B. MÉDIAS : LA FAIBLESSE D'UN VECTEUR PRIVILÉGIÉ
Dans les sociétés contemporaines, l'information de l'opinion est assurée, en majeure partie, par les médias : audiovisuel, radio, presse écrite, et dans une proportion moindre, mais en croissance rapide, internet.
La noblesse du métier de journaliste est liée à son rôle d'information. Parallèlement à la logique pédagogique technique, il doit exister une logique médiatique de diffusion des sciences, des techniques, de l'économie. Les médias touchent tous les publics. Au même titre que l'école, c'est un vecteur universel et c'est la raison pour laquelle les démocraties les favorisent, leur donnent l'usage gratuit de biens rares comme les fréquences radioélectriques ou favorisent leur distribution, dans le cas de la presse.
Les médias tirent-ils pleinement profit de ces atouts en matière de diffusion de la culture scientifique et technique ? La réponse est malheureusement non. Et les enquêtes d'opinion révèlent une certaine forme de déception du public.
1. Les enseignements des enquêtes d'opinion
Le sondage eurobaromètre précité précise le rôle respectif des différents médias comme source d'information sur les développements des sciences pour le public européen et le public français :
- la télévision s'impose à l'évidence comme le vecteur le plus universel : près de 65 % des sondés français (60 % des européens) le nomment comme une de leurs deux sources privilégiées d'information : 66 % des européens sondés déclarent préférer regarder des émissions de télévision sur la science et la technique plutôt que de lire des articles sur ce sujet ;
- les diplômés utilisent plus souvent la presse généraliste (41,5 %) et les magazines scientifiques (29 %) ;
- enfin, les plus jeunes et ceux qui sont actuellement en cours d'études recourent largement à internet.
Ce large recours aux médias, en particulier à l'audiovisuel s'accompagne d'une insatisfaction :
- 53,3 % des européens consultés dans le sondage eurobaromètre estiment que la plupart des journalistes traitant de sujets scientifiques n'ont pas la connaissance ou la formation nécessaires (contre 20 % seulement, d'avis contraires) ;
- 62 % des Français interrogés dans l'enquête SOFRÈS estiment qu'il n'y a pas assez d'information scientifique à la télévision (contre 34 % d'avis contraire) ;
- enfin, le même sondage révèle que, aux yeux des Français, les médias ne rendent qu'imparfaitement compte des découvertes scientifiques (plutôt mal, pour 47 % des personnes interrogées, plutôt bien pour 44 %) ; ils sont moins satisfaits encore sur les applications pratiques des innovations scientifiques (51 % contre 36 %), et en ce qui concerne les aspects sur lesquels les chercheurs travaillent (60 % contre 28 %).
La mission d'information, qui a pris acte de la prévalence du rôle de la télévision, s'est interrogée sur la place réelle des sciences et des techniques dans la programmation des chaînes, et sur les moyens de la rendre plus conforme aux attentes déclarées des Français.
2. La place des émissions scientifiques dans les programmes de télévision
Prévue par les cahiers des missions et des charges des chaînes publiques, la place des émissions à caractère scientifique et technique, n'est pas négligeable en termes quantitatifs dans les programmes des chaînes. Mais du fait de leurs horaires de diffusion, ceci doit être plus que nuancé.
a) Les directives inscrites dans les cahiers des charges des chaînes publiques
Les cahiers des missions et des charges des sociétés France 2 et France 3 ont été approuvés par le décret n° 94-813 du 16 septembre 1994 modifié. L'article 29 du cahier de la société France 2 et l'article 31 du cahier de la société France 3 prévoient, dans des termes identiques, que « la société diffuse des émissions régulières consacrées à l'évolution de la science et des techniques, à l'économie et aux sciences humaines » et qu'en outre elle « fournit les références bibliographiques relatives aux émissions d'investigation, de connaissance ou de débat lorsque leur contenu le justifie ».
