ANNEXES

I. LISTE DES TEXTES ADOPTÉS PAR L'ASSEMBLEE DE L'UEO

Commission permanente

22-10-2003

Dec. 26 sur les suites à donner à la Directive n° 118 sur la politique de sécurité d'une Europe élargie

Rés. 117 sur les perspectives de la politique européenne de sécurité et de défense - Contribution à la Conférence intergouvernementale.

Dir. 119 sur les perspectives de la politique européenne de s écurité et de défense - Contribution à la Conférence intergouvernementale

Rec. 732 sur les perspectives de la politique européenne de sécurité et de défense - Contribution à la Conférence intergouvernementale

Seconde partie de la session 2003

sixième séance - 01-12-2003

Rec. 733 : un concept stratégique européen - aspects de défense

Rec. 734 : les forces aériennes européennes projetables

Rec. 735 : une initiative européenne pour renforcer le rôle des Nations un ies en faveur de la paix et de la sécurité

huitième séance - 02-12-2003

Rec. 736 : sur les perspectives de la politique européenne de sécurité et d éfense (Partie II - Réponse au rapport annuel du Conseil)

Res. 118 : sur le suivi parlementaire des conclusions de la Convention sur le suivi parlementaire des conclusions de la Convention sur l'avenir de l'Europe et des travaux de la Conférence intergouvernementale - débats et réponses aux questions parlementaires dans les pays de l'UEO

neuvième séance - 03-12-2003

Rec. 737 : La sécurité en Europe et la stabilisation du Moyen-Orient

Rec. 738 : Les répercussions de la crise irakienne sur les opinions publiq ues en Europe

dixième séance - 03-12-2003

Rec. 739 : sur la défense antimissile : pour une initiative européenne com mune

R ec. 740 : sur l'évolution de la politique d'armement en Europ e - réponse au rapport annuel du Conseil

R ec. 741 : sur l'Europe de la défense : unir et renforcer les capaci tés nationales et européennes - réponse au rapport annuel du Conseil

L'ensemble des documents et des débats de l'Assemblée de l'UEO est consultable sur le site : http://www.a ssembly-weu.org

II. ALLOCUTION DES PRINCIPALES PERSONNALITES QUI SE SONT ADRESSEES A L'ASSEMBLEE PENDANT LA SECONDE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE 2003

Discours de M. Jean-Claude Juncker, Premier Ministre du Luxembourg (mardi 2 décembre 2003)

« M. le Président, Mesdames et Messieurs, il est d'usage de dire, avant de s'adresser à une assemblée, que l'on éprouve un plaisir particulier à prendre la parole. En règle générale, cela n'est pas vrai. Mais cette fois-ci, la remarque s'impose car c'est pour moi, en effet, un grand plaisir de pouvoir m'adresser à cette assemblée présidée par mon ami Marcel Glesener, que je connais depuis des décennies et avec lequel j'ai fait un bout de chemin.

« De plus, j'ai le plaisir de prendre la parole en présence de mon ministre de la défense, qui est un ancien de la maison et qui fut votre président pendant des années. Et j'ai découvert en arrivant que se trouve parmi vous un nombre important de ceux que j'ai pu côtoyer dans mes diverses fonctions et dans leurs diverses activités. Je suis heureux de pouvoir les retrouver aujourd'hui.

« Votre Assemblée, connue par les uns, trop souvent mal connue par les autres, fut toujours, pour nous, Luxembourgeois, et pour les autres gouvernements de l'Union européenne, un forum de réflexion auquel nous tenions beaucoup, un cadre de réflexion pour canaliser la pensée parlementaire européenne en vue d'irriguer ensuite les sociétés politiques européennes, ainsi qu'un guide pour notre action publique et politique.

« Je ne vous apprendrai pas que la défense, c'est-à-dire la dimension européenne de la défense, est une ambition européenne déjà vieille. Dans les aléas de la conjoncture politique, on feint parfois de croire que l'idée d'inventer et de mettre sur pied une défense européenne est une idée neuve, apparue brutalement. Cela n'est pas vrai. La sécurité et la défense sont parmi les plus anciennes ambitions européennes puisque ceux qui, en 1952, avaient mis sur les rails la Communauté européenne du charbon et de l'acier, au vu des premiers succès de celle-ci, avaient immédiatement pensé mettre sur pied la Communauté européenne de défense. Celle-ci devint malheureusement la victime des errements parlementaires de l'Assemblée nationale française de la IVème République. Echec retentissant à l'époque mais qui, finalement, donna naissance à votre Assemblée, en 1954.

« Ceux qui n'avaient pas connu le succès qu'ils auraient dû connaître avec la Communauté européenne de défense ne désarmèrent pas, si je puis dire, puisqu'ils poursuivirent leur oeuvre européenne avec le Traité de Rome, mettant l'accent sur l'intégration économique, puisque l'intégration politique se révélait impossible à l'époque.

« Tout économique qu'était, dans ses dispositions, le Traité de Rome, il ne faut pas oublier que la finalité de l'intégration européenne fut à l'époque, resta ensuite et est aujourd'hui, par essence, politique. Nous l'avons bien vu le 7 février 1992, lors de la signature du Traité de Maastricht, qui mit au monde la politique extérieure et de sécurité commune et rappela l'objectif de défense commune.

« Il est normal que l'Union européenne s'implique fortement dans tout ce qui relève de la sécurité et de la défense. Voilà l'Union européenne qui, au 1 er mai 2004, sera composée de 450 millions d'hommes et de femmes. Voilà une Union européenne devenue marché intérieur après l'Acte unique de 1987, lequel représente un quart du produit intérieur brut mondial. Voilà ce grand marché intérieur, ce vaste ensemble démographique et géographique qui s'est doté, depuis le 1er janvier 1999, d'une monnaie unique. Il n'y a pas au monde ensemble régional plus cohérent que l'Union européenne.

« Cet ensemble cohérent mais incomplet est confronté aux même risques que tous les ensembles qui existent sur la carte politique mondiale, que tous les autres acteurs de la vie politique internationale. Il y a l'énorme défi du terrorisme, défi déjà vieux mais toujours présent à nos esprits, à cause des méfaits qu'il ne cesse de commettre. Il y a le problème de la prolifération des armes de destruction massive. L'Union européenne, comme les autres acteurs internationaux, est exposée aux troubles causés par les Etats que nos amis anglais appellent les « failed States ».

