Ni angélisme, ni catastrophisme
I. LES ENJEUX ECONOMIQUES
Ainsi qu'on l'a exposé dans le chapitre précédent, les nanobiotechnologies font envisager des applications révolutionnaires, notamment dans le domaine médical.
Certes, selon les techniques thérapeutiques envisagées, certaines applications concrètes sont déjà réalisées mais, pour d'autres, on doit se situer dans une réflexion à plus ou moins long terme. Toutefois les nanobiotechnologies commencent à quitter le cercle des laboratoires de recherche pour entrer dans la phase de développement industriel.
Erreur ! Des objets ne peuvent pas être créés à partir des codes de champs de mise en forme.
Le marché des nanobiotechnologies est difficile à estimer avec certitude (14 ( * )) car ses composantes sont très diverses. Mais il serait très difficile d'envisager que les tests de diagnostic ne vont pas prendre un essor considérable.
Erreur ! Des objets ne peuvent pas être
créés à partir des codes de champs de mise en
forme.
(15
(
*
))
De même, les applications relatives à l'ingénierie tissulaire sont en très forte expansion.
Erreur ! Des objets ne peuvent pas être créés à partir des codes de champs de mise en forme.
(16 ( * ))
En tout état de cause, les enjeux économiques sont très importants. Un rapport intitulé « Nanobiotechnology, Commercial Opportunities from Innovative Concepts », estimait, en avril 2002, que le marché global des nanobiotechnologies s'élèverait à environ 300 milliards de dollars sur les douze prochaines années.
Les conséquences en terme d'emploi, d'évolution et de localisation des groupes pharmaceutiques mais aussi d'accès aux produits sont telles que de nombreux pays ont consenti de réels efforts de financement.
A. LA FRANCE ET L'EUROPE
1. La France
La mesure des financements publics des nanotechnologies est un exercice difficile, notamment parce qu'il est parfois malaisé de distinguer nettement les microtechnologies des nanotechnologies.
C'est ce qu'exposent les auteurs (17 ( * )) du rapport récemment remis au Ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche sur le financement des nanotechnologies et des nanosciences (janvier 2004) : « la délimitation d'un domaine strictement nanotechnologique par rapport au domaine des microtechnologies est loin d'être évidente : alors que les auteurs de la présente étude visaient au départ un schéma en trois volets (nano « pur », nanomicro à dominante nano et nanomicro à dominante micro), il leur est finalement apparu possible d'opérer seulement une distinction entre le domaine nanotechnologique à part entière et un ensemble moins caractérisé. Le positionnement des chiffrages retenus dans l'un ou l'autre volet dépend naturellement de l'information recueillie auprès des opérateurs (CEA, CNRS) et, en ce qui concerne les crédits mis en oeuvre directement par l'Etat, de la procédure considérée. Alors que l'ACI nanoscience financée à partir du FNS est clairement et entièrement dédiée au domaine nanotechnologique, les interventions du FRT en faveur du réseau des micro et des nanotechnologies (RMNT) et des grandes centrales sont ventilées entre les deux volets, selon une clé partiellement forfaitaire (la répartition étant spécifiée pour 2003 par le département compétent du ministère de la recherche, la même clé de répartition est retenue pour les autres années) ».
Selon eux, les financements publics sont les suivants :
Synthèse des financements publics (en M€ HT)
Par origine de financement |
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
TOTAL HT |
Moyenne annuelle |
Observations
|
A) PROGRAMMES « NANO » A PART ENTIERE |
||||||||
ETAT (Ministères) |
||||||||
FNS (ACI nanosciences) HT
|
2,2
|
6,3
|
7,1
|
7,3
|
7,3
|
27,6
|
5,5
|
Dont 50 % fonctionnement, 50 % investissement |
FRT (réseau de centrales) HT
|
|
|
14,4
|
28,0
|
28,0
|
70,4
|
14,1
|
Dont 40 % fonctionnement, 60 % investissement |
Recherche universitaire HT
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
35,0
|
7,0
|
Hypothèse 50 % indifférentiable, dont 80 % fonctionnement et 20 % équipement |
