D. UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ : ASSURER LA CRÉDIBILITÉ DE LA FONCTION PARA JURIDICTIONNELLE
1. Le renforcement des sanctions
a) Le fonctionnement crédible de la commission des sanctions
(1) Une procédure graduelle de contrôle et de sanction
L'AMF a mis en place une procédure de sanction en plusieurs étapes après une phase initiale de contrôle , afin de respecter les principes des droits de la défense et de procès équitable, ainsi que la séparation des phases d'instruction et de sanction, en conformité avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ( CEDH ) 49 ( * ) .
Ce respect des dispositions de l'article 6 de la CDEH s'impose en effet dans la mesure où les sanctions administratives de l'AMF sont considérées comme présentant un caractère pénal , ainsi que l'avait rappelé votre rapporteur général dans son rapport en première lecture sur le projet de loi de sécurité financière 50 ( * ) . Votre rapporteur général rappelle en outre qu'une controverse doctrinale a porté sur la fonction juridictionnelle de l'AMF, susceptible de concurrencer le juge. Sur l'initiative de votre commission, un amendement a toutefois été apporté à l'article 14 de la loi de sécurité financière, afin de parvenir à une meilleure articulation des sanctions administratives et pénales 51 ( * ) .
La procédure de contrôle et de sanction se déroule comme suit :
- en cas d'infraction, la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés peut décider l'envoi d'une lettre d'observations , sans poursuivre plus avant la procédure, ou notifier les griefs dans un dossier transmis à la commission des sanctions ;
- la commission des sanctions désigne un rapporteur, pouvant procéder à toutes les auditions nécessaires ; le rapport est porté à la connaissance de la personne mise en cause qui peut faire valoir ses observations ;
- la commission des sanctions délibère hors la présence du rapporteur .
L'article 8 du décret du 21 novembre 2003 précité a précisé les règles de fonctionnement de la commission des sanctions et de ses sections, s'agissant des règles de convocation, de délibération et de suppléance du président en cas d'absence. La commission des sanctions bénéficie ainsi d'une certaine souplesse dans la conduite de ses activités.
Cette procédure apparaît fortement encadrée et respectueuse des droits de la défense . En particulier, si le rapporteur découvre de nouveaux griefs en cours de procédure, le dossier doit être réexaminé par le collège : la commission ne peut pas étendre d'elle-même sa saisine.
En outre, votre rapporteur général observe que l'efficacité des procédures de sanction suppose, dans le cas de filiales de sociétés étrangères établies en France, que les enquêtes de l'AMF prennent également en compte les opérations réalisées par la maison mère à l'étranger.
(2) Les pouvoirs étendus de l'AMF en matière d'injonction et de saisine du président du tribunal de grande instance de Paris
Afin de conforter la fonction de contrôle de l'AMF, l'article 13 de la loi de sécurité financière a prévu des dispositions nouvelles :
- d'une part, un pouvoir d'injonction du collège de l'AMF afin de faire cesser des « pratiques contraires aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur » ou « de nature à porter atteinte aux droits des épargnants », cette seconde catégorie de pratiques constituant une novation par rapport au pouvoir d'injonction directe dont disposait la COB ;
- d'autre part, un pouvoir de saisine par l'AMF du président du tribunal de grande instance (TGI) de Paris pour faire cesser les mêmes pratiques que celles visées pour le pouvoir d'injonction directe.
L'AMF a recouru à son nouveau pouvoir d'injonction , à 14 reprises depuis son installation le 24 novembre 2003 - alors que, pour sa part, la COB avait utilisé 24 fois son pouvoir d'injonction entre 1989 et 2003.
(3) La transmission à d'autres autorités
Dans le cadre de la coopération avec d'autres autorités , administratives ou professionnelles , votre rapporteur général observe que, en 2003, la COB a transmis 10 rapports à d'autres autorités françaises, notamment au CMF et au CDGF. Pour sa part, en 2003 le CMF a transmis 29 rapports à d'autres autorités françaises, en particulier la COB et la Commission bancaire. Ces échanges croisés témoignent de la pertinence de fusionner la COB, le CMF et le CDGF au sein de l'AMF, afin d'approfondir des coopérations plus anciennes.