« Mais parmi les défis qui mettent en péril notre sécurité, il serait erroné de compter exclusivement les défis militaires, les défis stratégiques et les défis qui menacent la stabilité et notre sécurité. Il convient aussi de compter parmi les grands défis mondiaux le fait que 45 millions de personnes meurent chaque année de faim ou de malnutrition à travers le monde. Ce défi est tout aussi important que le terrorisme ou la prolifération nucléaire. Il est donc évident que l'Union européenne doit mettre en place des moyens civils et militaires pour faire face à cet ensemble hétéroclite de défis majeurs.

« Sur la voie de la mise en place de ces moyens civils et militaires, nous avons su, au cours des dernières années, réaliser un certain nombre de progrès. A lire les journaux, on pourrait croire que l'Europe est en crise permanente, nos échecs, nos faiblesses, nos défaillances cachant bien des succès que nous avons pu aligner depuis que le Traité de Maastricht, le Traité d'Amsterdam et, dernièrement, celui de Nice sont entrés en vigueur. Sachons que nous avons été capables de mettre en place les comités militaires. N'oublions pas que l'Etat-major européen existe déjà aujourd'hui. Il n'est pas à inventer.

« Il convient aussi de relever, non pas pour les savourer, mais pour constater leur existence, les quelques opérations d'envergure que l'Union européenne a su conduire ces dernières années. Je vous rappellerai l'opération « Concordia » que nous avons menée et que nous poursuivons jusqu'au 15 décembre, en Macédoine. Cette première opération militaire de l'Union européenne sera bientôt relayée par l'opération « Proxima ».

« Je vous rappellerai aussi que l'EUMP fait un travail remarquable en Bosnie. J'étais, il y a quinze jours, en Macédoine et en Bosnie et j'ai pu constater l'espoir et l'espérance que procurent les opérations « Concordia » et « Proxima » et mesurer la présence policière de l'Union européenne en Bosnie, où l'OTAN vient de décider, hier, de réduire les effectifs de la SFOR. Il n'est pas exclu qu'au cours des années à venir, une autre opération militaire prenant appui sur les structures de l'Union européenne vienne relayer la présence des troupes de la SFOR en Bosnie.

« Je vous rappellerai, dans cette même rubrique, l'opération « Artemis », qu'à la demande du Secrétaire général de l'ONU, nous conduisons à l'heure actuelle au Congo.

« Voilà un ensemble de réussites, institutionnelles, d'abord, opérationnelles ensuite, que l'Union européenne, sur la base des traités existants, a su conduire, me semble-t-il, avec succès.

« Il est évident, devant ce progrès, tempéré toutefois par le caractère inachevé de la logique entière de l'Union européenne, que de nouveaux progrès sont nécessaires, que de nouvelles frontières doivent être découvertes et que de nouvelles perspectives doivent être dégagées.

« La Conférence intergouvernementale est l'enceinte où ces progrès et ces perspectives doivent être dégagés et réalisés. Je veux parler de la nécessaire clarification de tout ce qui relève de la défense européenne. Devant la demande croissante d'Europe à travers le monde et le fait que, déjà, les 25 pays membres de l'Union européenne alignent un budget militaire de 160 milliards d'euros, il est évident que d'autres initiatives sont devenues indispensables. J'observe, avec inquiétude le plus souvent, avec amusement parfois, que l'on essaie de présenter le désir d'émancipation militaire de l'Europe comme voulant signifier, en fait, une espèce de putsch contre les Etats-Unis d'Amérique. Je dirai très simplement qu'à nos yeux, les Etats-Unis d'Amérique doivent rester l'allié privilégié des Européens lorsqu'il s'agit de faire en sorte que la paix et la stabilité règnent partout.

« Il est étonnant de voir que nos amis américains qui, au cours des décennies écoulées, ne cessaient de nous rappeler à l'ordre lorsqu'il s'agissait de prendre en charge une part plus importante de la responsabilité continentale, nous reprochent aujourd'hui d'avoir des velléités et des intentions, que d'ailleurs nous n'avons pas. Ce à quoi l'Europe prétend, c'est l'émancipation et la responsabilité continentales. Nous ne voulons pas le divorce et l'irresponsabilité d'action. C'est tout le contraire que nous voulons et par conséquent je considère, et continue à considérer, que le renforcement de la dimension européenne de l'Alliance atlantique est, en fait, bénéfique pour toutes les parties engagées. Il est curieux de voir - mais Thucydide le disait déjà - que les conflits intenses naissent toujours entre des semblables, entre ceux qui partagent les mêmes ambitions. A l'époque, les Grecs contre les Grecs. Aujourd'hui, les Européens contre les Européens et les Européens contre les Américains.

« En fait, nous partageons la même ambition. Nous sommes soudés des deux côtés de l'Atlantique par un même canon de valeurs et de convictions et, par conséquent, il n'y a pas lieu de créer de différends là où des similitudes existent partout. Ce que je dis au sujet de notre relation avec nos amis et alliés américains, je pourrais le dire avec la même verve de nos relations entre l'Union européenne et l'Alliance atlantique, car cette dernière doit rester, et restera, le fondement de notre sécurité.

« Il est évident qu'au moment où les chefs d'Etat et de gouvernement s'apprêtent à terminer, je l'espère en beauté, la Conférence intergouvernementale, exercice commencé il y a deux années par la Convention présidée par M. Giscard d'Estaing, nous devrons concentrer nos efforts pour pouvoir recentrer le propos européen en ce qui concerne la défense et la sécurité. Il ne fait aucun doute que la politique européenne en la matière ne sera pas le recours au seul usage de la force. Je sais bien que Blaise Pascal disait qu'il n'y a pas de justice sans la force. Mais dans un monde moderne compliqué, aux tendances et stratifications multiples, la maîtrise de la crise passe d'abord par des moyens civils, ensuite par des moyens militaires. Ce qui revient à dire que le futur ministre des affaires étrangères de l'Union européenne sera d'abord une instance de prévention et d'analyse, quelqu'un qui sera un « facilitateur pro-actif » de la stabilité et de la sécurité. Il s'agit, pour les Européens, de prévoir et de voir les conflits, afin d'aligner d'abord les moyens civils pour les empêcher et d'être en position de menacer de l'emploi de la force pour les dépasser s'il le faut.

