b) Promouvoir l'apprentissage de l'arabe au sein de l'enseignement traditionnel
La
tradition de l'école orientaliste française donne à
l'enseignement républicain une légitimité pour assurer
l'enseignement de l'arabe et le défaire des préjugés
stigmatisants qui le handicapent.
Il s'agit en outre d'anticiper une demande, bien souvent silencieuse, des
familles, et d'éviter que celle-ci se tourne vers des associations
confessionnelles mises au service de repliements communautaires.
Il est
impératif de proposer une offre suffisante d'enseignement traditionnel
d'arabe dans les établissements scolaires.
-
La France a les moyens de l'assumer, grâce à un
vivier suffisant d'enseignants formés dans notre
système de formation universitaire
; l'université
française jouit en effet d'un important vivier traditionnel de
chercheurs arabisants : l'agrégation d'arabe, qui date de 1905, est
l'une des plus anciennes parmi les langues vivantes... ; en outre, la part
des étudiants inscrits en arabe dans l'enseignement supérieur
(3,5 % des effectifs des étudiants en langue) est en progression
régulière : il s'agit de la 5
ème
langue
étudiée à ce niveau, un cursus complet est assuré
dans dix universités.
- De plus, les
programmes ont été clarifiés
,
et sont sans équivoque sur le statut de la langue étudiée,
dépassant en cela la polémique qui avait nourri des débats
idéologiques passionnés mais stériles : si
l'arabe
« standard »
, c'est-à-dire celui qui a cours
dans la littérature ou le langage soutenu, est la base de
l'enseignement, il n'est pas fait abstraction des
variétés
dialectales qui lui sont étroitement apparentées
. Cela permet
de prendre en compte les capacités dialectophones de la majorité
des élèves, mais aussi d'apporter une ouverture et une initiation
à l'arabe de la communication courante, des films et chansons,
etc. ; l'enseignement vise à présenter une image
revalorisée de la langue et de la culture, par un retour aux textes.
- C'est pourquoi il est nécessaire de
repenser et faire
évoluer le dispositif ELCO
, pour qu'il n'entre pas en concurrence
avec l'enseignement traditionnel. Rappelons que
45 000
élèves environ apprennent l'arabe dans le cadre de l'ELCO
(environ 30 000 marocains, 9 000 algériens,
6 000 tunisiens), essentiellement dans le primaire ; 550
maîtres sont mis à disposition et rémunérés
par les trois pays partenaires.
Ce dispositif reste globalement improductif
: isolés,
reposant sur des partenariats irréguliers pour tenter d'élaborer
des programmes communs et orienter la formation des maîtres, les ELCO
produisent le pire et le meilleur. Il s'agit donc de veiller à une
meilleure intégration de ce dispositif dans l'école, en assurant
notamment un suivi et un contrôle des enseignements dispensés, une
sélection et une formation des maîtres mis à disposition...
et de le cantonner strictement au primaire, dès lors qu'il peut
représenter une alternative complémentaire. Pour le reste,
l'enseignement traditionnel est le mieux placé pour prendre en charge
l'étude de l'arabe.
LE
PROGRAMME D'ENSEIGNEMENT DES LANGUES
ET CULTURES D'ORIGINE
Afin de
faciliter leur intégration, ce dispositif prévoit la
possibilité d'organiser pour les élèves étrangers
scolarisés à l'école primaire, en collège (SEGPA
incluses) et lycée professionnel (les lycées d'enseignement
général ne sont pas concernés) un enseignement de langue
et culture d'origine sous forme d'activités optionnelles
dispensées par des enseignants étrangers mis à disposition
de l'éducation nationale et rémunérés par le
gouvernement du pays d'origine, soit en cours intégrés (sur temps
scolaire), soit en cours différés (hors temps scolaire).
Des partenariats existent actuellement avec l'Algérie, l'Espagne,
l'Italie, le Maroc, le Portugal, la République fédérale de
Yougoslavie, la Tunisie et la Turquie. Ils témoignent de la
coopération pédagogique, éducative et culturelle de la
France avec ces pays partenaires et visent à y maintenir en
réciprocité la place de la langue française.
En 2000-2001, l'ELCO concerne 66 611 élèves dans le premier
degré et 8 695 dans le second degré. Les effectifs en
primaire se répartissent comme suit : 7 948 Algériens,
1 072 Espagnols, 8 102 Italiens, 23 514 Marocains, 9 371
Portugais, 5 110 Tunisiens, 11 464 Turcs et 30 Yougoslaves. Ces
effectifs sont en nette diminution : 81 496 élèves
suivaient un enseignement ELCO à l'école primaire en 1998-1999.
Toutefois, l'exemple de la rénovation de l'ELCO engagée depuis la
rentrée 2001 de manière concertée entre le
ministère de l'éducation nationale et le ministère
portugais (il en est de même avec l'Italie), offre un exemple de
perspectives nouvelles pour relancer et recadrer ce dispositif :
- le dispositif est désormais ouvert aux élèves qui
le souhaitent, quelle que soit leur nationalité, au titre de
l'enseignement de LV1 ; en outre, M. Jack Lang, ministre de
l'éducation nationale, a incité les écoles primaires
disposant actuellement d'un enseignement ELCO à organiser de
façon dérogatoire sur le temps scolaire l'enseignement de deux
langues vivantes, dont le portugais, tout en veillant à la
continuité de l'étude en classe de 6
e
;
- un contingent de professeurs a été mis à
disposition par le ministère portugais de l'éducation, afin
d'ouvrir ce dispositif dans 25 sites dans dix académies, soit
66 écoles : ils bénéficieront d'un plan de
formation mis en place par le ministère.
Dans ce cadre repositionné, la langue enseignée retrouve un
statut plus conforme à celui de langue de communication et de culture,
tout en contribuant à une plus grande diversification apprises à
l'école primaire par l'ensemble des élèves.
- En effet, proposé dans le cadre de l'enseignement traditionnel,
l'apprentissage de la langue arabe s'adresse à l'ensemble des
élèves, cassant ainsi l'image stéréotypée de
« langue de l'immigration », source de nombreux
préjugés. Il apparaît à cette fin
particulièrement important de
valoriser et développer
l'enseignement de l'arabe dans les filières élitistes que sont
les sections orientales
. D'ailleurs, la part de l'arabe en LV3 progresse,
ce choix tardif révélant l'intérêt des
élèves français pour une langue alors perçue comme
élitiste et stratégique.
C'est à ces conditions que cet enseignement pourra jouer pleinement son
rôle d'intégration scolaire et sociale, et éviter les
risques de dérive communautariste, contribuant à isoler et
stigmatiser davantage les jeunes issus de l'immigration.
La langue y est
valorisée dans sa dimension internationale, et non pas comme
étant susceptible de les ghettoïser.