Rapport d'information n° 205 (2003-2004) de M. Jean-Pierre MASSERET , fait au nom de la délégation à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, déposé le 10 février 2004

Disponible au format Acrobat (453 Koctets)

N° 205

____________

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 février 2004

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1) sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale au cours de la seconde partie de la 49 ème session ordinaire - 2003 - de cette Assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par M. Jean-Pierre MASSERET,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Marcel Debarge, Mme Josette Durrieu MM. Francis Grignon, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Philippe Nachbar, délégués titulaires ; MM. Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-schmidt, Daniel Goulet, Jean-Pierre Masseret, Jean Louis Masson, Xavier Pintat, délégués suppléants.

Union de l'Europe occidentale.

INTRODUCTION

A. PRESENTATION DES ACTIVITÉS PENDANT LE SECOND SEMESTRE DE 2003

Cette seconde partie du rapport annuel de la Délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, outre un rappel de la composition de la Délégation française, rend compte de l'activité des vingt-quatre délégués élus par l'Assemblée nationale et des douze délégués élus par le Sénat, au cours du premier semestre de la session ordinaire de 2003.

Les débats auxquels ont participé les membres de la Délégation française ont principalement porté sur la guerre en Irak et sur les relations entre l'Europe et les États-Unis, l'organisation d'une Europe de la sécurité et de la défense en relation avec l'élaboration du « Traité constitutionnel de l'Union européenne » sans négliger la question des capacités autonomes.

Les temps forts de l'Assemblée pendant les derniers mois de l'année 2003 ont été :

- la visite de la Commission de défense en Bulgarie , du 1 er au 3 juillet ;

- le colloque de Baveno (Italie) les 22 et 23 septembre ;

- les réunions des Commissions et la réunion avec le Conseil des Ministres de l'UEO à Bruxelles le 22 octobre ;

- la seconde partie de la session 2003, du 1 er au 3 décembre 2003 , à Strasbourg ;

- enfin, la réunion du Comité des Présidents, à Bruxelles, le 16 décembre 2003.

Les documents et les débats de l'Assemblée de l'UEO sont consultables sur le site : http://www.a ssembly-weu.org

B. LA COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE À L'ASSEMBLÉE DE L'UNION DE L'EUROPE OCCIDENTALE DURANT LA SECONDE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE DE 2003

La délégation parlementaire française aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO, identique, comprend vingt-quatre députés (douze titulaires, douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires, six suppléants) . L'Assemblée nationale renouvelle ses délégués après chaque élection législative générale et le Sénat après chaque renouvellement triennal. En outre, des remplacements peuvent intervenir entre ces dates, notamment pour cause de démission d'un délégué.

1. Représentants de l'Assemblée nationale

La Délégation de l'Assemblée nationale aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO était composée, au cours de ce second semestre de :

Délégués titulaires (12) : MM. René ANDRÉ (UMP), Georges COLOMBIER (UMP), Francis DELATTRE (UMP), Claude ÉVIN (Soc), Pierre GOLDBERG (C), Jean-Pierre KUCHEIDA (Soc), Jean-Marie LE GUEN (Soc), Jean-Claude MIGNON (UMP), Marc REYMANN (UMP), François ROCHEBLOINE (UDF), André SCHNEIDER (UMP), Bernard SCHREINER (UMP).

Délégués suppléants (12) : MM. Alain COUSIN (UMP), André FLAJOLET (UMP), Jean-Marie GEVEAUX (UMP), Michel HUNAULT (UMP), Denis JACQUAT (UMP), Armand JUNG (Soc), Jean-Claude LEFORT (C), Guy LENGAGNE (Soc), François LONCLE (Soc), Christian MÉNARD (UMP), Gilbert MEYER (UMP), Rudy SALLES (UDF).

A la suite de la démission de M. André Flajolet, l'Assemblée nationale a désigné Mme Arlette Grosskost (UMP) comme déléguée suppléante, le 9 octobre 2003. Cette désignation a été validée par la commission permanente de l'Assemblée du Conseil de l'Europe dans sa réunion du 25 novembre 2003.

2. Représentants du Sénat

Les 12 représentants du Sénat sont :

Délégués titulaires (6) : M. Marcel DEBARGE (Seine-Saint-Denis - Soc), Mme Josette DURRIEU (Hautes-Pyrénées - Soc), MM. Francis GRIGNON (Bas-Rhin - UMP), Jacques LEGENDRE (Nord - UMP), Jean-François LE GRAND (Manche - UMP), Philippe NACHBAR (Meurthe-et-Moselle - UMP).

Délégués suppléants (6) : MM. Jean-Guy BRANGER (Charente-Maritime - UMP), Michel DREYFUS-SCHMIDT (Territoire de Belfort - Soc), Daniel GOULET (Orne - UMP), Jean-Pierre MASSERET (Moselle - Soc), Jean-Louis MASSON (Moselle - UMP), Xavier PINTAT (Gironde - UMP).

3. Bureau de la délégation en 2003

Le Bureau, constitué le 17 septembre 2002, était ainsi composé, jusqu'au 12 novembre 2003 :

Président : M. Jean-Claude MIGNON Député (UMP)

Président délégué : M. Jean-Pierre MASSERET Sénateur (Soc)

Vice-Présidents : M. Bernard SCHREINER Député (UMP)

M. René ANDRÉ Député (UMP)

M. Marcel DEBARGE Sénateur (Soc)

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT Sénateur (Soc)

M. Claude ÉVIN Député (Soc)

M. Daniel GOULET Sénateur (UMP)

M. Francis GRIGNON Sénateur (UMP)

M. Denis JACQUAT Député (UMP)

M. Jacques LEGENDRE Sénateur (UMP)

M. François LONCLE Député (Soc)

M. François ROCHEBLOINE Député (UDF)

Membre associé : Mme Josette DURRIEU, en qualité de
Présidente de la Commission de suivi Sénatrice (Soc)

A la suite de la démission de M. Jean-Claude Mignon de la présidence de la Délégation, celle-ci s'est réunie au Palais du Luxembourg le 12 novembre 2003 et a élu, par acclamations, M. Bernard Schreiner, député (UMP), Président de la Délégation parlementaire française et M. Jean-Claude Mignon, député (UMP), Vice-président.

Le Bureau de la Délégation française se trouve donc désormais ainsi composé :

Président :

M. Bernard SCHREINER

Député

UMP

 
 
 
 

Président délégué :

M. Jean-Pierre MASSERET

Sénateur

Soc

 
 
 
 

Vice-Présidents :

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

 

M. René ANDRÉ

Député

UMP

 

M. Marcel DEBARGE

Sénateur

Soc

 

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT

Sénateur

Soc

 

M. Claude ÉVIN

Député

Soc

 

M. Daniel GOULET

Sénateur

UMP

 

M. Francis GRIGNON

Sénateur

UMP

 

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

 

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

 

M. François LONCLE

Député

Soc

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

UDF

 
 
 
 
 
 
 
 

Membre associé :

Mme Josette DURRIEU, en qualité de Présidente de la Commission de suivi

Sénatrice

Soc

CHAPITRE PREMIER

Visite de la Commission de Défense en Bulgarie
(1er au 3 juillet 2003)

A l'invitation du Gouvernement et du Parlement de Bulgarie, la Commission de défense s'est rendue en Bulgarie, du 1 er au 3 juillet 2003.

La Délégation française était composée de MM. Rudy Salles, Député, Vice-Président de l'Assemblée nationale (UDF), Jean-Pierre Kucheida (Soc), Jean-Marie Le Guen, (Soc) et Guy Lengagne (Soc.), Députés, ainsi que M. Michel Dreyfus-Schmidt, Sénateur (Soc).

Les parlementaires français ont ainsi eu l'occasion de rencontrer des membres de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et de la sécurité de l'Assemblée nationale bulgare, le ministre de la Défense, M. Nikolai Svinarov et le ministre des Affaires étrangères, M. Lubomir Ivanov.

Plusieurs parlementaires français ont interrogé leurs interlocuteurs sur l'attitude adoptée par les autorités bulgares à l'égard de l'intervention armée en Irak, ainsi que le refus, dont ils se sont félicités, de souscrire à une réserve, lors de l'adhésion au Traité instituant la Cour pénale internationale, au profit des ressortissants des États-Unis.

Les parlementaires ont également pu visiter un site des forces armées aériennes et rencontrer le Chef d'État-major de l'armée bulgare, le Général Nicola Kolev.

Enfin, M. Jean-Loup Kuhn-Delforge, Ambassadeur de France à Sofia a convié la Délégation française à un dîner, précédé d'entretiens qui ont porté non seulement sur les questions de défense et de sécurité, mais se sont élargis à la question de la préparation de la Bulgarie à sa future adhésion à l'Union européenne, sous les aspects économiques et sociaux, y compris les difficultés touchant à la sécurité et la transparence des circuits financiers, les problèmes migratoires et l'intégration de la minorité Rom.

CHAPITRE II

Conférence de Baveno
(Italie - 22 et 23 septembre 2003)

Cette conférence, dont le thème était : « Les nouveaux scénarios pour une sécurité et une défense communes de l'Europe » était co-organisée par l'Assemblée de l'UEO et la Présidence italienne de l'UEO et de l'Union européenne.

La séance d'ouverture a été marquée par les allocutions de :

- M. Pierfendinando Casini, Président de la Chambre des députés italienne,

- M. Marcel Glesener, Président de l'Assemblée de l'UEO,

- M. Marco Zacchera, Président de la délégation italienne à l'Assemblée de l'UEO.

La première séance était consacrée au thème « La sécurité en Europe et la stabilisation du Moyen-Orient » qui a été traité successivement par M. Alfredo Mantica, Secrétaire d'État aux affaires étrangères, Italie ; M. Vladimir Loukine, vice-président adjoint de la Douma d'État de la Fédération de Russie ; Dr Mark A. Heller, chargé de recherche principal, Jaffee Center for Strategic Studies, Université de Tel Aviv ; et le Général Franco Angioni, député italien, ancien commandant de la force intérimaire es Nations unies au Liban (FINUL).

La deuxième séance avait pour thème « La politique étrangère et la défense commune dans la future Constitution européenne » , sur lequel sont intervenus notamment Mme Danuta Hübner, ministre des affaires européennes de la Pologne, membre de la Convention européenne ; M. Lamberto Dini, Vice-président du Sénat italien, membre de la Convention européenne et M. Antonio Nazaré Pereira (Portugal), député, membre de l'Assemblée de l'UEO, membre de la Convention européenne.

La troisième séance a permis un éclairage plus technique, traitant de la « Défense européenne : besoins opérationnels et compétitivité industrielle ».

Se sont succédé à la tribune M. Henk Kamp, ministre de la défense, Pays-Bas, présidence néerlandaise du GAEO (Groupe armement de l'Europe occidentale) ; l'Amiral Giampaolo Di Paola, Directeur national des armements, ministère de la défense de l'Italie ; M. Jean Wesener, secrétaire général EDIG (Groupe européen des industries de défense) Bruxelles, M. Hartmut Bühl, Vice-président et Directeur de la politique de défense de l'UEO et de l'OTAN, EADS, Bruxelles, M. Giorgio Zappa, Président et Directeur général, Alenia Aeronautica S.p.A et M. Burkard Schmitt, chargé de recherche, Institut d'étude de sécurité de l'UE, Paris.

Dans le débat qui a suivi ces exposés, M. Jean-Guy Branger a interrogé M. Bühl sur l'importance de maintenir une technologie compétitive avec celles des USA, M. Bühl lui répondant que des « niches » existent et que, en tout État de cause, malgré son avance, la technologie américaine ne pouvait suffire à tout.

Dans le cadre des conclusions de ces deux journées, Mme Josette Durrieu, sénateur français, membre de l'Assemblée de l'UEO, rapporteur sur « La sécurité en Europe et la stabilisation du Moyen-Orient » a présenté les orientations de son travail en ces termes :

Le conflit israélo-palestinien menace la sécurité de l'Europe en raison de sa proximité géographique comme l'a souligné M. Heller, et parce qu'il nourrit tous les intégrismes. Il y a donc urgence pour le monde à régler ce conflit. Oublié pendant la guerre en Irak, ce conflit sera-t-il encore oublié pendant la campagne présidentielle américaine à venir ?

La question a été posée de savoir si les États-Unis s'intéressaient au Moyen-Orient dans son ensemble ou seulement à certaines parties du Moyen-Orient. Il est aussi intéressant de comprendre la position de la Russie face au conflit israélo-palestinien, les propos formulés par M. Loukine le rappellent.

Enfin, on est en droit de s'interroger sur le rôle que l'Europe pourrait ou devrait jouer dans ce conflit. Est-elle capable de prendre des initiatives ?

Un consensus se dégage pour mieux mettre en oeuvre la feuille de route du Quatuor (Nations unies, Union européenne, Russie et États-Unis). Ce plan d'action a suscité tour à tour l'enthousiasme, l'indifférence puis le pessimisme. Mais il est indubitable que MM. Sharon et Arafat sont « condamnés » à vivre ensemble et à trouver une solution à la crise ensemble, ce qui a été souligné par le Général Angioni, à partir de son expérience de Commandant de la FINUL.

Dans ces conditions, plusieurs perspectives s'ouvrent aux promoteurs du processus de paix : soit négocier avec les parties en vue de mettre en oeuvre la feuille de route ; soit imposer la paix par un accord global non négociable assorti d'un mandat international et d'une force internationale.

Pour l'heure, le Quatuor doit rester soudé et les positions clarifiées. Dans ce contexte, l'UE doit jouer un rôle renforcé. On gagnerait aussi à bien intégrer la dimension religieuse dans une stratégie européenne globale en faveur de la paix au Proche-Orient.

L'objectif final doit être la mise en oeuvre de la feuille de route d'ici 2005, avec deux États viables, une paix durable et un mécanisme de contrôle international.

Puis sont intervenus en clôture de la Conférence M. Giuseppe Gaburro, sénateur italien, membre de l'Assemblée de l'UEO et M. Pedro Agramunt Font de Mora, sénateur espagnol, membre de l'Assemblée de l'UEO.

Ont participé à cette Conférence et aux réunions des Commissions qui se sont tenues simultanément : M. René André, Député, MM. Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Sénateurs, Mme Josette Durrieu, Sénateur, MM. Jean-Pierre Kucheida, Guy Lengagne, François Loncle, Députés, MM. Jean-Pierre Masseret, Philippe Nachbar, Sénateurs et Marc Reymann, Député.

CHAPITRE III

Réunions des Commissions avec le Conseil Permanent de l'UEO
(Bruxelles - 22 octobre 2003)

Le Comité des Présidents ainsi que les Commissions de l'Assemblée de l'UEO ont rencontré le Conseil Permanent de l'Organisation, composé des Ambassadeurs, Représentants permanents des Gouvernements des Etats membres, le 22 octobre 2003, au Palais d'Egmont à Bruxelles.

Représentant la Présidence en exercice de l'UEO, c'est l'Ambassadeur d'Italie, S. Exc. M. Melani, qui a présenté les orientations du Conseil.