« A mes yeux, l'Union européenne a besoin, dans le texte même de la nouvelle Constitution, d'une clause de défense mutuelle. Je suis un peu gêné, je l'avoue, par le débat qui a pu graviter autour de cette notion. Si l'intégration européenne est à finalité politique, si nous visons à augmenter, jour après jour, la masse importante de nos solidarités transnationales, il est évident que l'Union européenne et ses Etats membres doivent s'engager, entre eux-mêmes, à porter secours et assistance à celui qui serait attaqué de l'extérieur. Croit-on vraiment - je le dis pour les pays membres neutres - que si, demain, l'Autriche ou la Finlande était attaquée, nous resterions les bras croisés dans nos salons feutrés de Bruxelles et d'ailleurs pour observer la suite des événements ? Déjà, l'assistance mutuelle est dans les têtes. Pourquoi ne la mettrions-nous pas dans la Constitution elle-même ?

« Lors du conclave des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, les gouvernements du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne ont saisi leurs collègues d'un certain nombre de propositions, d'idées et de textes concernant la coopération structurée permanente en matière de défense. En ce qui nous concerne, dès mercredi dernier, nous avons apporté notre soutien à ce texte qui, à ce moment-là, était en gestation. Je continue à considérer que cette initiative prise par les trois gouvernements est une initiative heureuse parce qu'elle met à profit la nécessité pour nous de nous entendre sur le texte d'une Constitution européenne. Elle met à profit cette opportunité de ne pas manquer ce rendez-vous de l'histoire européenne avec les lendemains et les perspectives européennes. Comment pourrions-nous nous mettre d'accord sur une constitution qui, d'après un raisonnement sommaire de M. Giscard d'Estaing, devrait durer cinquante années, si nous ne prenions garde d'inclure dans son dispositif central une stratégie européenne de la défense et de prévoir les modalités de sa mise en oeuvre ? Par conséquent, je crois que l'intégration politique européenne restera inachevée tant qu'elle n'incorporera pas dans le dispositif central de ses ambitions la dimension de sécurité et de défense et aussi longtemps qu'elle ne mettra pas en place des modalités pratiques d'application de celle-ci.

« Je souhaiterais que cette coopération structurée permanente fasse partie non seulement de la Constitution mais de l'Union européenne elle-même, du Traité lui-même, qu'elle ne s'établisse pas en annexe au Traité ou en dehors du Traité. L'ambition pour l'Europe d'avoir un jour les jambes qui lui permettront de courir doit prendre place au coeur même de la Constitution, qui résume l'essentiel et la partie noble de nos ambitions communes. Cette coopération doit être structurée, inclusive, ouverte. Elle ne gêne pas la souveraineté d'entrée et l'autonomie de sortie de ceux qui s'y engageront.

« Je voudrais qu'on n'essaie pas de faire comme si l'intention de mettre en place une nouvelle cellule de planification opérationnelle était le début du commencement d'un éloignement de l'Union européenne de nos amis américains et de l'Alliance atlantique elle-même. J'aimerais qu'on mette un terme à ces procès d'intention que nous conduisons des deux côtés de l'Atlantique et je désirerais qu'ensemble, avec nos amis et alliés américains, nous prenions à coeur le souci de rendre plus forte la dimension européenne de la défense et le pilier européen de l'Alliance atlantique.

« A côté de ce problème, d'autres restent pendants, notamment celui du contrôle parlementaire de la politique européenne de sécurité et de défense. Pour autant que ces éléments de suivi et de contrôle parlementaire relèveront d'un ensemble cohérent communautaire, il est évident que ce contrôle doit pouvoir être exercé par l'instance parlementaire prévue à cet effet par les Traités et par la Constitution. Dans la mesure où des éléments intergouvernementaux perdureront, un forum interparlementaire, dont votre Assemblée fera partie pour l'animer à titre principal, devra être mis en place pour nous assurer que ne se glissent pas dans les dispositifs d'ensemble des pans entiers où aucun contrôle parlementaire ne s'exercerait.

« Tels sont, Mesdames et Messieurs, brièvement exposés, les quelques éléments dont je voulais parler devant vous. Nous ne sommes pas encore arrivés au bout de nos peines. Il est clair qu'en matière de politique extérieure de sécurité et de défense, l'Europe n'est qu'au début de ses ambitions. Beaucoup de temps et de patience seront nécessaires pour arriver à bon port. Il n'y a pas d'aventure noble et pas de longue distance qui n'aient besoin de patience. »

A propos des « coopérations structurées », M. Juncker s'est gardé de « faire des prévisions ». La coopération structurée est une variante de la coopération renforcée telle qu'elle est prévue dans les traités communautaires et telle qu'elle sera inscrite dans la nouvelle Constitution. Ce n'est pas une innovation sur la scène européenne : il y a eu régulièrement des formes de coopération particulière entre pays volontaires, par exemple la Convention de Schengen ou l'Union économique et monétaire. Cinq, six ou sept pays membres décident de s'engager sur une voie que d'autres membres ne veulent pas suivre. C'est ainsi qu'a été signé le Traité de Maastricht qui a donné naissance à l'euro, lequel durera certainement plus longtemps que le Premier ministre luxembourgeois ! D'autres pays de l'Union ont rejoint depuis l'espace monétaire européen.

Il faut faire cependant une distinction entre la coopération structurée dans le domaine militaire et les coopérations renforcées dans d'autres domaines : ces dernières associeront les États qui ne veulent pas que l'Union européenne se transforme en simple zone de libre-échange. »

A propos des incertitudes sur la « clause de solidarité », M. Juncker précise :

« Lorsque nous évoquons le concept de défense mutuelle, je considère, comme vous, qu'il doit s'agir d'une agression armée qui viendrait de l'extérieur. Je pense d'ailleurs que ceux qui ont élaboré l'initiative franco-germano-britannique l'ont bien située dans ce cadre-là. Tout ce qui n'est pas militaire relève du devoir d'assistance - catastrophes naturelles et autres - et se place dans le domaine de l'assistance et de la protection civile.

« Doit faire partie de la stratégie européenne l'analyse des menaces qui concernent plus directement l'Europe. Il n'est pas évident que nous pourrions répondre à ces menaces en ayant recours à des moyens militaires mais, pour l'essentiel, il est évident que la clause de défense mutuelle doit s'appuyer sur l'hypothèse d'une agression armée qui nous viendrait de l'extérieur, sans toutefois mettre en péril l'article V qui, comme l'Alliance atlantique, doit rester le fondement de notre défense transatlantique. Pour rendre crédible le multilatéralisme effectif auquel nous prétendons, l'Union européenne doit pouvoir aligner des moyens militaires et que, dans le cadre d'un multilatéralisme effectif, elle doit être apte à pouvoir répondre de façon positive aux demandes qui lui seraient adressées par le Secrétaire général de l'ONU ou son Conseil de sécurité. De ce point de vue, il est évident que tous les textes européens en la matière doivent se référer directement à la charte des Nations unies et à l'article 51. »

Revenant sur la dimension parlementaire, M. Juncker déclare :

« En ce qui concerne le contrôle parlementaire de la politique européenne de sécurité et de défense, il est évident, à mes yeux, que là où celle-ci sera communautaire, la compétence parlementaire devra être communautaire, et là où celle-ci restera intergouvernementale, le contrôle parlementaire devra rester intergouvernemental et, en tant qu'Assemblée, vous avez adopté des résolutions qui portent sur le forum interparlementaire, propositions auxquelles nous souscrivons.

