatoires d'appartenance religieuse. Je rappelle que le personnel de l'hôpital est composé d'agents publics auxquels s'appliquent évidemment les principes fondamentaux de la République, dont la laïcité. Cette dernière est inscrite dans la Déclaration des droits de l'Homme, la Constitution et le préambule de la Constitution de 1946. Je crois qu'il est difficile de reconnaître une moindre valeur constitutionnelle à un principe sous sa forme adjective ou substantive. Dès lors, les textes - qui existent - ne font que décliner l'obligation de réserve et de respect de la plus stricte neutralité. Ainsi, des règlements applicables à la fonction publique, et donc au secteur hospitalier, prévoient en cas de manquement un certain nombre de sanctions, proportionnées au degré de prosélytisme, à la taille des signes ostentatoires et, sans doute, au degré de responsabilité des intéressés. Il est vrai que le règlement intérieur est un outil modeste dans la mesure où il ne peut aller au-delà du droit mais rien ne s'oppose à ce qu'il répète et souligne le droit.
Monsieur Maurice Toullalan a fait observer que les internes ne relèvent pas de son autorité. Administrativement rattachés au centre hospitalier durant la période de leur stage cependant, les internes relèvent de l'autorité disciplinaire du directeur de l'établissement. Je souhaite en outre rappeler un élément technique que nous pourrons approfondir après ce colloque. Si des brèches se sont fait jour dans le mur de refus que l'administration doit opposer, si l'interne peut, ici, porter le voile en travaillant et, là, ne pas y être autorisée, la contradiction est en effet propre à induire un désarroi auquel l'administration centrale doit répondre. Il est hors de question que les hôpitaux constituent un lieu d'exception. Le personnel relevant de leur autorité, et donc de celui de l'Etat, doit respecter le principe de la laïcité et de la mixité.
Mon intervention est sans doute un peu longue mais vous m'accorderez que le sujet est complexe. En conclusion, je souhaite insister sur l'aspect philosophique de cette problématique. Cette question d'actualité a été évoquée par la co-auteure de l'ouvrage L'une voilée, l'autre pas, qui est une sociologue d'origine musulmane membre du Conseil du culte musulman en France. Elle se disait consternée car elle pensait que l'école de la République apprenait aux jeunes filles à dire « je ». J'ai été frappée par cette remarque. La valeur infinie de la personne est en effet un principe fondamental. Cette valeur infinie qui crée l'identité personnelle n'est cependant pas reconnue par tous. Il semblerait que nous nous heurtions à la difficulté d'obtenir directement la parole de la femme qui, parfois, ne la revendique pas car elle n'a pas appris ou pas souhaité être un individu. La difficulté consiste à faire comprendre à une femme qu'elle est une personne. Votre rôle est de lui faire comprendre que sa vie a une valeur et qu'elle n'est pas simplement, ainsi que le disait une sociologue, un objet. Je vous prie de m'excuser de formuler une conclusion aussi abstraite.
M. Emmanuel KESSLER
Je vous remercie d'avoir été aussi précise et sincère.
DÉBAT AVEC LA SALLE
Mme Maryvonne GUIGONNET, secrétaire nationale du syndicat national des enseignants du second degré (SNES)
Je m'étonne que le débat concerne davantage la laïcité que la mixité stricto sensu . À l'instar de Madame Eliane Apert, il me semble en effet que l'essentiel pour un enseignant comme pour un médecin est de convaincre une femme qu'elle est une personne.
Je suis également surprise d'observer que c'est le mode vestimentaire - la tenue noire totalement couvrante - qui a provoqué le questionnement et l'intérêt quant à la personnalité de la femme. Il est probable que le propos de Madame Amale Hazaël-Massieux n'ait pas réellement été celui-là mais cela semblait être sous-jacent. Il convient de se remémorer que le phénomène est ancien puisque de nombreuses femmes des précédentes générations refusaient aussi d'être soignées par des hommes. Quoi qu'il en soit, plus qu'une attitude particulière, un vêtement semble avoir davantage interpellé la société.
Concernant les signes religieux dans les hôpitaux, je rappelle que de nombreux hôpitaux de France s'appellent « Hôtel-Dieu ». Nous ne pouvons faire preuve d'hypocrisie, oublier notre héritage judéo-chrétien et exiger qu'un hôpital soit totalement laïque. Je rappelle, par ailleurs, que certains médecins arguent de leurs convictions religieuses pour refuser de procéder à un avortement. Nul n'est apolitique. En conséquence, la dimension culturelle et religieuse d'un être humain ne peut être écartée. L'essentiel est d'apprendre à la femme à être une personne.
