TROISIEME CHAPITRE NI ANGÉLISME, NI CATASTROPHISME
VI. LES ENJEUX ECONOMIQUES
Ainsi qu'on l'a exposé dans le chapitre précédent, les nanobiotechnologies font envisager des applications révolutionnaires, notamment dans le domaine médical.
Certes, selon les techniques thérapeutiques envisagées, certaines applications concrètes sont déjà réalisées mais, pour d'autres, on doit se situer dans une réflexion à plus ou moins long terme. Toutefois les nanobiotechnologies commencent à quitter le cercle des laboratoires de recherche pour entrer dans la phase de développement industriel.
Le marché des nanobiotechnologies est difficile à estimer avec certitude ( 14 ) car ses composantes sont très diverses. Mais il serait très difficile d'envisager que les tests de diagnostic ne vont pas prendre un essor considérable.
(
15
)
De même, les applications relatives à l'ingénierie tissulaire sont en très forte expansion.
( 16 )
En tout état de cause, les enjeux économiques sont très importants. Un rapport intitulé « Nanobiotechnology, Commercial Opportunities from Innovative Concepts », estimait, en avril 2002, que le marché global des nanobiotechnologies s'élèverait à environ 300 milliards de dollars sur les douze prochaines années.
Les conséquences en terme d'emploi, d'évolution et de localisation des groupes pharmaceutiques mais aussi d'accès aux produits sont telles que de nombreux pays ont consenti de réels efforts de financement.
A. LA FRANCE ET L'EUROPE
1. La France
La mesure des financements publics des nanotechnologies est un exercice difficile, notamment parce qu'il est parfois malaisé de distinguer nettement les microtechnologies des nanotechnologies.
C'est ce qu'exposent les auteurs ( 17 ) du rapport récemment remis au Ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche sur le financement des nanotechnologies et des nanosciences (janvier 2004) : « la délimitation d'un domaine strictement nanotechnologique par rapport au domaine des microtechnologies est loin d'être évidente : alors que les auteurs de la présente étude visaient au départ un schéma en trois volets (nano « pur », nanomicro à dominante nano et nanomicro à dominante micro), il leur est finalement apparu possible d'opérer seulement une distinction entre le domaine nanotechnologique à part entière et un ensemble moins caractérisé. Le positionnement des chiffrages retenus dans l'un ou l'autre volet dépend naturellement de l'information recueillie auprès des opérateurs (CEA, CNRS) et, en ce qui concerne les crédits mis en oeuvre directement par l'Etat, de la procédure considérée. Alors que l'ACI nanoscience financée à partir du FNS est clairement et entièrement dédiée au domaine nanotechnologique, les interventions du FRT en faveur du réseau des micro et des nanotechnologies (RMNT) et des grandes centrales sont ventilées entre les deux volets, selon une clé partiellement forfaitaire (la répartition étant spécifiée pour 2003 par le département compétent du ministère de la recherche, la même clé de répartition est retenue pour les autres années) ».
Selon eux, les financements publics sont les suivants :
Synthèse des financements publics (en M€ HT)
Par origine de financement |
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
TOTAL HT |
Moyenne annuelle |
Observations
|
A) PROGRAMMES « NANO » A PART ENTIERE |
||||||||
ETAT (Ministères) |
||||||||
FNS (ACI nanosciences) HT
|
2,2
|
6,3
|
7,1
|
7,3
|
7,3
|
27,6
|
5,5
|
Dont 50 % fonctionnement, 50 % investissement |
FRT (réseau de centrales) HT
|
14,4
|
28,0
|
28,0
|
70,4
|
14,1
|
Dont 40 % fonctionnement, 60 % investissement |
||
Recherche universitaire HT
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
35,0
|
7,0
|
Hypothèse 50 % indifférentiable, dont 80 % fonctionnement et 20 % équipement |
Doctorants (alloc.Rech.) HT
|
2,0
|
4,2
|
9,1
|
14,5
|
17,6
|
47,4
|
9,5
|
Totalité en fonctionnement |
Ministère de l'industrie HT
|
24,6
|
31,0
|
41,9
|
40,1
|
40,1
|
177,7
|
35,5
|
2/3 fonctionnement, 1/3 équipement |
Ministère de la Défense
HT
|
1,0
|
1,3
|
1,7
|
4,0
|
0,8
|
Totalité en équipement |
||
ETABLISSEMENTS DE RECHERCHE |
||||||||
CNRS HT
|
67,8
|
70,5
|
70,5
|
71,9
|
73,3
|
354,0
|
70,8
|
Hypothèse accroissement des personnels de + 2 % par an sur l'ensemble de la période |
Par origine de financement |
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
TOTAL HT |
Moyenne annuelle |
Observations
|
CEA HT
|
13,9
|
16,5
|
25,1
|
45,0
|
59,0
|
159,5
|
31,9
|
|
INSERM HT
|
6,5
|
7,0
|
7,5
|
8,5
|
9,0
|
38,5
|
7,7
|
Totalité en fonctionnement |
ANVAR HT
|
0,4
|
1,0
|
0,1
|
0,3
|
0,3
|
2,1
|
0,4
|
|
SOUS TOTAL A (HT)
|
124,4
|
143,5
|
183,6
|
223,9
|
243,3
|
916,2
|
183,2
|
|
B) PROGRAMMES « NANO/MICRO » INDIFFERENTIABLES » |
||||||||
ETAT (Ministères) |
||||||||
FRT (RMNT + divers...) HT
|
9,2
|
8,1
|
5,1
|
4,4
|
4,4
|
31,2
|
6,2
|
70 % fonctionnement, 30 % équipement |
Recherche universitaire HT
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
35,0
|
7,0
|
|
Doctorants (CIFRE) HT
|
0,9
|
1,1
|
1,3
|
1,4
|
1,5
|
6,2
|
1,2
|
Totalité en fonctionnement |
Ministère de l'Industrie HT
|
57,0
|
71,9
|
82,3
|
79,7
|
79,7
|
370,6
|
74,1
|
2/3 fonctionnement, 1/3 équipement |
Par origine de financement |
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
TOTAL HT |
Moyenne annuelle |
Observations
|
Ministère de la Défense
HT
|
17,7
|
17,7
|
17,7
|
53,1
|
10,6
|
2/3 fonctionnement, 1/3 équipement |
||
ETABLISSEMENTS DE RECHERCHE |
||||||||
CNRS HT
|
147,4
|
153,4
|
153,3
|
155,8
|
158,2
|
768,1
|
153,6
|
Hypothèse accroissement des personnels de + 2% par an sur l'ensemble de la période |
CEA HT
|
73,7
|
84,5
|
90,1
|
94,8
|
99,2
|
442,3
|
88,5
|
Financements publics hors UE, Etat, EPST et universités |
ANVAR HT
|
1,9
|
2,2
|
0,2
|
1,0
|
1,0
|
6,3
|
1,3
|
|
CPER |
||||||||
ETAT CPER HT
|
7,0
|
6,2
|
4,3
|
3,5
|
1,1
|
22,1
|
4,4
|
Totalité en équipement |
Coll. Loc. (CPER + hors) HT
|
17,4
|
8,8
|
6 ,7
|
5,3
|
3,4
|
41,6
|
8,3
|
Estimation (données incomplètes pour le hors CPER), totalité en équipement |
SOUS TOTAL B (HT)
|
321,5
|
343,2
|
368,0
|
370,6
|
373,2
|
1.776,5
|
355,3
|
|
TOTAL A + B (HT)
|
445,9
|
486,7
|
551,6
|
594,5
|
616,5
|
2.692,7
|
538,5
|
Or, selon une autre étude tout aussi récente, les crédits publics consacrés aux nanotechnologies en France atteignent 218 M€ en 2002, hors microélectronique. Ils sont essentiellement alloués par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (MINEFI) et le ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies (MRNT), mais également par la DGA et l'ANVAR.
Ces crédits 2002 sont ainsi répartis : 30 M€ pour les grands programmes, 30 pour les réseaux d'innovation, 88 via les instituts de recherche, dont 73 pour le CEA et 15 pour le CNRS, 20 pour la DGA, 50 pour des projets soutenus par l'ANVAR et associant les PME ( 18 ).
Les difficultés d'évaluation des financements des nanotechnologies, qui ne sont pas propres au cas français donnent tout leur sens à une approche « qualitative » ou structurelle de la politique des soutiens publics.
• Le ministère de l'Industrie souhaite pérenniser les sites industriels ayant atteint ou susceptibles d'atteindre une taille critique et concentrant, dans une même zone géographique, des moyens complémentaires dans le domaine des micro-nanotechnologies : centres de recherche publics et privés d'excellence, entreprises technologiques leaders (de pointe ou en position de « leadership »), tissu de PME réactif et centres de formation. L'objectif à terme est de faire des produits industriels très avancés, en lien étroit avec la recherche, en particulier en tirant parti des productions des laboratoires publics. La démarche de ce type la plus significative est celle qui a permis de soutenir l'opération « Crolles II » à Grenoble ou la consolidation du site d'ALTIS à Corbeil-Essonnes.
Il répartit ses crédits à trois niveaux en s'adossant à un projet industriel international. Les collectivités territoriales s'impliquent fortement dans ces types de programmes compte tenu des retombées locales.
- Les réseaux de recherche et d'innovation technologique, en liaison avec des organismes publics tels que le ministère de la Recherche, la délégation générale à l'armement et l'agence nationale pour la valorisation de la recherche.
Le but de ces réseaux est de faire naître des coopérations entre les acteurs de la recherche publique et privée et d'expertiser d'un point de vue scientifique les projets proposés.
Le réseau micro-nanotechnologies (RMNT) est très actif. Le RMNT a soutenu entre 1999 et 2002, 119 projets de recherche dont 51 ont reçu un financement pour un budget sur 4 ans estimé à 43 millions d'euros. Ces projets sont très coopératifs, avec 5 partenaires en moyenne par projet. Les partenaires sont à 46 % des laboratoires de recherche publics, 24 % des PME, 17 % des groupes industriels et 13 % des établissements publics à caractère industriel et commercial.
