c) Le « tunnel de l'anglais » commence à l'école

(1) Une offre restreinte par l'objectif de continuité avec le collège : l'enjeu de la carte des langues

S'il existe quelques exceptions (voir encart), la gestion de l'articulation entre l'école primaire et le collège, dans le cadre de la carte académique des langues, conduit le plus souvent à restreindre l'offre de langues en primaire. En effet, en vertu de l'objectif de continuité des apprentissages, le choix des langues en primaire dépend de l'offre proposée en LV1 dans le collège du secteur 19 ( * ) .

UN EXEMPLE DE GESTION AMBITIEUSE DE LA TRANSITION
ENTRE ÉCOLE ET COLLÈGE

La circulaire adressée par l'Inspecteur d'académie de Seine-Maritime aux IEN pour l'organisation de l'enseignement de langues vivantes à l'école élémentaire à la rentrée 2003 démontre une volonté résolue de diversifier l'offre de langues dès l'école primaire :

« Il conviendra donc de ne plus limiter exclusivement l'enseignement d'une langue vivante à la LV1 enseignée dans le collège du secteur de recrutement auquel une école appartient, mais de faire l'offre la plus large possible. La poursuite de l'étude de ces langues vivantes en 6 ème sera ensuite organisée par l'ouverture des langues vivantes concernées dans le collège du secteur, si le nombre d'élèves le justifie », le seuil minimal étant fixé très bas, à 5 élèves, et susceptible de dérogation...

Sont en outre envisagés des regroupements d'élèves entre écoles, chaque fois que nécessaire, un partenariat entre écoles, collèges et collectivités locales devant se mettre en place pour répondre à toute difficulté d'organisation....

Dès lors, sur le terrain, la diversification est perçue comme une contrainte. Aussi, prôner la généralisation de l'anglais à l'école apparaît souvent comme une solution de facilité.

Dans l'académie de Rennes, la carte des langues élaborée a conduit à progresser dans la disparition de l'allemand dans de larges pans du centre Bretagne : seul l'anglais a été proposé à l'entrée au CE2 dans les départements d'Ille-et-Vilaine et du Morbihan.

S'enclenche dès lors entre l'école et le collège un véritable cercle vicieux, le choix des langues étudiées en primaire se répercutant directement sur le vivier potentiel des futurs effectifs de LV1 au collège... L'accélération de la chute de l'allemand en LV1 en 6 ème (de 11 % en 1995-1996 à 8 % en 2001-2002) en est un exemple éloquent. Dans l'académie de Rennes, le résultat est sans appel : le nombre de pôles d'allemand a été réduit à 25 sur les 140 sections de 6 ème .

Or, quand un choix existe, d'autres langues peuvent parvenir à se frayer un chemin : selon une enquête réalisée par la DESCO, si seuls 11 % des classes de CM1 proposaient en 2002 un choix entre l'anglais et l'allemand, il est plutôt encourageant de noter que 20 % des élèves ont, dans ce cas, choisi l'allemand.

(2) L'introduction d'un seconde langue dès l'entrée au collège : un espoir pour la diversification ?

Si la mesure a vocation à être généralisée en 2005, en parallèle de l'achèvement de la généralisation des langues à l'école, l'introduction de l'apprentissage d'une seconde langue dès la 6 ème par le ministère Jack Lang, répond dans un premier temps à un objectif de diversification : à la rentrée 2002, l'expérimentation s'est concentrée sur les élèves ayant étudié une langue autre que l'anglais à l'école.

Il s'agit de promouvoir l'ouverture de l'offre de langues et d'inciter les familles à se porter vers un choix autre que l'anglais, en garantissant, d'une part, la continuité des apprentissages au collège et en les assurant, d'autre part, que leur enfant étudiera l'anglais assez tôt dans sa scolarité.

Les premiers résultats se sont ainsi avérés assez encourageants : l'enseignement d'allemand, cible prioritaire du dispositif, a connu une hausse de 2 à 3 % dans les académies concernées.

Toutefois, cette mesure peut également servir de levier pour l'enseignement d'autres langues : certains collèges proposent des couplages italien + anglais, arabe + anglais, ou encore espagnol + anglais (dans l'académie de Reims par exemple).

De fait, afin d'enrayer dès l'école le phénomène conduisant à une uniformisation linguistique rampante, il est impératif de veiller à la continuité des apprentissages dans un objectif de diversification, en maintenant la diversité de l'offre de langues au niveau de l'entrée au collège, et en créant des vocations pour les langues dépeuplées dès l'école primaire. Cela passe par un renforcement et une extension de l'apprentissage d'une deuxième langue dès l'entrée au collège. L'élaboration de la carte académique des langues doit en outre servir de cadre global pour l'organisation d'une articulation cohérente entre les niveaux, alors que dans certaines académies la gestion de l'offre se fait de façon séparée dans les premier et second degrés.

* 19 Depuis la circulaire de 1999, il est établi que : « Le choix de la langue vivante étudiée au cours moyen est effectué par les parents qui se déterminent en fonction des langues vivantes proposées en sixième dans le collège du secteur. Seront donc offertes au niveau du cours moyen les langues vivantes existant en sixième et demandées par un nombre suffisant de parents ».

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