M. Emmanuel KESSLER
Cela ne doit pas remettre en cause une égalité de traitement entre individus et, a fortiori , entre les hommes et les femmes.
Mme Maryvonne GUIGONNET
Tout à fait.
Concernant la mixité, je souhaite connaître la proportion de chaque sexe parmi les médecins et les infirmiers. La caricature qui a été projetée n'est-elle qu'une caricature ou un médecin est-il toujours entouré d'infirmières ? Qu'est-ce qui explique un éventuel écart ?
Par ailleurs, la formation des enseignants dans les IUFM a été abordée lors de l'allocution d'ouverture. Qu'en est-il de la formation en école de médecine concernant la prise en charge de la mixité des genres et des cultures ?
M. Emmanuel KESSLER
Je précise que Jean-Louis San Marco, professeur de santé publique à l'université de Marseille, devait précisément nous parler de la formation médicale et de la composition du corps médical. Il a confirmé sa venue le 14 juin à 19 heures et m'a fait part, une heure plus tard, de son impossibilité à participer au colloque pour répondre à une convocation du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) concernant le « plan canicule ». Il s'est désolé d'avoir été contraint de modifier son emploi du temps.
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX
Je précise que ce n'est pas le vêtement stricto sensu qui a été à l'origine de nos préoccupations. Le caractère excessif de cet habillement, puisqu'il cachait le visage, a constitué un des paramètres de notre prise de conscience. Ces femmes ainsi couvertes exigent en outre des modalités de soin que nous ne pouvons mettre en oeuvre.
Par ailleurs, le débat se concentre sur la religion car les patientes mettent en exergue leur confession. Nous devons y répondre en fonction de nos valeurs et de nos moyens en tentant d'instaurer un dialogue. Lorsque nous avons refusé de garantir le suivi d'une patiente par un médecin femme, ses accompagnants ont séquestré un directeur de l'hôpital. Un rapport de force s'est instauré alors que nous étions seuls. À l'occasion du débat sur la laïcité, les événements qui se déroulaient à l'hôpital depuis un certain moment ont été mis en lumière. Mais les difficultés se sont déclarées bien auparavant.
Je crois que nous devons faire preuve de vigilance face à la progression d'exigences qui sont justifiées par la liberté et la religion sans que les intéressés ne respectent la liberté des autres et les valeurs de l'institution.
M. Maurice TOULLALAN
Concernant la mixité, seule une minorité de femmes choisissait les professions médicales à une époque. La situation s'est totalement modifiée. Actuellement, le personnel médical du centre hospitalier d'Argenteuil - qui est plutôt représentatif de l'ensemble des établissements - est composé de 45 % de femmes parmi les praticiens hospitaliers (les médecins seniors). Les promotions semestrielles d'internes comptent environ 60 % de femmes. Les proportions tendent donc à s'inverser. En outre, le personnel non médical de l'hôpital est composé de 80 % d'éléments féminins. Par ailleurs, et au risque de vous choquer, je vous invite à nous adresser des jeunes hommes souhaitant devenir infirmiers. Nous serions très heureux de pouvoir les accueillir car les écoles d'infirmières comptent 95 % de femmes. Le problème de la mixité a pu se poser pour les médecins à une époque. Il serait souhaitable pour les autres professions médicales de rééquilibrer les proportions.
M. Emmanuel KESSLER
Pensez-vous que l'idéal pour le fonctionnement d'un hôpital serait de réunir 50 % d'infirmiers et 50 % d'infirmières ?
M. Maurice TOULLALAN
Non. Il s'agit simplement d'éviter tout déséquilibre trop important dans un sens ou dans l'autre.
Mme Eliane APERT
Le cas de séquestration évoqué par Madame Amale Hazaël-Massieux est certes très sérieux mais il est probablement le fait de ceux que d'aucuns nomment des fanatiques ou des extrémistes qui constituent une frange extrêmement minoritaire de la population. Vous ne doutez certainement pas du caractère minoritaire de ces comportements.