Depuis 1999, il a labellisé de nombreux projets ainsi répartis :
- Les groupements au sein de la structure européenne EUREKA qui correspondent à des programmes pilotés par des compagnies industrielles qui définissent ensemble une feuille de route technologie et y associent des petites et moyennes entreprises ainsi que des laboratoires publics. Ces projets sont de grande ampleur et sont financés par les pays qui s'y sont impliqués.
Ainsi, le programme MEDEA+ (microélectronique) associe 16 pays et 226 partenaires autour de 38 projets. Il concerne 11.000 personnes et rassemble des grandes entreprises (30 %), des PME (38 %) et des laboratoires publics (32 %).
• Le ministère de la Recherche a lancé un programme spécifiquement dédié aux « Nanosciences » de 50 millions d'euros en 2003 :
- 12 M€ pour soutenir des activités de recherche dans le cadre de projets de recherche ou projets intégrés sur les nanosciences et les nanotechnologies.
- 30 M€ pour développer quatre grands centres de compétences (MINATEC (Pôle d'innovation en micro et nanotechnologies) à Grenoble, LAAS (Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes) à Toulouse, IEMN (Institut d'Electronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie) à Lille, IEF/LPN (Institut Electronique Fondamentale/Laboratoire de Photonique et de Nanostructures) à Paris) ayant une taille critique compétitive à l'échelle mondiale et permettant la mise en commun d'équipements pour des projets « amont » et l'accueil des scientifiques.
- 8 M€ pour promouvoir le développement de « clusters » (grappes) au travers d'activités de recherche multidisciplinaires à l'échelle locale, pour la diffusion des connaissances vers les PME-PMI. Huit centres spécifiques qualifiés au titre des nanotechnologies apporteront un soutien de proximité.
Par ailleurs, en 2002, le ministère de la Recherche, le CEA et le CNRS ont mis en place une action concertée multidisciplinaire de 10 M€.
Enfin, en janvier 2002 et à l'initiative du CEA, un pôle d'innovation en micro et nanotechnologies (MINATEC) a été installé à Grenoble qui a pour vocation finale de devenir le centre européen de la recherche dans ce domaine.
• Le ministère des Finances soutient des projets relatifs à de grands pôles d'excellence territoriaux et, en premier lieu, celui de Crolles (près de Grenoble) qui est extrêmement important du fait de son ampleur et de son caractère stratégique : ST Microelectronics, Motorola (dont la Recherche et Développement dans les semi-conducteurs était auparavant située aux Etats-Unis) et Philips ont annoncé en avril 2002 leur volonté d'unir leurs efforts pour construire à Crolles l'un des tout premiers pôles mondiaux de Recherche et Développement en microélectronique. Le projet de recherche « Crolles II » qui se concentre sur les futurs systèmes sur puces aura inévitablement des retombées dans le domaine des nanotechnologies.
2. Les autres pays européens
• L' Allemagne s'est très tôt mobilisée dans le domaine des nanotechnologies et dès 1998, le Ministère fédéral de la formation et la recherche (BMBF) a créé des centres de compétences en nanotechnologies.
Il est intéressant de constater, la nette progression des nanobiotechnologies dans la répartition par thème de recherche des dépenses de soutien du BMBF.
Soutien par thème |
2001 (M€) |
2002 (M€) |
2003 (M€) |
Nanomatériaux |
23,5 |
23,9 |
29,1 |
Technologies optiques |
12,6 |
17,0 |
17,6 |
Biotechnologies |
1,3 |
8,5 |
9,6 |
Nanoélectronique |
8,6 |
27,5 |
42,0 |
TIC |
2,9 |
4,0 |
4,0 |
Technologies de la production |
0,2 |
0,6 |
1,3 |
Génie des microsystèmes |
5,0 |
7,0 |
8,5 |
Total |
54,1 |
88,5 |
112,1 |
• Le Royaume-Uni s'est intéressé dans les années 1980 aux nanotechnologies mais n'a pas poursuivi sur la durée cet effort précoce. Cependant ses infrastructures (en particulier une trentaine de salles blanches dans ses universités, dont un quart de niveau mondial) lui confèrent de véritables atouts pour reprendre la compétition.
En juin 2002, un rapport « New Dimensions for Manufacturing » a été remis au ministre de la recherche (Report of the UK advisory group on nanotechnology applications). Ce rapport critique l'absence de stratégie coordonnée dans ce domaine, la fragmentation des initiatives et l'absence de masse critique. Il recommande la mise en place de deux centres de fabrication, le développement de réseaux, ainsi que l'établissement de « feuilles de route » pour les principaux thèmes de recherche jugés prioritaires et la création d'un « Nanotechnology Applications Strategy Board ».
Le ministre de la recherche britannique a annoncé en 2003 qu'un budget de 130 M€ pour six ans serait dédié aux nanotechnologies.
Si cet investissement est modéré, il sera peut être valorisé par les recommandations du rapport de 2002, en terme de masse critique et de segments de recherche à privilégier.
• Les Pays-Bas
Les pouvoirs publics hollandais ont la volonté déterminée de développer des nanotechnologies dans leur pays.
Un réseau national de la recherche en nanotechnologies a été constitué sous le nom de Nanoned. Il regroupe l'essentiel de l'expertise néerlandaise. Les universités de Delft, Twente, Groningue, Amsterdam, Eindhoven, Nimègue et Wageningen en font partie.
Les Pays-Bas ont défini huit principaux thèmes d'activité sur lesquels ils concentrent les investissements.
Les prévisions de financement de la recherche en nanotechnologies aux Pays-Bas sont les suivantes (en M€) :
Année |
Besoins de financement |
Budgets propres des organismes publics (1) |
Programme public spécifique |
Contrats universités entreprises (prévision) |
R & D privée |
2003 |
150 |
55 |
41 |
9 |
45 |
2004 |
173 |
59 |
32 |
14 |
68 |
2005 |
223 |
68 |
23 |
18 |
114 |
2006 |
359 |
91 |
18 |
23 |
227 |
2010 (estimation) |
602 |
114 |
- |
34 |
455 |
(1) y compris les frais de personnel
L'addition des budgets propres des organismes qui seraient consacrés aux nanotechnologies et des montants des crédits de programmes spécifiques conduit ainsi à évaluer l'effort financier public néerlandais dans le domaine des nanotechnologies à un montant croissant de 96 M€ en 2003 à 109 M€ en 2006, c'est-à-dire à 100 M€ par an en moyenne sur la période, ce qui est considérable. ( 19 )
• La Suisse
Elle a dès la fin des années 80 identifié les nanosciences comme un domaine à soutenir en raison de ses applications technologiques potentielles et des capacités de recherche de la Suisse qui dispose de multiples salles blanches.
En 1996, un programme national de recherche a été lancé pour une durée de quatre ans dont un aspect particulièrement remarquable était l'interdisciplinarité.
« Dans un deuxième temps, à partir de l'année 2000, des programmes d'autres types ont été lancés. Le plus remarquable est sans doute le Programme de technologie orientée Top Nano 21 lancé par le Conseil des écoles polytechniques fédérales et la Commission pour la technologie et l'innovation (émanation de l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie (OFFT), organisme chargé du transfert des technologies proches des applications pratiques à l'interface entre la recherche et l'économie). Le programme est prévu pour une durée de quatre ans et son enveloppe financière est de l'ordre de 40 M€. Fin 2001, 140 projets étaient soutenus.
Mais il faut souligner que ce programme est loin de représenter l'ensemble de l'effort suisse dans le domaine des nanotechnologies. Entre autres, le Fonds National Suisse a lancé en 2001 des Programmes de recherche nationaux (NCCR) destinés à offrir une interface entre des institutions de recherches et l'industrie. Ces programmes représentent un effort financier d'environ 300 M € sur quatre ans, dont un peu plus de la moitié est prise en charge par le gouvernement fédéral. Deux de ces programmes relèvent des nanotechnologies (le programme « nanosciences » et le programme « photonique quantique ») et représentent environ 20 % de l'effort financier du gouvernement fédéral. Le programme « nanosciences » regroupe huit institutions académiques, une centrale de services privée à but non lucratif (le Centre Suisse pour l'Electronique et la Microtechnologie) et une entreprise (IBM Zurich). Il dispose pour ses quatre premières années d'un budget équivalent à Top Nano 21, dont le tiers provient de fonds fédéraux et le tiers de fonds propres de l'Université de Berne, chef de file du programme. Le programme « photonique quantique » dispose quant à lui d'un budget de l'ordre 22 M€ sur quatre ans.
Le programme Top Nano 21 s'adresse aux institutions académiques et à l'industrie. L'expertise en est assurée par un groupe d'experts internationaux de premier plan. L'un des objectifs prioritaires est la promotion d'une coopération interdisciplinaire -la formation de domaines d'excellence- entre scientifiques et ingénieurs, avec pour objectif à plus long terme de former des « nano-ingénieurs ».
Top Nano 21 se concentre sur :
- l'élargissement de l'horizon scientifique des établissements de recherche dans les domaines d'importance et le renforcement de l'attention portée à la technologie ;
- le renforcement de l'économie suisse par le développement et la mise en valeur de nouvelles technologies nanométriques ;
- le soutien aux préparatifs à la création de nouvelles entreprises ;
- l'intégration du thème « Nanomètre » dans l'enseignement.
Ces quatre approches laissent une large place aux propositions créatives et originales des chercheurs et entrepreneurs. La motivation d'un tel choix est de laisser le maximum de créativité s'exprimer dans les projets. Les propositions émanent des universités, et le soutien est accordé sous la forme de projets individuels (n'impliquant que les auteurs de la proposition), de projets d'alliance (projet majeur impliquant une entreprise partenaire) ou d'une étude de faisabilité (en prélude à un projet majeur, chercheurs et partenaires industriels sont soutenus pour apprendre à travailler ensemble, évaluer les risques et les chances d'aboutir du projet). Les raisons de cette politique sont explicites : la puissance publique souhaite créer un environnement favorable à l'éclosion d'une myriade de projets, et laisser ensuite l'industrie structurer le marché. En d'autres termes, le programme souhaite donner aux acteurs la meilleure connaissance possible des besoins de l'industrie, sans pour autant faire du programme un instrument de soutien direct aux entreprises ». ( 20 )
Le programme Top Nano 21 représente 10 M€ par an sur quatre ans.