Le cahier des missions et des charges de la société « La Cinquième », approuvé par le décret n° 95-71 du 20 janvier 1995 modifié, prévoit dans son article 12 que « la société conçoit, réalise et diffuse des émissions d'accès au savoir, à caractère éducatif et culturel, destinées à l'acquisition par les téléspectateurs de nouvelles connaissances dans tous les domaines ». Celles-ci doivent être « notamment conçues de façon à pouvoir accompagner l'action de la communauté éducative et culturelle à destination du public scolarisé ». L'article 13 prévoit en outre que « la société conçoit, réalise et diffuse des émissions consacrées à la vie professionnelle et à la vie économique », et l'article 16 que « la politique des programmes privilégie également par des émissions de découverte et des émissions documentaires, une approche large et, pluridisciplinaire de la connaissance ».
Ces dispositions vont certes dans le bon sens, mais il faut relever que leur rédaction reste très générale , et qu'elles ne sont assorties, en particulier, d'aucun quota, d'aucune obligation minimale quantifiée contrairement à ce qui prévaut pour le spectacle vivant, et pour les émissions à caractère musical.
Le respect de ces dispositions est soumis au contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
b) Les grilles des principales chaînes hertziennes
La mission d'information a entendu les responsables de la programmation des différentes chaînes hertziennes.
• Les émissions réalisées par Nicolas Hulot représentent, sur TF1, l'essentiel des programmes de la chaîne à connotation scientifique. La direction de la chaîne insiste sur le fait que ces émissions, qui sont produites par la chaîne elle-même avec un budget de 4,5 à 6 millions d'euros sont diffusées à une heure de grande écoute, et sont suivies par 7 à 9 millions de téléspectateurs.
Plus récemment, la chaîne a complété sa programmation grâce à un accord avec BBC World Wide -la structure de commercialisation de la BBC- portant sur l'achat de documentaires destinés à être diffusés à 19 h 00. En outre la série « Blue planet » a vocation à être diffusée en deuxième ou troisième partie de soirée.
• France 2 se réclame d'une approche très diversifiée en matière de diffusion des connaissances scientifiques, qui fait appel à des émissions d'un format et d'une périodicité très variables : journaux d'information, documentaires, magazines, et petits programmes courts (« Rayon X ») qui traitent en cinq minutes d'un sujet particulier.
Outre les émissions répertoriées dans le tableau ci-après, la chaîne diffuse des émissions qui ne sont pas spécifiquement consacrées aux sciences comme « Envoyé spécial », « Ça se discute », « Jour après jour » ou les « Documents du dimanche », mais abordent cependant, à l'occasion, des sujets liés aux sciences, aux techniques et à l'économie.
PROGRAMMES SCIENTIFIQUES EN 2002-2003 SUR FRANCE
TÉLÉVISIONS
Émission |
Chaîne |
Animateur |
Diffusion |
Horaire |
Format |
On vous dit pourquoi |
France 2 |
J. Bonaldi et E. Emeyé |
Mensuel, dimanche |
22 h 30 |
90' |
Rayons X |
France 2 |
I. et G. Bogdanov |
Hebdomadaire, lundi |
20 h 40 |
5' |
Savoir plus santé |
France 2 |
M. Alain-Régnault |
Bimensuel, samedi |
13 h 45 |
52' |
Les grandes énigmes de la science |
France 2 |
F. de Closets |
Mensuel, samedi |
13 h 45 |
52' |
Les documents santé |
France 2 |
(sans) |
Mensuel, samedi |
13 h 45 |
52' |
Téléthon |
France 2 |
S. Davant et G. Holtz |
Annuel |
18 h 50 |
30 h |
La nuit des étoiles |
France 2 |
L. Broomhead |
Annuel (mois d'août) |
22 h 40 |
1 h 30 |
Télématin/Chronique santé |
France 2 |
V. Mounier et B. Fanny Cohen |
Quotidien (lundi à jeudi) |
8 h20 environ |
4' environ |
C'est au programme/Chronique santé |
France 2 |
S. Davant et R. Zarzavatdjian |
Hebdomadaire, lundi |
9 h 30 environ |
40' environ |
C'est pas sorcier |
France 3 |
Fred, Sabine et Jamy |
