II. LES RAISONS PRINCIPALES DE LA MONTÉE DES ZINZINS
Les raisons de la montée en puissance des zinzins résident dans une conjonction de facteurs démographiques, économiques et réglementaires .
Un environnement financier de baisse des taux d'intérêt. En général, le coût du capital a enregistré un déclin au cours des années 1990, en raison des baisses de taux d'intérêt liées au reflux de l'inflation et à l'Union monétaire en Europe. Des techniques financières innovantes telles que les produits dérivés, et l'amélioration des moyens de communication ont aussi contribué à la baisse du coût du capital. Dans ce contexte, le rôle des zinzins dans le financement de l'économie a augmenté fortement, particulièrement vis à vis des banques. Les ménages ont cherché des véhicules alternatifs aux produits de taux, aux rendements en reflux, et traditionnellement gérés par les banques.
La dérégulation et la libéralisation des marchés financiers des deux dernières décennies ont aussi facilité l'évolution de l'industrie financière institutionnelle. Les flux de capitaux internationaux qui ont suivi la libéralisation sont souvent gérés par des institutions, étant donné leurs capacités d'information, d'organisation, et leur accès aux marchés etc. Autrement dit, les investisseurs institutionnels ont des capacités pour profiter de la libéralisation des marchés internationaux supérieures à celles des investisseurs individuels. Nous y reviendrons dans notre discussion des apports de la gestion institutionnelle.
La dérégulation a donné une autre impulsion favorable aux zinzins. Ils ont été créés en partie pour drainer une épargne longue en vue de financer les déficits publics à moindres coûts (cf. création d'une fiscalité avantageuse en France sur l'assurance vie), mais aussi en vue de stimuler une épargne longue dirigée vers les actions en vue de stabiliser les fonds propres des sociétés. De ce point de vue, les nouveaux intermédiaires financiers satisfont les besoins des entreprises pour des fonds de financement via les marchés.
En Europe, le projet d'achever un marché intégré des services financiers (inclus dans le programme du marché unique) fut un soutien au développement des zinzins.
Ils ont tiré parti de, voire stimulé, la demande de produits d'épargne retraite de la part des ménages . Le vieillissement des populations des économies avancées a soulevé des problèmes de déséquilibres financiers potentiels et graves pour les systèmes de retraite par répartition. La solution adoptée par de nombreux pays fut de renforcer l'épargne retraite par capitalisation ou d'installer d'autres incitations pour l'épargne individuelle. On peut aussi argumenter qu'avec le temps et un niveau de patrimoine accumulé généralement élevé, les publics européens et américains sont devenus moins averses au risque d'investissement ; en conséquence, la demande pour des produits et véhicules d'investissement tels que les OPCVM a augmenté.
Le vieillissement de la population des pays l'OCDE . D'abord, le vieillissement de la population dans les économies avancées correspond naturellement à une montée générale du poids des patrimoines financiers. En soi, ceci n'explique pas entièrement le fait que les zinzins aient capturé une part croissante des flux financiers et de la gestion de ces actifs. Mais le niveau élevé général de richesse financière ouvre la possibilité à d'autres intermédiaires financiers que les banques, de trouver un marché pour leur services.
Le vieillissement de la population, une menace pour les systèmes par répartition . Les aspects du vieillissement de la population les plus immédiatement liés à la montée des zinzins, sont les problèmes potentiels des systèmes de retraite par répartition. L'augmentation du nombre de retraités par rapport à la population active soumet ces systèmes à des pressions financières. En raison de ces évolutions probables, les gouvernements qui cherchent à maintenir la solvabilité de long terme des systèmes de retraite face au vieillissement des populations, ont eu une incitation forte à stimuler l'épargne contractuelle pour augmenter les ressources financières dédiées au maintien des revenus des retraités. Nous prenons ici ce point comme un fait, sans entrer dans le débat concernant la solvabilité réelle des systèmes par répartition.
