RÉSUMÉ DE L'ÉTUDE

Les zinzins ont crû grâce à la concomitance de plusieurs facteurs. Une demande des épargnants pour des rendements élevés dans un environnement de taux d'intérêt historiquement bas, le besoin des gouvernements de drainer une épargne importante pour financer leurs déficits publics au début des années 1990, le développement de la finance de marchés, expression de la volonté des législateurs de développer une épargne longue, vecteur de stabilité des fonds propres des entreprises. Surtout la montée de l'industrie institutionnelle tout au long des années 1990 est en grande part due à l'expansion de ce qu'on peut appeler « l'industrie épargne-retraite ». Celle ci s'est développée en remplacement ou de façon complémentaire aux systèmes publics de retraite par répartition soit en raison de choix politiques ou de choix des épargnants individuels. Il faut rappeler que les systèmes par répartition sont sous pressions financière, et donc politique, en raisons d'évolutions démographiques défavorables dans les économies avancées.

La montée en puissance des zinzins s'explique aussi par leurs avantages comparatifs vis à vis des banques au regard d'aspects centraux de l'intermédiation financière dans les économies de marchés de capitaux que nous étudierons : France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne et Etats-Unis. Notamment, leur montée peut renforcer la liquidité et la transparence des marchés financiers.

Une diversité d'acteurs et de situations nationales: les organismes de placements collectifs, les assureurs vies, les supports d'épargne salariale, les fonds de pension sont autant de véhicules d'épargne totalement différents, avec des objectifs divergents, des stratégies de placements différentes qu'il convient d'analyser séparément. Bien sûr, selon les pays, certains acteurs sont plus ou moins importants que d'autres.

Les questions les plus importantes sur la capitalisation concernent la régulation des rendements et la sécurité de l'épargne concernée. Il convient de souligner ici que l'objectif fondamental des fonds de pension est d'assurer un rendement sur les fonds épargnés qui soit au moins égal, mais si possible supérieur à la croissance du niveau des prix afin d'assurer les revenus complémentaires des retraités . En bref, ceci est l'engagement à long terme des fonds de pension. Un fond de pension est un mécanisme d'épargne collective (même si les droits amassés le sont à titre individuel), qui doit maintenir, et si possible accroître, des ressources destinées à financer la retraite. Pour cela il effectue des arbitrages d'investissement via l'achat d'actifs financiers.

Comme on le verra, dans certains cas, cet objectif n'est pas automatique, notamment pour les fonds de pension dits à « cotisations définies ». Ici, les prestations ne correspondent pas à une norme prédéfinie ; le revenu futur n'est pas assuré mais déterminé totalement par les placements sous-jacents du fond ; c'est à dire qu'il n'y a aucune garantie de rendement ni même sur le capital initial 39 ( * ) . Le risque financier est entièrement supporté par l'épargnant. Bien sûr il existe des exceptions à cette règle. La plus notable étant le système à cotisations définies danois, à rendements garantis et géré en assurance vie collective.

L'analyse développée dans ce rapport nous permet d'affirmer que l'objectif de base de la réglementation doit être d'éviter que les fonds de pension se convertissent en des véhicules de spéculation, soit individuelle de la part des épargnants, soit institutionnelle de la part des gestionnaires des fonds . Certes, l'introduction de la capitalisation dans la retraite implique l'apparition de risques financiers, difficiles à éviter ; mais la structure et la gestion des fonds doivent contribuer à une minimisation de l'accumulation des risques. En outre, la minimisation des biais spéculatifs est aussi désirable du point de vue économique au sens large.

Les apports des zinzins sont significatifs. Les zinzins ont clairement démocratisé l'accès aux marchés financiers et à la diversification des risques de portefeuille, en offrant l'expertise d'équipes de gestion. C'est en partie parce que les coûts de participation aux marchés financiers modernes et complexes sont élevés que ce type d'intermédiation s'est développé. Ils ont aussi favorisé une plus grande prise de risque dans le financement de l'économie en drainant une part croissante de l'épargne vers des actifs risqués, ce faisant stimulant une épargne plus entrepreneuriale au sens keynésien (voir le rapport BIPE : « Radiographie du patrimoine financier des ménages résidant en France »). Ils ont aussi assuré une hausse de la liquidité des marchés (i.e. une baisse des primes de risques de liquidités) et, de plus, ils ont abaissé les coûts de négociation des grandes entreprises grâce aux grandes masses traitées.

En même temps, l'influence des zinzins sur le système financier n'est pas sans ambiguïté. Le passé récent nous a donné suffisamment d'exemples où l'intermédiation institutionnelle, loin d'agir comme un facteur stabilisateur des marchés financiers, en a au contraire renforcé la volatilité. De plus, on a des exemples récents où les zinzins n'ont pas assuré leur fonction première de protection des fonds des épargnants. On pense à la crise actuelle des fonds de pension aux Etats-Unis ou aux difficultés traversées par le secteur des assurances en Allemagne. On peut de plus avancer que les zinzins ont joué un rôle central au cours des diverses étapes de la formation de la bulle boursière récente. Ceci découle, comme on le verra, du fait que les zinzins renforcent de par leur poids et leurs comportements les aspects moutonniers sur les marchés financiers, qui, in fine , peuvent avoir des effets déstabilisants sur l'économie.

