C. POURRA-T-ON EN FRANCE AVOIR RECOURS AUX NANOBIOTECHNOLOGIES ?

La réponse est aujourd'hui empreinte de pessimisme pour trois raisons :

- la création des nanoobjets

Il n'existe quasiment pas d'ingénieur français ayant reçu une formation lui permettant de créer des nanoobjets. Il faut noter à ce propos que toute formation relative aux nanotechnologies et plus encore aux nanobiotechnologies doit absolument être interdisciplinaire car ces technologies sont le fruit de la rencontre de la physique, de la chimie, de la biologie, etc...

C'est sur cet aspect que portent les efforts du Pr. Bertrand Fourcade à l'Université Joseph Fourier à Grenoble ainsi qu'il l'a rappelé lors du colloque organisé au Sénat (40 ( * )) .

« Ce qui caractérise les nanosciences, c'est que ce sont des disciplines qui interagissent et qui s'enrichissent mutuellement. C'est là-dessus que je voudrais insister.

S'il faut former les gens, il faut que ces gens puissent savoir importer des connaissances et un savoir-faire d'autres disciplines pour les pratiquer dans le contexte de leur propre méthode. Ce n'est pas parce que vous êtes physicien et que vous travaillez sur des matériaux biologiques que vous dénaturez votre métier de physicien, ce n'est pas pour ça que vous dénaturez votre métier de biologiste. Vous vous enrichissez mutuellement, vous élargissez mutuellement votre horizon. [...] Dans le contexte, je ne vais pas vous dresser un tableau de toutes les formations en nanosciences qu'il faudrait faire en France. Simplement, on s'est posé la question de ce qu'on pourrait faire à Grenoble. On a décidé de monter notre petite start-up à nous de formation, c'est-à-dire de monter une école européenne de nanosciences où, pendant trois semaines, on va faire venir des étudiants européens à Grenoble. Et la moitié de ces trois semaines va se passer dans des laboratoires. C'est au niveau doctorat et il s'agit de créer une communauté et un lieu de culture en recherche d'ouverture, en recherche fondamentale, où puissent venir puiser les créateurs de hautes technologies.

Cette définition n'est pas celle d'un universitaire. Ce n'est pas la définitition que j'ai donnée, c'est la définition qu'a donné quelqu'un de STMicroelectronics, qui n'est quand même pas connu comme un endroit où l'on pratique la recherche fondamentale à des fins de loisir. Ça, c'est quelque chose qui, a priori, intéresse absolument l'industrie. On garde notre caractère de recherche fondamentale mais en couvrant tout le champ des applications, du plus fondamental au plus appliqué. »

Ce type d'initiative devrait bien entendu être beaucoup plus répandu et systématisé.

La prochaine session européenne consacrée aux nanosciences et aux nanotechnologies aura d'ailleurs lieu à Grenoble du 22 août au 10 septembre 2004.

Mais il est indispensable de mettre en place des structures universitaires pérennes interdisciplinaires du type de celles qui a été récemment ouverte à l'Université de Stanford en Californie. Le « Bio-X project » réunit des biologistes et des physiciens mais aussi des spécialistes de nombreuses autres disciplines. Il réunit 35 professeurs issus de 15 départements universitaires (informatique, chimie, biologie, physique, mécanique, électricité, génétique, etc ...).

- l'utilisation des nanoobjets

o Les biopuces relativement « sophistiquées »

Il est vraisemblable qu'à l'avenir, les médecins disposeront de « kits » associant les outils de diagnostic et les éléments permettant d'orienter ou de débuter in situ les thérapies.

Il est donc clairement indispensable qu'ils reçoivent une formation appropriée leur permettant de savoir utiliser et décrypter l'information des biopuces.

o Les biopuces plus simples

Par ailleurs, en dehors des médecins, les futurs utilisateurs de biopuces devront avoir à leur disposition des outils relativement simples à utiliser. Ainsi que le rappelait M. Marc CUZIN à l'occasion du colloque organisé au Sénat, le 6 février 2004 (1) : « les biopuces, pour être utilisées en grande quantité, se doivent d'être simples d'utilisation. [...] L'utilisateur, demain, ne sera pas un Bac + 8 ou Bac + 11 ; ce doit être un laborantin de quartier, d'hôpital, un grand service d'analyse agro-alimentaire, un contrôleur d'eau municipal [...] donc il faut développer l'utilisation, l'interface et la qualité jusqu'au bout pour qu'il y ait véritablement une réponse qui convient à l'utilisateur ».

- la fabrication des nanoobjets

Le tissu industriel français ne présente absolument pas une capacité suffisante de fabrication de ce type d'instruments scientifiques.

Aujourd'hui rares sont les entreprises dans le domaine des nanobiotechnologies qui ont été capables de mettre sur le marché un produit à part les sociétés qui commercialisent des puces à ADN (par exemple Affimetrix aux USA ou ApiBio en France). Le fait que des entreprises se créent, essentiellement à l'étranger, ne doit toutefois pas faire oublier les problèmes encore non résolus. La principale barrière réside dans l'extrême difficulté à produire à l'échelle industrielle les nanomatériaux ou les nanoobjets même si les nanotubes de carbone ou des fullerènes peuvent maintenant être produits en qualité et en quantité industrielles.

* 40 « Nanosciences et médecine du XXIème siècle » colloque organisé au Sénat le 6 février 2004 - p. 95.

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