Des réponses disparates aux pressions démographiques sur les systèmes de retraites selon les pays Cette conjonction entre pressions démographiques et changements d'orientation politique et réglementaire est variable dans les pays étudiés dans ce rapport. Dans les pays avec des régimes de retraite publiques moins généreux 43 ( * ) , on voit souvent une épargne retraite ou de long terme plus élevée (Etats-Unis, Royaume Uni) et une industrie financière liée très développée. Dans les contextes économiques à moindre « patrimoine social », l'incitation à épargner pour la retraite via des institutions est plus forte. Par contre, en Allemagne, France, Italie et Espagne, où l'on trouve des systèmes de protection sociale traditionnellement plus développés, l'industrie des zinzins gérant explicitement de l'épargne retraite est moins développée, même s'il y a une demande pour des produits de placement de plus long terme, surtout sous la forme des contrats d'assurance vie.
Par contre, avec un niveau de richesse financière en croissance, ces derniers pays ont connu aussi une demande pour des produits d'épargne et placements plus rentables que les produits bancaires traditionnels, ce qui explique en partie le décollage impressionnant des OPCVM en Europe. De ce point de vue, l'industrie s'est développée pour satisfaire une demande des ménages pour des services financiers plus avancés que ce que peuvent offrir les banques. Mais, comme on le verra, l'industrie a aussi contribué à structurer cette demande .
UN CADRE CONJONCTUREL BOURSIER TRÈS FAVORABLE. LA LONGUE MONTÉE DES MARCHÉS BOURSIERS DES ANNÉES 1990 A GONFLÉ LA CROISSANCE DES ACTIFS SOUS GESTION INSTITUTIONNELLE. CETTE VAGUE A FORTEMENT GONFLÉ LES VALEURS NOMINALES DÉTENUES ET GÉRÉES PAR LES ZINZINS. LE PROBLÈME EST QUE CECI EST UN PHÉNOMÈNE POTENTIELLEMENT TRANSITOIRE ; LE DÉCLIN DES VALEURS BOURSIÈRES DEPUIS MARS 2002 DÉMONTRE QUE LES CAPITAUX INSTITUTIONNELS NE CROISSENT PAS DE FAÇON INEXORABLE, MAIS SONT AUSSI SUJETS À DES REFLUX.
POUR REPRENDRE L'EXEMPLE DES OPCVM, LA MONTÉE DES MARCHÉS BOURSIERS VERS LA FIN DES ANNÉES 1990 LEUR A DONNÉ UN AVANTAGE COMPARATIF POUR CAPTER UNE PART DE PLUS EN PLUS IMPORTANTE DE L'ÉPARGNE DES MÉNAGES. LA BULLE BOURSIÈRE A OFFERT DES RENDEMENTS SUFFISAMMENT ÉLEVÉS POUR QUE LES OPCVM PUISSENT CONCURRENCER LES AUTRES PLACEMENTS, NOTAMMENT LES DÉPÔTS BANCAIRES. LE MÊME EFFET EST NOTABLE POUR LES AUTRES SUPPORTS INSTITUTIONNELS TELS QUE LES FONDS DE PENSION ET L'ASSURANCE-VIE. ETANT DONNÉ LA PRESSION SUR LE RENDEMENT FINANCIER DES PLACEMENTS TRADITIONNELS DE CES DEUX DERNIERS 44 ( * ) , LES PLACEMENTS DE L'INDUSTRIE ONT ÉTÉ PARTIELLEMENT DÉRÉGULÉS. PAR CONSÉQUENT, CES ÉTABLISSEMENTS ONT EN GÉNÉRAL AUGMENTÉ LA PART DE LEURS PLACEMENTS EN TITRES BOURSIERS PENDANT LA PÉRIODE 1995-2000. SUITE À CES RESTRUCTURATIONS DES PLACEMENTS, ON A VU LES CAPITAUX DES FONDS DE PENSION ET LA SOLVABILITÉ DES ASSUREURS SOUFFRIR AVEC LA BAISSE DES INDICES BOURSIERS DEPUIS MARS 2000.
* 43 En terme du taux de remplacement des revenus d'activité par les retraites.
* 44 Les obligations et les crédits. Le rendement financier de ces classes d'actifs a diminué en raison du déclin du niveau général des taux d'intérêt.