Quotidien, mar-ven et sam-dim |
17 h 45 et 10 h 10 |
26' |
Thalassa |
France 3 |
Georges Pernoud |
Hebdomadaire, vendredi |
20 h 50 |
1 h 30 |
Le journal de la santé |
France 5 |
M. Cymès et M. Carrère |
Quotidien, lundi au vendredi |
13 h 45 |
17' |
Le magazine de la santé |
France 5 |
M. Cymès et M. Carrère |
Hebdo, samedi |
18 h 05 |
52' |
Magazine sur les sciences (titre indéterminé) |
France 5 |
S. Khermis |
Premier semestre 2003 |
indéterminé |
52' |
Outre les émissions spécifiquement consacrées aux sciences, les journaux télévisés et certains magazines généralistes proposent régulièrement des sujets scientifiques : sur France 2, Envoyé spécial (dix reportages de nature scientifique en 2002, essentiellement liés aux questions santé) ; sur France 3, Des racines et des ailes, La vie en question ou Explore. Enfin, sur France 5, les documentaires scientifiques représentent entre 15 et 20 % de l'ensemble des documentaires diffusés.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a tracé, en octobre 2002, un bilan relativement critique de la façon dont la chaîne s'acquitte des obligations inscrites à l'article 29 du cahier des missions et des charges, en matière de programmes scientifiques.
Le CSA juge en effet « qu'il n'y a pas sur France 2 à proprement parler d'émissions scientifiques, aucune émission n'ayant pour objet de faire état de l'évolution des sciences ».
Il relève cependant qu'en matière de médecine, la chaîne programme le magazine « Savoir plus santé » chaque samedi après le journal de 13 heures. Chacune des émissions traite un thème de santé publique spécifique avec ses avancées techniques. Ce magazine est remplacé, une fois par mois, par un documentaire consacré à des aspects sociaux des problèmes de santé.
Le CSA note que la chaîne programme dans la même case horaire des séries comme « Les grandes énigmes de la science », « Les Grandes énigmes du futur », et « Les grandes énigmes du passé » qui ont pour objectif de vulgariser des interrogations et des problèmes que les sciences posent.
La chaîne programme, chaque année, deux manifestations exceptionnelles :
- les journées de « Téléthon » qui ont pour objet de drainer des fonds pour la recherche, et abordent au cours des trente heures qui lui sont consacrée, certains aspects de la recherche génétique ;
- la « Nuit des étoiles » qui consacre, au mois d'août, en seconde partie de soirée, 1 h 30 à l'astronomie.
Le CSA relève également que la chaîne a programmé en 2001 un peu plus de 40 heures de documentaires animaliers.
Dans son rapport sur l'exercice 2000, il relevait en outre que la chaîne n'avait pas développé de magazine économique mais traitait cette matière à travers des émissions de service comme « Consomag » ou des émissions d'information comme « Argent public, argent privé ».
• France 3 a renforcé en 2002 la place des sciences dans sa programmation, et a enregistré, au début de 2003, un succès notable avec la diffusion le 7 janvier de son documentaire « L'Odyssée de l'espèce ».
Dans le bilan qu'il a tracé de la société nationale de programmes France 3 pour l'année 2001, le Conseil supérieur de l'audiovisuel note que les documentaires et magazines consacrés aux sciences ont bénéficié de près de 292 heures de diffusion soit 40 heures de plus qu'en 2000, et représentent 19 % de l'ensemble des programmes documentaires de la chaîne.
Ces documentaires ont abordé les différents aspects des sciences :
- les sciences exactes ou techniques (grâce en particulier à la diffusion quotidienne de « C'est pas sorcier ») occupent une place privilégiée avec plus de 113 h de diffusion ;
- les sciences humaines ont également une visibilité significative avec 82 h de diffusion ;
- les sciences de la nature (avec en particulier les documentaires animaliers « Échappées sauvages ») ont occupé plus de 59 h de diffusion, et les sciences médicales 37 h 30.