De plus, le Fonds National Suisse a lancé des programmes à hauteur de 75 M€ par an, sur quatre ans également, la moitié sur financement fédéral. Parmi ces programmes, deux concernent directement les nanotechnologies pour un montant annuel de 14,5 M€ sur quatre ans.
On peut estimer aujourd'hui l'effort public helvétique dans le domaine des nanotechnologies à plus de 25 M€ par an.
• La Norvège
Le lancement par l'Union Européenne du sixième programme-cadre de recherche et développement, dans lequel les nanosciences et les nanotechnologies occupent un segment très important, a incité la Norvège à investir dans le développement d'un réel secteur de compétence dans ce domaine. Le Conseil Norvégien de la Recherche ne s'était jusque-là pas engagé dans la création d'un programme propre au développement de cette discipline, comme c'est souvent le cas lorsqu'il est décidé de produire un effort volontariste propre à dynamiser un secteur technologie porteur.
La Norvège, ayant perçu la nécessité d'élever son niveau de compétence dans le domaine des nanotechnologies et des matériaux fonctionnels, a décide de mettre en place une politique nationale de développement de ce secteur.
Plusieurs initiatives ont été prises pour favoriser la recherche, notamment la désignation des nanotechnologies et des nouveaux matériaux comme domaine prioritaire ou un crédit d'impôt pour les efforts de R&D des entreprises.
Pour l'heure cependant, le secteur des nanotechnologies en Norvège reste principalement axé sur la recherche. Le réseau technologique norvégien pour le développement des nouveaux matériaux et des matériaux fonctionnels, articulé autour du programme incitatif FUNMAT, comprend un volet nanotechnologies. Ce réseau rassemble l'Université de Trondheim, l'Institut de recherche SINTEF, l'Université d'Oslo ainsi que l'Institut des technologies énergétiques (IFE). Le programme FUNMAT a été établir en 2002 afin de rationaliser l'effort national de recherche sur les matériaux fonctionnels et les nanotechnologies. Il a permis la fusion de groupes de recherche en équipes nationales afin d'améliorer la coordination des projets de recherche. Il agrège l'ensemble des activités disséminées dans les laboratoires des instituts des quatre partenaires, et constituera la porte d'entrée norvégienne dans les réseaux d'excellence européens du 6 ème PCRD. Les principaux thèmes de recherche associés au programme FUNMAT et relevant des nanotechnologies sont la physique mésoscopique (partie théorique), l'électronique physique (partie expérimentale) et la chimie des matériaux. En outre, le Conseil Norvégien de Recherche a récemment établi un groupe de travail afin d'élaborer des propositions pour un nouveau programme d'incitation et de coordination, NANOMAT, plus spécifiquement consacré aux nanotechnologies. Le budget envisagé avoisine 15 millions d'euros de 2003 à 2006.
L'Institut SINTEF et l'Université d'Oslo ouvriront prochainement le premier centre de recherche norvégien spécifiquement consacré aux micro et nanotechnologies. Le projet est doté d'un budget d'investissement initial de 31,5 millions d'euros. L'ouverture de ce centre devrait s'accompagner du recrutement de chercheurs de nationalité étrangère.
•
Israël
a créé un
Comité national en nanotechnologies pour expertiser le domaine et
préparer les grandes lignes d'un plan de développement
cohérent (Israël Nanotechnology Program). Ce comité qui
recommande la concentration des ressources sur un nombre limité de
thèmes, proposé de mettre en place un crédit de 300 M$ sur
cinq ans, de 2003 à 2007, soit 60 M$ par an.
Outre les
applications des nanotechnologies au dessalement de l'eau, les autres
priorités sont l'énergie,
la médecine
et
les télécommunications.
Dans le domaine biologique, le
programme devrait travailler sur quelques niches comme celles des capteurs
biologiques, la détection de drogues et vaccins ou encore les
médicaments dirigés vers leurs cibles ainsi que sur des
nanoparticules intervenant pour bloquer les mécanismes responsables de
maladies telles qu'Alzheimer ou diabète type B.
3. L'Union européenne
Quasiment inexistantes du précédent programme (avec un budget de 150 millions d'euros), les nanotechnologies se sont vu attribuer par le 6 ème PCRDT une enveloppe de 1,3 milliard d'euros. La Commission a en effet compris l'étendue de leur potentiel : énergie, biomédical, chimie, électronique, environnement... Elle met désormais l'accent sur le développement en Europe de capacités réelles de production de nanosystèmes et de nanomatériaux.
Ce programme, intitulé « nanotechnologies et nanosciences, matériaux multifonctionnels fondés sur la connaissance et nouveaux procédés et dispositifs de production » s'étend sur la période 2002-2006 (soit 260 M€ par an). Il concerne aussi bien les sujets les plus fondamentaux (compréhension des phénomènes à 'échelle « nano », que les plus appliqués (ingénierie de production industrielle). Un volet sera consacré aux nanobiotechnologies pour la mise au point de biocapteurs et d'outils de diagnostic médical à très haute spécificité.
Si le sixième programme-cadre consacré une priorité thématique aux « nanotechnologie et nanosciences », la recherche dans ce domaine sera également au coeur d'autres priorités thématiques, notamment « les sciences du vivant, la génomique et les biotechnologies pour la santé » et les « technologies de la société d'information ». La Commission a l'intention de financer des « projets intégrés » dans ce domaine. Par ailleurs, les « réseaux d'excellence » devraient permettre une intégration durable des acteurs publics et privés dans le domaine de la recherche en nanotechnologie (NANO 2 LIFE).
Toutefois, selon le rapport du Ministère de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche, « l'engagement européen en matière de nanotechnologies semble enfin faire face à deux difficultés particulières.
La première concerne le fonctionnement du 6 ème PCRDT, dont le montant du budget a été fixé une fois pour toutes en début de période. Que le Japon ou les Etats-Unis viennent à accroître fortement leurs budgets dans ce domaine d'une année sur l'autre, ce qui fut le cas entre 2002 et 2003, l'Europe ne peut, quant à elle, modifier le sien. Elle peut au mieux attendre le programme cadre suivant.
La seconde tient au fait qu'à budget identique, et l'on considère maintenant la somme des budgets nationaux et du 6 ème PCRDT, l'Europe souffre d'un déficit de coordination des programmes scientifiques par rapport aux Etats-Unis et au Japon : dans la mesure où son organisation ne permet pas d'éviter d'éventuelles redondances dans l'utilisation des fonds, cela revient à minorer les budgets réellement disponibles ».
B. PAYS ETRANGERS HORS ETATS-UNIS ET JAPON
• La Corée du sud a affecté un financement public de 760 M$ sur cinq ans dédiés à la recherche en nanotechnologies, soit environ 150 M$ par an et vient d'annoncer la mise en place d'un « Nano Fundamental Technology Development Plan » pour neuf ans. Elle s'intéresse aux applications médicales et a créé à Busan un Institut Asiatique en nanobiosciences et technologies.
• En
Chine
, on estime à 300 M$ de
2003 à 2005, l'investissement dans les nanotechnologies (soit 100 M$ par
an).
Ainsi, à Shanghaï, un institut de grande taille
développe 200 « start-up » et emploi 3000 personnes
environ. Le nombre et la taille des salles « blanches », en
particulier, à Shanghaï mais aussi à Nankin, ou
Pékin, sont le signe d'un très fort engagement public dans le
domaine des nanotechnologies.
Il est difficile de savoir la proportion
de ce budget consacré aux nanobiotechnologies, mais il est quasiment
certain que la Chine, déjà fortement impliquée dans la
génomique, ne peut s'en désintéresser.
• Taïwan a mis en place un « National Program on nanoscience and technology » doté d'un budget d'environ 670 M$ sur les six prochaines années, soit environ 110 M$ par an
• Le
Canada
s'est doté en 2001
d'un Institut national en nanotechnologies, situé à Edmonton, de
portée ambitieuse et devant comporter, entre autres, 10.000 m2 de
laboratoires. Il doit bénéficier d'une dotation de 84 M€ sur
cinq ans, soit 16,8 M€ par an de 2001 à 2005. Il semble
cependant que sa montée en charge soit moins rapide que
prévue.
En revanche, au
Québec
, à
la suite notamment d'un rapport du Conseil de la science et de la technologie
intitulé « les nanotechnologies : la maîtrise de
l'infiniment petit », un réseau universitaire,
« NanoQuébec » a été constitué
pour fédérer la recherche dans ce domaine. NanoQuébec
finance les chercheurs et couvre les frais de fonctionnement mais pas les
équipements. Ce financement représente 7 M€ sur trois ans
pour les années universitaires 2001/2002-2002/2003 et 2003/2004. Les
objectifs principaux sont de réunir une masse critique de chercheurs, de
mettre en place une plate-forme technologique et de développer la
concertation avec les milieux industriels. Les principales thématiques
retenues sont les nanomatériaux, la nanoélectronique et la
nanophotonique, la nanotechnologie et la nanopharmaceutique, l'auto-assemblage
et le « patterning » (applications de matériaux mous
au vivant).
• En
Inde
, le secteur des
nanotechnologies, c'est-à-dire de la conception de matériaux et
d'appareils de taille nanométrique (1 à 100 millionième de
nm), est encore largement couvert par la recherche académique, dont les
principaux centres dans ce domaine sont l'Indian Institute of Science (IISc
Bangalore), les IIT de Madras, Bombay, Kharagpur, Delhi, le Central Electronics
Engineering Research Institute (Pilani), le National Physical Laboratory
(Delhi), l'Université de Pune, le Tata Institute of Fundamental Research
(TIFR, Bombay). D'autres instituts tels que le National Chemical Laboratory
(Pune) et le Central Glass and Ceramics Research Institute (Calcutta) ont
également démarré des programmes dans ce domaine. Un
nombre de plus en plus important de centres de recherche se sont lancés
dans cette activité, sous l'impulsion notamment du gouvernement
(Département des Sciences et de la Technologie et University Grant
Commission).