Il a souligné l'importance de la réunion qui donne l'occasion de faire le point sur les tendances et les développements de la PESC et de la PESD en procédant à un échange de vues avec les parlementaires nationaux siégeant à l'Assemblée de l'UEO. Il a rappelé que la CIG constitue une étape cruciale dans l'histoire de l'Union puisqu'elle s'interroge sur les problèmes de politique étrangère et de défense commune dans le cadre de la définition d'objectifs, d'une stratégie et de moyens dont l'UE souhaiterait se doter sur la scène internationale.

La réunion des chefs d'Etat et de gouvernement du 16 octobre a débouché sur des résultats précis en ce qui concerne l'orientation générale des activités de la CIG. Le caractère prioritaire de la politique commune de défense a été reconnu ; ensuite, un accord de base a été proposé sur la « coopération structurée » mais il reste à définir les critères de participation des Etats ; enfin la pleine comptabilité et la complémentarité avec le partenariat stratégique de l'OTAN ont été soulignées.

Il a encore indiqué que le Haut représentant, M. Solana, réfléchit actuellement à la définition d'une stratégie européenne et on espère adopter à ce sujet un document formel à la fin de la présidence italienne. Dans le cadre des travaux préparatoires, trois séminaires ouverts au public ont été organisés, le premier à Rome sur les nouvelles menaces, le deuxième à Paris sur les objectifs de la défense européenne, et le troisième à Stockholm sur les implications politiques. En ce qui concerne les menaces, le document préparé par M. Solana a mis en évidence trois domaines principaux : le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive et le soutien des Etats voyous à toutes les formes de criminalité. Bien évidemment, il existe d'autres facteurs de crise tels que la pauvreté et les conflits ethniques. Il convient de prendre en compte les frontières orientales (avec une mention spéciale pour le Caucase) et méridionales (Méditerranée) dans la définition des objectifs de sécurité de l'Europe.

M. Melani a fait état de la réflexion de la présidence italienne sur les capacités et sur le renforcement du volet civil de la gestion des crises pour la période de 2004 à 2010 : on constate que l'UE peut certes prendre en charge les opérations de Petersberg, mais se heurte à des limites pour des opérations de complexité majeure. Pour faire progresser la création d'une Agence européenne de l'armement, un groupe de travail ad hoc a été constitué ; il est chargé de parvenir, d'ici la fin du semestre, à un accord sur son mandat et sur sa structure, ainsi que sur les instruments nécessaires à sa bonne marche.

Concluant son propos, l'Ambassadeur a rappelé brièvement les missions en cours en Bosnie-Herzégovine, en ARYM et au Congo. En ce qui concerne le Moyen-Orient, l'UE est intervenue dans le cadre du Quartet, mais la situation stagne. Par contre, des résultats ont été obtenus avec l'Iran pour limiter la production d'armes de destruction massive.

Il a, enfin, remercié l'Assemblée de l'UEO de sa contribution à la vérification et au suivi du travail gouvernemental, et exprime l'espoir qu'elle continuera à jouer un rôle aussi utile à l'avenir.

Dans le débat qui s'est ouvert entre le Conseil permanent et les membres des Commissions de l'Assemblée de l'UEO, M. Jean-Pierre Masseret, Sénateur, a souligné que si l'Ambassadeur s'est exprimé de manière très courtoise et diplomatique envers l'Assemblée, il ne lui a donné aucune assurance politique. Le travail de l'Assemblée est méconnu par les représentants des gouvernements ici présents. Le problème est donc de se faire entendre sur ces questions fondamentales avant que la CIG ne juge superficiellement le dossier. Il demande également quelles questions ont été abordées lors de la réunion de la veille entre le COPS et le Conseil de l'Atlantique nord.

L'Ambassadeur Melani a répondu à M. Jean-Pierre Masseret que la réunion de la veille était une réunion de routine consacrée aux relations entre l'UE et l'OTAN. La presse a fait courir certaines rumeurs dénuées de fondement. Tous les membres présents sont tombés d'accord pour appuyer le développement de la PESD pourvu que celle-ci soit complémentaire et compatible avec l'OTAN. L'atmosphère a été cordiale dans l'ensemble et il n'y a pas eu de conflit, contrairement à ce que certains auraient pu craindre. Il y a certes des différences de détail entre les pays membres, mais ceux-ci s'efforcent de dégager des points communs et il y a bon espoir de parvenir à un consensus.

L'Ambassadeur Melani a précisé qu'en ce qui concerne l'objectif global, l'UE peut à l'heure actuelle participer à tous les types d'opérations : elle dispose à la fois des hommes et des capacités nécessaires. Certaines opérations plus complexes comportent une plus grande part de risque et exigent des capacités supplémentaires, mais on s'applique à remédier à ces carences dans le cadre du PAEC. Plusieurs opérations ont également été entreprises par l'UE : en ARYM avec des moyens de l'OTAN et au Congo, opération un peu plus complexe.

L'OTAN et l'UE se sont ignorées pendant des décennies et leur coopération n'a commencé qu'il y a un ou deux ans ; il existe néanmoins de toute évidence une différence de culture entre les deux. Il y a en outre un acteur majeur au sein de l'OTAN, avec lequel l'UE a noué un dialogue.

L'Ambassadeur Melani a encore rappelé que le Président du Sénat de Belgique, Armand De Decker, avait déjà mené un important travail de réflexion sur le rôle des parlements nationaux vis-à-vis du Parlement européen. Pour ce qui est de l'article V, le projet de Traité constitutionnel prévoit une clause de défense qui, si elle se matérialise, ne reprendra pas entièrement les dispositions de l'article V. Celui-ci devra donc être conservé. Quant à la coopération en matière d'armement, l'objectif de l'Agence est de d'intégrer les instances compétentes, mais il faut examiner les incidences de l'élargissement dans ce contexte.

L'Ambassadeur Melani rappelle que, en ce qui concerne le lien UE/OTAN avec l'accord dit de « Berlin plus », la défense européenne se développe en complémentarité avec l'OTAN. A Nice, il a été décidé que là où l'OTAN s'engagerait, l'UE ne s'engagerait pas. Il y a des opérations pour lesquelles l'UE utilise les moyens de l'OTAN et d'autres où l'UE mène une action autonome (comme ce fut le cas au Congo). Dans le cas de la Bosnie, l'UE n'interviendra qu'une fois que l'OTAN se sera retirée du pays et elle le fera sûrement avec le soutien d'instruments de l'OTAN.

L'Ambassadeur Melani précise que les opérations de l'UE font l'objet d'un accord unanime. Les Etats dits « neutres » participent donc aux récentes opérations, tant au Congo (notamment la Suède) qu'en ARYM ou en Bosnie au sein de la mission de police de l'UE (MPUE).

Pour ce qui a trait au Congo, l'opération menée en RDC a permis de vérifier les capacités de coopération entre l'UE et les Nations unies. L'UE a en effet apporté son soutien aux Nations unies pour leur permettre de préparer le renforcement d'une force militaire plus dissuasive, en vue d'éviter des exactions répétées et de permettre une aide humanitaire efficace.

En outre, le 24 septembre 2003 à New York, une déclaration conjointe sur la coopération entre les Nations Unies et l'UE dans le cadre de la gestion des crises a été signée.

Ont participé à la réunion de Bruxelles :

M. Jean-Pierre Masseret, Sénateur, Président délégué de la délégation parlementaire française à l'Assemblée de l'UEO, M. Marcel Debarge, Sénateur, Président de la Commission des relations parlementaires et publiques de l'Assemblée de l'UEO, ainsi que MM. Alain Cousin, Jean-Pierre Kucheida, Guy Lengagne, Marc Reymann et Rudy Salles, Députés.

CHAPITRE IV

Seconde partie de la 49ème session ordinaire - 2003 -
de l'Assemblée de l'UEO
(Paris - Palais d'Iéna - 1er au 3 décembre 2003)

L'Assemblée a tenu à Paris, du 1 er au 3 décembre 2003, la seconde et dernière partie de sa 49 ème session annuelle.

Au cours de ces trois jours de séances plénières, plusieurs personnalités se sont adressées à l'Assemblée sur les sujets de défense et de sécurité, de relations extérieures de l'Europe ou encore sur l'évaluation des capacités.

Ainsi l'Assemblée a-t-elle entendu :

- M. Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg ;

- Lord Bach, ministre chargé des acquisitions de défense du Royaume-Uni ; Interrogé par M. Jean-Guy Branger, Sénateur, sur les coopérations franco-britanniques, notamment dans la construction d'un porte-avions, le Ministre a fait état du projet britannique de construire deux porte-avions « traditionnels » et souhaité une coopération avec les programmes français quand ils seront définis ;

- M. Roberto Antonione, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de l'Italie, au nom de la Présidence en exercice de l'UEO ;

- M. Erkki Tuomioja, ministre des Affaires étrangères de Finlande ;

- M. Dick Roche, ministre délégué auprès du Premier ministre de l'Irlande, chargé des affaires européennes, représentant la Présidence irlandaise de l'Union européenne du premier semestre 2004.

Cette session a été marquée tout d'abord par le remplacement de M. Marcel Glesener (Groupe libéral -Luxembourg -) par M. Armand De Decker, Président du Sénat du Royaume de Belgique, Président de la Délégation parlementaire belge aux Assemblées de l'UEO et du Conseil de l'Europe, à la présidence de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, pour la fin de la 49 ème session annuelle 2003 et pour la session annuelle 2004.

Renouvelant son Bureau pour la session 2004, l'Assemblée annuelle 2004 a réélu vice-président au titre de la France, M. Jean-Pierre Masseret, Sénateur, Président délégué de la Délégation parlementaire française aux Assemblées de l'UEO et du Conseil de l'Europe.

Le Président Armand De Decker ; élu par acclamation le mardi 2 décembre, a prononcé l'allocution suivante :

« Excellences, chers collègues, mesdames, messieurs, je voudrais tout d'abord vous remercier tous pour l'honneur que vous me faites et pour la confiance que vous me témoignez en m'élisant à la présidence de notre Assemblée.

« Votre décision me fait réellement plaisir tant il est vrai que mon attachement à l'Assemblée de l'UEO est sincère mais aussi très ancien.

« C'est en effet en 1982 que j'ai siégé pour la première fois dans cet hémicycle. C'était en pleine guerre froide, au coeur de la crise des euromissiles qui occupait l'essentiel de nos travaux.

« J'ai siégé parmi vous sans interruption jusqu'à l'été 1999, date à laquelle je suis devenu président du Sénat belge et ai occupé parmi vous les fonctions de président du Groupe libéral, de vice-président de l'Assemblée et de président de la Commission de défense, cette dernière fonction m'ayant réellement passionné.

« Je suis heureux aussi parce qu'en étant élu, je succède à des amis très chers pour lesquels j'ai une grande amitié et beaucoup d'estime...( 1 ( * ) )

« Le développement d'une politique européenne de sécurité et de défense est une ambition collective à laquelle certains de nos Etats membres s'attachent depuis plus de cinquante ans.

« L'histoire de la défense européenne est inextricablement liée au processus d'unification de l'Europe.

« Les pères fondateurs de l'Europe unie, dont le but principal était d'éviter à notre continent et au monde un tout nouveau conflit mondial, ont entamé leur ambitieux projet d'unification européenne par les questions de défense et de sécurité collective. C'est ce qui explique d'ailleurs que notre Organisation, issue du Traité de Bruxelles de 1948 et du Traité de Bruxelles modifié de 1954, soit la plus ancienne des organisations européennes, celle par laquelle tout a débuté. Celle grâce à laquelle, ensuite, tout a été possible.

« Le préambule du Traité de Bruxelles de 1948 est, à cet égard, particulièrement intéressant puisqu'on peut y lire :

« Les Hautes parties contractantes,

« Étant résolues,

« A affirmer leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, ainsi que dans les autres principes proclamés par la Charte des Nations unies ;

« A Confirmer et à défendre les principes démocratiques, les libertés civiques et individuelles, les traditions constitutionnelles et le respect de la loi, qui forment leur patrimoine commun ;

« A resserrer, dans cet esprit, les liens économiques, sociaux et culturels qui les unissent déjà ;

« A se prêter mutuellement assistance, conformément à la Charte des Nations unies, pour assurer la paix et la sécurité internationales et faire obstacle à toute politique d'agression ;

« A prendre les mesures nécessaires afin de promouvoir l'unité et d'encourager l'intégration progressive de l'Europe ;

« A associer progressivement à leurs efforts d'autres Etats s'inspirant des mêmes principes et animés des mêmes résolutions ;

« Désireux de conclure à cet effet un Traité réglant leur collaboration en matière économique, sociale et culturelle, et leur légitime défense collective ;

« Sont convenues ... »

« Tout était dit. La grande aventure pouvait commencer, européenne d'une part, atlantique de l'autre, puisque c'est le Traité de Bruxelles de mars 1948 qui a convaincu le président des Etats-Unis Truman de proposer la création, face à la menace soviétique, de l'Alliance atlantique qui, depuis sa création, l'année suivante, en 1949, a assuré la défense du continent européen.

« Il est important de rappeler également que la création de l'OTAN n'a pas empêché ces mêmes pères fondateurs de l'Europe de proposer, dès 1952, la création d'une « Communauté Européenne de Défense » qui, si elle avait vu le jour, aurait, dès 1954, doté notre continent d'une armée européenne, elle-même intégrée dans l'OTAN.

« Si j'ai cru utile de rappeler ces quelques éléments historiques, c'est parce que je suis toujours étonné face au scepticisme exprimé encore par certains Européens quant à l'utilité d'une politique européenne de sécurité et de défense que les pères fondateurs de l'Europe, voici cinquante ans, estimaient, pour leur part, indispensable.

« Nous savons que la non-ratification du traité de la CED par l'Assemblée nationale française a traumatisé toute l'Europe dans le domaine de la défense européenne ; mais nous savons aussi que toutes les causes de cet échec de 1954 ont aujourd'hui disparu depuis bien longtemps.

« J'invite en tout cas les plus sceptiques à s'interroger sur les raisons profondes de leurs doutes, alors que, par exemple, les gouvernements britanniques, américains, et l'Alliance atlantique dans son ensemble soutenaient, voici cinquante ans, le projet d'intégrer les forces armées des pays de la CED en une seule armée européenne gérée par un commissariat supranational et un état-major international et commandée par un Conseil des ministres intergouvernemental.

« Ce bref rappel me semble important, au lendemain d'un week-end au cours duquel l'Europe de la défense a peut-être, si tout se confirme, fait plus de progrès qu'au cours des cinq dernières années.

« En effet, si le compromis de Naples est confirmé par le Conseil européen du 12 décembre prochain et qu'ensuite le Traité, issu de la Convention et de la Conférence intergouvernementale, est ratifié par les parlements des vingt-cinq Etats membres, alors la Constitution européenne comprendra une clause de défense collective semblable à celle du Traité de Bruxelles, ce qui donnera à l'Union européenne la base juridique de son autonomie politique et stratégique dans le respect, bien entendu, des engagements souscrits dans le cadre de l'OTAN, qui restera l'organisation principalement responsable de la défense de l'Europe.

