4. Des documents locaux de planification peu nombreux
a) Les schémas de mise en valeur de la mer
L'adaptation des règles fixées par la loi aux contraintes géographiques locales supposait la mise en oeuvre d'instruments de planification. Au premier rang d'entre eux, les schémas de mise en valeur de la mer (SMVM) , paraissaient particulièrement adaptés, en raison de leur approche « terre-mer ».
Ayant valeur de prescription particulière, dotés des mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement, les SMVM devaient permettre, sur une unité géographique et maritime donnée, d'organiser la coexistence des activités en concurrence en définissant une stratégie de développement et de protection. Ce sont ces documents qui, en raison de leur spécificité, auraient dû permettre de mieux atteindre les objectifs de développement économique du littoral poursuivis par la loi.
En effet, leur rôle est primordial, en premier lieu, pour l'aquaculture , comme en atteste le rôle particulier réservé aux sections régionales de la conchyliculture , obligatoirement consultées sur le projet du schéma. Ainsi l'étang de Thau, recouvert par le seul SMVM en vigueur aujourd'hui, est dominé par le problème de la restructuration des zones conchylicoles . Ce document, qui porte sur 7.500 hectares d'eau et concerne l'un des étangs les plus exploités du littoral français sur le plan de la conchyliculture avec plus de 16.000 tonnes d'huîtres par an, soit 10 % de la production nationale, vise à conforter l'activité de pêche et de conchyliculture et à mieux protéger la qualité des eaux .
Le rôle de ces documents est également très important, en second lieu, en matière portuaire puisque la prévision de ces équipements par le SMVM détermine l'autorité compétente pour créer les ports . La décision de création ou d'extension est en effet prise par la commune dans le respect des prescriptions d'un SMVM, mais, en l'absence de ce document, relève de la compétence du préfet sur proposition de la commune et après avis du ou des conseils régionaux concernés.
Or force est de constater que leur bilan est très insatisfaisant en métropole, puisque depuis plus de vingt ans, un seul schéma, celui de l'étang de Thau, a été approuvé le 20 avril 1995.
Il faut souligner, en revanche, et à la différence de la métropole, que dans les départements d'outre-mer, tous les dossiers ont abouti dans le cadre du schéma d'aménagement régional (SAR) qui comporte un chapitre individualisé valant schéma de mise en valeur de la mer : Réunion (6 novembre 1995), Martinique (23 décembre 1998), Guadeloupe (4 janvier 2001) et Guyane (2 mai 2002). Ces chapitres valant SMVM ont ainsi identifié les coupures d'urbanisation, les zones d'aménagements liés à la mer (ZALM), les espaces naturels remarquables ou caractéristiques sur le rivage de la mer et les espaces protégés. Le bilan en est positif, puisque, comme l'a relevé M. Philippe Saint-Cyr lors de son audition par le groupe de travail, les SAR permettent d'assurer une meilleure cohérence et une ébauche de mutualisation de l'aménagement du territoire.
b) Les directives territoriales d'aménagement
Les directives territoriales d'aménagement devaient contribuer à éviter les écueils rencontrés dans l'application de la « loi littoral » . En associant étroitement les élus à l'élaboration du projet, elles étaient censées permettre de nouer un dialogue plus constructif entre les élus et les agents de l'Etat . En définissant les priorités affectées aux valeurs d'usage du sol et les transformations prévisibles tant de l'équipement du territoire que de sa gestion, elles devaient permettre de faire prévaloir une logique de projet sur une logique purement juridique . Enfin, elles devaient apporter une sécurité juridique aux documents d'urbanisme en identifiant les espaces à protéger.
Là encore, le bilan est très mince, et ces objectifs ne sont donc toujours pas atteints. Près de neuf ans se sont écoulés entre la définition du régime juridique des DTA, en 1995, et la validation de la première d'entre elles, celle des Alpes-Maritimes, le 2 décembre 2003, par décret en Conseil d'Etat.