Ce domaine est multidisciplinaire et couvre un large
éventail de spécialités : électronique
(nanocomposants, nanoélectro-mécanique, ordinateurs quantiques),
matériaux (poudres composites, nanoparticules), etc... Il existe encore
peu d'entreprises dans ce domaine en Inde, on peut citer Velbionanotech
à Bangalore, spécialisée dans le développement des
applications en biologie. Il existe une compagnie d'information et d'assistance
sur les nanotechnologies, les opportunités et les entreprises de ce
domaine, basée à Pune (NanoIndia). NanoIndia a été
créé en fait aux Etats-Unis il y a deux ans. Parmi la trentaine
d'entreprises et d'institutions enregistrées à NanoIndia, l'une
est française (Minatec, pôle nanotechnologique de Grenoble
créé par le CEA et l'Institut National Polytechnique de
Grenoble).
Les initiatives privées dans les instituts de
recherche indiens commencent à apparaître, on peut citer le
« CraneCsi MEMS lab » joint venture entre Cranes Software
International Ltd et l'IISc Bangalore, spécialisé dans la
technologie « MEMS » (nanoélectromécanique).
Cette société collabore avec plusieurs institutions
étrangères, notamment avec l'Université Joseph Fourier de
Grenoble. L'UGC finance ce projet
(
21
)
.
C. JAPON ET ETATS-UNIS
• Le
Japon
est en tête des
investissements publics en matière de
nanotechnologies.
Le montant des investissements publics est
très significatif car il ne représente que le quart des
investissements dans les recherches en nanotechnologie.
Les
dépenses publiques ont évolué de la façon suivante
entre 2000 et 2004 :
- en 2000 : 262,4 M€
- en 2001 : 484,8 M€ dont le tiers consacré aux nanomatériaux
- en 2002 : 740 M€ environ
- en 2003 : les montants seraient de l'ordre de 1.192,8 M€
- en 2004 : le budget demandé est en hausse de 11,3 % mais pourrait ne pas être atteint.
• Les
Etats-Unis
Ils sont
très en avance dans un domaine qu'ils considèrent comme
éminemment stratégique. Les Etats-Unis ont ainsi placé au
coeur de la dominance économique globale pour les années 2010
à 2020 la convergence NBIC (nucléaire biologique, informatique et
cognitive) des nanosciences.
Dès 1999, des budgets
considérables ont été débloqués. Le budget
de la National Nanotechnology Initiative (NNI) est ainsi passé de 270
millions de dollars pour l'année 2001. Pour l'année 2002,
l'effort de recherche fédéral américain dans le cadre du
NNI s'élève à 604 millions de dollars. Les investissements
fédéraux dans les nanotechnologies se montent pour l'année
2003, à 710 millions de dollars, ce qui représente une hausse de
17 % par rapport à l'année 2002.
• Dans les dernières années, les
financements gouvernementaux se sont multipliés pour apporter un soutien
croissant aux projets nanos, par le biais de la NNI (National Nanotechnology
Initiative). Lancée officiellement au début de l'an 2000 par le
Président Clinton, la NNI a vu son budget gonfler de façon assez
extraordinaire : $ 270 millions en 2000, $ 600 millions en 2002, et $ 710
millions demandés pour 2003
.
Plus de 30 % des sommes
engagées pour les nanotechnologies dans le monde par les Etats sont donc
le fait des Etats-Unis, à égalité avec le Japon, l'Europe
se plaçant en troisième position
(
22
)
.
De
plus, comme dans de multiples secteurs de recherche aux Etats-Unis, le
ministère de la Défense (DOD) soutient les activités des
laboratoires civils.
Par ailleurs, très explicitement, la guerre
contre le terrorisme passe par les nanosciences et les investissements
militaires officiels sont considérables.
La dotation globale de
la DARPA pour le soutien au développement des nanomatériaux,
nanosciences et techniques associées est estimée en 2004 à
445 millions de dollars. L'Institute for soldier nanotechnology a
été créé en mars 2002 avec un budget de 50 millions
de dollars pour cinq ans auprès du Massachussett Institute of technology
(MIT).
L'intervention du gouvernement fédéral en 2004 au
titre de la NNI devrait s'élever à 847 millions de dollars
(contre 116 millions en 1997) dont 197 millions attribués au
département de l'énergie, en progression de 48 % par rapport
à l'année fiscale 2003, et 222 millions au département de
la Défense. A ces financements s'ajoute l'apport du capital-risque
estimé à 425 millions de dollars en 2002
(
23
)
.
Les principaux centres de recherche fédérale sont les suivants :
Le Nanobiotechnology Center a été établi à Cornell University en janvier 2000 par la NSF en tant que STC (Science & Technology Center). Six programmes de recherche sont lancés : microanalyse de biomolécules, fabrication de motifs moléculaires, surfaces biosélectives, filtration moléculaire, analyse de cellules rares et moteurs moléculaires. Ce centre est le précurseur dans le domaine des nanobiotechnologies.
Le Center for Biological and Environmental Technology est un des six Nanoscale Science and Engineering Centers (NSECs) créés en 2001 par la NSF, il est accueilli par l'Université de Rice. Les recherches du centre sont centrées sur les interfaces `wet/dry', soit les interfaces entre les nanomatériaux et les systèmes aqueux à des échelles variées : solvants, biomolécules, cellules, environnement. Ces études sont donc largement orientées vers les interactions que pourront avoir les nanomatériaux avec l'environnement en dehors du laboratoire.
Plusieurs projets sont en cours, dont l'étude de l'activité biologique des conjugués bio-nano, les membranes nanostructurées et leurs applications, les nanocomposites pour le remplacement d'os, etc...
L' Institute for Nanotechnology comprend deux centres de recherche, dont l'un est aussi un NSEC. Basé à Northwestern University, il a pour but de développer des nanocapteurs chimiques et biologiques, à travers trois sujets de recherche : le développement d'outils pour la fabrication de motifs à l'échelle nano, les phénomènes de reconnaissance biologique (acides nucléiques et protéines) et chimique (petites molécules) sur une surface, et les transmissions des signaux, optiques ou électriques, qui en découlent.
Le MRSEC (Materials Research Science and Engineering Center, créé par la NSF) établi à l'University of Washington est dédié aux matériaux nanostructurés et interfaces. Un des trois grands projets est intitulé « matériaux nanostructurés et interfaces avec la biologie ». Les nouveaux matériaux et méthodes de fabrication développés par les chercheurs pourront être intégrés aux systèmes biologiques, dans le but d'être utilisés pour la culture de cellules ou la fabrication de tissus pour les organes artificiels.
L' Institute for soldier Nanotechnologies (ISN) déjà cité est financé par l'armée américaine. Parmi les projets destinés globalement à améliorer les équipements des soldats, une équipe travaille sur la protection chimique et biologique, une autre sur les biomatériaux et nano-dispositifs destinés à contrôler la santé des soldats (détection de problèmes physiologiques et début de traitement sur le champ de bataille). Ces objectifs sont bien sûr loin d'être atteints et nécessitent beaucoup de recherche en amont.
Par ailleurs, l' Association NanoBusiness Alliance a été créée en octobre 2001 pour assurer la place des Etats-Unis dans cette course économique aux nanotechnologies. Il s'agit de la première association industrielle aidant au développement économique des nanotechnologies et des microsystèmes. Son objectif est de promouvoir l'émergence de l'industrie de la technologie du « petit », et de développer une rangée d'initiatives pour soutenir et renforcer le monde des affaires dans ce domaine, ce qui implique :
o Recherche et éducation : développer des « livres blancs » (documents présentant de futures mesures administratives ou législatives, soumis par le gouvernement à la Chambre), des enquêtes, des prévisions, et des répertoires d'industriels impliqués.
o Politique gouvernementale : organiser des exposés sur les technologies utilisées ; analyser la législation ; fournir des témoignages d'experts aux responsables politiques fédéraux, d'état, et locaux ; aider le développement de centres régionaux pour l'industrie du nano.
o Sensibilisation du public, relations sociales, promotion : lancer des campagnes de sensibilisation du public via les médias, l'internet et les autres moyens appropriés ; promouvoir les leaders industriels et les technologies émergentes.
o Forums / Formation : Former les responsables financiers et industriels comme le grand public ; développer pour les acteurs de la nano industrie des opportunités d'interagir et de s'interconnecter.
o Aide aux nano industries : banques de données pour l'emploi ; action et rôle de mentor ; panneaux de messages ; distribution de fonds (capital access initiatives).
NanoBusiness Alliance a lancé deux grandes initiatives : la création de « Hubs », des plates-formes technologiques, et un NanoBusiness Angel Network.
La formation de trois « Hubs » a été annoncée, en mai 2002, à la conférence NanoBusiness Spring. Ces trois plates-formes seront situées à San Francisco et à San Diego en Californie, et dans le Michigan. Ces grands pôles réuniront des dirigeants économiques, des chercheurs, des membres de l'administration, des investisseurs, des compagnies et des start-up, dans le but commun de faire croître l'économie liée aux nanos dans ces régions. Le nombre de pôles devrait atteindre quinze ou plus d'ici la fin de l'année 2002 ; les régions suivantes sont envisagées : Virginie, Philadelphie, Chicago, Seattle, Boston, Nouveau Mexique, Minnesota et Floride.
Le NanoBusiness Angel Network est le premier réseau exclusivement créé pour financer le développement des projets de start-up dans le secteur émergeant des nanotechnologies. Ce réseau rassemblera des investisseurs et des start-up à travers le monde, grâce à des meetings réguliers et une forte présence on-line. Une équipe d'industriels et d'experts financiers sera aussi réunie pour effectuer une évaluation efficace des compagnies nanos cherchant des financements à travers le réseau NanoBusiness Angel. Les grandes sociétés d'investissement seront aussi associées, pour consolider le développement du marché lié aux nanotechnologies. Ce réseau a pour but de dépasser les schémas classiques de financement tout en apportant de fortes compétences techniques nécessaires à l'évaluation des start-up.