« Sur cette base, l'Union européenne pourra s'atteler enfin à la définition d'une politique de sécurité et de défense commune avec l'ensemble de ses Etats membres si possible, avec ceux décidés à une intégration plus poussée de leurs forces armées si nécessaire. Le traité prévoyant en effet qu'une technique de coopération renforcée ou de coopération structurée, ouverte à tous, sera d'application dans le domaine de la politique européenne de sécurité et de défense selon des règles qui auront été fixés en commun.

« Enfin, la cellule de planification que l'UEO a transféré à l'Union européenne voici quelques années verra son rôle renforcé dans la mesure où elle sera autorisée, au-delà de la planification stratégique qu'elle réalise actuellement, à faire de la planification opérationnelle lorsque l'Union européenne décidera, conformément aux accords de « Berlin + », d'agir indépendamment de l'OTAN.

« Chers collègues, si ces trois décisions s'ajoutent à celles déjà prises de constituer une force de réaction rapide et de créer une Agence européenne des armements, l'Union européenne, dont l'UEO fait partie intégrante, disposera de tous les moyens pour développer, cinquante ans après l'échec de la CED, une politique de sécurité et de défense digne de ce nom et des responsabilités croissantes que l'Europe portera dans le monde.

« Par contre, si la Constitution européenne n'était pas adoptée, je ne pense pas que l'Union européenne pourrait développer une politique de sécurité et défense sur la base du Traité de Nice. Dans ce cas, la seule solution consisterait à la développer dans le cadre du Traité de Bruxelles modifié constitutif de l'UEO à laquelle tous les Etats membres à la fois de l'Union européenne et de l'OTAN seraient invités à adhérer. Nous assisterions alors à la deuxième revitalisation de l'UEO, à sa troisième vie.

« Si, par contre, l'accord franco-germano-britannique est adopté par la Conférence intergouvernementale, je pense, en toute objectivité, que ce sera dû, en grande partie, à l'obstination avec laquelle, durant cinquante ans, l'Assemblée parlementaire de l'UEO a plaidé pour une politique de défense européenne crédible.

« Pendant toutes ces années, y compris la longue période, que j'ai connue, durant laquelle le Conseil des ministres de l'UEO ne se réunissait même plus et où nos gouvernements n'exprimaient pas le moindre intérêt pour une rationalisation de nos moyens militaires ou pour une ambition d'autonomie même partielle de l'Europe, notre Assemblée n'a cessé, par ses rapports et ses résolutions, de multiplier les suggestions, les mises en garde et les propositions institutionnelles, politiques, militaires et technologiques les plus diverses.

« La plupart des organes dont dispose actuellement le Conseil des ministres de l'Union européenne dans le domaine de la PESD, que ce soit l'Etat-Major européen, le Comité militaire, le Centre de Situation, l'Unité de Renseignement, la Cellule de planification, le Centre satellitaire de Torrejón ou l'Institut d'études de sécurité, sont toutes des institutions dont la création a été suggérée par notre Assemblée. Il est à cet égard grand temps - me semble-t-il - que le Conseil des ministres et le Parlement européen reconnaissent officiellement notre contribution essentielle au développement de la politique de défense de l'Europe.

« Chers collègues, si notre Assemblée a pu jouer un rôle si influent dans le domaine de la PESD, c'est tout d'abord parce qu'elle a acquis, au fil des ans, une expérience exceptionnelle tout à fait irremplaçable et qui doit être préservée. Ensuite, c'est parce que ses membres sont des parlementaires nationaux influents dans chacun de leur pays. Que ses parlementaires nationaux sont, par définition, en vertu de leurs pouvoirs constitutionnels, ceux qui, dans leur pays, adoptent les budgets nationaux consacrés à la défense et aux affaires étrangères.

« A travers ce rôle, chers collègues, nous sommes chaque jour confrontés aux réalités politiques, budgétaires de nos pays ainsi qu'aux convictions de nos opinions publiques. Lorsque des troupes de nos pays sont envoyées en mission de par le monde, pour le compte de l'ONU, de l'OTAN ou de l'Union européenne, c'est nous qui en assumons la responsabilité avec nos gouvernements respectifs. C'est nous qui sommes responsables de la qualité de leur armement, de leur équipement, de leur préparation. Et c'est nous encore qui sommes confrontés aux familles de nos soldats lorsqu'ils y perdent la vie.

« C'est pour toutes ces raisons que je suis intimement convaincu que le contrôle et l'accompagnement parlementaire de la PESD ne peut-être l'apanage du seul Parlement européen, qui lui ne porte aucune de ces responsabilités-là, et que je suis donc également convaincu du rôle essentiel de notre Assemblée européenne composée de parlementaires nationaux.

« Il est bien sûr naturel que le Parlement européen soit bien informé de toutes les politiques européennes, y compris de celles qui restent et resteront encore longtemps, partiellement ou totalement, intergouvernementales. Mais je sais par ailleurs que ce n'est qu'à travers notre travail, notre action que la PESD trouvera sa légitimité démocratique et, dès lors, le soutien populaire qui lui est indispensable. C'est pourquoi j'estime que tant qu'une politique européenne reste totalement ou partiellement intergouvernementale, elle doit être contrôlée par une Assemblée interparlementaire européenne.

« Je sais que les fédéralistes européens - il y en a beaucoup dans mon pays et j'en fais partie - répugnent à reconnaître cette vérité. Elle est pourtant incontournable. Ils devraient d'ailleurs prendre davantage conscience que les politiques européennes des actuels deuxième et troisième piliers ont peu de chance de faire de réels progrès si les parlementaires nationaux qui les contrôlent et qui doivent les financer restent confinés dans leurs seuls parlements nationaux.

« Pendant la présidence belge de l'Union, j'ai pris l'initiative d'organiser deux conférences européennes parlementaires sur ce sujet. Elle m'ont donné l'occasion d'expliquer pourquoi il était à mes yeux indispensable que les parlementaires nationaux puissent échanger leurs expériences au niveau européen et puissent se voir expliquer le pourquoi des politiques voulues par le Haut Représentant, par la Commission ou par le Conseil des ministres de l'Union européenne, que ce soit dans les domaines de la sécurité et de la défense ou dans ceux de la justice et de la police.

« Suite à ces deux conférences parlementaires, le Parlement européen a organisé des séances de sa commission des affaires étrangères, auxquelles des membres de nos commissions parlementaires nationales de la défense et des affaires étrangères ainsi que de notre Assemblée ont été invités, et je voudrais saluer les efforts que Mme Nicole Fontaine, mon ami Pat Cox, M. Elmar Brok, ainsi que Mme Lalumière ont développés en ce sens pour associer les parlements nationaux à leurs travaux.

« L'objectivité me force cependant de souligner aujourd'hui que si ces séances communes sont utiles, elles sont aussi tout à fait insuffisantes pour répondre aux besoins d'information des parlementaires ou à la nécessaire transparence des politiques menées. Nous devons donc poursuivre, en toute intelligence, notre collaboration avec le Parlement européen, notamment en invitant ses représentants à nos travaux, mais nous devons surtout convaincre nos gouvernements et nos parlements nationaux de la nécessité de conserver une Assemblée interparlementaire pour le contrôle de la politique européenne de sécurité et de défense, qui va maintenant prendre, je l'espère, progressivement son envol. Il serait politiquement inacceptable que le contrôle démocratique de la PESD soit aujourd'hui moins réel dans l'Union Européenne qu'il ne l'était dans l'UEO avant qu'elle n'y soit intégrée.

« Depuis le Traité de Maastricht, l'UEO fait partie intégrante de l'Union européenne. Notre Assemblée dès lors aussi. Lorsque nous siégeons ici, nous le faisons avec la triple casquette de parlementaire national, de parlementaire de l'UEO et de parlementaire de l'Union européenne. Cela est d'autant plus vrai que la situation est la même pour les ministres du Conseil qui nous adressent leur rapport annuel, qui devrait couvrir de plus en plus d'aspects de la PESD. Ils le font eux aussi avec cette triple casquette. Tout comme d'ailleurs aussi les ambassadeurs qui siègent au Conseil permanent de l'UEO et qui sont , en même temps, les membres du Comité politique de sécurité - COPS - de l'Union européenne. Notre Secrétaire général a, lui aussi, la double casquette UEO-Union européenne.

« J'invite donc nos gouvernements, en votre nom à tous, à prendre, dès la semaine prochaine, les mesures nécessaires afin de donner une reconnaissance officielle et une perspective nouvelle aux travaux que nous menons en tant que parlementaires nationaux versés dans les questions de sécurité et de défense de l'Union européenne. Car si nous nous réunissons régulièrement, c'est pour apporter un soutien interparlementaire à ce qu'ils s'efforcent de réaliser dans un cadre intergouvernemental.

« Je veux enfin souligner, en ma qualité de Président du Sénat de Belgique, un autre aspect de cette dimension parlementaire. Le problème se situe au niveau des parlements nationaux qui ne sont suffisamment conscients ni de l'importance du travail de l'UEO, ni du privilège qui est le leur d'être associés, au travers de celle-ci , au développement de la politique de sécurité et de défense de l'Union européenne. Les membres de l'Assemblée de l'UEO ne doivent pas ménager leurs efforts afin que les rapports de leur institution soient débattus au sein des parlements nationaux, qui travaillent de façon trop compartimentée. Ces rapports, généralement d'une exceptionnelle qualité, n'ont de réel intérêt que s'ils sont largement diffusés, y compris auprès de la presse. Je promets de mettre tout en oeuvre pour attirer l'attention de mes collègues présidents d'assemblées sur ces aspects essentiels de la construction européenne.

« L'UEO a cinquante ans d'expérience en matière de sécurité et de défense européenne. Elle est passée de sept à vingt-huit membres, sans compter les sept invités spéciaux ou permanents et les observateurs informels. Ses contacts couvrent le monde entier et la qualité de ses travaux est partout largement appréciée. Sa cinquantième session aura lieu l'an prochain. Elle sera l'occasion de souligner l'importance de la contribution de l'Assemblée de l'UEO et de définir avec plus de précision comment celle-ci pourra continuer de travailler pour une Europe davantage consciente de son rôle et de ses responsabilités mondiales. »

Au cours de cette seconde partie de session 2003, l'Assemblée de l'UEO a également délibéré des Rapports suivants :

? Un concept stratégique européen - Aspects de défense (Rapport 1841 et adoption de la Recommandation 733) ;

? Les forces européennes projetables (Rapport 1836 et adoption de la Recommandation 734) :

? Une initiative européenne pour renforcer le rôle des Nations unies en faveur de la paix et de la Sécurité (Rapport 1839 et adoption de la Recommandation, amendée, 735 ) ;

? Les perspectives de la PESD - Politique européenne de sécurité et de défense - Rapport au Rapport annuel du Conseil (Rapport 1844 et adoption de la Recommandation 736) :

? Le suivi parlementaire des conclusions de la Convention sur l'avenir de l'Europe et les travaux de la Conférence intergouvernementale, dans les pays de `lUEO (Rapport 1837 et adoption de la Résolution 118) ;

? La sécurité en Europe et la stabilisation du Moyen-Orient - Les répercussions de la crise irakienne sur les opinions publiques en Europe.

Le rapport soumis à l'Assemblée, rédigé au nom de la Commission politique de l'Assemblée de l'UEO, est présenté par Mme Josette Durrieu, Sénateur, en ces termes :

« Il s'agit à l'évidence d'un problème important. C'est la raison pour laquelle nous avons eu quelques difficultés à limiter le sujet. Le Moyen-Orient, c'est grand. Il peut commencer en Egypte et se poursuivre jusqu'en Iran. Nous avons fait le choix de limiter le sujet et l'espace géographique, de cerner essentiellement le problème israélo-palestinien dans la mesure où l'actualité aussi nous poursuivait, avec le Pacte de Genève approuvé hier.

« Nous nous sommes concentrés sur les cinq pays directement concernés par le conflit israélo-palestinien, en allant en Israël, bien sûr, en Palestine, en Jordanie, en Syrie, au Liban et en essayant naturellement de voir comment évoluait le conflit.

« Le deuxième sujet que nous devons examiner concerne la situation en Irak.

« Deuxième phase du conflit en Irak : la paix maintenant est à gagner. Et ce n'est pas gagné. Nous n'avons donc pas mené d'investigations sur cette question par rapport à d'autres pays, à savoir la Turquie, l'Iran, l'Arabie, le Yémen, l'Egypte. C'est dommage et nous devrons probablement nous y pencher un jour.

« Stabilité au Moyen-Orient et sécurité en Europe : le problème se pose pour l'ensemble du monde, sûrement, mais pour l'Europe tout particulièrement puisqu'il existe d'abord, effectivement, une proximité géographique. En l'état, déjà, avec la Grèce, l'Europe est proche de ce Moyen-Orient. Mais, avec l'élargissement à Chypre et à Malte, les frontières se rapprochent. Cette proximité géographique est une réalité de fait mais les relations politiques, culturelles, humaines et économiques sont anciennes et il est évident que cet espace concerne directement l'Europe. Une Europe, d'ailleurs, dont on sent la présence plus dans l'espoir de ce qu'elle peut apporter par rapport à la paix que de ce qu'elle apporte dans l'immédiat à cette paix.

« La première phase du conflit en Irak est réglée. La deuxième l'est moins. En Palestine et en Israël, le conflit dure et, en dépit de tout l'espoir que l'on veut avoir, ce conflit, malgré tout, met toujours la paix en perspective et la guerre dure depuis plus de cinquante ans. Que l'on se batte d'un côté avec des chars et des missiles et de l'autre avec des pierres et des torches humaines, dans les deux cas, c'est la souffrance, la peur, la haine, une haine qui fait peur. Des deux côtés, ce sont des morts et puis des camps. La tournure que prend cette guerre nous inquiète tous, j'en suis sûre.

« Des colonies, il y en a chaque jour un peu plus. Plus de 150. Elles ont commencé en 1984. Rabin a sa responsabilité, Barak a la sienne. Sharon en porte une très lourde puisque 56 colonies nouvelles sont apparues depuis qu'il est au pouvoir. Ces colonies sont probablement l'une des façons d'activer à la fois la guerre et la haine. Et les murs maintenant. C'est nouveau : en 2003, la sécurité derrière les murs.

« L'histoire est là pour prouver qu'ils n'ont jamais rien résolu. Par contre, ils créent de vrais problèmes. On ne peut pas voir Kakilya, comme nous l'avons vu, ni Tulkarem et probablement Jénine, sans avoir mal. Ces murs, quelque part, font mal dans la mesure où ils ne résoudront rien. A l'évidence, ils aggravent tout.

« Aujourd'hui, les corollaires et les conséquences de cette situation - nous les avons détaillés dans notre document, aussi je serai brève - génèrent, encouragent, nourrissent le terrorisme. Le terrorisme n'est pas né là mais il se ressource là. Cette situation génère et nourrit l'islamisme. Ce sera un des points sur lesquels je reviendrai convaincue. Le Hamas et le Djihad ont été créés depuis un certain temps. Le Hezbollah aussi. Nous l'avons vu de très près au Liban, puisque nous sommes allés au Liban Sud et dans la zone où l'ONU, la FINUL, essaie de maintenir une relative stabilité, et elle y parvient d'ailleurs. Le Hezbollah est un groupe militaro-politique et religieux. Les « fous de Dieu » font à la fois du maintien de la sécurité tout en multipliant les actes d'agressivité. Parallèlement, ils font de la conversion à l'islam, au-delà de la zone dont ils ont la responsabilité, puisqu'on a pu les voir mener, dans les rues de Beyrouth notamment, des campagnes qui étaient, celles-là, à caractère religieux.