C'est pourquoi les problématiques de régulation sont plus que jamais à l'ordre du jour. La question est : comment sauvegarder les apports de la gestion institutionnelle qui mobilisent des ressources financières importantes pour l'économie réelle sans ouvrir la porte à la déstabilisation financière et économique et à la destruction patrimoniale ?

La gouvernance en question . Les zinzins sont aussi censés entraîner un meilleur contrôle et une plus grande transparence dans la gestion des entreprises. A l'heure d'Enron, il ne faut pas oublier les scandales du capitalisme de copinage et de conflits d'intérêts liés aux participations directes des grandes banques nipponnes dans le capital des groupes industriels qui favorisaient un certain laxisme dans l'octroi des prêts...Mais, bien sûr, il ne faut pas non plus tomber dans l'illusion de la gouvernance d'entreprise, car l'épisode Enron a clairement démontré les failles du système. Il convient dans le cadre de la finance moderne d'améliorer la transparence des comptes d'entreprises mais il ne faut pas perdre de vue que les problèmes d'asymétrie d'informations entre managers et financiers resteront au coeur de la relation financière.

Risques sur la préservation des retraites , et plus généralement de l'épargne des ménages :

• Plus généralement, il y a un risque de mauvaise information des épargnants sur la nature des risques encourus , qui parfois a favorisé une trop grande prise de risque (cf. rapport Sandler au Royaume-Uni).

• Plus grande prise de risque dans les plans ou l'allocation d'actifs est basée sur les choix individuels plutôt que sur des plans collectifs , les ménages cherchant à maximiser leur revenu futur en minimisant leur contribution présente. C'est clairement visible lorsqu'on compare les structures de risques des portefeuilles des fonds de pension à prestations définies et à cotisations définies (les seconds étant plus risqués).

• Risques de mauvaise diversification du risque :

- dans le cadre des plans d'épargne entreprise investis dans l'entreprise. En France on estime que 50% des plans d'épargne salariaux sont placés en titres de l'entreprise, avec les risques évidents de mauvaise diversification du risque. La disparition de l'épargne retraite des salariés d'ENRON fait ici figure d'emblème ;

- liés à la gestion elle-même, cf. point suivant.

• Risques liés à la gestion : Nous avons étudié de près les stratégies de gestion des différents zinzins, et notamment nous avons tenté de comprendre pourquoi la recherche du rendement maximal (avec son corollaire de risque) prime le plus souvent.

• Lorsqu'ils agissent dans un environnement concurrentiel , les zinzins doivent assurer un rendement supérieur ou égal à leurs concurrents . Cela les pousse à adopter des comportements moutonniers ou mimétiques , avec des effets déstabilisants vue la concentration des capitaux en cause qui peuvent mener à des crises financières.

• De plus les zinzins adoptent une rotation élevée de leurs placements pour réaliser leurs plus-values, et ce faisant ne jouent pas forcément leur rôle de stabilisateurs d'une épargne longue , favorable à la mise en place de stratégies de long terme des entreprises. Enfin ces comportements de courte vue renforcent la volatilité des marchés.

• Cela les pousse aussi à investir dans des secteurs à forte croissance des prix des actifs, même lorsque ceux ci sont notoirement sur-évalués . Dans un environnement concurrentiel, il vaut mieux pour un gérant avoir tort avec les autres aujourd'hui, qu'avoir raison seul mais dans le moyen terme. Au total certains secteurs à croissance lente mais stable se sont vus délaissés pendant la bulle de la nouvelle économie, ce qui est clairement sous optimal du point de vue macro-économique.

Risque de déséquilibres liés aux exigences de ROE à 15%. Comme le souligne M. Aglietta, la théorie financière de l'équilibre nous dit que dans le long terme le rendement du capital doit être égal au coût d'opportunité des fonds propres. Dés lors vouloir introduire un surcroît de rentabilité est déséquilibrant. Cela n'est possible que dans le cas de progrès technologique massif, qu'il ne faut pas toutefois surestimer comme lors de la bulle de la nouvelle économie...

Montée de l'endettement. Pour atteindre ces objectifs d'accroissements significatifs de leur rentabilité sur fonds propres les firmes ont donc accru leur endettement de façon massive, soutenues en cela par une politique monétaire accommodante. Bien sûr, les risques de bilans des entreprises sont importants, car leur résolution pèse sur la dynamique d'investissement et donc sur la croissance économique.

Risques de sous-capitalisation des fonds de pension. Lors de la phase de hausse spectaculaire des cours boursiers jusqu'en mars 2000, les fonds de pension à prestations définies, ont vu les flux nouveaux capitalisés se tarir face à la hausse automatique des encours d'actifs due aux revalorisations significatives des actifs déjà détenus. On parlait à l'époque de surcapitalisation des fonds ! Avec la phase de baisse des cours enregistrée depuis lors, des sous-capitalisations importantes sont apparues. Aux Etats-Unis, les fonds à prestations définies sont majoritaires (66% des encours gérés par les fonds de pension), et l'on comprend mieux pourquoi les entreprises doivent à présent provisionner pour recapitaliser leur fonds de pension privés.

* 39 Nous allons analyser les fonds de pension à cotisations définies plus à fond dans le chapitre 1.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page