Grâce à ces initiatives, de très nombreuses start-up ont été récemment créées : on peut citer des spécialistes de nanotubes comme Nanomix en Californie et Molecular Nanosystems. Par ailleurs, une demi-douzaine d'entreprises s'est spécialisée dans la délivrance de médicaments. Il s'agit en Californie de Quantum Dot Corporation et Alnis Biosciences. De son côté, Nanobio Corporation dans le Michigan commercialise des nanotechnologies utilisant des nanostructures de polymères dendritiques (les dendrimères) et qui permettent en particulier de délivrer des médicaments. La société texane Nanospectra Biosciences développe une technologie pour le traitement des cancers à partir de nanoparticules diélectriques avec un revêtement métallique, les « nanoshells », capables de cibler les cellules cancéreuses puis de les détruire par laser. Targesome à Palo Alto étudie des particules à base de lipides polymérisés capables de transporter des agents thérapeutiques. Nanoprobes près de New York commercialise des nanoparticules d'or auxquelles sont attachées des protéines pour la reconnaissance des molécules et Nanofluidics propose des systèmes miniaturisés à l'échelle nanométrique.
Ces dernières années, le budget fédéral aux USA a financé la recherche en nanotechnologie entre 116 millions de $ (1997) et 847 millions de $ (2004). Dans le même temps entre 1999 et 2002, le total des investissements privés dans les entreprises développant des produits en rapport avec des nanotechnologies aura été de 860 M$ (63 M$ en 1999 ; 213 M$ en 2000 ; 177 M$ en 2001 ; 407 M$ en 2002). La part destinées aux nanobio-technologies est importante car elle atteint près de 55 % (473 M$) avec toutefois des différences sensibles selon les années. L'ensemble de ce mouvement se traduit également par l'accroissement très fort du nombre de brevets déposés dans ce secteur (d'environ 400 en 1999 à plus de 1000 en 2002). Les investissements se font de façon majoritaire dans le domaine des entreprises relevant de la découverte de nouveaux médicaments (« drug discovery ») (près de 54 % des investissements entre 1998 et 2002) et celui du diagnostic (près de 37 % des investissements). De leur coté les entreprises s'intéressent à l'amélioration de la galénique des médicament « drug delivery » ne recueillent que 4 % des investissements. A titre d'exemple on peut citer la compagnie Immunicon (Huntington Valley, PA, USA) qui a réussit à lever 86 M$ et qui se consacre au diagnostic par utilisant de nanoparticules et Quantum dots qui a levé 44 M$ et qui développe des nanocristaux à base de semi conducteurs pour des analyses biologiques. Il y a fort à parier que l'ère des nanobio-technologies ne fait que commencer et que les prochaines années verront cette activité croître et multiplier ses réalisations De nombreuses entreprises se créent actuellement sur des concepts liés aux nanobiotechnologies voire de grands groupes investissent en interne sur ce secteur.
Enfin, les Etats-Unis ont établi le 4 mai 2004 à Bethesda une « feuille de route » exclusivement consacrée à la NANOMEDECINE.
Conclusion
Ce rapide tour du monde des moyens financiers consacrés dans de nombreux pays aux nanotechnologies, même s'il souffre de nombreuses imperfections (difficultés d'isoler systématiquement les nanobiotechnologies ; difficulté d'analyser exhaustivement les financements d'origine militaire en particulier ceux du DOD américain...) permet de constater que, si les pays européens, soit en ordre dispersé, soit au travers des initiatives de l'Union européenne ne sont pas absents des recherches ou applications des nanotechnologies, ils sont réellement distancés par le Japon et les Etats-Unis.
Ni angélisme, ni catastrophisme... mais les pays européens doivent absolument prendre conscience qu'il est urgent de combler ce retard.
En 1997, les budgets annuels gouvernementaux des Etats-Unis, du Japon et de l'Europe pour la recherche sur les nanotechnologies étaient équivalents, soit environ 120 millions de dollars, avec une légère avance pour l'Europe de l'Ouest.
Mais l'Europe n'a consacré qu'environ 200 M € à la recherche en nanotechnologies en 2001. L'effort de recherche de l'Union stagne à 1,9 % de son PIB, quand celui-ci atteint 2,6 % pour les Etats-Unis, et presque 3 % pour le Japon selon les dernières données disponibles (1999). On voit donc à quel point l'écart se creuse entre les Etats-Unis, qui se donnent les moyens de devenir leader dans ce domaine stratégique, et l'Europe.
Les nanotechnologies sont inscrites au 6 ème programme-cadre de la Commission européenne comme l'un des sept grands thèmes prioritaires. Le 6 ème programme-cadre européen 2002-2006 qui vient d'être bouclé, prévoit en effet 1,3 milliard d'euros pour le secteur des nanotechnologies/nanosciences, auquel sont joints les matériaux et procédés de production. Mais cet effort réel qui va porter à 216 M€ par an le budget européen consacré aux nanotechnologies restera néanmoins presque trois fois inférieur à l'effort budgétaire annuel des Etats-Unis au cours de la même période ( 24 ).
Il faut par ailleurs être très réaliste : les nanotechnologies ne constituent pas une technologie « classique ». Dans une lettre datée du 14 décembre 1999, Neal LANE, conseiller de Bill Clinton, au président : « Les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre d'être à la seconde place dans le domaine des nanotechnologies . Le pays qui conduira la découverte et la réalisation des nanotechnologies aura un avantage considérable sur la scène économique et militaire pour les décennies à venir . Les nanotechnologies sont la première révolution scientifique et technologique économiquement importante depuis la Seconde Guerre mondiale dans laquelle les Etats-Unis ne sont pas entrés avec la position de leader. Il est temps d'agir ».
Ce message a été immédiatement compris par les gouvernants américains.
Pour l'Europe aussi, il est temps d'agir le plus vite possible et peut-être plus encore dans le domaine des nanobiotechnologies car, d'une part, elles sont d'une efficacité inégalable et, d'autre part, même lorsque la santé humaine est en jeu, les intérêts en matière de rentabilité financière et/ou de propriété intellectuelle passent trop souvent avant toute autre considération.
On peut concevoir qu'un seul brevet pourrait prévaloir dans de nombreux secteurs industriels en raison de son potentiel à couvrir les aspects technologiques de base (cf. le monopole acquis, lors de leur création, par les puces à ADN de la firme Affymetrix et le grave problème que pose l'utilisation des tests américains de détection des gènes BRCA 1 et BRCA 2 de prédisposition aux cancers du sein).
VII. LES ASPECTS
SOCIO-CULTURELS
Quels sont les risques potentiels des
nanotechnologies ?
A. LA DISSÉMINATION DES NANOPARTICULES DANS LE CORPS HUMAIN ET L'ENVIRONNEMENT
Même si la quantité de nanoparticules utilisées (pneumatiques, crèmes solaires, verres autonettoyants...) et les applications industrielles sont encore très limitées, on ne peut faire l'impasse d'une étude de leur impact sur la santé et l'environnement, car, ainsi qu'il a déjà été dit, les nanobiotechnologies, notamment, commencent à quitter le cercle des laboratoires de recherche pour entrer dans la phase du développement industriel et, plus généralement les nanotechnologies pourront être utilisées dans de multiples domaines.
1. La toxicité des nanoparticules en matière de santé
En janvier 2003, le bulletin Poussières Minérales et santé n° 6 (publication de l'INERIS ( 25 ) ) a rendu compte de plusieurs études relatives à ce sujet.
L'une d'elles indiquait que, si les nanoparticules pouvaient avoir un réel intérêt thérapeutique en permettant la pénétration cérébrale de nombreux médicaments, il ne fallait pas négliger certaines récentes études montrant que des particules inertes de TiO2 (dioxyde de titane) peuvent devenir à des tailles nano-métriques biologiquement et chimiquement actives selon l'auteur ( 26 ) , la silice amorphe, qui a naturellement une forte capacité d'adsorption, et également supposée « inerte », est un candidat très recherché dans l'enrobage (coating) des nanoparticules mixtes, mais les techniques de microscopie à haute résolution laissent apparaître des régions microcristallines qui se révèleront peut-être, grâce à cette nouvelle dimension, toxiques.
Le résumé de toutes les études publiées dans ce bulletin est très intéressant car il n'est précisément ni catastrophiste, ni angélique...
Les particules ultrafines : qui sont-elles,
où sont-elles et que font-elles ?
Il y a plus de trente ans, on ne s'intéressait qu'aux particules alvéolaires d'un diamètre inférieur à 10 um, puis plus récemment à des particules fines d'un diamètre inférieur à 2,5 um. La communauté scientifique étudie maintenant les particules ultrafines ayant un diamètre inférieur à 100 nanomètres (nm), encore appelées nanoparticules. Elles se situent à une échelle moléculaire comprise entre celle d'une molécule d'ADN dont la largeur est 2,5 nm et celle d'un globule rouge humain de diamètre 800 nm.
Dans notre domaine de recherche, les particules ultrafines ont en premier lieu été décelées dans les fumées des moteurs diesels et plus généralement au niveau du trafic urbain. En milieu professionnel, l'évolution des technologies entraîne la manipulation et l'exposition (trop négligée) des travailleurs à ces particules ultrafines. Ces nanoparticules entrent également dans a composition de nombreux aliments que nous assimilons donc par voie digestive.
Les particules ultrafines ont, du fait de leur taille, non seulement la faculté d'atteindre les ramifications les plus profondes des voies respiratoires -comme c'est aussi le cas pour les particules fines (< 2,5 um) -mais ont de grandes facilités pour franchir les barrières épithéliales (alvéolaires ou intestinales) et passer dans la circulation générale sanguine. Cette propriété leur ouvre d'ailleurs des perspectives prometteuses, avec des applications thérapeutiques visant à libérer des drogues dans le cerveau via le passage, jusqu'alors inaccessible, de la barrière hémato-encéphalique. A l'opposé, leur passage dans le flux sanguin serait, en partie responsable de l'augmentation des maladies cardiovasculaires dans les populations exposées à la pollution atmosphérique.