« Montée du terrorisme, montée de l'islamisme, montée de l'antisémitisme.

« Aujourd'hui, que les populations soient arabes ou européennes, lorsqu'elles protestent, elles le font contre la politique de Sharon et du gouvernement israélien. Mais il n'empêche qu'il existe un risque de voir cette protestation, bientôt, je le crains, être animée par un autre sentiment. Je crois qu'une démarche porte l'autre, et le risque est immense.

« Tout cela, on le sait, et on le lit les uns et les autres. Et quand on le voit et qu'on le vit, on en revient profondément bouleversé. Et, en toile de fond, une crise économique très forte.

« Côté palestinien, on le sait, la Palestine n'existe plus. Ce pays est détruit ; son autorité est enfermée dans des murs et son président suspendu sur un plancher dans un immeuble totalement détruit. Mais la Palestine, c'est une population qui, à 60 %, vit aujourd'hui au-dessous du seuil de pauvreté. Le seuil de pauvreté là-bas, c'est deux dollars par jour. A l'évidence, le problème humain dépasse le problème politique.

« En ce qui concerne Israël, sait-on que le pays compte aujourd'hui 11 % de chômeurs ? Le pouvoir d'achat a baissé de 10 % et 21 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Mais le seuil de pauvreté en Israël, c'est 540 euros pour un couple. Il n'empêche que sur cet ensemble, économiquement, vient se plaquer un contexte qui, sans doute, aggravera les choses. Et ce contexte aggrave aussi la situation sur l'ensemble de la région.

« Il convient de rappeler que cette région compte près de 4 millions de réfugiés palestiniens, précisément 3 700 000. Certains d'entre eux sont réfugiés depuis 1947 et 1 300 000 personnes vivent dans des camps. Des camps, il y en a dans plusieurs pays. On dénombre une soixante de camps en tout. Pour en avoir vu certains de loin - puisqu'on ne peut même pas s'en approcher comme je l'aurais souhaité - je pense qu'il vaut mieux se trouver dans un camp en Jordanie - on dénombre 1 400 000 palestiniens dans les camps jordaniens - que dans un camp en Syrie.

« En Jordanie, on respecte les Palestiniens. Beaucoup sont déjà intégrés dans la population, au point que 60 % de la population jordanienne est palestinienne. Ce sont des frères ; on les respecte ; ils ont des droits. En Syrie, ils sont 370 000. Je ne sais pas s'ils sont respectés, mais ils ne sont pas privés de leurs droits.

« En revanche, au Liban, ils ne sont ni respectés ni autorisés à faire ce que tout citoyen peut espérer faire dans un pays respectueux des droits de l'homme. Au Liban, ils sont 400 000, dont 200 000 vivent dans des camps. Ils ne jouissent d'aucun droit, civique ou social. Ils n'ont ni le droit d'exercer des métiers qualifiés ni celui d'être propriétaire. Le problème des réfugiés au Liban est tout à fait insoutenable.

« On compte 800 000 réfugiés à Gaza et 600 000 en Cisjordanie. Ces réfugiés seront naturellement au coeur du règlement de la paix. Et on voit bien, dans cette dernière démarche du Pacte de Genève, que la non-référence au droit au retour, qui figurait pourtant dans la Résolution 194 des Nations Unies, pose déjà problème.

« Naturellement, on parle de compensations. On les a même évaluées entre 20 à 30 milliards de dollars. C'est toujours possible. Toutefois, la réinstallation de ces réfugiés dans les pays quels qu'ils soient, pays d'accueil ou pays de réinstallation, constituera un problème. Israël a déjà fixé des quotas. La Jordanie, respectueuse de ces hommes qui sont ses frères, commence déjà à dire que ce ne serait pas possible. Quant au Liban, vous le savez, il refuse définitivement.

« Quelles sont les perspectives en Irak, en Israël et en Palestine ?

« Bien sûr, c'est la paix au travers d'une stabilité définitive. Pour l'Irak, cela veut dire un régime politique démocratique. C'est un voeu. Ce n'est sûrement pas impossible ; ce sera sûrement extrêmement difficile. 2004, nous dit-on. Espérons !

« En Israël et en Palestine, cette paix est l'objectif. Elle devra être globale. Cela veut dire qu'elle engloberait tous les problèmes, y compris le Golan, ce que ne fait pas le Pacte de Genève aujourd'hui.

« Actuellement, les deux principaux chefs de ces deux pays sont-ils favorables à la paix ?

« Sharon, sûrement pas. On peut aujourd'hui se poser la question de savoir s'il veut un Etat palestinien souverain. La réponse, je crois, est non. Sharon, à l'extrême limite, accepterait une entité sous autorité israélienne sur 40 % de la Cisjordanie, en trois espaces, cette fameuse « bantoustanisation » de la Palestine. C'est à peu près tout ce qu'il serait prêt à accepter.

« Quant à Arafat, c'était la deuxième fois que je le rencontrais. En le regardant, je me suis souvent dit que ce vieux combattant ne parviendrait pas à faire un compromis de paix et qu'il préférerait sûrement mourir en combattant plutôt qu'en homme politique ayant trouvé, parce qu'il aurait eu la volonté de le rechercher, un compromis de paix. Je ne l'ai pas senti.

« Alors, avec qui faire la paix ? J'aurais envie de dire que le Premier ministre Abou Abbas, que j'avais déjà rencontré également, me semblait être un homme d'expérience, animé peut-être de cette volonté. En tout cas, il avait la volonté de réussir quelque chose et sûrement pas d'échouer. Quant au nouveau Premier ministre, il mettra sûrement tout en oeuvre pour la paix. Pourra-t-il le faire ? Il faut être deux. Même si les Palestiniens avaient eu l'intention de se rendre à Genève - après tout, j'ai envie de croire que les Palestiniens auraient pu se rendre à Genève - il aurait fallu qu'ils soient deux, et le deuxième partenaire n'y était pas.

« J'ai envie de dire aujourd'hui que le temps joue en faveur des Arabes et non pas des Israéliens, que le rapport de force irrémédiable et inéluctable au sein de la population va très vite donner la loi du nombre aux Arabes et qu'après tout, certains, assez cyniques, faisant abstraction des douleurs du moment, peuvent se dire qu'ils ont le temps et qu'avec le temps, peut-être gagneront-ils.

« Lors des visites que nous avons effectuées dans plusieurs pays, nous avons pu rencontrer tous les responsables politiques essentiels. En Jordanie, des gens nobles, dignes, abordant le problème avec une crainte mêlée d'espoir. Ces gens ne veulent pas d'une confédération ; ils veulent la paix et ils y contribueront. Ils étaient à Genève. En même temps, ils ont peur de ce qu'on pourrait leur imposer, notamment au niveau des réfugiés.

« La Syrie est cynique. Elle bénéficie d'une position-charnière, géographique et politique. La Syrie considérait que le Pacte de Genève ne la concernait pas puisque le Golan n'en faisait pas partie. Quand on parle de la Syrie, on parle en même temps du Liban. En effet, nous sommes devant une situation curieuse, celle de deux Etats dont un n'est pas souverain, à savoir le Liban. Si le Liban a accepté des accords, c'est la Syrie qui exerce une part de souveraineté sur cet Etat, puisqu'il dispose même d'un droit de regard sur la formation de son gouvernement, sans compter les milliers de soldats syriens qui se trouvent sur le territoire libanais pour assurer la sécurité de la Syrie, tant que le problème du Golan n'est pas réglé.

« Alors, la Syrie attend. Elle se met en retrait. Elle observe. Elle a le temps, elle aussi. En même temps, elle tire les ficelles de la manière la plus claire. Quand on demande aux responsables politiques si c'est eux qui aident, entraînent et arment le Hamas, le Hezbollah et le Djihad, la réponse est claire et sans hésitation : oui. Et quand on leur demande s'ils soutiennent des mouvements radicaux, la réponse est oui, mais, selon eux, le terme n'est pas adéquat, car il s'agit non pas de mouvements radicaux, mais de « mouvements de résistance ». La correction vaut d'être faite : « puisque ce sont des résistants, ce sont donc de bons citoyens », que la Syrie défend.

« Mais font-ils la même chose du côté de l'Irak ? Et là, la réponse est non. Quand on leur demande s'ils tirent de la même façon aujourd'hui les ficelles du côté irakien, dans cette phase où les forces libérées à l'intérieur même du pays sont en train de reprendre le dessus, la réponse est claire : ils répondent par la négative et disent qu'ils n'ont pas besoin de nous. Les Américains ont libéré 500 000 soldats et policiers, qu'ils ont licenciés tout en leur laissant les armes. Selon les Syriens, ils ont les armes, ils ont la volonté, ils rendront sa dignité à l'Irak, les Irakiens n'ont pas besoin de nous. Mais si un jour ils avaient besoin de nous, on est là. Quant aux Américains - précision inutile - ils sont dans un bourbier, et pour un moment.

« Quand on observe la Syrie, on voit bien qu'elle est effectivement un partenaire important, qu'il ne faut pas omettre de classer au centre du règlement du conflit israélo-palestinien, parce qu'il faudra bien régler aussi le problème du Golan, et surtout parce que la Syrie est un pays qui, du fait de sa position et de sa stratégie, jouera un rôle important.

« Pour autant, les Américains, dans le cadre de cet inventaire des « pays voyous », doivent-ils ou vont-ils entrer un jour en Syrie ? Lorsque j'ai demandé aux Syriens s'ils possédaient des armes de dissuasion massive, des armes chimiques, des armes de destruction massive, ils m'ont répondu « non », et d'ailleurs, s'ils les possédaient, les Américains se comporteraient autrement avec eux et leur parleraient autrement. A la question : comment vous parleraient-ils ? ils m'ont dit qu'on leur répondrait comme on parle à la Corée du Nord. Ils ont peut -être raison.

« Ont-ils ces armes? Je n'en sais rien. En tout cas, le fameux « Act »» américain contre la Syrie n'a pas l'air de les émouvoir beaucoup. Ils considèrent que les sanctions économiques ne les toucheront pas énormément dans la mesure où ils entretiennent très peu de relations économiques avec les Américains, les ayant surtout avec l'Europe. Et s'il devait y avoir une sanction diplomatique, cela ne les gênerait pas non plus beaucoup. Par conséquent, ils affichent une certaine sérénité. Mais je pense que le rôle de la Syrie est effectivement grand dans cet espace.

« La paix, certes. Il faudra bien y arriver malgré tout. Sur quelles bases ? La guerre des six jours en 1967, les premiers accords de Camp David en 1978, Maastricht en 1991, Oslo I et Oslo II, puis les négociations à Taba en 2001, le sommet de Beyrouth et l'intervention du prince saoudien en 2003, la feuille de route également en 2003, acceptée en avril par les Palestiniens et en mai par les Israéliens - il y a seulement six mois - et, hier, le Pacte de Genève.

« Le processus est en panne. A-t-il été réenclenché hier ? Je ne sais pas. En tout cas, si on procédait par élimination, on pourrait déjà dire que l'on sait ce qu'il ne faudra pas faire : un Etat binational, une « entité à la Sharon » sur 40 % de la Cisjordanie et trois espaces non reliés entre eux, ou une confédération israélo-palestinienne, comme le redoute la Jordanie.

« On sait aussi déjà quelles seront impérativement certaines des bases, puisqu'elles semblent maintenant être posées : les limites de 1967, c'est-à-dire le retrait des colonies et, sûrement, la destruction des murs, même si Israël a le droit de construire des murs, mais sur son territoire et non hors de celui-ci; le problème des réfugiés et le principe du droit de retour, qui est tout de même sacré. Dans le Pacte de Genève, ce principe ne figure pas en tant que tel et, pour ma part, je me souviens d'avoir entendu Sharon, lors de notre première visite, dire qu'il fallait nuancer ce droit de retour, que beaucoup ne reviendraient pas. On dit qu'il l'a dit. Moi, je l'ai entendu dire. Il n'empêche que chacun a droit au principe du retour et a droit à la compensation.

« Puis, pour Jérusalem, ils sont arrivés à un certain partage. Naturellement, cela ne satisfera jamais tout le monde mais, chacun voulant Jérusalem pour capitale, ils ont proposé un plan de paix.

« Maintenant, où en sommes-nous ? Comment ce processus va-t-il se réenclencher ? Nous avons deux documents sur la table : la feuille de route inspirée par les Américains, l'Europe, l'ONU, la Russie - le Quatuor - qui est en panne et mériterait d'être réactivée, et le Pacte de Genève, devenu depuis hier l'Accord de statut permanent.

« Que pourrait-on en dire ? Je terminerai par ce point.

« L'initiative était excellente. Elle prouve qu'il existe des partenaires régionaux, locaux, des deux côtés, pour enclencher une négociation, qu'il est possible d'élaborer un plan, quel que soit le problème terriblement délicat à résoudre.

« Il y a eu un accompagnement assez exceptionnel. Nous avons rencontré l'un des trois protagonistes israéliens, dont l'ancien maire d'Haïfa. Ils redoutaient beaucoup la journée d'hier, ils avaient peur que les invitations qu'ils avaient lancées ne soient pas suivies de réponses fortes. Ils les ont eues, ces réponses fortes, au-delà peut-être de leur espérance. Ils n'espéraient pas déjà voir arriver les représentants officiels d'Israël et de la Palestine.

« Je pense qu'ils ont obtenu les réponses qu'ils attendaient. Ils voulaient alerter l'opinion publique chez eux d'abord. Il semble qu'ils aient eu, côté israélien, un écho favorable qui recueille au moins 30 % de la population - certains disent même 40 % - et, côté palestinien, un écho qui dépasse les 50 %. Ils ont interpellé la communauté internationale, même si la réponse de l'Europe m'apparaît très dispersée. Il y a eu plusieurs messages, celui de M. Blair, celui de M. Chirac, celui de M. Prodi au nom de la Commission. Très bien. Mais que dire de l'Europe ? Il n'existe pas d'Europe politique. Il n'y a donc pas de réponse européenne ! Et l'on touchera toujours du doigt les situations dramatiques qui font que là où l'on nous attend, nous ne sommes pas présents. Il est assez dramatique d'entendre demander où est l'Europe, d'entendre que l'on fait appel à elle sans pouvoir répondre.

« Bien sûr, ces appels s'élèvent surtout du côté arabe puisque, côté israélien, on a, très fortement exprimé, le soutien américain, même si c'est pour conduire une politique désastreuse.

« Au stade où nous en sommes, l'alternative est évidente : ou une négociation locale repart parce qu'hier, elle aura été réenclenchée, et je l'espère de tous mes voeux, dans le but de la paix et de la stabilité dans cette région, dans le but de la sécurité sans doute en Europe et dans le monde ; ou la communauté internationale devra bien, à un moment donné, engager sa propre responsabilité. C'est d'abord, sans doute, un cessez-le-feu ; c'est sûrement un mandat à l'ONU ; c'est également la présence d'une force qui puisse stabiliser cette paix.