« La surveillance et le contrôle parlementaire découleront, dans ses différentes catégories d'application, de l'intensité des dispositions que renfermera la Constitution. Je le répète, là où la politique de sécurité et de défense sera devenue communautaire - relevant, dans l'ancienne logique du Traité de Maastricht, du premier pilier - le contrôle doit être européennement parlementaire. Là où elle restera intergouvernementale, il faudra créer un forum interparlementaire pour s'occuper de cette tâche, importante en démocratie.

« Pour ma part, je ne verrais aucun inconvénient à ce que votre Assemblée, qui a une longue expérience en la matière et qui se réunira pour la cinquantième fois l'année prochaine, soit chargée de ce travail.

« Pour le reste, mon gouvernement compte évoquer, lors des travaux préparatoires de la Conférence intergouvernementale et de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, la question de la dimension parlementaire de la politique européenne de sécurité et de défense. C'est un aspect des choses qui a son importance et qui, jusqu'à présent, a été sous-estimé par ceux qui ont pris des initiatives en la matière. Nous comptons évoquer ces problèmes lors de la réunion à Bruxelles, à la fin de ce mois, des chefs d'Etat et de gouvernement. »

Intervention de Lord Bach, Ministre du Royaume-Uni chargé des acquisitions de défense (mardi 2 décembre)

Lord Bach, tout d'abord, exprime son grand plaisir à s'exprimer devant l'Assemblée et note qu'il est le premier ministre britannique à y prendre la parole depuis l'intervention de Lord Robertson en 1998. Son discours vient à point nommé, le mois même où le Secrétaire général de l'OTAN quitte ses fonctions. Il souhaite rendre hommage à Lord Robertson pour le travail exceptionnel qu'il a mené, avec le souci permanent de l'intérêt de tous les pays concernés.

Il salue l'Assemblée parlementaire et tout particulièrement la délégation britannique de la Chambre des Communes. Il se dit ravi et honoré d'exposer la position du Royaume-Uni sur les questions de défense et de sécurité en Europe ainsi que sur la conférence intergouvernementale.

L'Europe connaît aujourd'hui des transformations considérables, avec notamment l'élargissement de l'Union européenne à 25 et celui de l'OTAN à 26. Dans le cadre de la PESD, deux opérations militaires ont été conduites avec succès, une opération civile est en cours et une autre est planifiée. Le Traité constitutionnel fait l'objet de négociations serrées. Débattre de la politique de sécurité et de défense est ainsi pleinement d'actualité.

La PESD permet à l'Union européenne de poursuivre son objectif global dans les situations de gestion de crises lorsque l'OTAN en tant que telle n'est pas engagée. Les missions de Petersberg incluent tant des opérations de maintien de la paix que des opérations humanitaires. Le catalogue d'Helsinki comporte encore quelques lacunes en matière de transport stratégique, de drones, de ravitaillement en vol ou d'armement nucléaire, bactériologique ou chimique. Le Royaume-Uni estime que ces lacunes limitent les capacités européennes. Des groupes de projet sont au travail pour les combler mais les Etats doivent s'engager plus avant au plan national pour offrir des solutions aux problèmes de capacités.

L'Union européenne entend formuler un nouvel objectif global : le Royaume-Uni se félicite de la contribution positive de la France et de l'Italie sur cette question, qui met en avant des objectifs de qualité et d'interopérabilité ; il entend participer à la définition d'un plan d'action détaillé.

Les activités opérationnelles de l'UEO ont été transférées à l'Union européenne en 2000. Le Royaume-Uni a appuyé ce processus qui s'est traduit par les opérations Artémis en République du Congo ou Concordia en ARYM, cette dernière ayant montré que le partenariat stratégique avec l'OTAN était efficace ; de même par la mission de police en cours en Bosnie.

Le Royaume-Uni estime nécessaire de renforcer les relations opérationnelles entre l'Union européenne et l'OTAN. Dans le cadre des missions de police, la première doit pouvoir faire davantage appel aux moyens de la seconde, pourvu que la plus grande transparence prévale.

Le Royaume-Uni juge, d'autre part, que l'Union européenne doit avoir les capacités de mener des opérations sans recourir aux moyens de l'OTAN, afin de répondre rapidement aux besoins. L'opération Artémis est un bon exemple de ce qu'elle peut faire. Le Royaume-Uni est très attaché à la paix et à la stabilité en Afrique.

L'Union européenne doit être en mesure de déployer des forces en l'espace de quinze jours pour répondre à une crise dans le cadre d'un objectif cohérent et bien identifié, que ces forces soient mises à la disposition par une nation ou plusieurs. Il peut s'agir de répondre à une demande des Nations unies ou à un besoin à court terme, par exemple dans l'attente de l'arrivée des Caques bleus ou d'une intervention d'une organisation régionale sous mandat de l'ONU. Le rapprochement entre celle-ci et l'Union européenne est une très bonne chose. Le Royaume-Uni est enfin favorable à la mise en place de la FRO, structurée sur la base du volontariat et intervenant au cas par cas ; cette force garantit des capacités de réaction rapide.

Le projet de Traité constitutionnel contient des propositions nouvelles en matière de PESD qui permettront notamment une meilleure gestion de crises survenant en dehors de l'Union européenne. Le Royaume-Uni est favorable à la mise à jour des missions de Petersberg, à la création d'une Agence de défense européenne et à l'insertion d'une clause de solidarité en cas d'attaque terroriste ou de catastrophe naturelle, étant entendu que cette disposition ne saurait être une garantie de défense territoriale. Le Royaume-Uni souhaite que l'Union européenne développe une PESD puissante et efficace en partenariat stratégique avec l'OTAN, pourvu que les nouvelles coopérations ne mettent pas en péril les arrangements militaires détaillés du Traité de Nice, qui offrent flexibilité et ouverture. Seules des coopérations structurelles répondant à des critères précis et destinées à définir des capacités projetables plus efficaces sont acceptables.