Par ailleurs, j'ai été frappée de constater au travers de la lecture de divers témoignages que le port du voile par des soignants peut susciter, contrairement à ce que l'on pourrait penser, un phénomène de rejet de la part des pratiquantes de l'Islam que l'on imagine être partisanes du voile. Elles considèrent en effet qu'un médecin portant le voile est extrémiste. Il ne s'agit là que d'un exemple me permettant de souligner, d'une part, que tout argument peut être retourné en son contraire avec une facilité déconcertante et, d'autre part, que, de ce fait, il est extraordinairement difficile de réfléchir à une législation ou à une réglementation idoine.
M. Michel DEBON de BEAUREGARD, secrétaire général de la fédération des syndicats généraux de l'éducation nationale (SGEN-CFDT)
La loi relative à l'école précédemment évoquée n'a rien réglé. Je rappelle qu'elle ne s'applique qu'aux écoles publiques et non aux écoles sous contrat. La Bretagne comptant 50 % d'écoles privées, la loi ne s'applique donc qu'à la moitié des écoles de cette région.
Mon intervention vise essentiellement à révéler le fond du sujet. Ne sommes-nous pas en train de poser un vrai faux problème ? Nous traitons actuellement de la situation dans certains hôpitaux. La seconde table ronde sera l'occasion de débattre de la mixité à l'école. J'espère que nous irons au-delà du problème, certes complexe, de la laïcité. Ne convient-il pas surtout de répondre à l'enjeu de la mixité sociale qui aurait dû être traité depuis plusieurs décennies ? Ce qui se passe dans les écoles, dans les hôpitaux ou certains quartiers n'est-il pas le résultat de l'enfermement de certaines populations dans des ghettos qui n'ont trouvé que le repli communautariste et religieux pour avoir une identité et une raison de vivre dans la société ? Quand se décidera-t-on à répondre à la question de la mixité sociale ?
Docteur Jean-Michel BADET, président du syndicat national des praticiens hospitaliers des centres hospitalo-universitaires
L'INPH est exemplaire en matière de mixité puisqu'il est présidé par Rachel Bocher. Il est notable que ce poste soit confié à une femme.
Il a essentiellement été question de la grossesse des patientes sans faire référence à la grossesse au sein du personnel médical ou paramédical féminin. Elle est pourtant problématique en termes de carrière, particulièrement pour les médecins hospitaliers. Une évolution vers des postes à responsabilité se décide en effet souvent à trente ans, à un moment où un homme consacre beaucoup de temps à sa carrière, ce qu'une femme ne peut faire en étant enceinte ou en élevant ses enfants en bas âge. Le dessin de Catherine Beaunez indiquant « vivement que les hommes accouchent » est tout à fait pertinent à cet égard. Il existe là une différence majeure que la société ne prend pas en compte. Il est vrai que le choix des intervenants de la présente table ronde respecte le principe de la mixité mais ce n'est malheureusement pas le cas dans la majorité des congrès. Lors du congrès national de soins palliatifs, qui s'est tenu à Besançon le 12 juin, par exemple, l'assistance était composée de 80 à 90 % de femmes tandis que les hommes représentaient 95 % des intervenants.
M. Emmanuel KESSLER
Nous respectons en effet davantage le principe de la mixité.
M. Jean-Michel BADET
La place de la grossesse et de la maternité dans la poursuite d'un cursus doit être considérée. La profession médicale se féminisant, rien ne justifie que les décisions dans ce domaine restent du ressort des hommes.
Mme Carole COUVERT, CFE-CGC
Monsieur Maurice Toullalan a souligné un écueil fondamental qui est l'intitulé des postes et des fonctions. Il paraît effectivement difficile de trouver des hommes pour intégrer des écoles d'infirmières. Nous détenons sans doute tous une part de responsabilité en nommant les postes de manière sexuée. Les annonces d'offres d'emploi sont de plus en plus souvent libellées ainsi : recherche assistante de direction (homme/femme), recherche directeur (homme/femme)... Nous devons collectivement lutter contre ces stéréotypes et faire évoluer les mentalités afin que des postes occupés majoritairement par des femmes accueillent davantage d'hommes et inversement.
M. Emmanuel KESSLER
Je constate que les syndicats sont bien représentés.
J'invite Madame Hélène Luc à intervenir afin de lui permettre de rejoindre la séance publique du Sénat.
Mme Hélène LUC
Je vous prie de m'excuser. Je suis obligée de retourner rapidement en séance car Monsieur Nicolas Sarkozy souhaite mon intervention concernant une question relative à la fermeture d'une entreprise.