« Les risques, je l'ai dit en commençant la présentation de ce rapport et les répète en finissant, c'est encore plus de terrorisme, encore plus de montée de l'islamisme. C'est aussi le risque de l'antisémitisme, peut-être celui de l'antiaméricanisme.

« Nous avons là un espoir très grand pour l'ensemble de cette région, pour l'Europe mais aussi pour le monde, de voir cette dynamique s'enclencher de nouveau. »

À l'issue du débat portant sur le Rapport de Mme Josette Durrieu (1847) et sur celui de la Commission des Relations parlementaires et publiques sur les répercussions de la crise irakienne sur les opinions publiques en Europe (1838 et corrigendum ), l'Assemblée a adopté les Recommandations 737 et 738 ;

? Comptes relatifs aux dépenses de l'Assemblée pour 2002 - Rapport du Commissaire aux comptes et motion d'approbation des comptes définitifs pour l'année 2002 (Rapport 1831 et addendum )

L'Assemblée adopte la motion d'approbation des comptes définitifs à l'unanimité.

? Projet de budget révisé des dépenses de l'Assemblée pour 2004 et avis du Conseil (Rapports 1832 et 1848)

Sur proposition de la Commission des affaires budgétaires et de l'administration, l'Assemblée adopte une question préalable (conformément à l'article 33 (1) (a) du Règlement, le rapport de la Commission des affaires budgétaires et de l'administration est retiré de l'ordre du jour, ainsi que du rôle de l'Assemblée).

? La défense anti-missile : pour une initiative européenne commune (Rapport 1843 et adoption de la Recommandation, amendée, 739) ;

? L'évolution de la politique d'armement en Europe - Réponse au Rapport annuel du Conseil (Rapport 1840 et adoption de la Recommandation, amendée, 740) ;

? L'Europe de la Défense, unir et renforcer les capacités nationales et européennes - Réponse au Rapport annuel du Conseil (Rapport 1842 et adoption de la Recommandation 741) ;

Ont participé aux travaux de cette session ainsi qu'à ceux des Commissions de l'Assemblée de l'UEO réunies à cette occasion :

M. Jean-Pierre Masseret, Sénateur, Président délégué de la Délégation parlementaire française à l'Assemblée de l'UEO, M. Marcel Debarge, Sénateur, Président de la Commission des Relations parlementaires et publiques, M. Jean-Guy Branger, Sénateur, Président de la Commission du Règlement, Mme Josette Durrieu, Sénateur, ainsi que MM. Jean-Pierre Kucheida, Jean-Marie Le Guen et Marc Reymann, Députés.

CHAPITRE V

Comité des Présidents
(Bruxelles - 16 décembre 2003)

Réuni au Sénat de Belgique, sous la présidence de M. Armand De Decker, Président du Sénat de Belgique et nouveau Président de l'Assemblée de l'UEO, le Comité des Présidents est l'occasion de faire le point des travaux de la Conférence intergouvernementale chargée d'élaborer un Traité constitutionnel pour l'Union européenne.

S'agissant du débat sur l'organisation de la Politique européenne de sécurité et de défense-PESD, le Président De Decker a indiqué que certains considèrent que la CIG a simplement été suspendue tandis que d'autres estiment qu'elle a été un échec. La situation est complexe. Un accord a été obtenu sur la création d'une cellule de planification de l'UE et sur la nomination d'officiers de liaison avec l'OTAN et le SHAPE. Cependant, il n'y a eu aucune avancée sur le Traité, notamment en ce qui concerne une clause d'assistance mutuelle et les coopérations structurées dans le domaine militaire qui, semble-t-il, avaient fait l'objet d'un consensus la semaine précédente à Naples. En l'absence d'un changement, le cadre institutionnel de Nice, qui ne prévoit pas de coopération renforcée en matière de défense, prévaudra. Les élections au Parlement européen, qui doivent avoir lieu en juin 2004, risquent d'amoindrir les chances de la CIG de conclure ses travaux avec succès pendant la présidence irlandaise, avec pour conséquence la tenue des négociations finales sous la présidence néerlandaise. Cela signifie que si certains pays souhaitent développer des coopérations militaires renforcées, ils peuvent le faire dans le cadre du Traité de Bruxelles modifié. Il ne pense pas que dans le stade actuel, les ministres envisagent une telle hypothèse, mais il serait opportun de le leur rappeler, ce qui donnerait à l'Assemblée l'occasion de réitérer ses propositions en matière de contrôle interparlementaire. Il a invité les membres à attirer l'attention du président de leur parlement sur l'importance de cette question. À coup sûr, on peut prédire que si les engagements approuvés à Naples font partie du nouveau Traité, le Traité de Bruxelles modifié pourrait être dénoncé par un ou deux membres. Sur le contrôle interparlementaire, pas un mot n'a été dit ; en conséquence, il est essentiel de convaincre les présidents des parlements que ce contrôle ne doit pas être inférieur à celui exercé au cours des 50 dernières années. Le Président du parlement italien, M. Pera, en a exprimé le souhait lors du séminaire de Baveno. Lors de la dernière session, le Premier ministre du Luxembourg a apporté son soutien à l'Assemblée tout en soulignant le caractère indispensable du contrôle interparlementaire, idée reprise par le Ministre des affaires européennes de l'Irlande, Dick Roche, qui a aussi insisté sur la nécessité d'attirer l'attention des parlements sur cette question. M. Pera demandera que celle-ci soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine Conférence des présidents des parlements de l'UE. M. De Decker a dit espérer que d'autres présidents de parlements feront de même. Par la suite, une recommandation pourrait être soumise à la CIG au nom des parlements nationaux.

Dans le débat qui s'est instauré à la suite de la présentation de cette communication, M. Jean-Pierre Masseret, Sénateur, Vice-président de l'Assemblée de l'UEO, Président délégué de la Délégation parlementaire française aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO, a pris la parole pour observer que les résultats de la CIG, avec la création d'une cellule de planification de l'UE, sont bien en deçà des attentes. Il est favorable au contrôle parlementaire, mais l'idée d'une « seconde Chambre » n'offre pas de solution valable. Il est également absurde de considérer le Conseil comme une seconde Chambre et de le doter de pouvoirs législatifs et exécutifs. Il se demande s'il y aura une nouvelle Assemblée exerçant un contrôle sur une large gamme de sujets et pas seulement sur les questions de défense ou s'il sera décidé de s'adosser aux structures de l'Assemblée de l'UEO, qui pourrait par la suite se transformer en un forum plus large. Rappelant que le Premier ministre du Luxembourg avait promis de soulever cette question au Sommet de l'UE à Bruxelles, M. Jean-Pierre Masseret a demandé au Président De Decker s'il avait connaissance d'une telle démarche.

Le Président a répondu qu'il l'ignorait, reconnaissant qu'en ce qui concerne la nature d'une Assemblée interparlementaire, la proposition de créer une « seconde Chambre » qui serait assimilée à un Sénat contrôlant les politiques de l'UE, se heurte à des résistances. Le Conseil de l'UE agit parfois comme un organe législatif et parfois comme un organe exécutif. Il est important, a-t-il souligné, de rappeler aux gouvernements que l'Assemblée de l'UEO, en place depuis 50 ans désormais, est de facto au service de l'UE depuis que les activités de l'UEO lui ont été transférées.

Le Président De Decker a encore indiqué que, pour la première fois, le Premier ministre belge a reconnu à la veille du Sommet de Bruxelles la nécessité d'avoir un forum sous une forme ou une autre, ce qui est un signe encourageant.

M. Marcel Debarge, Sénateur, Président de la Commission des relations parlementaires et publiques de l'Assemblée de l'UEO, s'est déclaré d'accord avec ces observations, soulignant que les parlements nationaux ne doivent pas être ignorés, et qu'il faut aussi tenir compte de l'opinion publique : il faudrait profiter de la campagne électorale pour les élections européennes pour fournir des informations, car des aspirations à la souveraineté nationale refont surface. Les structures que représente l'Assemblée de l'UEO devraient faire l'objet de davantage de publicité.

Partageant cette crainte, le Président De Decker n'a pas caché les difficultés de la mise en oeuvre de la PESD à Quinze et, dans un avenir proche, à 25. Une Europe à deux vitesses pourrait offrir des solutions adaptées et une Assemblée telle que celle de l'UEO, pleinement inclusive, pourrait répondre aux besoins de tous.

Le Président De Decker a conclu son propos en estimant que l'Irlande sera appelée à jouer un rôle particulièrement important lorsqu'elle prendra la présidence de l'UE. Il a été très impressionné par le discours prononcé par M. Dick Roche lors de la récente session et pense que si l'Irlande est convaincue de l'importance de la raison d'être de l'Assemblée de l'UEO, cela pourrait faire basculer l'opinion d'autres pays. M. De Decker a rappelé, enfin, qu'il faut se montrer vigilant et faire en sorte que l'UEO obtienne le plus rapidement possible le label « UE », ce qui renforcerait la position de l'Assemblée.

La réunion s'est terminée sur un premier examen des perspectives budgétaires pour 2004, en ce qui concerne l'Assemblée de l'UEO.

ANNEXES

I. LISTE DES TEXTES ADOPTÉS PAR L'ASSEMBLEE DE L'UEO

Commission permanente

22-10-2003

Dec. 26 sur les suites à donner à la Directive n° 118 sur la politique de sécurité d'une Europe élargie

Rés. 117 sur les perspectives de la politique européenne de sécurité et de défense - Contribution à la Conférence intergouvernementale.

Dir. 119 sur les perspectives de la politique européenne de s écurité et de défense - Contribution à la Conférence intergouvernementale

Rec. 732 sur les perspectives de la politique européenne de sécurité et de défense - Contribution à la Conférence intergouvernementale

Seconde partie de la session 2003

sixième séance - 01-12-2003

Rec. 733 : un concept stratégique européen - aspects de défense

Rec. 734 : les forces aériennes européennes projetables

Rec. 735 : une initiative européenne pour renforcer le rôle des Nations un ies en faveur de la paix et de la sécurité

huitième séance - 02-12-2003

Rec. 736 : sur les perspectives de la politique européenne de sécurité et d éfense (Partie II - Réponse au rapport annuel du Conseil)

Res. 118 : sur le suivi parlementaire des conclusions de la Convention sur le suivi parlementaire des conclusions de la Convention sur l'avenir de l'Europe et des travaux de la Conférence intergouvernementale - débats et réponses aux questions parlementaires dans les pays de l'UEO

neuvième séance - 03-12-2003

Rec. 737 : La sécurité en Europe et la stabilisation du Moyen-Orient

Rec. 738 : Les répercussions de la crise irakienne sur les opinions publiq ues en Europe

dixième séance - 03-12-2003

Rec. 739 : sur la défense antimissile : pour une initiative européenne com mune

R ec. 740 : sur l'évolution de la politique d'armement en Europ e - réponse au rapport annuel du Conseil

R ec. 741 : sur l'Europe de la défense : unir et renforcer les capaci tés nationales et européennes - réponse au rapport annuel du Conseil

L'ensemble des documents et des débats de l'Assemblée de l'UEO est consultable sur le site : http://www.a ssembly-weu.org

II. ALLOCUTION DES PRINCIPALES PERSONNALITES QUI SE SONT ADRESSEES A L'ASSEMBLEE PENDANT LA SECONDE PARTIE DE LA SESSION ORDINAIRE 2003

Discours de M. Jean-Claude Juncker, Premier Ministre du Luxembourg (mardi 2 décembre 2003)

« M. le Président, Mesdames et Messieurs, il est d'usage de dire, avant de s'adresser à une assemblée, que l'on éprouve un plaisir particulier à prendre la parole. En règle générale, cela n'est pas vrai. Mais cette fois-ci, la remarque s'impose car c'est pour moi, en effet, un grand plaisir de pouvoir m'adresser à cette assemblée présidée par mon ami Marcel Glesener, que je connais depuis des décennies et avec lequel j'ai fait un bout de chemin.

« De plus, j'ai le plaisir de prendre la parole en présence de mon ministre de la défense, qui est un ancien de la maison et qui fut votre président pendant des années. Et j'ai découvert en arrivant que se trouve parmi vous un nombre important de ceux que j'ai pu côtoyer dans mes diverses fonctions et dans leurs diverses activités. Je suis heureux de pouvoir les retrouver aujourd'hui.

« Votre Assemblée, connue par les uns, trop souvent mal connue par les autres, fut toujours, pour nous, Luxembourgeois, et pour les autres gouvernements de l'Union européenne, un forum de réflexion auquel nous tenions beaucoup, un cadre de réflexion pour canaliser la pensée parlementaire européenne en vue d'irriguer ensuite les sociétés politiques européennes, ainsi qu'un guide pour notre action publique et politique.

« Je ne vous apprendrai pas que la défense, c'est-à-dire la dimension européenne de la défense, est une ambition européenne déjà vieille. Dans les aléas de la conjoncture politique, on feint parfois de croire que l'idée d'inventer et de mettre sur pied une défense européenne est une idée neuve, apparue brutalement. Cela n'est pas vrai. La sécurité et la défense sont parmi les plus anciennes ambitions européennes puisque ceux qui, en 1952, avaient mis sur les rails la Communauté européenne du charbon et de l'acier, au vu des premiers succès de celle-ci, avaient immédiatement pensé mettre sur pied la Communauté européenne de défense. Celle-ci devint malheureusement la victime des errements parlementaires de l'Assemblée nationale française de la IVème République. Echec retentissant à l'époque mais qui, finalement, donna naissance à votre Assemblée, en 1954.

« Ceux qui n'avaient pas connu le succès qu'ils auraient dû connaître avec la Communauté européenne de défense ne désarmèrent pas, si je puis dire, puisqu'ils poursuivirent leur oeuvre européenne avec le Traité de Rome, mettant l'accent sur l'intégration économique, puisque l'intégration politique se révélait impossible à l'époque.

« Tout économique qu'était, dans ses dispositions, le Traité de Rome, il ne faut pas oublier que la finalité de l'intégration européenne fut à l'époque, resta ensuite et est aujourd'hui, par essence, politique. Nous l'avons bien vu le 7 février 1992, lors de la signature du Traité de Maastricht, qui mit au monde la politique extérieure et de sécurité commune et rappela l'objectif de défense commune.

« Il est normal que l'Union européenne s'implique fortement dans tout ce qui relève de la sécurité et de la défense. Voilà l'Union européenne qui, au 1 er mai 2004, sera composée de 450 millions d'hommes et de femmes. Voilà une Union européenne devenue marché intérieur après l'Acte unique de 1987, lequel représente un quart du produit intérieur brut mondial. Voilà ce grand marché intérieur, ce vaste ensemble démographique et géographique qui s'est doté, depuis le 1er janvier 1999, d'une monnaie unique. Il n'y a pas au monde ensemble régional plus cohérent que l'Union européenne.

