V. COMPENSER LES DÉFICITS ACQUIS OU CONGÉNITAUX
Certaines parties du corps humain (organes, cellules) se dégradent au cours du temps, voire sont altérées dès la naissance. Il est légitime d'espérer trouver au travers des nanotechnologies les moyens de compenser partiellement ou totalement ces déficits.
A. LES NEUROPROTHÈSES
En premier lieu, on pensera notamment aux possibilités offertes par la connexion entre un dispositif électronique et des cellules vivantes (cellules nerveuses ou neurones) qui pourront peut-être un jour servir à restaurer une connexion nerveuse rompue par un accident ou une maladie, voire à remplacer un organe sensitif. L'interconnexion entre un neurone et un dispositif électronique à base de silicium est loin aujourd'hui d'être comprise. Il peut être facile de montrer l'analogie entre les ordinateurs et le cerveau en disant que tous les deux fonctionnent électriquement, mais les modes de fonctionnements sont loin d'être identiques. A tire d'exemple, on pourra citer la grande différence de mobilité, d'une part, des électrons dans le silicium (environ 10 3 cm2/Vs) et, d'autre part, celle des ions dans l'eau (environ 10 -3 cm 2 /Vs).
Toutefois, dans le long terme, on ne peut exclure la mise au point de neuroprothèse.
« Une neuroprothèse pourrait un jour aider des personnes paralysées après une lésion de la moelle épinière à retrouver une autonomie partielle. Des réseaux de microélectrodes implantées dans diverses zones du cortex moteur seraient reliés à une neuropuce située dans le crâne. En imaginant un mouvement du bras paralysé, la personne enverrait des signaux à la neuropuce, qui les convertirait en signaux de fréquence radio et les transmettrait à un petit ordinateur portable. Ce dernier les transformerait en commandes et les enverrait à une puce implantée dans le bras de la personne. Cette deuxième puce stimulerait les nerfs nécessaires pour effectuer le mouvement imaginé. L'ordinateur portable pourrait également contrôler le fauteuil roulant : la personne n'aurait qu'à penser au trajet désiré pour que le fauteuil le suive. L'ordinateur pourrait aussi envoyer des signaux à un bras de robot fixé sur le fauteuil » (11 ( * )) .
B. L'INGÉNIERIE TISSULAIRE
Une simple coupe de tissus observée au microscope nous enseigne que les tissus ne sont pas un simple amas anarchique de cellules mais au contraire qu'ils sont structurés à différentes échelles microscopiques. Les membranes des cellules obéissent également à une structuration nanoscopique. On parle là d'ingénierie tissulaire spécialité pluridisciplinaire qui se situe aux confins de la biologie et des sciences de l'ingénieur. Cette ingénierie tissulaire vise à créer des matériaux hybrides qui allient des matériaux nanostructurés (polymères organiques ou matériaux minéraux) et des cellules vivantes pour remplacer des tissus défaillants Le grand défi consiste à réaliser des matériaux bio compatibles voire dotés de la capacité de s'auto assembler (12 ( * )) afin qu'ils se marient étroitement avec les tissus environnant sans être rejetée à terme.
L'ingénierie tissulaire se définit comme l'utilisation de cellules et de biomatériaux pour le maintien ou la réparation/reconstruction de tissus et d'organes, ainsi que pour développer et tester des nouveaux médicaments.
Elle peut s'appliquer à des tissus très divers : peau, vaisseaux sanguins, tendons, ligaments, cartilage, os, vessie, foie, pancréas, valvules cardiaques, corde dorsale, cornée...
Elle fait appel à trois types de techniques :
- L'implantation de cellules (autologues, allogéniques, xénogéniques), suite à leur amplification in vitro ;
- L'implantation de tissus reconstruits in vitro à partir des cellules et des « scaffolds » (échafaudages moléculaires) ;
- La régénération de tissus in situ avec des « smart » biomatériaux/nanofibres.
Les auteurs de ce rapport ont plus précisément pu étudier deux applications de l'ingénierie tissulaire :
1. La reconstruction de la cornée artificielle
Ce programme de recherche a été présenté par le Pr. D. HULMES lors du colloque dont les actes sont annexés à ce rapport.
Il vise à reconstruire une cornée artificielle à partir des protéines humaines recombinantes de la matrice extracellulaire et des cellules épithéliales, stromales et endothéliales issues des cellules souches adultes.
Ses applications sont extrêmement importantes car si 6 millions de personnes dans le monde sont aveugles à cause des maladies infectieuses de la cornée, les greffes de cornées sont peu nombreuses (10.000 par an en Europe) par les risques de contracter une maladie du donner (HIV, hépatite C...) et par les limites des kératoprothèses artificielles.
* 11 Pour la Science - n° 304 - février 2003.
* 12 ZHANG S .- Fabrication of novel biomaterials through molecular self-assembly Nature Biotech (2003) 21/10, 1171-1178.