CINQUIÈME PARTIE :
LES DÉFIS FUTURS DE LA RÉGULATION
ET DE LA SÉCURITÉ DES MARCHÉS

La sécurité financière ne saurait s'entendre dans le seul cadre national . Ses enjeux sont par nature multi-sectoriels et mondiaux, et ont de fait suscité une prise de conscience croissante au sein des instances et forums internationaux. Les travaux et recommandations d'enceintes telles que le Forum de la stabilité financière (FSF) et l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) n'ont cependant de valeur autre qu'incitative. L'Union européenne a en revanche considérablement étoffé son corpus normatif au cours des cinq dernières années, la quasi-totalité des règlements et directives prévus par le Plan d'action pour les services financiers ayant été adoptés, et a instauré une procédure originale - quoique relativement complexe - de mise en oeuvre de l'ensemble de ces dispositions, à travers le « processus Lamfalussy 160 ( * ) », du nom de son promoteur.

Sur ces initiatives se greffent des actions de coopération bilatérale et multilatérale beaucoup plus formalisées entre les régulateurs nationaux. Ainsi se constituent progressivement, sans que l'on puisse naturellement parler de régulation financière à l'échelle mondiale, un référentiel et des principes communs d'action. Dans l'immédiat, l'amorce très récente d'un dialogue transatlantique entre la SEC et les autorités européennes, les disparités encore importantes des systèmes juridiques et les différences d'organisation des places de marché font que la régulation demeure encore compartimentée. Pourtant, c'est bien à l'échelle européenne que les avancées paraissent à la fois les plus prometteuses et les plus nécessaires à terme , tant pour instituer un interlocuteur crédible vis-à-vis des Etats-Unis que pour établir un cadre réglementaire cohérent avec le mouvement rapide de concentration des entreprises de marché et l'inventivité permanente des émetteurs.

I. LES NOUVEAUX ENJEUX JURIDIQUES ET ORGANISATIONNELS D'UNE RÉGULATION INTERNATIONALE RENFORCÉE À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE

L'article 2 de la loi de sécurité financière a énoncé, parmi les missions de l'AMF, son rôle dans la coopération financière internationale :

« Elle apporte son concours à la régulation de[s] marchés [d'instruments financiers] aux échelons européens et international ».

L'organisation des services de l'AMF a permis d'identifier une direction de la régulation et des affaires internationales , chargée de la coordination et du pilotage de l'évolution des règles.

La fusion des autorités de régulation au sein de l'AMF lui a conféré la visibilité et les moyens nécessaires à une action plus importante de régulation internationale, laquelle s'exerce à plusieurs niveaux : une coopération bilatérale et multilatérale accrue - dans l'enceinte notamment de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), et un pouvoir normatif croissant à l'échelle européenne.

A. LE RÔLE CROISSANT DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS DANS LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

1. La coopération multilatérale : les travaux de l'Organisation internationale des commissions de valeurs

La coopération de l'AMF à l'échelle internationale s'exerce dans plusieurs enceintes :

- l'OICV ;

- le « Forum conjoint » ( Joint Forum ), lequel regroupe des experts des trois organisations internationales de régulateurs (le Comité de Bâle, l'OICV et l'Association internationale des superviseurs d'assurance) ;

- le Forum de stabilité financière (FSF) ;

- l'Institut francophone de la régulation financière (IFREFI) ;

- le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI).

L'OICV, dont la conférence annuelle s'est tenue à Séoul du 14 au 17 octobre 2003, apparaît comme la structure la plus dynamique.

Ainsi que l'a développé l'AMF dans son rapport annuel 2003, lors de la réunion de Séoul de l'OICV, le comité des présidents de l'OICV a adopté les standards sur la supervision et la surveillance des auditeurs , définis par le Comité technique en 2002 dans le contexte de l'affaire Enron. Ces principes, déclinés selon les différentes catégories d'acteurs des marchés, visent à protéger les investisseurs, à garantir des marchés équitables, efficaces et transparents et à réduire les risques systémiques. Pour faciliter la transposition de ces principes, les principaux régulateurs nationaux des marchés développés et émergents appartiennent au Comité d'application ( Implementation Committee ) des normes OICV.

La COB, puis l'AMF, ont fait partie dès 2002 des pionniers du groupe chargé d'évaluer les commissions de valeurs mobilières qui demandent à devenir signataires de l'accord multilatéral de coopération et d'échange d'information ( Memorandum of Understanding , ou MOU). Dans ce cadre, l'AMF préside le comité en charge des questions relatives à la gestion d'actifs ( Standing Committee 5).

Au sein de l'OICV, les travaux du Comité technique en 2003 se sont concentrés sur les analystes financiers , selon plusieurs principes :

- des dispositifs doivent empêcher les intérêts financiers de l'analyste de mettre en cause l'indépendance de ses recommandations ;

- des garanties d'indépendance de l'analyste doivent être apportées, tant au regard des intérêts de l'intermédiaire qui l'emploie qu'au sein de la structure où il travaille ;

- des procédures écrites doivent identifier et traiter les conflits d'intérêts, et la présentation de l'analyse avertir sur les conflits d'intérêts : certaines obligations relatives à la présentation et à la publicité des analyses figurent ainsi, au niveau européen, dans la directive 2003/125/CE du 22 décembre 2003 relative à la présentation équitable des recommandations d'investissement et à la mention des conflits d'intérêt, prise en application de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les abus de marché ;

- l'analyste doit être protégé de pressions extérieures, notamment des émetteurs ;

- les analystes doivent faire preuve d'intégrité et de compétence, tandis qu'est rappelée l'importance de l'éducation des investisseurs (thème sur lequel l'AMF a constitué un groupe de travail, dans le cadre de ses commissions consultatives).

Compte tenu des enjeux économiques internationaux que représente la profession d'analyste, et des limites d'une régulation au seul niveau national, votre rapporteur général estime nécessaire une telle « régulation par le haut », assortie de recommandations précises, laquelle doit être pleinement intégrée par les professionnels. Investie d'une nouvelle mission de réglementation ( article 8 de la loi de sécurité financière), de contrôle ( article 10 ) et de sanction ( article 14 ) de la profession des analystes, l'AMF devra relayer efficacement dans ses recommandations et contrôles la mise en oeuvre des principes établis au niveau international .

Le Comité technique de l'OICV a par ailleurs approfondi ses travaux sur les agences de notation , mais en privilégiant l'autorégulation, en l'absence de réglementation et de contrôle spécifique des agences de notation dans de nombreux pays, dont la France.

* 160 La procédure Lamfalussy, du nom du président du comité des sages - M. Alexander Lamfalussy - ayant rédigé un rapport sur cette question en 2001, peut se définir comme une approche législative pour favoriser l'harmonisation européenne du cadre réglementaire des marchés financiers. Quatre niveaux ont été identifiés : le niveau 1 concerne les règles de base (pour l'essentiel, les directives et les règlements communautaires) ; le niveau 2 porte sur les mesures d'exécution, en coopération étroite avec les professionnels ; le niveau 3 correspond à celui des recommandations du CESR, en vue d'une application cohérente des textes de niveau 1 et 2 dans l'ensemble des Etats membres ; le niveau 4 porte sur la vérification de l'application des textes communautaires par les Etats membres.

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