« Cet ensemble cohérent mais incomplet est confronté aux même risques que tous les ensembles qui existent sur la carte politique mondiale, que tous les autres acteurs de la vie politique internationale. Il y a l'énorme défi du terrorisme, défi déjà vieux mais toujours présent à nos esprits, à cause des méfaits qu'il ne cesse de commettre. Il y a le problème de la prolifération des armes de destruction massive. L'Union européenne, comme les autres acteurs internationaux, est exposée aux troubles causés par les Etats que nos amis anglais appellent les « failed States ».

« Mais parmi les défis qui mettent en péril notre sécurité, il serait erroné de compter exclusivement les défis militaires, les défis stratégiques et les défis qui menacent la stabilité et notre sécurité. Il convient aussi de compter parmi les grands défis mondiaux le fait que 45 millions de personnes meurent chaque année de faim ou de malnutrition à travers le monde. Ce défi est tout aussi important que le terrorisme ou la prolifération nucléaire. Il est donc évident que l'Union européenne doit mettre en place des moyens civils et militaires pour faire face à cet ensemble hétéroclite de défis majeurs.

« Sur la voie de la mise en place de ces moyens civils et militaires, nous avons su, au cours des dernières années, réaliser un certain nombre de progrès. A lire les journaux, on pourrait croire que l'Europe est en crise permanente, nos échecs, nos faiblesses, nos défaillances cachant bien des succès que nous avons pu aligner depuis que le Traité de Maastricht, le Traité d'Amsterdam et, dernièrement, celui de Nice sont entrés en vigueur. Sachons que nous avons été capables de mettre en place les comités militaires. N'oublions pas que l'Etat-major européen existe déjà aujourd'hui. Il n'est pas à inventer.

« Il convient aussi de relever, non pas pour les savourer, mais pour constater leur existence, les quelques opérations d'envergure que l'Union européenne a su conduire ces dernières années. Je vous rappellerai l'opération « Concordia » que nous avons menée et que nous poursuivons jusqu'au 15 décembre, en Macédoine. Cette première opération militaire de l'Union européenne sera bientôt relayée par l'opération « Proxima ».

« Je vous rappellerai aussi que l'EUMP fait un travail remarquable en Bosnie. J'étais, il y a quinze jours, en Macédoine et en Bosnie et j'ai pu constater l'espoir et l'espérance que procurent les opérations « Concordia » et « Proxima » et mesurer la présence policière de l'Union européenne en Bosnie, où l'OTAN vient de décider, hier, de réduire les effectifs de la SFOR. Il n'est pas exclu qu'au cours des années à venir, une autre opération militaire prenant appui sur les structures de l'Union européenne vienne relayer la présence des troupes de la SFOR en Bosnie.

« Je vous rappellerai, dans cette même rubrique, l'opération « Artemis », qu'à la demande du Secrétaire général de l'ONU, nous conduisons à l'heure actuelle au Congo.

« Voilà un ensemble de réussites, institutionnelles, d'abord, opérationnelles ensuite, que l'Union européenne, sur la base des traités existants, a su conduire, me semble-t-il, avec succès.

« Il est évident, devant ce progrès, tempéré toutefois par le caractère inachevé de la logique entière de l'Union européenne, que de nouveaux progrès sont nécessaires, que de nouvelles frontières doivent être découvertes et que de nouvelles perspectives doivent être dégagées.

« La Conférence intergouvernementale est l'enceinte où ces progrès et ces perspectives doivent être dégagés et réalisés. Je veux parler de la nécessaire clarification de tout ce qui relève de la défense européenne. Devant la demande croissante d'Europe à travers le monde et le fait que, déjà, les 25 pays membres de l'Union européenne alignent un budget militaire de 160 milliards d'euros, il est évident que d'autres initiatives sont devenues indispensables. J'observe, avec inquiétude le plus souvent, avec amusement parfois, que l'on essaie de présenter le désir d'émancipation militaire de l'Europe comme voulant signifier, en fait, une espèce de putsch contre les Etats-Unis d'Amérique. Je dirai très simplement qu'à nos yeux, les Etats-Unis d'Amérique doivent rester l'allié privilégié des Européens lorsqu'il s'agit de faire en sorte que la paix et la stabilité règnent partout.

« Il est étonnant de voir que nos amis américains qui, au cours des décennies écoulées, ne cessaient de nous rappeler à l'ordre lorsqu'il s'agissait de prendre en charge une part plus importante de la responsabilité continentale, nous reprochent aujourd'hui d'avoir des velléités et des intentions, que d'ailleurs nous n'avons pas. Ce à quoi l'Europe prétend, c'est l'émancipation et la responsabilité continentales. Nous ne voulons pas le divorce et l'irresponsabilité d'action. C'est tout le contraire que nous voulons et par conséquent je considère, et continue à considérer, que le renforcement de la dimension européenne de l'Alliance atlantique est, en fait, bénéfique pour toutes les parties engagées. Il est curieux de voir - mais Thucydide le disait déjà - que les conflits intenses naissent toujours entre des semblables, entre ceux qui partagent les mêmes ambitions. A l'époque, les Grecs contre les Grecs. Aujourd'hui, les Européens contre les Européens et les Européens contre les Américains.

« En fait, nous partageons la même ambition. Nous sommes soudés des deux côtés de l'Atlantique par un même canon de valeurs et de convictions et, par conséquent, il n'y a pas lieu de créer de différends là où des similitudes existent partout. Ce que je dis au sujet de notre relation avec nos amis et alliés américains, je pourrais le dire avec la même verve de nos relations entre l'Union européenne et l'Alliance atlantique, car cette dernière doit rester, et restera, le fondement de notre sécurité.

« Il est évident qu'au moment où les chefs d'Etat et de gouvernement s'apprêtent à terminer, je l'espère en beauté, la Conférence intergouvernementale, exercice commencé il y a deux années par la Convention présidée par M. Giscard d'Estaing, nous devrons concentrer nos efforts pour pouvoir recentrer le propos européen en ce qui concerne la défense et la sécurité. Il ne fait aucun doute que la politique européenne en la matière ne sera pas le recours au seul usage de la force. Je sais bien que Blaise Pascal disait qu'il n'y a pas de justice sans la force. Mais dans un monde moderne compliqué, aux tendances et stratifications multiples, la maîtrise de la crise passe d'abord par des moyens civils, ensuite par des moyens militaires. Ce qui revient à dire que le futur ministre des affaires étrangères de l'Union européenne sera d'abord une instance de prévention et d'analyse, quelqu'un qui sera un « facilitateur pro-actif » de la stabilité et de la sécurité. Il s'agit, pour les Européens, de prévoir et de voir les conflits, afin d'aligner d'abord les moyens civils pour les empêcher et d'être en position de menacer de l'emploi de la force pour les dépasser s'il le faut.

« A mes yeux, l'Union européenne a besoin, dans le texte même de la nouvelle Constitution, d'une clause de défense mutuelle. Je suis un peu gêné, je l'avoue, par le débat qui a pu graviter autour de cette notion. Si l'intégration européenne est à finalité politique, si nous visons à augmenter, jour après jour, la masse importante de nos solidarités transnationales, il est évident que l'Union européenne et ses Etats membres doivent s'engager, entre eux-mêmes, à porter secours et assistance à celui qui serait attaqué de l'extérieur. Croit-on vraiment - je le dis pour les pays membres neutres - que si, demain, l'Autriche ou la Finlande était attaquée, nous resterions les bras croisés dans nos salons feutrés de Bruxelles et d'ailleurs pour observer la suite des événements ? Déjà, l'assistance mutuelle est dans les têtes. Pourquoi ne la mettrions-nous pas dans la Constitution elle-même ?

« Lors du conclave des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, les gouvernements du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne ont saisi leurs collègues d'un certain nombre de propositions, d'idées et de textes concernant la coopération structurée permanente en matière de défense. En ce qui nous concerne, dès mercredi dernier, nous avons apporté notre soutien à ce texte qui, à ce moment-là, était en gestation. Je continue à considérer que cette initiative prise par les trois gouvernements est une initiative heureuse parce qu'elle met à profit la nécessité pour nous de nous entendre sur le texte d'une Constitution européenne. Elle met à profit cette opportunité de ne pas manquer ce rendez-vous de l'histoire européenne avec les lendemains et les perspectives européennes. Comment pourrions-nous nous mettre d'accord sur une constitution qui, d'après un raisonnement sommaire de M. Giscard d'Estaing, devrait durer cinquante années, si nous ne prenions garde d'inclure dans son dispositif central une stratégie européenne de la défense et de prévoir les modalités de sa mise en oeuvre ? Par conséquent, je crois que l'intégration politique européenne restera inachevée tant qu'elle n'incorporera pas dans le dispositif central de ses ambitions la dimension de sécurité et de défense et aussi longtemps qu'elle ne mettra pas en place des modalités pratiques d'application de celle-ci.

« Je souhaiterais que cette coopération structurée permanente fasse partie non seulement de la Constitution mais de l'Union européenne elle-même, du Traité lui-même, qu'elle ne s'établisse pas en annexe au Traité ou en dehors du Traité. L'ambition pour l'Europe d'avoir un jour les jambes qui lui permettront de courir doit prendre place au coeur même de la Constitution, qui résume l'essentiel et la partie noble de nos ambitions communes. Cette coopération doit être structurée, inclusive, ouverte. Elle ne gêne pas la souveraineté d'entrée et l'autonomie de sortie de ceux qui s'y engageront.

« Je voudrais qu'on n'essaie pas de faire comme si l'intention de mettre en place une nouvelle cellule de planification opérationnelle était le début du commencement d'un éloignement de l'Union européenne de nos amis américains et de l'Alliance atlantique elle-même. J'aimerais qu'on mette un terme à ces procès d'intention que nous conduisons des deux côtés de l'Atlantique et je désirerais qu'ensemble, avec nos amis et alliés américains, nous prenions à coeur le souci de rendre plus forte la dimension européenne de la défense et le pilier européen de l'Alliance atlantique.

« A côté de ce problème, d'autres restent pendants, notamment celui du contrôle parlementaire de la politique européenne de sécurité et de défense. Pour autant que ces éléments de suivi et de contrôle parlementaire relèveront d'un ensemble cohérent communautaire, il est évident que ce contrôle doit pouvoir être exercé par l'instance parlementaire prévue à cet effet par les Traités et par la Constitution. Dans la mesure où des éléments intergouvernementaux perdureront, un forum interparlementaire, dont votre Assemblée fera partie pour l'animer à titre principal, devra être mis en place pour nous assurer que ne se glissent pas dans les dispositifs d'ensemble des pans entiers où aucun contrôle parlementaire ne s'exercerait.

« Tels sont, Mesdames et Messieurs, brièvement exposés, les quelques éléments dont je voulais parler devant vous. Nous ne sommes pas encore arrivés au bout de nos peines. Il est clair qu'en matière de politique extérieure de sécurité et de défense, l'Europe n'est qu'au début de ses ambitions. Beaucoup de temps et de patience seront nécessaires pour arriver à bon port. Il n'y a pas d'aventure noble et pas de longue distance qui n'aient besoin de patience. »

A propos des « coopérations structurées », M. Juncker s'est gardé de « faire des prévisions ». La coopération structurée est une variante de la coopération renforcée telle qu'elle est prévue dans les traités communautaires et telle qu'elle sera inscrite dans la nouvelle Constitution. Ce n'est pas une innovation sur la scène européenne : il y a eu régulièrement des formes de coopération particulière entre pays volontaires, par exemple la Convention de Schengen ou l'Union économique et monétaire. Cinq, six ou sept pays membres décident de s'engager sur une voie que d'autres membres ne veulent pas suivre. C'est ainsi qu'a été signé le Traité de Maastricht qui a donné naissance à l'euro, lequel durera certainement plus longtemps que le Premier ministre luxembourgeois ! D'autres pays de l'Union ont rejoint depuis l'espace monétaire européen.

Il faut faire cependant une distinction entre la coopération structurée dans le domaine militaire et les coopérations renforcées dans d'autres domaines : ces dernières associeront les États qui ne veulent pas que l'Union européenne se transforme en simple zone de libre-échange. »

A propos des incertitudes sur la « clause de solidarité », M. Juncker précise :

« Lorsque nous évoquons le concept de défense mutuelle, je considère, comme vous, qu'il doit s'agir d'une agression armée qui viendrait de l'extérieur. Je pense d'ailleurs que ceux qui ont élaboré l'initiative franco-germano-britannique l'ont bien située dans ce cadre-là. Tout ce qui n'est pas militaire relève du devoir d'assistance - catastrophes naturelles et autres - et se place dans le domaine de l'assistance et de la protection civile.

« Doit faire partie de la stratégie européenne l'analyse des menaces qui concernent plus directement l'Europe. Il n'est pas évident que nous pourrions répondre à ces menaces en ayant recours à des moyens militaires mais, pour l'essentiel, il est évident que la clause de défense mutuelle doit s'appuyer sur l'hypothèse d'une agression armée qui nous viendrait de l'extérieur, sans toutefois mettre en péril l'article V qui, comme l'Alliance atlantique, doit rester le fondement de notre défense transatlantique. Pour rendre crédible le multilatéralisme effectif auquel nous prétendons, l'Union européenne doit pouvoir aligner des moyens militaires et que, dans le cadre d'un multilatéralisme effectif, elle doit être apte à pouvoir répondre de façon positive aux demandes qui lui seraient adressées par le Secrétaire général de l'ONU ou son Conseil de sécurité. De ce point de vue, il est évident que tous les textes européens en la matière doivent se référer directement à la charte des Nations unies et à l'article 51. »

Revenant sur la dimension parlementaire, M. Juncker déclare :

« En ce qui concerne le contrôle parlementaire de la politique européenne de sécurité et de défense, il est évident, à mes yeux, que là où celle-ci sera communautaire, la compétence parlementaire devra être communautaire, et là où celle-ci restera intergouvernementale, le contrôle parlementaire devra rester intergouvernemental et, en tant qu'Assemblée, vous avez adopté des résolutions qui portent sur le forum interparlementaire, propositions auxquelles nous souscrivons.

« La surveillance et le contrôle parlementaire découleront, dans ses différentes catégories d'application, de l'intensité des dispositions que renfermera la Constitution. Je le répète, là où la politique de sécurité et de défense sera devenue communautaire - relevant, dans l'ancienne logique du Traité de Maastricht, du premier pilier - le contrôle doit être européennement parlementaire. Là où elle restera intergouvernementale, il faudra créer un forum interparlementaire pour s'occuper de cette tâche, importante en démocratie.

« Pour ma part, je ne verrais aucun inconvénient à ce que votre Assemblée, qui a une longue expérience en la matière et qui se réunira pour la cinquantième fois l'année prochaine, soit chargée de ce travail.