Il est à noter que la chaîne n'a pas développé de magazine purement économique, mais que des sujets économiques sont abordés dans les différents magazines diffusés.
Deux émissions méritent une mention particulière :
- sa principale émission scientifique « C'est pas sorcier » est diffusée le samedi et le dimanche, en milieu de matinée, et à 17 h 45 du mardi au vendredi ; elle se propose de procéder au décryptage d'une information scientifique à première vue abstraite, ou trop schématiquement évoquée par les journaux ; elle a su s'attacher un public fidèle, et les enquêtes d'audience la gratifient, le dimanche matin de 22 % de l'audience ; ses spectateurs se recrutent plus particulièrement chez les enfants de 4 à 10 ans, de 11 à 14 ans et chez les plus de 60 ans ;
- le documentaire « L'Odyssée de l'espèce » qui retraçait en 90 minutes, les origines et l'évolution de l'homme, avec l'appui du paléontologue reconnu Yves Coppens, s'est révélé un incontestable succès .
La qualité de cette émission, diffusée le mardi 7 janvier 2003 à partir de 20 h 55 lui a permis de battre un record d'audience , en rassemblant 8,745 millions de spectateurs, soit 34,2 % de part d'audience. Il s'agit de la quinzième meilleure audience historique de France 3, et du record d'audience historique pour un documentaire sur France 3.
« L'Odyssée de l'espèce » a su réunir tous les publics en réalisant une part d'audience élevée, aussi bien chez les enfants (33,9 % de part d'audience des enfants de 4 à 10 ans) chez les jeunes (27,5 % de part d'audience sur les 15-34 ans) que chez le public plus adulte (34,4 % pour les 35-49 ans et 39,5 % pour les plus de 60 ans).
Il faut ajouter que la diffusion du documentaire s'est accompagnée de sa sortie en CD, DVD et cassette vidéo qui ont également connu un vif succès : 120 000 exemplaires ont été à ce jour vendus, en un peu plus de trois mois, alors que la vente d'un programme plus standard s'établit entre 10 000 et 20 000 exemplaires.
Le succès de cette diffusion vient récompenser une politique de production audacieuse, la qualité de la coopération entre des scientifiques de grand renom (notamment des paléontologues réunis autour du professeur Yves Coppens) le réalisateur et les artistes du projet, ainsi que le courage d'une programmation qui n'a pas hésité -ce qui n'est malheureusement pas si fréquent- à diffuser un documentaire scientifique à une heure de grande écoute .
• France 5 , dont la création résulte, il faut le rappeler, d'une mission d'information du Sénat, a pour mission de concevoir, de réaliser et de diffuser des émissions d'accès au savoir destinées à l'acquisition par les téléspectateurs de nouvelles connaissances dans tous les domaines, est la première chaîne de documentaires en France . D'après le rapport établi par le CSA, elle a diffusé en 2001, plus de 4 600 heures de documentaires, dont 2 100 (soit 45,4 % de l'ensemble) portaient sur le thème des sciences.
Les sciences humaines, avec 853 heures et demi de diffusion arrivent au premier rang et représentent plus de 40 % de cette programmation scientifique.
Les sciences de la nature -plus de 494 heures de diffusion, soit 23,5 % de l'ensemble- et les sciences exactes et techniques, 300 heures soit 14,3 % de l'ensemble- présentent également une bonne visibilité.
Contrairement aux autres chaînes nationales et dans un souci de complémentarité, les sciences médicales (106 heures et demi) n'occupent qu'une place réduite.
On peut en revanche déplorer que les sciences économiques , qui ne bénéficient que de 24 heures de diffusion ne soient que marginalement présentes (1,1 % de l'ensemble des documentaires scientifiques).
Ces émissions sont diffusées sur les différents réseaux dont dispose France 5 :
- sur le réseau hertzien jusqu'à 19 h 00 ;
- sur le réseau du câble et du satellite 24 h sur 24 ;
- sur le réseau internet.