J'ai pris connaissance avec un vif intérêt de la situation de l'hôpital d'Argenteuil. Je savais, en effet, que la mixité et la laïcité pouvaient être menacées mais pas à ce point. En conséquence, j'éprouve de l'admiration pour le personnel hospitalier qui met tout en oeuvre pour que tout se déroule au mieux. Qu'y a-t-il en effet de plus important que de permettre à une femme de mettre un bébé au monde ? Je suis certaine que les infirmières et les médecins font ce qu'il convient de faire.
La Constitution prône la laïcité de l'Etat et donc la neutralité à l'hôpital. De surcroît, le principe du respect de la laïcité est inscrit dans le règlement intérieur des hôpitaux. L'application des textes de loi semble pourtant problématique. Il me semble, dans ce cadre, Madame Eliane Apert, qu'une nouvelle démarche est nécessaire pour conforter les efforts du personnel hospitalier. Il faut, en outre, que les effectifs hospitaliers augmentent car ces difficultés particulières mettent d'autant plus en lumière l'insuffisance de ces effectifs.
Par ailleurs, le personnel hospitalier semble attendre une démarche du gouvernement. Une des réponses ne pourrait-elle être un décret confortant le personnel sur la neutralité de l'hôpital ? Cette question s'adresse également au président de l'Ordre des médecins.
Je m'en tiendrai à cette question. J'espère pouvoir revenir pour partager mon opinion concernant les autres points soulevés.
M. Emmanuel KESSLER
Madame Eliane Apert, quelle est votre position quant à la suggestion de Madame la Sénatrice ?
Mme Eliane APERT
En premier lieu, pardonnez-moi de jouer sur les mots : il me semble qu'il était conseillé quelques années auparavant de féminiser les noms de fonction tandis qu'une précédente intervenante a invité à les masculiniser.
Madame la Sénatrice, je ne peux vous répondre immédiatement quant à la forme juridique du soutien attendu par le personnel hospitalier. Nous avons entendu le souhait émis par les responsables d'établissements. Nous devons leur répondre. Comme l'a déclaré Edouard Couty, nous étudions les moyens d'y répondre par écrit.
M. Maurice TOULLALAN
Je vous invite, tant dans les illustrations qu'au cours de vos interventions, à ne pas diaboliser une religion. Toutes les religions peuvent être représentées par des signes ostentatoires et ces derniers peuvent être le fait de tous les extrémistes.
Mme Dominique AKNINE, fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs
Elue de Sartrouville et exerçant en libéral dans une cité dont la population est essentiellement musulmane, je rencontre les mêmes populations que celles qui se rendent à l'hôpital d'Argenteuil. De nombreuses personnes viennent ainsi dans mon cabinet en étant totalement couvertes. Ce phénomène, qui date de trois ou quatre ans, tend actuellement à se développer. J'ignore si une loi est nécessaire pour répondre à ce phénomène. J'ai en tout cas noté la demande des responsables d'hôpitaux de bénéficier de dispositifs juridiques adaptés. Je souhaite, dans ce cadre, que l'exercice libéral ne soit pas oublié lors des réflexions menées à ce titre. Nous sommes en effet bien isolés et souvent agressés dans nos cabinets.
Par ailleurs, il me semble que la mixité n'a pas été suffisamment défendue au cours du présent colloque. Je signale que la mixité ne peut en tout cas être respectée dans l'environnement dans lequel j'exerce. Seules deux femmes kinésithérapeutes interviennent ainsi sur le plateau de Sartrouville - 22 000 habitants - car certaines femmes sont angoissées par ce milieu. Les médecins généralistes et spécialistes, les infirmières en libéral ont d'ores et déjà déserté le plateau de Sartrouville.
En conséquence, le problème de la mixité dans le secteur de la santé doit être considéré de manière globale et inclure l'exercice libéral.
Enfin, la loi sur la parité a permis à de nombreuses femmes d'acquérir des responsabilités politiques. Nous vivons une époque charnière où les femmes veulent ce qui était réservé aux hommes. Elles concilient à la fois la vie professionnelle et vie familiale. Je félicite d'emblée les femmes qui défendent leurs droits et participent à ce colloque car d'autres ont besoin de notre mobilisation.
M. Emmanuel KESSLER
Votre remarque sur la non-mixité rejoint une précédente intervention concernant les contextes sociaux qui empêchent les femmes d'exercer certaines fonctions.