« Pour le reste, mon gouvernement compte évoquer, lors des travaux préparatoires de la Conférence intergouvernementale et de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, la question de la dimension parlementaire de la politique européenne de sécurité et de défense. C'est un aspect des choses qui a son importance et qui, jusqu'à présent, a été sous-estimé par ceux qui ont pris des initiatives en la matière. Nous comptons évoquer ces problèmes lors de la réunion à Bruxelles, à la fin de ce mois, des chefs d'Etat et de gouvernement. »

Intervention de Lord Bach, Ministre du Royaume-Uni chargé des acquisitions de défense (mardi 2 décembre)

Lord Bach, tout d'abord, exprime son grand plaisir à s'exprimer devant l'Assemblée et note qu'il est le premier ministre britannique à y prendre la parole depuis l'intervention de Lord Robertson en 1998. Son discours vient à point nommé, le mois même où le Secrétaire général de l'OTAN quitte ses fonctions. Il souhaite rendre hommage à Lord Robertson pour le travail exceptionnel qu'il a mené, avec le souci permanent de l'intérêt de tous les pays concernés.

Il salue l'Assemblée parlementaire et tout particulièrement la délégation britannique de la Chambre des Communes. Il se dit ravi et honoré d'exposer la position du Royaume-Uni sur les questions de défense et de sécurité en Europe ainsi que sur la conférence intergouvernementale.

L'Europe connaît aujourd'hui des transformations considérables, avec notamment l'élargissement de l'Union européenne à 25 et celui de l'OTAN à 26. Dans le cadre de la PESD, deux opérations militaires ont été conduites avec succès, une opération civile est en cours et une autre est planifiée. Le Traité constitutionnel fait l'objet de négociations serrées. Débattre de la politique de sécurité et de défense est ainsi pleinement d'actualité.

La PESD permet à l'Union européenne de poursuivre son objectif global dans les situations de gestion de crises lorsque l'OTAN en tant que telle n'est pas engagée. Les missions de Petersberg incluent tant des opérations de maintien de la paix que des opérations humanitaires. Le catalogue d'Helsinki comporte encore quelques lacunes en matière de transport stratégique, de drones, de ravitaillement en vol ou d'armement nucléaire, bactériologique ou chimique. Le Royaume-Uni estime que ces lacunes limitent les capacités européennes. Des groupes de projet sont au travail pour les combler mais les Etats doivent s'engager plus avant au plan national pour offrir des solutions aux problèmes de capacités.

L'Union européenne entend formuler un nouvel objectif global : le Royaume-Uni se félicite de la contribution positive de la France et de l'Italie sur cette question, qui met en avant des objectifs de qualité et d'interopérabilité ; il entend participer à la définition d'un plan d'action détaillé.

Les activités opérationnelles de l'UEO ont été transférées à l'Union européenne en 2000. Le Royaume-Uni a appuyé ce processus qui s'est traduit par les opérations Artémis en République du Congo ou Concordia en ARYM, cette dernière ayant montré que le partenariat stratégique avec l'OTAN était efficace ; de même par la mission de police en cours en Bosnie.

Le Royaume-Uni estime nécessaire de renforcer les relations opérationnelles entre l'Union européenne et l'OTAN. Dans le cadre des missions de police, la première doit pouvoir faire davantage appel aux moyens de la seconde, pourvu que la plus grande transparence prévale.

Le Royaume-Uni juge, d'autre part, que l'Union européenne doit avoir les capacités de mener des opérations sans recourir aux moyens de l'OTAN, afin de répondre rapidement aux besoins. L'opération Artémis est un bon exemple de ce qu'elle peut faire. Le Royaume-Uni est très attaché à la paix et à la stabilité en Afrique.

L'Union européenne doit être en mesure de déployer des forces en l'espace de quinze jours pour répondre à une crise dans le cadre d'un objectif cohérent et bien identifié, que ces forces soient mises à la disposition par une nation ou plusieurs. Il peut s'agir de répondre à une demande des Nations unies ou à un besoin à court terme, par exemple dans l'attente de l'arrivée des Caques bleus ou d'une intervention d'une organisation régionale sous mandat de l'ONU. Le rapprochement entre celle-ci et l'Union européenne est une très bonne chose. Le Royaume-Uni est enfin favorable à la mise en place de la FRO, structurée sur la base du volontariat et intervenant au cas par cas ; cette force garantit des capacités de réaction rapide.

Le projet de Traité constitutionnel contient des propositions nouvelles en matière de PESD qui permettront notamment une meilleure gestion de crises survenant en dehors de l'Union européenne. Le Royaume-Uni est favorable à la mise à jour des missions de Petersberg, à la création d'une Agence de défense européenne et à l'insertion d'une clause de solidarité en cas d'attaque terroriste ou de catastrophe naturelle, étant entendu que cette disposition ne saurait être une garantie de défense territoriale. Le Royaume-Uni souhaite que l'Union européenne développe une PESD puissante et efficace en partenariat stratégique avec l'OTAN, pourvu que les nouvelles coopérations ne mettent pas en péril les arrangements militaires détaillés du Traité de Nice, qui offrent flexibilité et ouverture. Seules des coopérations structurelles répondant à des critères précis et destinées à définir des capacités projetables plus efficaces sont acceptables.

Le Royaume-Uni a toujours participé activement aux débats sur la création d'une Agence intergouvernementale de défense qui pourrait aider les Etats membres à améliorer leurs capacités militaires, fournir un cadre cohérent au développement des forces et promouvoir la coordination des efforts nationaux. Une évaluation de l'efficacité des forces nationales est d'ailleurs proposée dans le cadre du catalogue d'Helsinki. L'Agence mettrait avant tout l'accent sur les capacités. Elle pourrait travailler en relation étroite avec les institutions existantes : GAEO, OAEO, OCCAR, Lettre d'intention prévue dans l'accord cadre.

Des dispositions adaptées devraient permettre aux Etats non membres de l'Union de continuer à être associés dans un certain nombre de domaines. L'Agence devra lever les entraves à la coopération industrielle tout en évitant de faire de l'Europe une forteresse en ce qui concerne les acquisitions. Ce qui est recherché, c'est une industrie européenne forte, moins fondée sur la nationalité des fabricants, afin de favoriser son développement technique, de créer de nouveaux emplois, de renforcer des capacités, d'attirer les investisseurs.

Confrontée à de nouvelles menaces, à de nouveaux défis, l'Europe doit prouver sa capacité à réagir. C'est possible, car les pays qui la composent partagent les mêmes préoccupations essentielles. Le Royaume-Uni veut une PESD souple et ouverte, qui mette l'accent sur la gestion des crises et sur l'amélioration des capacités de défense. Pour cela, il n'est point besoin de créer de nouvelles institutions. Il faut aussi travailler avec l'OTAN afin d'éviter les doubles emplois et la concurrence.

Les choses ont bien avancé, mais il faut encore redoubler d'efforts pour que l'Union européenne renforce ses capacités militaires, ce qui suppose que chaque Etat le fasse également. C'est ainsi que la PESD sera efficace et que les nations d'Europe joueront pleinement leur rôle dans les affaires internationales.

Discours de M. Dick Roche, Ministre délégué auprès du Premier Ministre de l'Irlande, chargé des Affaires européennes, représentant la Présidence Irlandaise de l'Union Européenne pendant le 1er semestre de 2004 (mercredi 3 décembre)

« M. le Président, Mesdames et Messieurs, je suis très heureux d'être aujourd'hui à Paris pour m'adresser à l'Assemblée alors que l'Irlande s'apprête à reprendre la présidence de l'Union européenne le 1er janvier de l'année prochaine. Cela fait longtemps que je suis associé à la délégation irlandaise de l'Assemblée, ayant été à la tête de la délégation pendant un certain nombre d'années. C'est un grand plaisir d'être de retour dans cet hémicycle. Je suis parmi vous aujourd'hui dans d'autres fonctions, mais comme vous l'avez dit, M. le Président, je porte un intérêt particulier à cette Assemblée et à la continuité de ses travaux. Je lui porte un intérêt très personnel car cette Assemblée regroupe de façon tout à fait unique des personnes venues de toute l'Europe.

« Nous nous réjouissons dès à présent de notre présidence mais nous sommes conscients de l'énormité du défi auquel va être confronté notre petit pays. Nous allons reprendre la présidence à un moment crucial dans le développement de l'UE, surtout en ce qui concerne la politique étrangère et de sécurité. L'Union va connaître une expansion historique et accueillir de nouveaux membres d'Europe centrale et orientale. C'est un honneur pour nous d'assumer la présidence à ce moment précis de l'élargissement mais nous ne devons en aucun cas sous-estimer l'importance de ce développement dans l'histoire de l'Europe. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, le 1er mai 2004 sera un moment très important pour la présidence irlandaise et pour l'Europe. Les maux, les horreurs du siècle passé et les injustices vont prendre fin. Un chapitre de l'histoire va ainsi se refermer et un nouveau chapitre va s'ouvrir qui, je l'espère, sera caractérisé par la paix et la prospérité.

« La présidence irlandaise aura lieu également à un moment qui pourra être considéré, dans les années à vernir, comme décisif pour les relations internationales. Des divisions au sein de la communauté internationale au cours de l'année écoulée ont souligné la nécessité de mettre au point un système international multilatéral plus rationnel. Les défis auxquels nous sommes confrontés ne peuvent pas être résolus par l'action unilatérale d'un pays ou d'un groupe de pays. Quelle que soit l'ampleur de ses ressources et quelle que soit sa détermination, aucun pays ni aucun groupe de pays ne peut faire cavalier seul. Kofi Annan, dans son rapport sur l'application de la Déclaration du Millénaire, a bien cerné le problème. Il a dit : « les défis pour la paix et à la sécurité aujourd'hui ont une dimension mondiale... Ils nécessitent des réactions complexes et collectives, qui ne sont possibles que si la toile des institutions multilatérales est développée de façon de façon adéquate et est utilisée à bon escient. »

« Je suis persuadé que l'UE a un rôle clé à jouer lorsqu'il s'agit de s'attaquer à ces défis. En tant que présidence entrante, l'Irlande mettra tout en oeuvre pour faciliter cette tâche. Comme les membres de l'Assemblée le savent, l'Irlande est un pays neutre, et nous resterons neutres. Nous sommes non-alignés et le peuple irlandais souhaite que nous le restions. Etre neutres ou non-alignés ne signifie pas que nous nous désintéressions de la paix ou que nous ne soyons pas disposés à supporter notre part du fardeau de la paix. L'engagement de nos modestes moyens sous le drapeau des Nations unies pendant de nombreuses années montre que nous sommes des ardents défenseurs de la paix.

« Dans un monde avide de paix, l'Union européenne a un rôle très important à jouer. N'oublions pas ce qui constitue en premier lieu le ciment de l'Europe. En tant que communauté de valeurs, l'UE est mieux placée que quiconque pour jouer un rôle plus fort dans le soutien de la paix et la sécurité, des droits de l'homme et du développement. Avec l'arrivée de dix nouveaux Etats membres en mai 2004, l'Union européenne élargie comptera 450 millions d'habitants. La population de ces 25 pays représente un quart du PNB mondial. Il ne fait aucun doute que l'Union européenne est devenue un acteur planétaire. Mais notre taille et notre prospérité nous imposent des obligations et des responsabilités morales dans ce monde agité où nous sommes appelés à jouer un rôle.

« Nous devrions être prêts à utiliser cette position pour partager notre responsabilité en matière de sécurité et de prospérité sur le plan mondial. Je suis persuadé que l'UE est mieux placée que quiconque pour jouer un rôle très important au service de la paix et de la sécurité, des droits de l'homme et du développement, et je sais que mes opinions et mes convictions à cet égard sont partagées par chacun des membres de cette Assemblée.

« C'est précisément ce qui sous-tend la stratégie européenne de sécurité. L'importance accrue accordée au rôle de l'Union dans les affaires internationales a conduit cette année à la décision d'élaborer une stratégie. Alors que trop souvent les documents de l'UE sont longs et ennuyeux, je peux dire que les propositions qui ont été faites par le Secrétaire général et Haut Représentant M. Solana sont remarquablement vastes et, surtout, remarquablement lisibles. M. Solana a développé une approche holistique, en matière de sécurité, qui va au delà des aspects purement militaires car la paix ne se construit pas toujours par les armes.

« La version définitive de la stratégie, qui sera présentée aux chefs d'Etat et de gouvernement au Conseil européen de décembre peaufinera et affûtera certaines idées de la version précédente de ces propositions, tout en restant, je l'espère, un document facile à lire et facile d'accès. Cette accessibilité est de plus en plus importante - je ne l'apprendrai pas aux membres de l'Assemblée - si l'on veut s'assurer que l'opinion publique soutienne cette initiative. Pour que l'opinion publique adhère au rapport définitif, il faut qu'il soit lisible, accessible et qu'il s'impose de lui-même aux citoyens européens.

« Je ne doute à aucun moment que le souci de faire de cette stratégie la propriété du public sera en harmonie avec l'importance que cette Assemblée accorde à la nécessité de porter les développements en matière de sécurité et de défense à la connaissance des citoyens européens. Dans vos aimables remarques liminaires, M. le Président, vous avez évoqué mes préoccupations à propos de l'Assemblée, et l'une des raisons de l'intérêt que je lui porte est qu'elle a la capacité de s'adresser aux citoyens des quatre coins de l'Europe.

« Le document de stratégie sera un guide politique important pour les actions de l'Union dans les mois à venir et il ne doit naturellement pas être considéré comme un document statique. Il faudra bien sûr l'adapter en fonction des circonstances car la seule certitude que nous ayons dans le monde d'aujourd'hui, c'est que les changements sont inévitables.

« Il appartiendra à l'Irlande de guider l'Union lorsqu'elle commencera à mettre en oeuvre ces recommandations et nous travaillons en étroite coopération avec la présidence italienne et les institutions de l'Union pour identifier les domaines dans lesquels les démarches définies par ce document appellent une suite concrète. De plus, il importera de traiter ce texte comme un document vivant qui devra être adapté en fonction des circonstances.

« Le suivi du document ne peut évidemment pas être envisagé sans tenir compte des résultats de la CIG. L'un et l'autre sont indissolublement liés.

« Il n'est pas possible dans le temps qui m'est imparti de présenter tous les aspects de la stratégie, mais je voudrais mettre en exergue quatre domaines d'action particuliers.

« D'abord, la culture de la prévention qui sous-tend le document doit être accompagnée de stratégies de réaction et de reconstruction dans des situations de crise et d'après-crise. Ici l'Union est en position de force parce qu'après tout, l'interface civilo-militaire est un avantage comparatif très important de l'Union européenne. L'expérience dans les Balkans nous en fournit la preuve et j'espère que nous aurons la possibilité de mettre cela en pratique, l'UE devant prendre la relève de la mission actuelle de la SFOR en Bosnie-Herzégovine.

« Le deuxième aspect qui me paraît particulièrement important dans le cadre de cette stratégie est le multilatéralisme effectif. Le document met en évidence les défis que représente le soutien et l'application durable d'un multilatéralisme effectif. Je crois qu'il est possible d'établir des liens fructueux et mutuellement profitables entre ce que l'Union européenne cherche à faire et les efforts actuels déployés par Kofi Annan pour relancer et mettre à jour les stratégies des Nations unies.

« Le troisième élément est le système multilatéral fondé sur les Nations unies. Nous devons étudier de près les moyens de le renforcer, notamment en ce qui concerne la non-prolifération et les mesures contre les armes de destruction massive. Un engagement constant à faire respecter et à développer le droit international est essentiel.