S'agissant de la transmission aux autorités judiciaires , elle découle notamment de l'article 40 du code de procédure pénale, aux termes duquel tout officier ou fonctionnaire qui acquiert la connaissance de faits susceptibles d'être qualifiés de crime ou délit doit en donner avis au procureur de la République.
En 2003, le CMF a transmis 7 rapports de contrôle au procureur de la République, et la COB 17 rapports comportant des éléments susceptibles de qualification pénale.
Lors de son audition par votre rapporteur général le 10 juin 2004, M. Gérard Rameix, secrétaire général de l'AMF, a noté que, dès lors qu'elle a notifié des griefs de nature pénale, l'AMF les a transmis immédiatement au parquet, sans attendre le dénouement de la procédure de sanction . Votre rapporteur général salue cette évolution, nécessaire à la célérité de la sanction comme au maintien de bons rapports de coopération avec l'autorité judiciaire.
b) Des procédures de sanction plus nombreuses
A l'occasion de la présentation de son rapport annuel 2003 le 24 juin 2004 , sept mois après son installation, l'AMF a souligné que 43 enquêtes avaient été ouvertes et 54 contrôles effectués chez les prestataires de services d'investissement. En 2003, 85 enquêtes ont été ouvertes par la COB puis par l'AMF, suite à l'examen de 1.469 situations de marché.
L'objectif consiste toutefois davantage dans l'approfondissement que dans l'augmentation des enquêtes. Votre rapporteur général partage pleinement l'opinion exprimée par M. Jacques Ribs, président de la commission des sanctions, dans un entretien donné au quotidien Les Echos du 17 mai 2004 : « [La commission a] un rôle répressif, bien sûr, mais également pédagogique, tant en direction du marché que du public ».
A la date du 24 juin 2004 , l'AMF avait engagé une trentaine de procédures de sanction. Quatorze procédures étaient en outre héritées du CMF et du CDGF et, dans une moindre mesure, de la COB.
L'AMF a publié ses trois premières décisions de sanction le 17 mai 2004. Cinq décisions de sanctions avaient été prononcées et publiées à la date du 24 juin 2004, concernant dix personnes physiques ou morales. Par comparaison, sur l'ensemble de l'année 2003, 17 procédures de sanction (concernant 24 personnes) ont été prononcées par la COB.
Ces chiffres montrent une accélération de l'activité : en effet, lors de la présentation officielle de la nouvelle architecture de l'AMF, le 12 février 2004, une trentaine de procédures de sanctions étaient alors en cours d'examen.
Les sanctions apparaissent dissuasives et proportionnées . Une sanction de 500.000 euros a ainsi été prononcée à l'encontre de la Banque transatlantique. Au-delà des controverses sur leur sévérité, il convient de rappeler que les sanctions administratives sont plafonnées. Pour les délits d'initiés, les amendes peuvent atteindre dix fois les gains réalisés ; dans les autres cas, les amendes sont plafonnées à 1,5 million d'euros.
* 49 « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement (...) ».
* 50 En particulier, deux décrets du 1 er août 2001 avaient modifié la procédure de sanction de la COB, suite à un arrêt du 7 mars 2000 de la Cour d'appel de Paris qui avait annulé une sanction prononcée par la COB pour violation de l'article 6 de la CEDH.
* 51 L'amendement adopté à l'article L. 621-15-1 du code monétaire et financier a visé à permettre un meilleur fonctionnement des procédures et une amélioration de la transmission des informations entre l'AMF et l'autorité judiciaire. Votre rapporteur général avait relevé en séance : « Nous avons longuement délibéré du sujet, préoccupant pour certains de nos interlocuteurs, de la redondance possible des procédures. Avec ce processus, les choses devraient substantiellement s'améliorer tant du côté de l'AMF que du côté du parquet du tribunal de grande instance de Paris. Il devrait en résulter de meilleurs instruments de travail et une plus grande coopération » (Journal officiel, Sénat, 5 juin 2003).