Mme Catherine LE MAGUERESSE, association européenne contre les violences faites aux femmes au travail
La question de la laïcité doit être étudiée en liaison avec la question de la subordination des femmes. Il me semble que si on doit changer le cadre législatif et réglementaire, c'est en se rappelant que la République ne doit pas permettre que les femmes subissent la subordination. Je crois en effet que la question du voile est liée à cela. Imposer le respect de la laïcité et des droits des femmes dans les hôpitaux et dans tous les lieux publics est aussi une manière de protéger l'ensemble des droits des femmes et permet à celles dont les maris imposent leur volonté - notamment de port du voile - d'être encouragées dans leur combat personnel. Je ressens le fait d'être confrontée aux femmes qui sont obligées de porter le voile dans l'espace public comme une grande violence.
Mme Isabelle COLLET, bureau de l'association Les chiennes de garde
Le problème semble être circonscrit aux femmes voilées, soignées ou soignantes. Arrive-t-il aussi que les hommes refusent de se faire soigner par des médecins femmes ? Cela me semblerait logique. Pourquoi en parle-t-on moins ? Ce type d'exigences attire-t-il moins l'attention ? L'organisation et l'effectif sont-ils tels que le personnel hospitalier peut accéder à ces demandes ?
M. Emmanuel KESSLER
La question étant très précise, Madame Amale Hazaël-Massieux pourrait y répondre immédiatement.
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX
Le cas que vous décrivez ne peut arriver dans le service de maternité que je dirige puisqu'il s'agit précisément d'une maternité !
Par ailleurs, je me réjouis de toutes ces interventions. Le voile est en effet un des déterminants initiaux de nos réflexions. Toutefois, nous nous inquiétons surtout des risques et des pertes de chance que ces attitudes impliquent pour les femmes. Nous savons que certaines femmes qui souhaitent une péridurale ne peuvent en bénéficier parce que l'anesthésiste est un homme. Une patiente qui doit rester alitée se prive quelquefois du transport sur brancard parce que le brancardier est un homme. Une patiente souffrant d'une hémorragie peut être obligée de repartir parce que nous ne pouvons répondre à son exigence d'être soignée par un médecin homme. Les femmes subissent ainsi une forme de discrimination, de violence et de prise de risque qui nous préoccupe. Ce n'est pas le voile en soi qui nous ennuie. J'ajoute que la médecine doit théoriquement s'exercer dans le respect d'une neutralité relationnelle.
Lors de nos réunions, le personnel exprime un malaise qui peut, certes, être lié au manque de moyens mais il est surtout social. Le personnel hospitalier déplore la non-reconnaissance de son rôle et le refus des patients ou des visiteurs de respecter les règles encadrant, par exemple, les heures de visite. Le personnel se sent pris au piège car il est parallèlement obligé de tenir compte de la culture des patients.
Concernant la féminisation des fonctions, il a été décidé, en 1982, après le débat consécutif à l'ouverture de la profession de sage-femme aux hommes, de conserver ce titre. Il n'y avait en effet pas de raison de nommer les intéressés des « sages-hommes ».
La majorité des soignants de l'hôpital sont des femmes. Les cadres comptent également une majorité de femmes. La loi sur la gouvernance à l'hôpital oublie cependant les femmes parmi les cadres soignants. J'ai été invitée à participer à ce colloque pour parler d'un sujet bien précis. Nous pouvons néanmoins témoigner également de l'insuffisante reconnaissance des femmes de l'encadrement. Nous sommes oubliées dans les textes majeurs alors que les soignants, qui constituent un des piliers de l'hôpital auprès des médecins, des patients et des administrateurs, sont majoritairement des femmes.
M. Maurice TOULLALAN
Outre qu'il convient de ne pas diaboliser une religion précise, il convient de garder à l'esprit que les hommes peuvent aussi porter des signes ostentatoires d'appartenance à une religion. Dans ce contexte, je ne distingue pas les hommes des femmes. Je proposerai d'ailleurs au conseil d'administration de voter en septembre une modification du règlement intérieur visant à imposer au personnel soignant d'être tête nue. La disposition ne s'adresse à aucune religion en particulier. Tous devront être tête nue sauf, évidemment, pour des raisons techniques comme dans le bloc opératoire. Il me semble que le présent débat se concentre essentiellement sur une seule religion.
Mme Eliane APERT
Pour répondre à des questions posées précédemment, je souligne qu'il n'est pas de notre compétence, sinon comme citoyen, de répondre aux questions de la mixité sociale ou de la carrière des femmes.