La chaîne hertzienne , qui constitue en quelque sorte le navire amiral de ce « réseau des réseaux » a vocation à dispenser un premier niveau très général de savoir. Les réseaux interactifs en assurent le prolongement et le relais. Ils ont vocation à offrir chacun, en fonction de ses centres d'intérêts, et de son degré de curiosité, une information plus spécialisée.
Utilisés en direction du grand public, ils permettent aux spectateurs de poser des questions auxquelles il est répondu à l'antenne ; ils proposent également une bibliographie et des fiches pratiques ; ils hébergent des sites internet interactifs permanents dans un certaine nombre de thématiques (« L'Egypte » ou « L'Espace », par exemple).
Ces réseaux sont également destinés à la communauté éducative : un site internet indique les émissions susceptibles de se rattacher aux programmes scolaires ; banque vidéo mise à disposition des enseignants comme matériel d'accompagnement des cours.
Les études réalisées par Médiamétrie montent que France 5 est la chaîne dont l'audience a le plus progressé.
La chaîne réalise un effort significatif en matière de production de documentaires. Sur un budget de programmes de l'ordre de 87 millions d'euros, les programmes scientifiques ont représenté 12,5 millions d'euros.
Elle a initié avec des producteurs français des programmes comme « Super plantes », sur le règne végétal, et a passé un accord avec le producteur japonais NHK qui l'associe à la production de toutes les émissions scientifiques que celui-ci envisage de réaliser à l'avenir.
La chaîne se place en amont de la production de façon à encourager la participation de scientifiques français et la présentation de résultats de la recherche française.
• Les émissions scientifiques ont fait partie dès l'origine de la programmation d' Arte . Les sujets scientifiques sont actuellement principalement traités dans le magazine « Archimède » et dans d'autres émissions qui, sans être spécifiquement orientées vers la science, permettent d'aborder au coup par coup des sujets scientifiques.
L'essentiel de ces émissions est produit par Arte France. La chaîne estime que le budget consacré aux émissions scientifiques représente le quart de son budget de programme si on comptabilise les émissions consacrées aux sciences humaines, mais seulement 4 % si l'on s'en tient aux seules sciences exactes .
La mise en ligne sur le site internet permet de démultiplier l'audience de ces émissions.
3. La problématique du développement de la science à la télévision
L'analyse des grilles des différentes chaînes de télévision nationales montre que celles-ci diffusent effectivement un nombre non négligeable de documentaires, de magazines, de journaux et d'émissions en tout genre portant sur des sujets scientifiques. Mais ce constat, optimiste en apparence, doit aussitôt être nuancé :
- la diffusion de ces émissions est généralement reléguée à des plages horaires peu favorables en termes d'audience, contribuant à alimenter le sentiment des médias que les émissions à caractère scientifique sont impropres à « faire de l'audimat » ;
- les différentes disciplines ne sont pas également représentées sur les grandes chaînes généralistes ; la médecine et la santé font l'objet d'un traitement généralement privilégié ; l'histoire, l'archéologie et l'espace qui se prêtent à l'illustration par l'image, et stimulent l'imagination ne sont pas mal traitées ; mais les sciences abstraites, les nouvelles techniques et les métiers qui s'y rattachent sont très souvent délaissés ; l'économie en tant que discipline scientifique semble paradoxalement une des disciplines les plus négligées, alors qu'elle concerne directement la vie de tous ;
- la diversité des émissions portant sur des sujets scientifiques s'accompagne également d'une grande variété des degrés d'exigence ; à côté d'émissions qui tentent honnêtement et le plus simplement possible, de communiquer au public la compréhension de certains phénomènes et un accès à des connaissances fondamentales, on compte également beaucoup de programmes dont le mince vernis scientifique est l'alibi fragile d'un projet qui ne vise que le divertissement et le sensationnel.