Le Royaume-Uni a toujours participé activement aux débats sur la création d'une Agence intergouvernementale de défense qui pourrait aider les Etats membres à améliorer leurs capacités militaires, fournir un cadre cohérent au développement des forces et promouvoir la coordination des efforts nationaux. Une évaluation de l'efficacité des forces nationales est d'ailleurs proposée dans le cadre du catalogue d'Helsinki. L'Agence mettrait avant tout l'accent sur les capacités. Elle pourrait travailler en relation étroite avec les institutions existantes : GAEO, OAEO, OCCAR, Lettre d'intention prévue dans l'accord cadre.

Des dispositions adaptées devraient permettre aux Etats non membres de l'Union de continuer à être associés dans un certain nombre de domaines. L'Agence devra lever les entraves à la coopération industrielle tout en évitant de faire de l'Europe une forteresse en ce qui concerne les acquisitions. Ce qui est recherché, c'est une industrie européenne forte, moins fondée sur la nationalité des fabricants, afin de favoriser son développement technique, de créer de nouveaux emplois, de renforcer des capacités, d'attirer les investisseurs.

Confrontée à de nouvelles menaces, à de nouveaux défis, l'Europe doit prouver sa capacité à réagir. C'est possible, car les pays qui la composent partagent les mêmes préoccupations essentielles. Le Royaume-Uni veut une PESD souple et ouverte, qui mette l'accent sur la gestion des crises et sur l'amélioration des capacités de défense. Pour cela, il n'est point besoin de créer de nouvelles institutions. Il faut aussi travailler avec l'OTAN afin d'éviter les doubles emplois et la concurrence.

Les choses ont bien avancé, mais il faut encore redoubler d'efforts pour que l'Union européenne renforce ses capacités militaires, ce qui suppose que chaque Etat le fasse également. C'est ainsi que la PESD sera efficace et que les nations d'Europe joueront pleinement leur rôle dans les affaires internationales.

Discours de M. Dick Roche, Ministre délégué auprès du Premier Ministre de l'Irlande, chargé des Affaires européennes, représentant la Présidence Irlandaise de l'Union Européenne pendant le 1er semestre de 2004 (mercredi 3 décembre)

« M. le Président, Mesdames et Messieurs, je suis très heureux d'être aujourd'hui à Paris pour m'adresser à l'Assemblée alors que l'Irlande s'apprête à reprendre la présidence de l'Union européenne le 1er janvier de l'année prochaine. Cela fait longtemps que je suis associé à la délégation irlandaise de l'Assemblée, ayant été à la tête de la délégation pendant un certain nombre d'années. C'est un grand plaisir d'être de retour dans cet hémicycle. Je suis parmi vous aujourd'hui dans d'autres fonctions, mais comme vous l'avez dit, M. le Président, je porte un intérêt particulier à cette Assemblée et à la continuité de ses travaux. Je lui porte un intérêt très personnel car cette Assemblée regroupe de façon tout à fait unique des personnes venues de toute l'Europe.

« Nous nous réjouissons dès à présent de notre présidence mais nous sommes conscients de l'énormité du défi auquel va être confronté notre petit pays. Nous allons reprendre la présidence à un moment crucial dans le développement de l'UE, surtout en ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité. L'Union va connaître une expansion historique et accueillir de nouveaux membres d'Europe centrale et orientale. C'est un honneur pour nous d'assumer la présidence à ce moment précis de l'élargissement mais nous ne devons en aucun cas sous-estimer l'importance de ce développement dans l'histoire de l'Europe. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, le 1er mai 2004 sera un moment très important pour la présidence irlandaise et pour l'Europe. Les maux, les horreurs du siècle passé et les injustices vont prendre fin. Un chapitre de l'histoire va ainsi se refermer et un nouveau chapitre va s'ouvrir qui, je l'espère, sera caractérisé par la paix et la prospérité.

« La présidence irlandaise aura lieu également à un moment qui pourra être considéré, dans les années à vernir, comme décisif pour les relations internationales. Des divisions au sein de la communauté internationale au cours de l'année écoulée ont souligné la nécessité de mettre au point un système international multilatéral plus rationnel. Les défis auxquels nous sommes confrontés ne peuvent pas être résolus par l'action unilatérale d'un pays ou d'un groupe de pays. Quelle que soit l'ampleur de ses ressources et quelle que soit sa détermination, aucun pays ni aucun groupe de pays ne peut faire cavalier seul. Kofi Annan, dans son rapport sur l'application de la Déclaration du Millénaire, a bien cerné le problème. Il a dit : « les défis pour la paix et à la sécurité aujourd'hui ont une dimension mondiale... Ils nécessitent des réactions complexes et collectives, qui ne sont possibles que si la toile des institutions multilatérales est développée de façon de façon adéquate et est utilisée à bon escient. »

« Je suis persuadé que l'UE a un rôle clé à jouer lorsqu'il s'agit de s'attaquer à ces défis. En tant que présidence entrante, l'Irlande mettra tout en oeuvre pour faciliter cette tâche. Comme les membres de l'Assemblée le savent, l'Irlande est un pays neutre, et nous resterons neutres. Nous sommes non-alignés et le peuple irlandais souhaite que nous le restions. Etre neutres ou non-alignés ne signifie pas que nous nous désintéressions de la paix ou que nous ne soyons pas disposés à supporter notre part du fardeau de la paix. L'engagement de nos modestes moyens sous le drapeau des Nations unies pendant de nombreuses années montre que nous sommes des ardents défenseurs de la paix.

« Dans un monde avide de paix, l'Union européenne a un rôle très important à jouer. N'oublions pas ce qui constitue en premier lieu le ciment de l'Europe. En tant que communauté de valeurs, l'UE est mieux placée que quiconque pour jouer un rôle plus fort dans le soutien de la paix et la sécurité, des droits de l'homme et du développement. Avec l'arrivée de dix nouveaux Etats membres en mai 2004, l'Union européenne élargie comptera 450 millions d'habitants. La population de ces 25 pays représente un quart du PNB mondial. Il ne fait aucun doute que l'Union européenne est devenue un acteur planétaire. Mais notre taille et notre prospérité nous imposent des obligations et des responsabilités morales dans ce monde agité où nous sommes appelés à jouer un rôle.

