B. TRANSFORMER LA DOCUMENTATION FRANÇAISE EN ÉTABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL ?
1. Une hypothèse récurrente
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, la Cour des comptes regrettait que « la réflexion engagée par la direction de l'organisme, à la suite de la recommandation de la Cour et sur demande du Secrétariat général du Gouvernement, en vue d'une éventuelle transformation du statut de l'organisme (EPIC, budget annexe...), n'ait guère progressé ».
Alors que la transformation en budget annexe n'a jamais fait l'objet d'une réflexion approfondie, car les recettes d'exploitation n'ont pas le caractère d'une redevance, la proposition de transformer la Documentation française en EPIC avait déjà été formulée en 1995, dans la lettre de mission adressée au directeur de la Documentation française qui venait d'être nommé, Mme Martine Viallet.
Cette piste a de nouveau été étudiée dans le cadre des travaux conduits par la Documentation française sur l'unification du cadre de gestion, compte tenu de la part importante des activités de la Documentation française relevant du champ commercial.
2. Une option susceptible de soulever des difficultés nouvelles pour la Documentation française
La transformation de la Documentation française en EPIC, outre qu'elle poserait la question de la pérennité éventuelle des missions non commerciales, semble devoir se heurter à deux obstacles qui rendent cette réforme peu opportune.
Le premier obstacle est d'ordre financier : la transformation en EPIC présenterait un coût estimé entre 5 et 6 millions d'euros , du fait de la nécessité de renforcer certains moyens de fonctionnement aujourd'hui mutualisés au sein de la direction des services administratifs et financiers (DSAF) des services du Premier ministre, ainsi que du remplacement du système de gestion ACCORD prévu par la LOLF par un progiciel adapté à la comptabilité des établissements publics.
Il convient ensuite de souligner que la transformation de la Documentation française en établissement public conduirait à une réorganisation interne des modes d'activité.
Les services de l'administration seraient ainsi contraints de respecter une procédure de publicité et de mise en concurrence pour charger la Documentation française de ses tâches de diffusion ou d'édition .
En effet, la notion de prestations que la doctrine a qualifié de « in house - Comme à la maison », à la suite notamment de l'arrêt Teckal de la CJCE 18 ( * ) , dont les principes sont repris dans le nouveau code des marchés publics, ne s'appliquerait pas.
La Cour des comptes a posé deux conditions au jeu de l'exception de la prestation « in house » : les règles fixées par la directive ne s'appliquent pas « dans l'hypothèse où, à la fois, [l'entité adjudicatrice] exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».
De même, l'article 3 du décret du 7 mars 2001 19 ( * ) prévoit que ce dernier ne s'applique pas « aux contrats conclus par une des personnes publiques mentionnées à l'article 2 20 ( * ) , avec un contractant sur lequel elle exerce un contrôle comparable à celui qu'elle exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités pour elle 21 ( * ) » .
La Documentation française ne remplirait que la seconde de ces deux conditions, que le nouveau code des marchés publics ne remet pas en cause :
- certes, son chiffre d'affaires provient essentiellement de commandes de services de l'administration de l'Etat ;
- cependant, elle dispose d'ores et déjà d'une importante autonomie qui ne pourrait qu'être accrue par sa transformation en établissement public.
Dans ces conditions, la transformation en EPIC de la Documentation française impliquerait la soumission au code des marchés publics de ses activités de diffusion et d'édition réalisées à la demande des administrations. Elle soulèverait d'autres difficultés de gestion interne, notamment l'obligation d'un remboursement intégral au Trésor public des avoirs détenus par les administrations.
Si votre rapporteur spécial rappelle que les prestations de la Documentation française ne doivent pas fausser le jeu de la concurrence, il estime inopportune une transformation en EPIC, dont les conséquences financières seraient particulièrement lourdes.
* 18 CJCE, 18 novembre 1999, Teckal.
* 19 Décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics.
* 20 « L'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ».
* 21 Une autre exigence étant que « même si ce co-contractant n'est pas une des personnes publiques mentionnées à l'article 2, il applique, pour répondre à ses besoins propres, les règles de passation des marchés publics prévues par ce présent code ».