Ces trois réserves montrent que les sciences et les techniques ne bénéficient dans l'ensemble que d'une faible visibilité sur les écrans de télévision.
Leur évocation dessine d'ailleurs les obstacles qui freinent la promotion de la culture scientifique et technique :
a) La question de l'audience
Les responsables des médias télévisés restent, dans l'ensemble, plutôt dubitatifs à l'égard des conclusions des sondages dans lesquels les personnes interrogées se déclarent demandeuses de davantage de science à la télévision. Ils rappellent que, en pratique, les enquêtes d'audience montrent que les émissions de cette nature ne sont pas les plus suivies. Ce décalage entre désirs déclarés et comportements effectifs ne se rencontre d'ailleurs, d'après eux, pas qu'en matière d'émissions scientifiques.
La relégation des émissions scientifiques portant sur les matières scientifiques et techniques en dehors des horaires de grande audience ne peut que contribuer à renforcer cette prévention dont nul ne conteste qu'elle s'appuie sur des constats d'expérience.
Il est toutefois souhaitable que le succès de « L'Odyssée de l'espèce » alimente une réflexion sur l'intangibilité de ce dogme peut-être un peu trop facilement admis.
b) Démarche scientifique et spectacle télévisuel : des pratiques et des rythmes difficilement compatibles
La connaissance scientifique est le résultat complexe d'une construction théorique et technique qui repose sur une définition précise des concepts utilisés, et des protocoles expérimentaux de validation de ces hypothèses. En outre, elle implique la participation active du sujet qui apprend.
Qui plus est, même si l'exploration de l'espace se prête à une superbe mise en image, les conclusions de la science moderne tendent souvent à s'écarter du sens commun et de l'expérience sensible, ce qui rend leur vulgarisation plus difficile, mais d'autant plus nécessaire.
Le spectacle télévisuel obéit à une logique différente. Il illustre plus volontiers qu'il ne démontre. Il est tenté de sélectionner les sujets en fonction de leur aptitude à se plier à son utilisation de l'image animée et du son. Enfin, le format des émissions -une cinquantaine de minutes le plus souvent- se prête difficilement à l'exposé de questions complexes. Le spectateur n'est pas acteur de la démarche. Tout au plus l'accompagne-t-il intellectuellement.
Cette antinomie se double de la différence de culture entre les métiers scientifiques et les hommes des médias. Combien de scientifiques connaissent les règles qui gouvernent les médias ? Combien de journalistes comprennent les règles qui encadrent la recherche scientifique ?
Même si des partenariats unissent déjà les équipes de télévision aux laboratoires des grands organismes publics de recherche, ces efforts doivent cependant être accentués pour améliorer la compréhension mutuelle entre ces deux milieux professionnels et les inciter à prendre en compte leurs exigences respectives.
c) L'intérêt des nouvelles techniques de diffusion
La télévision numérique terrestre, qui permettra une augmentation du nombre de canaux de diffusion, devrait favoriser une diversification des contenus, propice à un développement des émissions à caractère scientifique et technique.
Il convient donc que les pouvoirs publics et le Conseil supérieur de l'audiovisuel imposent aux candidats, publics ou privés de prévoir, dans leur programmes, des créneaux consacrés à des émissions de qualité traitant des sujets scientifiques ou techniques importants à des heures de grande écoute. Il ne faut pas oublier que les fréquences hertziennes sont des biens rares, et sans tomber dans les excès auxquels a donné lieu la délivrance des fréquences pour l'UMTS dans certains pays, le CSA devrait tenir compte de la priorité nationale à accorder à la diffusion scientifique et technique.
Mais la télévision numérique terrestre n'est pas l'unique possibilité à explorer.
La diffusion de la télévision par le biais de l'internet à haut débit pourrait également permettre, à moindres frais, la création de chaînes thématiques, scientifiques et culturelles, qui pourraient combiner leur spécialisation avec une approche régionale. Elles pourraient ainsi proposer, dès le départ, des contenus culturels et scientifiques en relation avec des initiatives locales.