« Enfin, nous avons la question de la coordination civile et militaire. Le document explique l'importance de la coopération entre les civils et les militaires dans le cadre du développement de la politique européenne de sécurité et de défense. La stratégie souligne également le fait que l'Union européenne se fondera sur le monde réel et sur des approches réalistes. Les objectifs devraient correspondre aux instruments dont dispose l'Union européenne. On peut s'attendre à ce que le Conseil européen de décembre identifiera des domaines d'actions spécifiques de la stratégie qui seront développés pendant la présidence irlandaise.

« L'Union européenne a un certain nombre de points forts dans ce domaine et dispose d'une vaste gamme de capacités qui la distingue d'autres organisations. Elle doit utiliser ces points forts. La PESD, qui fait partie intégrante de la PESC, n'est qu'un élément de la vaste gamme d'instruments dont dispose l'Union européenne. Ces instruments comprennent aussi l'assistance en matière de coopération et de développement, la politique commerciale ainsi que des mesures diplomatiques et politiques. Donner davantage de cohérence et d'efficacité à notre action extérieure collective signifie maîtriser ces instruments pour atteindre les objectifs que nous avons en commun et cela doit permettre à l'Union européenne de développer une approche plus vaste des problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que communauté internationale.

« La Conférence intergouvernementale, à laquelle participent les membres actuels et futurs de l'UE, est un élément important pour l'évolution de la position qu'occupera l'Union européenne sur la scène internationale. Tant la CIG que la Convention sur l'avenir de l'Europe ont donné lieu à des échanges de vues très utiles et intéressants sur la façon dont on peut améliorer l'action de l'Union européenne sur la scène internationale. Nous sommes à la veille de la conclusion de la CIG et il est important que ses travaux respectent les résultats des travaux de la Convention.

« L'Irlande a approuvé la plupart des idées avancées par la Convention, et souhaite ardemment que les résultats des négociations de la CIG soient complets et équilibrés. Quelle que soit la date à laquelle se termineront ces négociations, il semble d'ores et déjà que les grandes lignes de l'accord qui commence à se dessiner auront des retombées positives de grande ampleur pour l'UE. Je pense qu'il faudra tenir compte de l'impact de tout cela sur la gestion au jour le jour des affaires de l'Union européenne à tous les niveaux. Je considère que ceci n'est pas un problème, mais plutôt une chance, et pendant sa présidence de l'Union européenne, l'Irlande se tiendra prête à faciliter tout approfondissement qui se révélerait nécessaire dans la foulée de la Conférence intergouvernementale.

« Toutes ces considérations, ainsi que celles découlant des résultats de la CIG seront source d'informations en matière de sécurité et de défense pour la présidence irlandaise. De façon plus spécifique, il a déjà été possible d'identifier un certain nombre de questions relatives à la PESD, et il reviendra à la présidence irlandaise d'essayer de les développer.

« Pour cette seule année, l'Union a déjà entrepris trois opérations au titre de la PESD. Pendant l'été, elle a travaillé en étroite coopération avec les Nations unies à l'occasion d'une mission de stabilisation à Bunia en République démocratique du Congo. Cette opération et la mission de suivi militaire dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine qui doit prendre fin à la mi-décembre ont toutes deux été couronnées de succès. L'Union européenne a bien sûr repris cette dernière opération de l'OTAN. Ces deux opérations, qui suivent des modèles très différents, montrent de façon tangible le chemin que l'Union européenne a parcouru en très peu de temps en ce qui concerne sa capacité d'assumer ses responsabilités internationales. Je crois qu'à cet égard, il faut rendre un hommage tout particulier à la France qui a bien voulu assumer le rôle de nation-cadre dans chacune des missions qu'elle a su très bien gérer.

« Je voudrais aussi dire que ces deux missions ont produit une base solide pour le développement de la future coopération entre l'Union européenne et les Nations unies, et pour les relations UE-OTAN dans un cadre propice à des accords à ce niveau de coopération. Les relations entre l'Union européenne et ces deux organisations resteront essentielles pour le développement de la PESD dans les mois à venir. A cet égard, je préfère une approche pratique en fonction des opérations.

« La présidence irlandaise s'attachera à faire avancer les travaux en cours sur les opérations actuelle et futures de la PESD. Je pense à la mission de police de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine et à la mission de police de l'Union européenne dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine, connue sous le nom d'opération Proxima, qui sera lancée ce mois-ci. Les enseignements déjà tirés de ces actions pour ces deux opérations militaires seront également pris en considération par la présidence irlandaise.

« De plus, l'Union européenne sera appelée à s'occuper d'une mission de suivi de la SFOR en Bosnie-Herzégovine. Si cette opération se concrétise, elle représentera un énorme défi pour elle en raison de son ampleur. L'opération de la SFOR est en effet une opération beaucoup plus vaste, beaucoup plus complexe que toutes les opérations menées jusqu'à ce jour dans le cadre de la PESD. On peut supposer que toutes les forces de suivi de l'Union européenne continueront d'opérer sur la base du chapitre VII, à savoir dans le cadre d'un mandat d'imposition de la paix émanant du Conseil de sécurité des Nations unies.

« Pendant sa présidence, l'Irlande prendra des mesures pour faciliter la reprise de la SFOR par l'Union européenne dans le cadre des relations UE/OTAN. Une liaison très étroite avec les membres de l'OTAN qui ne sont pas membres de l'Union européenne sera également une priorité. Il faudra aussi souligner que le cadre convenu en matière de coopération entre les deux organisations comprend des principes garantissant l'autonomie des organisations et interdit toute discrimination à l'encontre d'un membre de l'Union européenne.

« Une éventuelle mission d'assistance en matière de police en République démocratique du Congo pourrait avoir lieu, et l'Irlande en facilitera, si nécessaire, la planification.

« Et il ne fait aucun doute que le développement des opérations de gestion de crise continuera d'être d'une très grande importance. Les objectifs quantitatifs fixés par les précédents Conseils européens pour 2003 ont été atteints dans une très grande mesure, en dépit des problèmes rencontrés dans certains domaines, et il faudra maintenant mettre l'accent sur les aspects qualitatifs des capacités dans les domaines civil et militaire. Les capacités supplémentaires apportées par les nouveaux Etats membres à partir du 1er mai 2004 devraient être un jalon important dans le développement de la PESD.

« En ce qui concerne les capacités militaires, des progrès seront obtenus par le biais du plan d'action européen sur les capacités. Il faudra aussi vraisemblablement commencer à travailler, pendant la présidence irlandaise, sur un certain nombre d'objectifs en matière de capacités de gestion de crises militaires de l'Union européenne après 2003.

« En outre, le Conseil européen de Thessalonique a décidé qu'une agence intergouvernementale pour les capacités de défense devrait être mise en place d'ici la fin 2004. Une équipe a été chargée de sa création, et il devrait déjà y avoir des avancées pendant la présidence irlandaise.

« De plus, l'Irlande s'occupera de mettre au point les dispositions nécessaires en matière de planification d'opérations militaires autonomes de l'Union européenne. De manière générale, l'Irlande serait favorable à ce que la duplication des ressources et capacités militaires soit limitée au maximum. C'est une question de simple bon sens. Les futures propositions devraient s'inspirer de la PESD telle qu'elle a été définie jusqu'à ce jour et devraient être conformes aux principes convenus dans le cadre des relations UE-OTAN. Sous notre présidence de l'Union européenne, nous veillerons tout particulièrement à ce que les propositions relatives à la dimension de la PESD soient développées d'une manière inclusive et transparente.

« En ce qui concerne les aspects civils de la gestion de crise, le développement des capacités en rapport avec la police et les personnels chargés du maintien de l'ordre constitueront une priorité. La coordination entre les civils et les militaires sera également prioritaire, surtout si l'UE reprend les rênes de la SFOR.

« Un thème récurrent de notre présidence sera notre soutien et notre engagement en faveur du multilatéralisme effectif qui est au coeur même de la stratégie de sécurité européenne.

« Les Nations unies jouent un rôle fondamental à cet égard. Pendant sa présidence, l'Irlande souhaite que l'Union fasse mieux entendre sa voix à l'ONU et contribue pleinement à ses réformes. L'Union européenne, en tant que groupement de 25 pays, aura la possibilité exceptionnelle d'apporter une contribution positive au fonctionnement des Nations unies qui soutiennent les valeurs de l'Union. L'Union européenne est née dans une Europe qui se remettait des horreurs de deux guerres mondiales. A partir du chaos, nous avons créé une union unique en son genre, vouée à la paix. Cette paix a été forgée en Europe et l'Europe doit maintenant aider à forger cette même paix dans d'autres endroits agités de la planète.

« Il faudra donc apporter une contribution à la réforme globale des Nations unies et coopérer très étroitement avec celles-ci pour les questions de gestion de crise. Kofi Annan s'est félicité du développement des capacités de l'Union européenne pour la gestion de crise civile et militaire et les Nations unies ont de plus en plus recours à un certain nombre d'organisations régionales pour les aider à accomplir d'importantes tâches de maintien de la paix et de résolution des conflits. J'exprime aussi l'espoir de voir, dans le cadre de l'évolution de la PESD, se renforcer les relations avec l'Union européenne et avec les Nations unies.

« En septembre 2003, une déclaration politique sur la coopération en matière de gestion de crise a été signée par la présidence italienne et par le Secrétaire général des Nations unies. La présidence irlandaise s'efforcera concrètement de mettre en oeuvre cette déclaration. Ceci impliquera dans un premier temps l'engagement d'un dialogue pratique avec le Secrétariat des Nations unies et nous devrons aussi travailler en étroite coopération avec nos partenaires tout au long de notre présidence. Nous aspirons ainsi à réaliser un certain nombre d'avancées concrètes au premier semestre 2004.

« La prévention des conflits sera aussi un important thème récurrent de notre présidence. Dans ce domaine où les Etats luttent pour mettre au point de nouvelles stratégies afin de prévenir et de résoudre des conflits, le multilatéralisme effectif est crucial. Dans ce domaine aussi, toutes les institutions de l'Union européenne, compétentes dans les domaine politique, de la sécurité, de l'économie et du développement, doivent être utilisées de façon cohérente.

« Ensemble avec les partenaires de l'Union européenne, la présidence irlandaise s'emploiera à mettre en oeuvre un Programme de prévention de conflits violents visant à intégrer cet important objectif dans les relations de l'Union avec le reste du monde. Conformément à la pratique établie, un nouveau rapport annuel sera soumis au Conseil européen de 2004.

« Dans le cadre de nos activités dans ce domaine, une conférence de l'Union européenne sur la prévention des conflits aura lieu à Dublin fin mars, début avril. Elle mettra l'accent en particulier sur le rôle de la société civile et des organisations non gouvernementales en matière de prévention des conflits, et sur l'interface entre la PESC, la PESD et les activités d'assistance au développement - autrement dit, elle tentera d'assembler les trois côtés du triangle.

« Je voudrais aussi dire quelques mots sur le partenariat transatlantique qui sera également un élément clé de la présidence irlandaise. Depuis longtemps, l'Irlande estime que de bonnes relations entre l'Union européenne et les Etats-Unis sont essentielles pour l'Union européenne, surtout dans le cadre d'une politique triangulaire. L'autre côté de ce triangle est un engagement très ferme à l'égard des Nations unies, allié à une PESC cohérente et efficace. Nous pouvons de toute évidence obtenir de biens meilleurs résultats par la coopération - nous l'avons vu dans les Balkans, dans la lutte contre le terrorisme mondial et en Afghanistan. Ici, les Européens et les Américains voient les choses de la même façon et souhaitent aller de l'avant.

« Cette relation, qui est vitale pour la sécurité et la prospérité de l'Europe et des Etats-Unis, est forte, sûre et existe depuis longtemps. Il ne s'agit pas de construire des passerelles entre l'Europe et les Etats-Unis : les liens de parenté, d'amitié et de coopération sont trop forts pour cela. Bien que nous ne soyons pas toujours d'accord sur tout, nous sommes déterminés, pendant notre présidence de l'Union européenne, à trouver le moyen de développer encore davantage et d'approfondir la coopération déjà étroite qui existe entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

« Enfin, M. le Président, et ce n'est pas la chose la moins importante, je voudrais parler du contrôle parlementaire des questions de défense et de sécurité que vous avez évoqué dans vos observations liminaires. Je voudrais souligner le rôle capital que l'Assemblée de l'UEO a joué dans le passé et qu'elle continuera de jouer à l'avenir. L'importance du développement de la communication dans le domaine de la sécurité et de la défense ne doit pas être sous-estimée. L'Assemblée y a beaucoup contribué. Je me souviens que dans les années 1960, quand j'étais enfant, on disait « jawjaw is better than war-war » (Mieux vaut discuter que se faire la guerre). S'il est un lieu où cette formule s'applique, c'est bien ici.

« Le rôle des parlements nationaux est une des diverses autres questions que la Convention sur l'avenir de l'Europe a dû examiner en vue de la Conférence intergouvernementale. Et je suis ravi que dans ses délibérations, la Convention reconnaisse l'importance du rôle des parlements nationaux, lien vital entre l'Union et ses citoyens. Il est important qu'une disposition renforçant le rôle des parlements pour assurer le suivi des affaires de l'Union européenne soit incorporé dans le projet de Traité constitutionnel. »

M. Roche a encore répété qu'un contrôle interparlementaire est indispensable. La seule voie à suivre au Proche-Orient est celle de la « feuille de route ». Les deux parties doivent comprendre qu'elles n'ont d'autre solution que de s'accepter et le bon sens doit enfin l'emporter. Le ministre des affaires étrangères irlandais s'est rendu récemment dans la région, où il a rencontré Yasser Arafat et pris des contacts avec des responsables israéliens. L'Irlande est évidemment bien placée pour connaître les vertus du dialogue.

M. Roche estime que la neutralité n'est pas un obstacle à la PESD. Il rappelle que le contingent irlandais est le plus grand d'Europe et que son pays intervient systématiquement lorsqu'une opération de maintien de la paix est menée dans le monde. Preuve qu'être neutre n'empêche pas de jouer un rôle important en matière de sécurité. Il considère donc que le pacte de défense mutuelle n'est pas indispensable et ne croit pas à la possibilité d'une Europe de la défense à deux vitesses. Les Européens devront simplement faire preuve d'imagination pour que le nouveau traité ne permette l'exclusion d'aucun pays.

Cette seconde partie du rapport annuel de la Délégation française à l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale, outre un rappel des modifications intervenues dans la composition de la Délégation française, rend compte de l'activité des vingt-quatre délégués élus par l'Assemblée nationale et des douze délégués élus par le Sénat, au cours du second semestre de la session ordinaire de 2003.

Les débats, notamment en séance plénière, auxquels ont participé les membres de la Délégation française ont principalement porté sur la guerre en Irak et sur les relations entre l'Europe et les États-Unis, l'évolution de la relation transatlantique et les divergences d'approche envers l'émergence d'une Europe de la sécurité et de la défense, sans négliger la question des capacités autonomes.

* (1) M. De Decker a salué la mémoire de Robert Pontillon, et rappelé l'oeuvre de M. Jean-Marie Caro, parmi les Présidents de l'Assemblée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page