M. Casimir MUSZINSKI, gynécologue-obstétricien
Je suis atterré de constater que le ministère de la santé ait élaboré un droit des malades sans prévoir un droit des soignants. Ces derniers, ainsi que les praticiens, sont pourtant agressés quotidiennement depuis de nombreuses années. Le ministère doit redonner au corps soignant la place qu'il mérite.
Mme Amale HAZAEL-MASSIEUX
J'adhère entièrement à votre souhait. Le personnel soignant, souvent isolé et agressé, n'est pas reconnu.
M. Emmanuel KESSLER
Nous devons reconnaître que la problématique liée à la mixité est accentuée par une forme de malaise social même si ce dernier thème dépasse celui de notre colloque.
Mme Annie NEGRE, présidente de l'association française des femmes diplômées des universités
L'éducation me semble être au fondement de tout. Cependant, Nicole Ameline l'a rappelé, l'éducation au genre n'existe pas en France. Tout comme l'instauration de la mixité, la prise de conscience des enjeux liés à la mixité est récente. Au-delà du cas des infirmières, il faut rappeler que l'accroissement du nombre de médecins femmes constitue un phénomène nouveau.
Je note par ailleurs deux revendications différentes dans les hôpitaux : celle des hommes par rapport à des femmes soumises et celles de femmes éduquées, diplômées - jeunes médecins, internes, infirmières - qui revendiquent ce que nous considérons comme une forme de soumission. Cette dernière revendication interpelle et heurte la féministe convaincue que je suis.
M. Emmanuel KESSLER
Pourquoi revendiquent-elles cette soumission ?
Mme Annie NEGRE
Une femme éduquée souhaitant certaines valeurs de soumission refuse l'émancipation et la laïcité. Elle se soumet à une idéologie. Nous pensons qu'il s'agit-là d'une régression considérable qui a cours à la fois en France et dans d'autres pays. Je considère que cela n'a pas été suffisamment souligné jusqu'ici.
Ensuite, je m'étonne qu'il faille le courage des représentants de l'hôpital d'Argenteuil pour faire face aux exigences de certains. Il est tout à fait inadmissible que les politiques ne publient pas les textes d'application nécessaires pour que les principes fondamentaux de la République laïque soient respectés. Le phénomène date de quatre ou cinq ans. Nous commençons également à le rencontrer dans le milieu professionnel des avocats. Il revient aux responsables de tous les partis politiques, qui sont unanimes à ce sujet, d'édicter les textes d'application nécessaires. Mesdames Nicole Ameline et Gisèle Gautier nous aideront certainement. Il ne revient pas aux médecins et au personnel soignant d'affronter quotidiennement un problème de société aussi grave.
Mme Gisèle GAUTIER
Je souscris entièrement à vos propos.
Nous avons auditionné un éventail très large d'acteurs - personnel hospitalier, représentants de l'exercice libéral, responsables - afin de décrire la situation dans notre rapport et d'en déduire des propositions concrètes. Nous avons ainsi formulé seize recommandations qui, nous l'espérons, seront prises en compte.
La treizième recommandation se fonde, par exemple, sur la loi du 13 mars 2004 qui, en application du principe de laïcité, réglemente le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics pour contribuer à mieux garantir l'égalité des sexes à l'école. Il convient de faire de même dans les hôpitaux publics. À l'occasion des débats suscités par le principe de la laïcité, nous avons en outre rappelé que le Premier ministre avait d'ailleurs annoncé son intention de demander au Parlement de voter une disposition législative prohibant toute discrimination entre les sexes à l'occasion des consultations ou des soins dispensés. Face à des comportements qui remettent en cause la mixité dans les établissements hospitaliers, le règlement intérieur de ceux-ci est parfois modifié afin que l'exercice de la médecine ne soit pas perturbé par des critères prétendument religieux. Cela ne suffit pas. Ces règlements sont relativement anciens. Ils ont été édictés quatre ou cinq ans auparavant et n'ont pas été actualisés. Le problème de la portée juridique du règlement intérieur reste néanmoins posé ainsi que celui du risque de mise en cause de la responsabilité pénale du centre hospitalier et de ses agents. La définition d'un cadre juridique minimum paraît donc tout à fait indispensable à l'hôpital.
Nous continuerons à lutter afin qu'un texte juridique offre aux acteurs concernés un soutien nécessaire.