La DTA des Alpes-Maritimes, qui couvre 163 communes et concerne 1 million d'habitants a pour enjeux, sur un territoire exigu , de conforter le positionnement du département (amélioration des déplacements, développement des pôles d'excellence) de préserver et valoriser l'environnement en lien avec l'économie touristique (paysages, qualité de l'eau, risques naturels, application de la « loi littoral » sur la zone côtière et de la « loi montagne » dans le haut pays). Cette DTA, la seule à l'heure actuelle, a été approuvée par décret en Conseil d'Etat du 2 décembre 2003. La DTA de l'estuaire de la Seine (942 communes, 1,55 million d'habitants) couvre pour partie les deux régions de Haute et Basse-Normandie et trois départements. Ses enjeux sont multiples : recherche d'une meilleure complémentarité des trois ports tenant compte de l'important projet « Port 2000 » du Havre, accueil d'activités logistiques et industrielles sur certains sites de la plaine alluviale de l'estuaire, protection d'espaces sensibles d'intérêt européen, valorisation d'espaces naturels et agricoles. Le dossier devrait être soumis à l'avis du CNADT en septembre et soumis aussitôt, avec le projet de décret d'approbation, à l'avis du Conseil d'Etat. La publication du décret devrait donc pouvoir intervenir au cours du 1 er trimestre 2005. La DTA de l'estuaire de la Loire (199 communes, 1,1 million d'habitants), sur deux départements a pour but d'affirmer le rôle de Nantes - Saint-Nazaire comme métropole du grand ouest en développant ses atouts spécifiques au regard de divers enjeux (amélioration des liaisons fret et voyageurs, requalifications urbaines notamment des friches, consolidation des fonctions économiques stratégiques, portuaires et logistiques, maîtrise de l'étalement urbain) , et de protéger un environnement et un cadre de vie remarquable par ses ressources en eau, sa diversité biologique et ses paysages. Le projet a été soumis à l'avis des personnes publiques associées fin 2003. L'enquête publique s'est déroulée du 14 avril au 17 mai 2004. La commission d'enquête procède actuellement à l'établissement de son rapport et de ses conclusions ; elle a indiqué récemment qu'elle devrait pouvoir être en mesure de les adresser au préfet pour la fin août. La DTA des Bouches-du-Rhône (119 communes, 1,8 million d'habitants) couvre l'ensemble du département. Elle a pour enjeux le développement des fonctions métropolitaines de Marseille autour du projet Euro méditerranée et de son infrastructure logistique, la gestion de l'offre d'espaces d'activités économiques entre plusieurs pôles de développement, l'amélioration du fonctionnement de l'agglomération en en confirmant le caractère multipolaire (politiques de déplacements et d'habitat), la maîtrise de l'étalement urbain, la protection et la valorisation de l'environnement. La DTA précise également les modalités d'application de la « loi littoral » pour les territoires concernés. Dans le prolongement du CIADT du 18 décembre 2003 qui a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône de préciser un certain nombre d'orientations et la cartographie, la mise au point du projet se termine. La consultation des personnes publiques associées, qui ont trois mois pour formuler leur avis, doit intervenir à la mi-juillet 2004 et sera suivie de la mise à l'enquête publique. |
L'échec des SMVM et l'extrême lenteur d'élaboration des DTA, dont la procédure relève de l'Etat, doivent conduire à une refonte des documents de planification. La situation actuelle, caractérisée par une superposition de documents (DTA, SMVM, SCOT) sur un même territoire, n'est en effet pas satisfaisante, et ne donne pas aux collectivités territoriales les moyens de mettre en oeuvre une gestion intégrée sur leur territoire.
d) Les schémas de cohérence territoriale
On recense actuellement, sur le littoral métropolitain, 41 SCOT en cours d'élaboration (dont au moins une des communes a une façade littorale). La Bretagne en compte 11, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur 8, le Languedoc-Roussillon 6, le Poitou-Charentes 4, l'Aquitaine 4, la Basse-Normandie 4, le Nord-Pas-de-Calais 2, et les Pays de la Loire 2.
c) Les plans locaux d'urbanisme
Les communes relevant de la « loi littoral », qui étaient au nombre de 1.125 jusqu'à la parution du décret relatif aux communes estuariennes, disposent généralement de documents d'urbanisme , puisque, selon une enquête réalisée en octobre 2003 par le ministère de l'équipement, 427 étaient dotées d'un POS approuvé au 1 er janvier 2001, 526 avaient mis en révision leur POS pour le transformer en PLU, 70 avaient entamé l'élaboration d'un PLU et 12 disposaient de cartes communales. Une centaine de communes n'est donc pas couverte par un document d'urbanisme.