B. PRINCIPES DEVANT GUIDER LA RÉGULATION DES « FONDS DE PENSION À LA FRANÇAISE »
Sans entrer dans trop de détails techniques, quelques principes de bon sens devraient être appliqués pour encadrer l'activité des fonds de pension dans notre pays. L'enjeu que représente la sécurisation des placements effectués en vue de la retraite justifie un encadrement de l'activité de ces fonds plus rigoureux que celui applicable aux autres investisseurs institutionnels.
1. Allonger la durée des mandats de gestion
Confier l'épargne d'un fonds à un gestionnaire extérieur peut être un utile instrument de diversification des placements et donc de diffusion du risque. Cette pratique ne doit donc pas être interdite, mais la loi pourrait imposer une durée minimale pour les mandats de gestion. Quatre ans paraissent être une durée appropriée.
2. Imposer une diversification des placements
La directive relative aux fonds de pension adoptée par le Conseil des ministres de l'Union européenne le 13 mai 2003 définit quelques principes devant guider la politique d'investissement des fonds. Les fonds doivent gérer l'épargne qui leur est confiée conformément au principe du « bon père de famille », c'est-à-dire de manière prudente et avisée. En application de ce principe, les actifs doivent faire l'objet d'une large diversification afin d'assurer la sécurité, la qualité, la liquidité et la rentabilité du portefeuille. La directive fixe quelques normes devant s'appliquer à tous les pays de la Communauté :
- un fonds ne pourra placer plus de 70 % de ses actifs sous forme d'actions et d'obligations d'entreprises cotées ;
- il ne pourra placer plus de 30 % de ses actifs en devises étrangères (afin de limiter le risque de change) ;
- il ne pourra non plus investir plus de 5 % de ses actifs dans les titres de son entreprise affiliée (afin de parer aux risques inhérents à l'actionnariat salarié).
Il appartient aux Etats membres de définir des règles plus détaillées de diversification des placements. Il convient de jouer sur toute la palette des produits financiers disponibles. Mais il devrait être possible de tenir compte aussi de la qualité des actifs détenus : le risque encouru n'est pas le même selon qu'un fonds détient des actions d'entreprises cotées mal notées, ou des actions d'entreprises bénéficiant de la meilleure notation par les agences financières. La même observation vaut pour la dette souveraine des Etats, qui ne présentent pas tous les mêmes garanties.
3. Garantir la transparence de l'information pour l'épargnant
Les épargnants doivent pouvoir choisir, en toute connaissance de cause, des produits présentant différents degrés de risque et de rendement. Pour éviter une prise de risque excessive et des offres abusives, on peut envisager que le pouvoir réglementaire fixe un plafond aux rendements proposés. Les épargnants doivent pouvoir bénéficier de simulations sur leur rente future, et d'informations sur le capital accumulé.
Ils doivent aussi pouvoir connaître les règles de gestion et la situation financière de l'institution à laquelle ils confient leur épargne.
Le projet de loi sur la sécurité financière, actuellement en cours de discussion au Parlement, propose de renforcer les obligations de transparence des entreprises : meilleure information de l'assemblée générale sur les travaux du conseil d'administration, plus grande transparence dans les relations avec les commissaires aux comptes, obligation pour les entreprises faisant appel public à l'épargne de rendre publiques les transactions effectuées par ses mandataires sociaux, ou leurs proches, sur les titres de la société, suppression de l'agrément préalable des associations d'investisseurs qui peuvent agir en justice au nom de leurs membres. Une autorité administrative indépendante renforcée, l'Autorité des marchés financiers, assurera le respect des règles en vigueur.
Il est également proposé de renforcer la protection des consommateurs face au démarchage financier, notamment en interdisant de proposer, par cette voie, des produits trop risqués, et en veillant à l'honorabilité et à la compétence des démarcheurs.
Aux Etats-Unis, la loi Sarbanes-Oxley, adoptée en juillet 2002, va dans la même direction. Elle impose aux entreprises de rendre publiques de nouvelles informations comptables. Elle renforce les mécanismes de contrôle internes et externes des entreprises, et s'efforce d'améliorer l'indépendance des commissaires aux comptes. Elle aggrave les sanctions applicables en cas de fraude et d'irrégularités.
4. Assurer la stabilité des versements pour les fonds à prestations définies
Pour éviter une sous-capitalisation de ces fonds, il convient d'imposer une certaine stabilité des versements, afin de dissocier leur montant de l'évolution du prix des actifs.
5. Assurer la portabilité des plans de retraite capitalisés entre entreprises
Cette exigence est fondamentale dans une économie où la mobilité des travailleurs est de plus en plus courante. Cette exigence est d'ailleurs bien prise en compte par les propositions législatives formulées jusqu'ici. Cela suppose une certaine homogénéité des règles applicables, qui peut être atteinte par la loi ou par la négociation collective.
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Le succès d'une forme de retraite par capitalisation en France est certainement la clé d'un développement supplémentaire de l'épargne en actions. Non sans quelque paradoxe, le succès de la retraite par répartition dépendra beaucoup de la qualité de la sécurisation apportée à ces placements, qui peut passer justement par une limitation de la part allouée aux actions dans les stratégies d'investissement.