Une autre de leurs particularités est que, pour un volume inhalé équivalent, une particule de 5 um équivaut à 12.500 particules de 100 nm représentant une surface 50 fois plus grande. Le grand nombre de ces très fines particules et leur grande surface spécifique augmentent d'autant les contacts avec les membranes et les molécules biologiques. Ces contacts, sources de radicaux, sont responsables, au moins en partie, de la toxicité des poussières qui possèdent un potentiel inflammatoire important, et ce également pour des poussières que l'on pensait être « inertes » (dioxyde de titane, silice amorphe...). Or, l'inflammation est à l'origine de nombreuses pathologies pulmonaires (emphysème, fibrose, silicose) consécutives à l'inhalation de poussières ou même digestive dans le cas de la maladie de Crohn, exemples successivement décrit dans ce numéro.
Il serait sans doute prématuré et
irréaliste de condamner les nanoparticules sur la base des études
de toxicité encore peu nombreuses, mais également tout aussi
naïf, voire dangereux de faire un simple transfert des connaissances des
particules micrométriques aux particules
nanométriques.
Dominique OBERSON-GENESTE
En ce qui concerne l'éventuelle toxicité des nanoparticules pour les êtres humains, il convient également d'étudier les possibilités d'élimination ou au contraire de stagnation, voire d'accumulation en cas de traitements successifs des nanoparticules métalliques dans le corps.
Ainsi les techniques d'injection de nanoparticules magnétiques à base de fer, qui sont ensuite chauffées pour parvenir à la destruction de tumeurs cancéreuses, telles que celles qui ont été décrites dans le deuxième chapitre du rapport (travaux du Professeur berlinois MAIER-HAUFF) doivent, selon certains scientifiques interrogés par l'hebdomadaire Focus, faire l'objet d'expérimentations supplémentaires afin de s'assurer qu'elles ne présentent pas de risque.
« Des nanoparticules sont utilisées comme des substances inoffensives », a déploré Paul BORM, de l'Institut de recherches sur la médecine environnementale de Dusseldorf ( 27 ). Or, les chercheurs « ne voient pas toujours leur potentiel toxique », selon lui.
La question de la toxicité des nanoparticules doit être abordée avec prudence car les réponses sont multiples et contradictoires.
D'une part, la taille n'est qu'un aspect du problème pour les toxicologues. Par exemple, les effets biologiques du carbone diffèrent selon qu'il est sous forme de fullerènes, de nanotubes ou de graphite.
D'autre part, les résultats dépendent aussi du processus de fabrication à cause des impuretés éventuelles.
Enfin, en ce qui concerne les nanotubes de carbone, les résultats des études publiées sont contradictoires. Trois d'entre elles consistaient à injecter directement des nanotubes dans la trachée des rats.
Rien d'anormal pour Andrei HUCZKO, de l'Université de Varsovie. David WARHEIT, de la société Du Pont, a constaté que 15 % des rats sont morts étouffés par les particules qui se sont agglomérées dans leurs poumons ( 28 ) . Les rats survivants étaient normaux au bout de 24 heures. Il semble que l'étouffement des 15 % de rats soit dû à la tendance de ces nanotubes à s'assembler rapidement (« clumping »). En contrepartie, cette caractéristique empêche les nanotubes d'atteindre des régions profondes des poumons d'où ils ne pourraient être expulsés par la toux et où ils s'installeraient durablement, ce que n'est peut-être pas souhaitable.
Enfin, Chiu-wing LAM, du laboratoire Wyle (Houston - Texas), a observé une réaction de défense immunitaire importante, des lésions pulmonaires sévères, différentes de celles causées par les poussières toxique conventionnelles. La situation n'est donc pas claire, d'autant que le protocole suivi est loin de la réalité. Il faudrait tester l'inhalation plutôt que l'introduction forcée et directe dans les poumons.
D'ailleurs, une étude récente consistant à plonger des rats dans une atmosphère enrichie en nanomolécules de carbone a été menée à l'Université de Rochester (Etat de New York). L'équipe de Günter OBERDÖRSTER, professeur de médecine environnementale, affirme que des molécules de carbone aussi fines s'accumulent dans certaines parties du cerveau dès lors qu'elles sont inhalées. L'étude montre une accumulation de particules carbonées dans le bulbe olfactif de rats plongés dans une atmosphère enrichie de ces molécules. Une montée au cerveau qui, selon ses auteurs, se poursuivrait jusqu'à sept jours après que les rongeurs aient été ramenés à l'air libre. Cette expérience n'a pas été répliquée.
Sa fille, Eva OBERDÖRSTER, toxicologue environnementale de l'Université Southern Methodist de Dallas a déclaré fin mars 2004 que les fullerènes avaient altéré le comportement des gènes dans les cellules du foie de jeunes poissons (largemouth bass : achigan à grande bouche). Cette étude est la première à indiquer la destruction de cellules lipidiques, forme la plus commune du tissu du cerveau.
Elle en conclut que des études complémentaires doivent être menées pour améliorer nos connaissances en matière d'absorption par l'organisme des nanoparticules et des dommages qu'elles pourraient éventuellement causer. Mais elle a ajouté que ces résultats ne justifiaient pas l'application d'un moratoire aux nanotechnologies. « This is a yellow light, not a red one » ( 29 ).
Il faut par ailleurs noter que Vicki COLVIN dont le Centre pour les nanotechnologies biologiques et environnementales (Rice University) a fourni les fullerènes utilisées par E. Oberdörster était très circonspecte à l'égard de ces résultats qui, eux non plus, n'ont pas été vérifiés ni répliqués par d'autres scientifiques.
Selon elle, la surface des fullerènes du laboratoire, qui ne se présente pas sous une forme commercialement disponible, nécessite des études beaucoup plus fines. En effet, ces nanoparticules n'avaient pas été « coated » (enrobées). Or, l'enrobage est classiquement utilisé pour limiter l'éventuelle toxicité de tels matériaux dans les applications de délivrance des médicaments.
Au même moment, le chercheur David WARHEIT, à l'occasion d'un colloque national sur les nanoparticules organisé par la Société de Toxicologie à Baltimore, a confirmé que la façon dont les nanoparticules étaient enrobées et la vitesse à laquelle elles s'agrégeaient ensemble pouvaient être des facteurs plus importants en matière de toxicité que leur taille.
Les chercheurs ne sont pas tous alarmistes et pour certains, la préoccupation n'est pas nouvelle : « Nous nous sommes d'emblée posé la question de la toxicité des fullerènes sur lesquels nous travaillons depuis plus de dix ans, affirme Patrick BERNIER, chercheur du CNRS à l'Université de Montpellier. Ils ne se sont révélés ni mutagènes, ni cancérigènes ». Le laboratoire travaille aussi beaucoup sur les nanotubes de carbone. Nous étudions les aspects toxicologiques des nanotubes de carbone depuis cinq ans avec une biologiste ( 30 ) .
En résumé :
- plusieurs tests effectués avec des nanoparticules sur des souris et des rats ont fait naître chez des scientifiques des présomptions de toxicité, mais l'extrapolation à l'être humain n'est pas évidente.
- peu de tests ont été réalisés sur des êtres humains, à l'exception peut-être des études de Silvana FIORITO à l'Université de Montpellier sur des cellules humaines, et l'état de nos connaissances en ce domaine est donc extrêmement limité.
- une attention particulière doit être portée aux travailleurs des firmes de fabrication des nanoparticules car les conséquences de l'inhalation sont évidemment moins risquées que celles de l'ingestion. Or, dans la mesure où de nombreux nanomatériaux sont préparés dans des solutions liquides, les risques d'absorption orale ou dermatologique par les travailleurs doivent être étroitement contrôlés.
Toutefois, la majorité des scientifiques estime qu'il serait déraisonnable de ne pas continuer les recherches sur la toxicité éventuelle des nanostructures pour la santé tout en gardant à l'esprit la notion essentielle de détermination de la DOSE à partir de laquelle les nanoparticules pourraient être toxiques.
2. Nanoparticules et risque environnemental
Il est indispensable de vérifier, pour tout nouveau matériau qu'il est inoffensif et en particulier pour ceux qui sont susceptibles de relâcher dans l'environnement des débris submicroniques.
Ceci est à vérifier d'autant plus sérieusement que les nanoparticules présenteront des avantages justifiant une production de masse. Souvent référence est faite à l'histoire du DDT ou à celle de l'amiante, situations pour lesquelles les études d'impact ont suivi bien trop tard l'usage massif. Un sujet de réflexion intéressant est la généralisation des pots catalytiques (platine, palladium, rhodium). Ces derniers ont eu un effet certain sur l'amélioration de la qualité de l'air et indirectement sur la diminution de la teneur en plomb dans l'air, l'essence au plomb étant incompatible avec les pots catalytiques.
Toutefois, grâce à des techniques d'analyse d'ultratrace, on a depuis en évidence une augmentation de la teneur de ces mêmes métaux dans l'environnement jusqu'aux glaces du Groenland (avec le même rapport d'abondance que dans les catalyseurs).
Certains avancent que, dans certaines conditions, des nanoparticules pourraient être dispersées dans le sol, être ingérées par des vers et entrer ainsi dans la chaîne alimentaire.
En terme d'impact sur le sol, Mason TOMSON (Center for biological and environmental Nanotechnology - Rice University, Texas) a étudié la façon dont les fullerènes, au contact de l'eau, s'entourent d'une couche aqueuse isolante et traversent le sol sans s'y fixer.
Par ailleurs, on connaît mal le cycle de vie de ces produits et les phénomènes qui peuvent naître de leur accumulation dans l'environnement.
Des études doivent donc être menées pour évaluer les risques réels. Il ne s'agit pas pour autant de tomber dans le catastrophisme.