« Nous devrions être prêts à utiliser cette position pour partager notre responsabilité en matière de sécurité et de prospérité sur le plan mondial. Je suis persuadé que l'UE est mieux placée que quiconque pour jouer un rôle très important au service de la paix et de la sécurité, des droits de l'homme et du développement, et je sais que mes opinions et mes convictions à cet égard sont partagées par chacun des membres de cette Assemblée.

« C'est précisément ce qui sous-tend la stratégie européenne de sécurité. L'importance accrue accordée au rôle de l'Union dans les affaires internationales a conduit cette année à la décision d'élaborer une stratégie. Alors que trop souvent les documents de l'UE sont longs et ennuyeux, je peux dire que les propositions qui ont été faites par le Secrétaire général et Haut Représentant M. Solana sont remarquablement vastes et, surtout, remarquablement lisibles. M. Solana a développé une approche holistique, en matière de sécurité, qui va au delà des aspects purement militaires car la paix ne se construit pas toujours par les armes.

« La version définitive de la stratégie, qui sera présentée aux chefs d'Etat et de gouvernement au Conseil européen de décembre peaufinera et affûtera certaines idées de la version précédente de ces propositions, tout en restant, je l'espère, un document facile à lire et facile d'accès. Cette accessibilité est de plus en plus importante - je ne l'apprendrai pas aux membres de l'Assemblée - si l'on veut s'assurer que l'opinion publique soutienne cette initiative. Pour que l'opinion publique adhère au rapport définitif, il faut qu'il soit lisible, accessible et qu'il s'impose de lui-même aux citoyens européens.

« Je ne doute à aucun moment que le souci de faire de cette stratégie la propriété du public sera en harmonie avec l'importance que cette Assemblée accorde à la nécessité de porter les développements en matière de sécurité et de défense à la connaissance des citoyens européens. Dans vos aimables remarques liminaires, M. le Président, vous avez évoqué mes préoccupations à propos de l'Assemblée, et l'une des raisons de l'intérêt que je lui porte est qu'elle a la capacité de s'adresser aux citoyens des quatre coins de l'Europe.

« Le document de stratégie sera un guide politique important pour les actions de l'Union dans les mois à venir et il ne doit naturellement pas être considéré comme un document statique. Il faudra bien sûr l'adapter en fonction des circonstances car la seule certitude que nous ayons dans le monde d'aujourd'hui, c'est que les changements sont inévitables.

« Il appartiendra à l'Irlande de guider l'Union lorsqu'elle commencera à mettre en oeuvre ces recommandations et nous travaillons en étroite coopération avec la présidence italienne et les institutions de l'Union pour identifier les domaines dans lesquels les démarches définies par ce document appellent une suite concrète. De plus, il importera de traiter ce texte comme un document vivant qui devra être adapté en fonction des circonstances.

« Le suivi du document ne peut évidemment pas être envisagé sans tenir compte des résultats de la CIG. L'un et l'autre sont indissolublement liés.

« Il n'est pas possible dans le temps qui m'est imparti de présenter tous les aspects de la stratégie, mais je voudrais mettre en exergue quatre domaines d'action particuliers.

« D'abord, la culture de la prévention qui sous-tend le document doit être accompagnée de stratégies de réaction et de reconstruction dans des situations de crise et d'après-crise. Ici l'Union est en position de force parce qu'après tout, l'interface civilo-militaire est un avantage comparatif très important de l'Union européenne. L'expérience dans les Balkans nous en fournit la preuve et j'espère que nous aurons la possibilité de mettre cela en pratique, l'UE devant prendre la relève de la mission actuelle de la SFOR en Bosnie-Herzégovine.

« Le deuxième aspect qui me paraît particulièrement important dans le cadre de cette stratégie est le multilatéralisme effectif. Le document met en évidence les défis que représente le soutien et l'application durable d'un multilatéralisme effectif. Je crois qu'il est possible d'établir des liens fructueux et mutuellement profitables entre ce que l'Union européenne cherche à faire et les efforts actuels déployés par Kofi Annan pour relancer et mettre à jour les stratégies des Nations unies.

« Le troisième élément est le système multilatéral fondé sur les Nations unies. Nous devons étudier de près les moyens de le renforcer, notamment en ce qui concerne la non-prolifération et les mesures contre les armes de destruction massive. Un engagement constant à faire respecter et à développer le droit international est essentiel.

« Enfin, nous avons la question de la coordination civile et militaire. Le document explique l'importance de la coopération entre les civils et les militaires dans le cadre du développement de la politique européenne de sécurité et de défense. La stratégie souligne également le fait que l'Union européenne se fondera sur le monde réel et sur des approches réalistes. Les objectifs devraient correspondre aux instruments dont dispose l'Union européenne. On peut s'attendre à ce que le Conseil européen de décembre identifiera des domaines d'actions spécifiques de la stratégie qui seront développés pendant la présidence irlandaise.

« L'Union européenne a un certain nombre de points forts dans ce domaine et dispose d'une vaste gamme de capacités qui la distingue d'autres organisations. Elle doit utiliser ces points forts. La PESD, qui fait partie intégrante de la PESC, n'est qu'un élément de la vaste gamme d'instruments dont dispose l'Union européenne. Ces instruments comprennent aussi l'assistance en matière de coopération et de développement, la politique commerciale ainsi que des mesures diplomatiques et politiques. Donner davantage de cohérence et d'efficacité à notre action extérieure collective signifie maîtriser ces instruments pour atteindre les objectifs que nous avons en commun et cela doit permettre à l'Union européenne de développer une approche plus vaste des problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que communauté internationale.

« La Conférence intergouvernementale, à laquelle participent les membres actuels et futurs de l'UE, est un élément important pour l'évolution de la position qu'occupera l'Union européenne sur la scène internationale. Tant la CIG que la Convention sur l'avenir de l'Europe ont donné lieu à des échanges de vues très utiles et intéressants sur la façon dont on peut améliorer l'action de l'Union européenne sur la scène internationale. Nous sommes à la veille de la conclusion de la CIG et il est important que ses travaux respectent les résultats des travaux de la Convention.

« L'Irlande a approuvé la plupart des idées avancées par la Convention, et souhaite ardemment que les résultats des négociations de la CIG soient complets et équilibrés. Quelle que soit la date à laquelle se termineront ces négociations, il semble d'ores et déjà que les grandes lignes de l'accord qui commence à se dessiner auront des retombées positives de grande ampleur pour l'UE. Je pense qu'il faudra tenir compte de l'impact de tout cela sur la gestion au jour le jour des affaires de l'Union européenne à tous les niveaux. Je considère que ceci n'est pas un problème, mais plutôt une chance, et pendant sa présidence de l'Union européenne, l'Irlande se tiendra prête à faciliter tout approfondissement qui se révélerait nécessaire dans la foulée de la Conférence intergouvernementale.