Doctorants (alloc.Rech.) HT
|
2,0
|
4,2
|
9,1
|
14,5
|
17,6
|
47,4
|
9,5
|
Totalité en fonctionnement |
Ministère de l'industrie HT
|
24,6
|
31,0
|
41,9
|
40,1
|
40,1
|
177,7
|
35,5
|
2/3 fonctionnement, 1/3 équipement |
Ministère de la Défense
HT
|
|
|
1,0
|
1,3
|
1,7
|
4,0
|
0,8
|
Totalité en équipement |
ETABLISSEMENTS DE RECHERCHE |
||||||||
CNRS HT
|
67,8
|
70,5
|
70,5
|
71,9
|
73,3
|
354,0
|
70,8
|
Hypothèse accroissement des personnels de + 2 % par an sur l'ensemble de la période |
Par origine de financement |
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
TOTAL HT |
Moyenne annuelle |
Observations
|
CEA HT
|
13,9
|
16,5
|
25,1
|
45,0
|
59,0
|
159,5
|
31,9
|
|
INSERM HT
|
6,5
|
7,0
|
7,5
|
8,5
|
9,0
|
38,5
|
7,7
|
Totalité en fonctionnement |
ANVAR HT
|
0,4
|
1,0
|
0,1
|
0,3
|
0,3
|
2,1
|
0,4
|
|
SOUS TOTAL A (HT)
|
124,4
|
143,5
|
183,6
|
223,9
|
243,3
|
916,2
|
183,2
|
|
B) PROGRAMMES « NANO/MICRO » INDIFFERENTIABLES » |
||||||||
ETAT (Ministères) |
||||||||
FRT (RMNT + divers...) HT
|
9,2
|
8,1
|
5,1
|
4,4
|
4,4
|
31,2
|
6,2
|
70 % fonctionnement, 30 % équipement |
Recherche universitaire HT
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
7,0
|
35,0
|
7,0
|
|
Doctorants (CIFRE) HT
|
0,9
|
1,1
|
1,3
|
1,4
|
1,5
|
6,2
|
1,2
|
Totalité en fonctionnement |
Ministère de l'Industrie HT
|
57,0
|
71,9
|
82,3
|
79,7
|
79,7
|
370,6
|
74,1
|
2/3 fonctionnement, 1/3 équipement |
Par origine de financement |
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
TOTAL HT |
Moyenne annuelle |
Observations
|
Ministère de la Défense
HT
|
|
|
17,7
|
17,7
|
17,7
|
53,1
|
10,6
|
2/3 fonctionnement, 1/3 équipement |
ETABLISSEMENTS DE RECHERCHE |
||||||||
CNRS HT
|
147,4
|
153,4
|
153,3
|
155,8
|
158,2
|
768,1
|
153,6
|
Hypothèse accroissement des personnels de + 2% par an sur l'ensemble de la période |
CEA HT
|
73,7
|
84,5
|
90,1
|
94,8
|
99,2
|
442,3
|
88,5
|
Financements publics hors UE, Etat, EPST et universités |
ANVAR HT
|
1,9
|
2,2
|
0,2
|
1,0
|
1,0
|
6,3
|
1,3
|
|
CPER |
||||||||
ETAT CPER HT
|
7,0
|
6,2
|
4,3
|
3,5
|
1,1
|
22,1
|
4,4
|
Totalité en équipement |
Coll. Loc. (CPER + hors) HT
|
17,4
|
8,8
|
6 ,7
|
5,3
|
3,4
|
41,6
|
8,3
|
Estimation (données incomplètes pour le hors CPER), totalité en équipement |
SOUS TOTAL B (HT)
|
321,5
|
343,2
|
368,0
|
370,6
|
373,2
|
1.776,5
|
355,3
|
|
TOTAL A + B (HT)
|
445,9
|
486,7
|
551,6
|
594,5
|
616,5
|
2.692,7
|
538,5
|
|
Or, selon une autre étude tout aussi récente, les crédits publics consacrés aux nanotechnologies en France atteignent 218 M€ en 2002, hors microélectronique. Ils sont essentiellement alloués par le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (MINEFI) et le ministère délégué à la Recherche et aux Nouvelles Technologies (MRNT), mais également par la DGA et l'ANVAR.
Ces crédits 2002 sont ainsi répartis : 30 M€ pour les grands programmes, 30 pour les réseaux d'innovation, 88 via les instituts de recherche, dont 73 pour le CEA et 15 pour le CNRS, 20 pour la DGA, 50 pour des projets soutenus par l'ANVAR et associant les PME (18 ( * )).
Les difficultés d'évaluation des financements des nanotechnologies, qui ne sont pas propres au cas français donnent tout leur sens à une approche « qualitative » ou structurelle de la politique des soutiens publics.
• Le ministère de l'Industrie souhaite pérenniser les sites industriels ayant atteint ou susceptibles d'atteindre une taille critique et concentrant, dans une même zone géographique, des moyens complémentaires dans le domaine des micro-nanotechnologies : centres de recherche publics et privés d'excellence, entreprises technologiques leaders (de pointe ou en position de « leadership »), tissu de PME réactif et centres de formation. L'objectif à terme est de faire des produits industriels très avancés, en lien étroit avec la recherche, en particulier en tirant parti des productions des laboratoires publics. La démarche de ce type la plus significative est celle qui a permis de soutenir l'opération « Crolles II » à Grenoble ou la consolidation du site d'ALTIS à Corbeil-Essonnes.