Ainsi que le rappelait M. Louis LAURENT à l'occasion du colloque organisé au Sénat ( 31 ) : « c'est un peu simple de dénoncer la nanotechnologie en tant que telle parce que la combustion, c'est de la nanotechnologie. La combustion, que ce soit du pétrole, même le gaz qui est réputé très propre, tout ça fait des nanoparticules. Et couramment, dans un environnement urbain, quand vous regardez la gamme en dessous des 100 nm, à chaque inspiration -si vous faites un peu de sport, ça fait un litre- ça fait 10 à 20 millions de nanoparticules par inspiration que vous inhalez à chaque fois. »
Par ailleurs, selon le récent rapport de l'Académie des Sciences : « il apparaît que la nanostructuration d'un matériaux n'est pas la vraie cause du risque. Les exemples de produits souvent anciens et tirant leurs propriétés d'une structuration à l'échelle submicronique, avant qu'on ne parle de nanosciences, sont nombreux :
- les matériaux comme le bois, la nacre, le ciment,
- les produits d'entretien, les assouplissants, les cosmétiques (on vante souvent les mérites des principes actifs qui pénètrent dans l'épiderme) tirent souvent leur efficacité de diverses molécules tensioactives capables de s'associer en nano objets,
- des aliments ou des médicaments (par exemple ils contiennent parfois du dioxyde de titane comme un agent blanchissant). »
Sur les thèmes de l'éventuelle toxicité des nanoparticules et du risque de dissémination dans l'environnement, on peut consulter les études exhaustives réalisées par NANOFORUM (http://www.nanoforum.org).
B. LA GREY GOO OU LES DANGERS D'AUTOREPLICATIONS DES NANOROBOTS
M. Michael CRICHTON est un romancier à succès, auteur de « Jurassic Park », « Harcèlement », et de la série télévisée « Urgences »... Son dernier roman « La Proie », qui parle pour la première fois au grand public de la nanoscience et qui sera prochainement adapté au cinéma n'est certes pas de nature à rassurer. Il dit lui-même être conscient d'avoir choisi un scénario catastrophe...
En effet, il décrit des nanorobots capables de s'autoassembler et de s'autorépliquer en utilisant l'énergie disponible autour d'eux, c'est-à-dire en « dévorant » tout (y compris ... les êtres humains) de sorte qu'à la suite de cette écophagie, le monde se transforme en une gelée grise (grey goo) composée d'une multitude de ces nanorobots.
Le Prince Charles a fait bénéficier d'une excellente publicité cette oeuvre de science fiction en s'alarmant publiquement l'an passé des dangers associés à la manipulation de la matière à l'échelle nanométrique ( 32 ).
« La Proie » est une pure oeuvre de « nano-science-fiction » et ne repose sur aucune réalité scientifique.
« Pour le très long terme, une crainte très médiatisée est la pollution voire l'invasion du monde par des nanorobots qui ont leur vie propre, la gelée grise. De telles machines à usage multiple, capables de se dupliquer, ce qui peut être assimilé à la création d'une nouvelle forme de vie, sont impossibles à concevoir ex nihilo dans l'état actuel des connaissances [...] Celles-ci seraient toujours tributaires des apports extérieurs en énergie et en milieu nutritif, ce qui introduit de sérieuses limitations à leur expansion. Le fonctionnement du vivant, qui est en quelque sorte une gelée grise auto régulée, illustre d'ailleurs parfaitement ces limitations ( 33 ).
Toutefois, on peut conclure qu'à l'évidence, les nanotechnologies peuvent constituer un terrain favorable à l'émergence d'un sentiment de méfiance ou même de crainte ( 34 ) .
Mais le principe de précaution ne suppose pas de se protéger contre la science-fiction...
C. LES MODALITES D'UTILISATION DES NANOTECHNOLOGIES ?
1. Le respect de la vie privée
a) Cette préoccupation a été exprimée dès l'apparition des tests génétiques par puce à ADN
« Le droit à « l'intimité génétique » -la genetic privacy- va être l'une des plus grosses revendications du prochain siècle : dans l'agenda politique et social de la plupart des pays, elle occupera la place qui fut celle de la question des droits de l'homme et des droits civiques au siècle dernier. A mesure que le nombre de victimes de diverses formes de discrimination génétique soit sous leur propre contrôle, et non exploitée par n'importe quelle institution » ( 35 ).
Elle avait été mise en exergue par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dès 1999.
La principale précaution à prendre en médecine prédictive est de faire en sorte qu'aucune pression ne soit exercée sur des personnes à risque pour qu'elles réalisent des tests génétiques, et que la diffusion des résultats des tests soit contrôlée : elle peut avoir des répercussions sur la famille, le travail et dans le domaine des assurances ( 36 ) .
Mais une extrême miniaturisation des quantités de « produit humain » nécessaires à des analyses d'ADN a été rendue possible par les nanobiologies.
Ainsi les auteurs de ce rapport ont eu en main au Whitehead Institute du MIT à Boston, dans le laboratoire du Pr. Paul MATSUDAIRA, une plaque de verre gravé d'environ 15 cm x 10 cm permettant aux responsables de médecine légale d'analyser in situ et très rapidement en cas de vol ou de crime l'ADN des éventuels coupables à l'aide, par exemple, d'une simple cellule de peau récupérée sur une poignée de porte.
On peut évidemment penser à un détournement de cette technologie car tout individu laisse des microcellules de peau sur le stylo qu'on lui prête pour remplir n'importe quel formulaire ... ou sur une simple poignée de porte....
Il est par ailleurs inévitable de s'interroger sur la conservation des données recueillies et leur statut juridique en terme d'échanges, de communications et de recoupements.
b) « des puces dans la peau »...
D'autres applications illustrent parfaitement le caractère « janusien » des nanotechnologies :
o les pacemakers de demain : une société californienne Nanogram Devices Corporation (NDC) développe des nanomatériaux complexes utilisés pour le stockage d'énergie sous forme de batteries pour les pacemakers et les défibrillateurs. Cette technologie conduit déjà à des produits réels que des chirurgiens pourront bientôt implanter dans la poitrine des patients. Elle est fondée sur un procédé qui dépose divers éléments chimiques, sous la forme de nano-poudres, en couches fixées par un puissant laser pour créer des structures physiques solides qui n'existent pas sous une forme conventionnelle.
L'application aux pacemakers est particulièrement importante : les batteries en question durent plus longtemps, gardent mieux la charge et occupent un plus petit volume que les piles conventionnelles. Elles permettent d'éviter des interventions plus lourdes et plus nombreuses.
o Les capteurs cérébraux pour les tétraplégiques : après des essais concluants sur des primates, des chercheurs de l'université canadienne d'Alberta et de la société américaine Cyberkinetics, de Foxborough, s'apprêtent à tester leur capteur cérébral Braingate sur cinq patients tétraplégiques : une minuscule puce contenant 100 électrodes, implantées dans le cerveau, enregistre l'activité des cellules et transmet ces signaux à un processeur externe qui les convertit en instructions pour déplacer un curseur d'ordinateur. Le dispositif pourra ensuite s'appliquer au contrôle d'un bras de robot ou d'une chaise roulante. Il devrait être miniaturisé et voir ses câbles disparaître au profit de la communication sans fil ( 37 ) .
o Les Radio Frequency Identification, nanocapteurs que l'on peut implanter sous la peau et qui échangent des informations avec l'environnement. Aux Etats-Unis, en Angleterre et au Mexique notamment, certains parents en ont fait implanter chez leurs enfants pour les protéger contre les kidnappings.
Cette technologie peut également permettre de ne pas
immobiliser certains malades à l'hôpital tout en ayant la
possibilité de les retrouver facilement en cas de besoin.
Mais
l'implantation dans le corps humain de nanomatériaux permettant de
localiser ou de contrôler un individu ne doit en aucun cas donner lieu
à des dérives.
D'ailleurs, aux Etats-Unis, le groupe CASPIAN (Consumers
Against Supermarket Privacy Invasion and Numbering) milite contre les
RFID.
Cette hantise du « marquage » des êtres
remonte à l'Apocalypse :
« Puis je vis monter de la
mer une bête (...) et elle fit en sorte que tous, petits, grands et
riches, reçussent une marque sur la main droite ou sur le front et que
personne ne pût ni acheter ni vendre sans avoir la marque, le nom de la
bête ou le nombre de son nom ».
(Citation reprise sur les
nombreux sites Internet consacrés aux RFID)
o L'implantation de puces dans le cerveau fait naître la crainte d'hommes « télécommandés ». Des chercheurs de l'Université d'Etat de New-York ont réussi à implanter sur le cerveau d'un rat des électrodes qui permettent de le télécommander par simple stimulation. A partir de modèles comportementaux du rat, ces chercheurs peuvent lui donner l'ordre de bouger ou de tourner grâce à des microstimulations électriques. Le même procédé est utilisé pour récompenser l'animal.
o Les « puces-santé » : une
puce sous-cutanée contenant des informations sur l'état
médical d'un individu (groupe sanguin mais aussi allergies, etc...)
permettra aux services médicaux de la prendre en charge rapidement en
cas de besoin sans examens préliminaires.
Mais il est
certain que ces renseignements permettraient à d'éventuels
ravisseurs d'exercer un « chantage » médical sur
leur victime.
Ces exemples prouvent que si l'implantation de nanomatériaux ou de biocapteurs peut être positive, l'utilisation des nanobiotechnologies à des fins de localisation, contrôle, voire « télécommande » des individus peut se révéler dangereuse si elle n'est pas utilisée dans une bonne intention.
c) L'utilisation des « poussières intelligentes » à des fins d'espionnage
La poussière intelligente (smart dust) étudiée notamment par le physicien Kris Pister à l'Université de Berkeley serait composée d'une nuée de microprocesseurs. Emplis de minuscules capteurs, ils pourraient être utiles par exemple pour la protection de l'environnement en étant largués par un avion sur une zone donnée. En communiquant entre eux, ils seraient capables d'élaborer un bilan précis de la situation lors d'un incendie ou d'un séisme et de le transmettre à un ordinateur central. Mais, détournée par une puissance malveillante, cette technologie deviendrait un terrifiant outil d'espionnage d'une région ou d'une nation.
On peut aussi malheureusement concevoir qu'un individu en jette une poignée dans une salle de réunion ou dans une pièce d'une habitation privée et puisse ensuite savoir tout ce qui s'y passe ou s'y dit...
2. De l'homme « réparé » à l'homme « augmenté »
L'étymologie (et l'éthique...) nous rappellent qu'il n'y a pas de médecine, pas de remède sans volonté de donner des soins ( mederi ) à celui qui en a besoin pour vivre. Le remède prescrit doit être utilisé à une seule fin : rétablir la santé, c'est-à-dire « réparer » le patient.