« Toutes ces considérations, ainsi que celles découlant des résultats de la CIG seront source d'informations en matière de sécurité et de défense pour la présidence irlandaise. De façon plus spécifique, il a déjà été possible d'identifier un certain nombre de questions relatives à la PESD, et il reviendra à la présidence irlandaise d'essayer de les développer.

« Pour cette seule année, l'Union a déjà entrepris trois opérations au titre de la PESD. Pendant l'été, elle a travaillé en étroite coopération avec les Nations unies à l'occasion d'une mission de stabilisation à Bunia en République démocratique du Congo. Cette opération et la mission de suivi militaire dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine qui doit prendre fin à la mi-décembre ont toutes deux été couronnées de succès. L'Union européenne a bien sûr repris cette dernière opération de l'OTAN. Ces deux opérations, qui suivent des modèles très différents, montrent de façon tangible le chemin que l'Union européenne a parcouru en très peu de temps en ce qui concerne sa capacité d'assumer ses responsabilités internationales. Je crois qu'à cet égard, il faut rendre un hommage tout particulier à la France qui a bien voulu assumer le rôle de nation-cadre dans chacune des missions qu'elle a su très bien gérer.

« Je voudrais aussi dire que ces deux missions ont produit une base solide pour le développement de la future coopération entre l'Union européenne et les Nations unies, et pour les relations UE-OTAN dans un cadre propice à des accords à ce niveau de coopération. Les relations entre l'Union européenne et ces deux organisations resteront essentielles pour le développement de la PESD dans les mois à venir. A cet égard, je préfère une approche pratique en fonction des opérations.

« La présidence irlandaise s'attachera à faire avancer les travaux en cours sur les opérations actuelle et futures de la PESD. Je pense à la mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine et à la mission de police de l'Union européenne dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine, connue sous le nom d'opération Proxima, qui sera lancée ce mois-ci. Les enseignements déjà tirés de ces actions pour ces deux opérations militaires seront également pris en considération par la présidence irlandaise.

« De plus, l'Union européenne sera appelée à s'occuper d'une mission de suivi de la SFOR en Bosnie-Herzégovine. Si cette opération se concrétise, elle représentera un énorme défi pour elle en raison de son ampleur. L'opération de la SFOR est en effet une opération beaucoup plus vaste, beaucoup plus complexe que toutes les opérations menées jusqu'à ce jour dans le cadre de la PESD. On peut supposer que toutes les forces de suivi de l'Union européenne continueront d'opérer sur la base du chapitre VII, à savoir dans le cadre d'un mandat d'imposition de la paix émanant du Conseil de sécurité des Nations unies.

« Pendant sa présidence, l'Irlande prendra des mesures pour faciliter la reprise de la SFOR par l'Union européenne dans le cadre des relations UE/OTAN. Une liaison très étroite avec les membres de l'OTAN qui ne sont pas membres de l'Union européenne sera également une priorité. Il faudra aussi souligner que le cadre convenu en matière de coopération entre les deux organisations comprend des principes garantissant l'autonomie des organisations et interdit toute discrimination à l'encontre d'un membre de l'Union européenne.

« Une éventuelle mission d'assistance en matière de police en République démocratique du Congo pourrait avoir lieu, et l'Irlande en facilitera, si nécessaire, la planification.

« Et il ne fait aucun doute que le développement des opérations de gestion de crise continuera d'être d'une très grande importance. Les objectifs quantitatifs fixés par les précédents Conseils européens pour 2003 ont été atteints dans une très grande mesure, en dépit des problèmes rencontrés dans certains domaines, et il faudra maintenant mettre l'accent sur les aspects qualitatifs des capacités dans les domaines civil et militaire. Les capacités supplémentaires apportées par les nouveaux Etats membres à partir du 1er mai 2004 devraient être un jalon important dans le développement de la PESD.

« En ce qui concerne les capacités militaires, des progrès seront obtenus par le biais du plan d'action européen sur les capacités. Il faudra aussi vraisemblablement commencer à travailler, pendant la présidence irlandaise, sur un certain nombre d'objectifs en matière de capacités de gestion de crises militaires de l'Union européenne après 2003.

« En outre, le Conseil européen de Thessalonique a décidé qu'une agence intergouvernementale pour les capacités de défense devrait être mise en place d'ici la fin 2004. Une équipe a été chargée de sa création, et il devrait déjà y avoir des avancées pendant la présidence irlandaise.

« De plus, l'Irlande s'occupera de mettre au point les dispositions nécessaires en matière de planification d'opérations militaires autonomes de l'Union européenne. De manière générale, l'Irlande serait favorable à ce que la duplication des ressources et capacités militaires soit limitée au maximum. C'est une question de simple bon sens. Les futures propositions devraient s'inspirer de la PESD telle qu'elle a été définie jusqu'à ce jour et devraient être conformes aux principes convenus dans le cadre des relations UE-OTAN. Sous notre présidence de l'Union européenne, nous veillerons tout particulièrement à ce que les propositions relatives à la dimension de la PESD soient développées d'une manière inclusive et transparente.

« En ce qui concerne les aspects civils de la gestion de crise, le développement des capacités en rapport avec la police et les personnels chargés du maintien de l'ordre constitueront une priorité. La coordination entre les civils et les militaires sera également prioritaire, surtout si l'UE reprend les rênes de la SFOR.

« Un thème récurrent de notre présidence sera notre soutien et notre engagement en faveur du multilatéralisme effectif qui est au coeur même de la stratégie de sécurité européenne.

« Les Nations unies jouent un rôle fondamental à cet égard. Pendant sa présidence, l'Irlande souhaite que l'Union fasse mieux entendre sa voix à l'ONU et contribue pleinement à ses réformes. L'Union européenne, en tant que groupement de 25 pays, aura la possibilité exceptionnelle d'apporter une contribution positive au fonctionnement des Nations unies qui soutiennent les valeurs de l'Union. L'Union européenne est née dans une Europe qui se remettait des horreurs de deux guerres mondiales. A partir du chaos, nous avons créé une union unique en son genre, vouée à la paix. Cette paix a été forgée en Europe et l'Europe doit maintenant aider à forger cette même paix dans d'autres endroits agités de la planète.

