2. L'objectif de plurilinguisme : un combat commun de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe
a) Un objectif clé : au moins deux langues pour tous
(1) Réagir à la prédominance de l'anglais
En
réaction au constat de la prédominance de l'anglais, les
impulsions des autorités européennes se sont notamment
concentrées sur
l'objectif de trilinguisme
, formulé dans
le Livre Blanc de la Commission européenne de 1996,
« Enseigner et apprendre : vers la société
cognitive » et la recommandation 1383 (1998) de l'Assemblée
parlementaire du Conseil de l'Europe, « Diversification
linguistique » : amener chaque futur citoyen, à l'issue de son
parcours de formation initiale, à la maîtrise, à un niveau
de compétence égale, de deux langues étrangères en
plus de sa langue maternelle.
Il s'agit de permettre l'acquisition «
non seulement de l'anglais,
mais aussi d'autres langues européennes et mondiales par tous les
citoyens européens
», alors que «
les
statistiques existantes démontrent que la majorité
écrasante des élèves en Europe apprend l'anglais, alors
que d'autres « grandes » langues européennes, telles
que le français, l'allemand, l'espagnol, et l'italien arrivent loin
derrière. Des langues parlées par des centaines de millions de
personnes dans le monde, comme le russe, le portugais, l'arabe ou le chinois
occupent une place minime dans les cursus scolaires...
»
38
(
*
)
.
(2) Un enjeu pour la promotion du français
La
promotion de cet objectif revêt par ailleurs un enjeu spécifique
pour la défense et la diffusion du français chez nos
partenaires : comme le souligne M. Michel Herbillon dans un
récent rapport d'information établi au nom de la
délégation des affaires européennes de l'Assemblée
nationale
39
(
*
)
,
«
C'est bel et bien en Europe que se joue l'avenir du
français dans le monde
». C'est pourquoi,
«
pour la France, l'enjeu de l'apprentissage de deux langues
étrangères est essentiel
».
Enrayer le recul de l'usage du français au sein des institutions
européennes, face à la concurrence de l'anglais, suppose en
premier lieu de promouvoir le plurilinguisme en amont, au stade des
apprentissages scolaires. Or, lorsqu'une seule langue est apprise, il s'agit
presque toujours de l'anglais. Néanmoins, dès lors que deux
langues sont obligatoires, le français peut se consolider comme
première seconde langue enseignée.
En Espagne, l'enseignement du français a ainsi connu un nouvel
élan dès lors que l'apprentissage d'une seconde langue s'est
généralisé : le nombre d'élèves est
passé de 250 000 en 1998 à 1,3 million aujourd'hui.
Or en 2003, seuls sept pays de l'Union européenne imposent deux langues
vivantes obligatoires dans leur système éducatif (l'Autriche, la
Finlande, la France, l'Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, et la
Suède, auxquels il faut ajouter la Communauté flamande de
Belgique).
Toutefois, pour être crédible, la France doit être
exemplaire, et favoriser, en parallèle, l'enseignement de la langue de
nos partenaires dans les établissements français, ce qui est,
comme on l'a vu, loin d'être le cas. Sans réaction, ce sont le
développement et l'avenir de l'enseignement du français à
l'étranger qui se trouvent compromis...
LANGUES ÉTRANGÈRES ENSEIGNÉES DANS L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
Pays |
1 ère langue étrangère |
% |
2 ème langue étrangère |
% |
FRANCE |
Anglais |
95 % |
Espagnol |
34 % |
ESPAGNE |
Anglais |
96 % |
Français |
23 % |
ITALIE |
Anglais |
76 % |
Français |
34 % |
GRÈCE |
Anglais |
83 % |
Français |
63 % |
ALLEMAGNE |
Anglais |
94 % |
Français |
24 % |
DANEMARK |
Anglais |
100 % |
Allemand |
76 % |
LUXEMBOURG |
Français |
98 % |
Allemand |
92 % |
(3) Un nouveau défi linguistique : l'élargissement à l'Est
En
outre, la perspective de l'élargissement de l'Europe vers l'Est
constitue un nouveau défi linguistique pour l'Union européenne et
pour la France en Europe, alors même que les langues des futurs pays
membres sont particulièrement négligées. L'exemple du
polonais en France est éloquent, alors même qu'il s'agit de la
langue d'une communauté nationale d'environ 40 millions de
personnes, ainsi que d'une diaspora nombreuse, en particulier dans le Nord de
la France...
C'est pourquoi la proposition de résolution déposée en
juin 2003
40
(
*
)
par
M. Michel Herbillon, à la suite du rapport d'information
précité, recommande que «
l'enseignement obligatoire
de deux langues étrangères devienne la norme dans l'Union
européenne élargie, tandis que l'apprentissage des nouvelles
langues de l'Union devrait être favorisé dans les systèmes
éducatifs européens
».
Il importe non seulement de promouvoir l'enseignement des langues des pays de
l'Est, polonais, tchèque, hongrois, mais aussi du russe, en tant que
futur pays voisin.... En effet, si la diffusion de cette langue tend à
se réduire fortement dans les établissements des pays d'Europe
centrale, depuis la chute du communisme, son enseignement concerne encore
près de la moitié des élèves dans les pays baltes
et le quart en Pologne.
Cette forme de « reconnaissance linguistique » est un
premier pas pour marquer et faciliter l'intégration des nouveaux
États membres dans l'Union et favoriser les rapprochements avec ces pays
et leurs peuples, qui représentent des perspectives nouvelles tant en
termes de débouchés économiques que de relations
politiques et culturelles.
* 38 Recommandation 1383 du Conseil de l'Europe.
* 39 « Les langues dans l'Union élargie : pour une Europe en VO », n° 902, Juin 2003.
* 40 Proposition de résolution n°907, Diversité linguistique dans l'Union européenne, commission des affaires culturelles de l'AN, M. Michel Herbillon.