Un risque des nanobiotechnologies pourrait être de ne pas seulement pallier une déficience mais de céder à la tentation d'améliorer le vivant et d'aller jusqu'à augmenter volontairement les performances diverse d'un homme « bionique », d'un « surhomme ».
Voici quelques exemples de possibles dérives :
o L'implantation de microélectrodes sous la langue peut permettre à un aveugle de voir des contours et des formes, et de se diriger, peut-être certains souhaiteront-ils vérifier si ces implants ne réussissent pas à donner une sensorialité supplémentaire à leur perception.
o Les implants cochléaires qui pourraient permettre d'entendre à des sourds de naissance font peut-être rêver à une « super-oreille ».
o « Une équipe californienne travaille sur une prothèse électronique destinée à remplacer un hippocampe défaillant chez certains malades amnésiques. Lorsqu'on sait que l'hippocampe est une partie du cerveau indispensable à la mémorisation, on peut imaginer que certains pensent déjà à l'implantation d'une puce donnant accès à une mémoire illimitée. Ces électrodes, qui agissent si bien sur certaines zones du cerveau, peuvent aussi, demain, stimuler d'autres zones, sièges de plaisir. Et laisser croire à de proches paradis bioniques artificiels » ( 38 ).
o Enfin, l'action d'électrodes sur des zones précises du cerveau permettrait de camoufler parfaitement le dopage sportif, puisque la surproduction de molécules endogènes, telles que les endorphines ne serait due qu'à une stimulation cérébrale.
VIII. LES ASPECTS SOCIO-ECONOMIQUES
A. LA MULTIPLICITÉ DES DONNÉES RECUEILLIES
Elle est la conséquence des facilités de recueil des données offertes par les nanobiotechnologies : les quantités à prélever sont très réduites ; elles peuvent l'être de façon quasi-indolore ; les quantités de réactifs sont également très réduites et donc beaucoup moins coûteuses ; les examens des patients pourront être réalisés par les médecins dans leur cabinet (ce qui supprime l'aspect dissuasif du déplacement vers un laboratoire d'analyse) ; enfin et surtout, les analyses réalisées par les biopuces fourniront infiniment plus de renseignements, notamment d'ordre génétique.
Cette multiplication des données pose trois problèmes principaux :
- « Trop de donnée tue la donnée ». En effet, le risque d'obtenir des résultats erronés croît avec le nombre de ces résultats.
- Il conviendra de stocker ces nombreuses informations (par exemple pour suivre leur évolution pour un patient donné ou pour procéder à des études épidémiologiques) et donc de trouver une solution matérielle de stockage.
- Conserver des données ne pose pas seulement un problème « physique » mais aussi une difficulté financière car cela a un coût et qu'actuellement il n'existe pas de modalité de couverture de ce coût.
B. UNE MÉDECINE À PLUSIEURS VITESSES ?
On ignore actuellement les implications financières du développement des nanobiotechnologies. Certains estiment qu'elles seront positives (médicaments ciblés et vectorisés, donc achetés - et remboursés - en moindres quantités ; diminution des journées d'hospitalisation et des dépenses liées à l'anesthésie ...).
Un exemple de ce dernier type d'économie peut être l'utilisation de minicapsules ingérables réalisant des endoscopies. « Par rapport à une endoscopie comme celle dont on parlait tout à l'heure qui nécessite une hospitalisation, une anesthésie générale pour visualiser l'intestin grêle -or, les pathologies du grêle sont loin d'être peu nombreuses et surtout des pathologies relativement sévères : la maladie de Crohn, la maladie coeliaque, tout ce qui est anémie, saignements obscurs et/ou occultes-, là, on offre un moyen d'investigation qui se fait en ambulatoire, où le patient se présente simplement à jeun le jour de son examen, comme pour une prise de sang, ingère la capsule, peut vaquer à ses occupations professionnelles ou autres et, en fin de journée, l'examen est terminé » ( 39 ).
Quant au coût par rapport à un examen classique : « c'est toujours très difficile de parler d'un examen classique parce que quand vous commencez à hospitaliser un patient et qu'il y a une anesthésie, ça dépend du site et d'où il vient parce que, souvent, il vient d'un hôpital relativement éloigné. Mais on sait que, de toute façon, à ce moment-là, on est largement au-delà des 2.500 euros. Parce que ça va très vite, entre l'acte anesthésique et tous les examens qui vont autour. Le coût de la capsule est de 600 euros. »
Il faut relever que les endoscopies par injection de capsules ne sont pas remboursées par la Sécurité Sociale.
Aucune étude générale relative au coût de l'utilisation croissante des nanobiotechnologies n'a été réalisée. Or, cette analyse est indispensable car si certains traitements ou examens médicaux, moins douloureux, moins invasifs (donc moins dangereux) et plus efficaces sont plus coûteux que la médecine, la chirurgie et les médicaments « classiques », ils ne seront pas pris en charge par le régime général de la Sécurité Sociale.
Ceci aurait pour conséquence de réserver au moins partiellement les progrès liés aux nanobiotechnologies aux malades les plus fortunés disposant notamment de mutuelles privées.
C. POURRA-T-ON EN FRANCE AVOIR RECOURS AUX NANOBIOTECHNOLOGIES ?
La réponse est aujourd'hui empreinte de pessimisme pour trois raisons :
- la création des nanoobjets
Il n'existe quasiment pas d'ingénieur français ayant reçu une formation lui permettant de créer des nanoobjets. Il faut noter à ce propos que toute formation relative aux nanotechnologies et plus encore aux nanobiotechnologies doit absolument être interdisciplinaire car ces technologies sont le fruit de la rencontre de la physique, de la chimie, de la biologie, etc...
C'est sur cet aspect que portent les efforts du Pr. Bertrand Fourcade à l'Université Joseph Fourier à Grenoble ainsi qu'il l'a rappelé lors du colloque organisé au Sénat ( 40 ) .
« Ce qui caractérise les nanosciences, c'est que ce sont des disciplines qui interagissent et qui s'enrichissent mutuellement. C'est là-dessus que je voudrais insister.
S'il faut former les gens, il faut que ces gens puissent savoir importer des connaissances et un savoir-faire d'autres disciplines pour les pratiquer dans le contexte de leur propre méthode. Ce n'est pas parce que vous êtes physicien et que vous travaillez sur des matériaux biologiques que vous dénaturez votre métier de physicien, ce n'est pas pour ça que vous dénaturez votre métier de biologiste. Vous vous enrichissez mutuellement, vous élargissez mutuellement votre horizon. [...] Dans le contexte, je ne vais pas vous dresser un tableau de toutes les formations en nanosciences qu'il faudrait faire en France. Simplement, on s'est posé la question de ce qu'on pourrait faire à Grenoble. On a décidé de monter notre petite start-up à nous de formation, c'est-à-dire de monter une école européenne de nanosciences où, pendant trois semaines, on va faire venir des étudiants européens à Grenoble. Et la moitié de ces trois semaines va se passer dans des laboratoires. C'est au niveau doctorat et il s'agit de créer une communauté et un lieu de culture en recherche d'ouverture, en recherche fondamentale, où puissent venir puiser les créateurs de hautes technologies.
Cette définition n'est pas celle d'un universitaire. Ce n'est pas la définitition que j'ai donnée, c'est la définition qu'a donné quelqu'un de STMicroelectronics, qui n'est quand même pas connu comme un endroit où l'on pratique la recherche fondamentale à des fins de loisir. Ça, c'est quelque chose qui, a priori, intéresse absolument l'industrie. On garde notre caractère de recherche fondamentale mais en couvrant tout le champ des applications, du plus fondamental au plus appliqué. »
Ce type d'initiative devrait bien entendu être beaucoup plus répandu et systématisé.
La prochaine session européenne consacrée aux nanosciences et aux nanotechnologies aura d'ailleurs lieu à Grenoble du 22 août au 10 septembre 2004.
Mais il est indispensable de mettre en place des structures universitaires pérennes interdisciplinaires du type de celles qui a été récemment ouverte à l'Université de Stanford en Californie. Le « Bio-X project » réunit des biologistes et des physiciens mais aussi des spécialistes de nombreuses autres disciplines. Il réunit 35 professeurs issus de 15 départements universitaires (informatique, chimie, biologie, physique, mécanique, électricité, génétique, etc ...).
- l'utilisation des nanoobjets
o Les biopuces relativement « sophistiquées »
Il est vraisemblable qu'à l'avenir, les médecins disposeront de « kits » associant les outils de diagnostic et les éléments permettant d'orienter ou de débuter in situ les thérapies.
Il est donc clairement indispensable qu'ils reçoivent une formation appropriée leur permettant de savoir utiliser et décrypter l'information des biopuces.
o Les biopuces plus simples
Par ailleurs, en dehors des médecins, les futurs utilisateurs de biopuces devront avoir à leur disposition des outils relativement simples à utiliser. Ainsi que le rappelait M. Marc CUZIN à l'occasion du colloque organisé au Sénat, le 6 février 2004 (1) : « les biopuces, pour être utilisées en grande quantité, se doivent d'être simples d'utilisation. [...] L'utilisateur, demain, ne sera pas un Bac + 8 ou Bac + 11 ; ce doit être un laborantin de quartier, d'hôpital, un grand service d'analyse agro-alimentaire, un contrôleur d'eau municipal [...] donc il faut développer l'utilisation, l'interface et la qualité jusqu'au bout pour qu'il y ait véritablement une réponse qui convient à l'utilisateur ».
- la fabrication des nanoobjets
Le tissu industriel français ne présente absolument pas une capacité suffisante de fabrication de ce type d'instruments scientifiques.
Aujourd'hui rares sont les entreprises dans le domaine des nanobiotechnologies qui ont été capables de mettre sur le marché un produit à part les sociétés qui commercialisent des puces à ADN (par exemple Affimetrix aux USA ou ApiBio en France). Le fait que des entreprises se créent, essentiellement à l'étranger, ne doit toutefois pas faire oublier les problèmes encore non résolus. La principale barrière réside dans l'extrême difficulté à produire à l'échelle industrielle les nanomatériaux ou les nanoobjets même si les nanotubes de carbone ou des fullerènes peuvent maintenant être produits en qualité et en quantité industrielles.