« Il faudra donc apporter une contribution à la réforme globale des Nations unies et coopérer très étroitement avec celles-ci pour les questions de gestion de crise. Kofi Annan s'est félicité du développement des capacités de l'Union européenne pour la gestion de crise civile et militaire et les Nations unies ont de plus en plus recours à un certain nombre d'organisations régionales pour les aider à accomplir d'importantes tâches de maintien de la paix et de résolution des conflits. J'exprime aussi l'espoir de voir, dans le cadre de l'évolution de la PESD, se renforcer les relations avec l'Union européenne et avec les Nations unies.

« En septembre 2003, une déclaration politique sur la coopération en matière de gestion de crise a été signée par la présidence italienne et par le Secrétaire général des Nations unies. La présidence irlandaise s'efforcera concrètement de mettre en oeuvre cette déclaration. Ceci impliquera dans un premier temps l'engagement d'un dialogue pratique avec le Secrétariat des Nations unies et nous devrons aussi travailler en étroite coopération avec nos partenaires tout au long de notre présidence. Nous aspirons ainsi à réaliser un certain nombre d'avancées concrètes au premier semestre 2004.

« La prévention des conflits sera aussi un important thème récurrent de notre présidence. Dans ce domaine où les Etats luttent pour mettre au point de nouvelles stratégies afin de prévenir et de résoudre des conflits, le multilatéralisme effectif est crucial. Dans ce domaine aussi, toutes les institutions de l'Union européenne, compétentes dans les domaine politique, de la sécurité, de l'économie et du développement, doivent être utilisées de façon cohérente.

« Ensemble avec les partenaires de l'Union européenne, la présidence irlandaise s'emploiera à mettre en oeuvre un Programme de prévention de conflits violents visant à intégrer cet important objectif dans les relations de l'Union avec le reste du monde. Conformément à la pratique établie, un nouveau rapport annuel sera soumis au Conseil européen de 2004.

« Dans le cadre de nos activités dans ce domaine, une conférence de l'Union européenne sur la prévention des conflits aura lieu à Dublin fin mars, début avril. Elle mettra l'accent en particulier sur le rôle de la société civile et des organisations non gouvernementales en matière de prévention des conflits, et sur l'interface entre la PESC, la PESD et les activités d'assistance au développement - autrement dit, elle tentera d'assembler les trois côtés du triangle.

« Je voudrais aussi dire quelques mots sur le partenariat transatlantique qui sera également un élément clé de la présidence irlandaise. Depuis longtemps, l'Irlande estime que de bonnes relations entre l'Union européenne et les Etats-Unis sont essentielles pour l'Union européenne, surtout dans le cadre d'une politique triangulaire. L'autre côté de ce triangle est un engagement très ferme à l'égard des Nations unies, allié à une PESC cohérente et efficace. Nous pouvons de toute évidence obtenir de biens meilleurs résultats par la coopération - nous l'avons vu dans les Balkans, dans la lutte contre le terrorisme mondial et en Afghanistan. Ici, les Européens et les Américains voient les choses de la même façon et souhaitent aller de l'avant.

« Cette relation, qui est vitale pour la sécurité et la prospérité de l'Europe et des Etats-Unis, est forte, sûre et existe depuis longtemps. Il ne s'agit pas de construire des passerelles entre l'Europe et les Etats-Unis : les liens de parenté, d'amitié et de coopération sont trop forts pour cela. Bien que nous ne soyons pas toujours d'accord sur tout, nous sommes déterminés, pendant notre présidence de l'Union européenne, à trouver le moyen de développer encore davantage et d'approfondir la coopération déjà étroite qui existe entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

« Enfin, M. le Président, et ce n'est pas la chose la moins importante, je voudrais parler du contrôle parlementaire des questions de défense et de sécurité que vous avez évoqué dans vos observations liminaires. Je voudrais souligner le rôle capital que l'Assemblée de l'UEO a joué dans le passé et qu'elle continuera de jouer à l'avenir. L'importance du développement de la communication dans le domaine de la sécurité et de la défense ne doit pas être sous-estimée. L'Assemblée y a beaucoup contribué. Je me souviens que dans les années 1960, quand j'étais enfant, on disait « jawjaw is better than war-war » (Mieux vaut discuter que se faire la guerre). S'il est un lieu où cette formule s'applique, c'est bien ici.

« Le rôle des parlements nationaux est une des diverses autres questions que la Convention sur l'avenir de l'Europe a dû examiner en vue de la Conférence intergouvernementale. Et je suis ravi que dans ses délibérations, la Convention reconnaisse l'importance du rôle des parlements nationaux, lien vital entre l'Union et ses citoyens. Il est important qu'une disposition renforçant le rôle des parlements pour assurer le suivi des affaires de l'Union européenne soit incorporé dans le projet de Traité constitutionnel. »

M. Roche a encore répété qu'un contrôle interparlementaire est indispensable. La seule voie à suivre au Proche-Orient est celle de la « feuille de route ». Les deux parties doivent comprendre qu'elles n'ont d'autre solution que de s'accepter et le bon sens doit enfin l'emporter. Le ministre des affaires étrangères irlandais s'est rendu récemment dans la région, où il a rencontré Yasser Arafat et pris des contacts avec des responsables israéliens. L'Irlande est évidemment bien placée pour connaître les vertus du dialogue.

M. Roche estime que la neutralité n'est pas un obstacle à la PESD. Il rappelle que le contingent irlandais est le plus grand d'Europe et que son pays intervient systématiquement lorsqu'une opération de maintien de la paix est menée dans le monde. Preuve qu'être neutre n'empêche pas de jouer un rôle important en matière de sécurité. Il considère donc que le pacte de défense mutuelle n'est pas indispensable et ne croit pas à la possibilité d'une Europe de la défense à deux vitesses. Les Européens devront simplement faire preuve d'imagination pour que le nouveau traité ne permette l'exclusion d'aucun pays.

Cette seconde partie du rapport annuel de la Délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, outre un rappel des modifications intervenues dans la composition de la Délégation française, rend compte de l'activité des vingt-quatre délégués élus par l'Assemblée nationale et des douze délégués élus par le Sénat, au cours du second semestre de la session ordinaire de 2003.

Les débats, notamment en séance plénière, auxquels ont participé les membres de la Délégation française ont principalement porté sur la guerre en Irak et sur les relations entre l'Europe et les États-Unis, l'évolution de la relation transatlantique et les divergences d'approche envers l'émergence d'une Europe de la sécurité et de la défense, sans négliger la question des capacités autonomes.

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