Il répartit ses crédits à trois niveaux en s'adossant à un projet industriel international. Les collectivités territoriales s'impliquent fortement dans ces types de programmes compte tenu des retombées locales.
- Les réseaux de recherche et d'innovation technologique, en liaison avec des organismes publics tels que le ministère de la Recherche, la délégation générale à l'armement et l'agence nationale pour la valorisation de la recherche.
Le but de ces réseaux est de faire naître des coopérations entre les acteurs de la recherche publique et privée et d'expertiser d'un point de vue scientifique les projets proposés.
Le réseau micro-nanotechnologies (RMNT) est très actif. Le RMNT a soutenu entre 1999 et 2002, 119 projets de recherche dont 51 ont reçu un financement pour un budget sur 4 ans estimé à 43 millions d'euros. Ces projets sont très coopératifs, avec 5 partenaires en moyenne par projet. Les partenaires sont à 46 % des laboratoires de recherche publics, 24 % des PME, 17 % des groupes industriels et 13 % des établissements publics à caractère industriel et commercial.
Depuis 1999, il a labellisé de nombreux projets ainsi répartis :
- Les groupements au sein de la structure européenne EUREKA qui correspondent à des programmes pilotés par des compagnies industrielles qui définissent ensemble une feuille de route technologie et y associent des petites et moyennes entreprises ainsi que des laboratoires publics. Ces projets sont de grande ampleur et sont financés par les pays qui s'y sont impliqués.
Ainsi, le programme MEDEA+ (microélectronique) associe 16 pays et 226 partenaires autour de 38 projets. Il concerne 11.000 personnes et rassemble des grandes entreprises (30 %), des PME (38 %) et des laboratoires publics (32 %).
• Le ministère de la Recherche a lancé un programme spécifiquement dédié aux « Nanosciences » de 50 millions d'euros en 2003 :
- 12 M€ pour soutenir des activités de recherche dans le cadre de projets de recherche ou projets intégrés sur les nanosciences et les nanotechnologies.
- 30 M€ pour développer quatre grands centres de compétences (MINATEC (Pôle d'innovation en micro et nanotechnologies) à Grenoble, LAAS (Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes) à Toulouse, IEMN (Institut d'Electronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie) à Lille, IEF/LPN (Institut Electronique Fondamentale/Laboratoire de Photonique et de Nanostructures) à Paris) ayant une taille critique compétitive à l'échelle mondiale et permettant la mise en commun d'équipements pour des projets « amont » et l'accueil des scientifiques.
- 8 M€ pour promouvoir le développement de « clusters » (grappes) au travers d'activités de recherche multidisciplinaires à l'échelle locale, pour la diffusion des connaissances vers les PME-PMI. Huit centres spécifiques qualifiés au titre des nanotechnologies apporteront un soutien de proximité.
Par ailleurs, en 2002, le ministère de la Recherche, le CEA et le CNRS ont mis en place une action concertée multidisciplinaire de 10 M€.
Enfin, en janvier 2002 et à l'initiative du CEA, un pôle d'innovation en micro et nanotechnologies (MINATEC) a été installé à Grenoble qui a pour vocation finale de devenir le centre européen de la recherche dans ce domaine.
• Le ministère des Finances soutient des projets relatifs à de grands pôles d'excellence territoriaux et, en premier lieu, celui de Crolles (près de Grenoble) qui est extrêmement important du fait de son ampleur et de son caractère stratégique : ST Microelectronics, Motorola (dont la Recherche et Développement dans les semi-conducteurs était auparavant située aux Etats-Unis) et Philips ont annoncé en avril 2002 leur volonté d'unir leurs efforts pour construire à Crolles l'un des tout premiers pôles mondiaux de Recherche et Développement en microélectronique. Le projet de recherche « Crolles II » qui se concentre sur les futurs systèmes sur puces aura inévitablement des retombées dans le domaine des nanotechnologies.
*
14
Cf.
l'exposé sur : « les études de
marché » de M. BOULON (Yole Développement)
présenté à l'occasion du colloque organisé au
Sénat le 6 février 2004, dont les actes sont annexés
à ce rapport.
* 15 M. ROSSIER, « Nanosciences et médecine du XXIème siècle » colloque organisé au Sénat le 6 février 2004.
* 16 Présentation du Pr David HULMES au colloque Nanosciences et Médecine du XXIème siècle - Sénat - 6 février 2004.
* 17 MM. Alain BILLON et Jean-Loup DUPONT, Inspecteurs généraux de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche, M. Gérard GHYS, Chargé de mission à l'inspection générale de l'Education nationale et de la Recherche.
* 18 Annales des Mines - février 2004 - I. FAUCHEUX, P. PARMENTIER, G. LE MAROIS.