B. QUELQUES PROPOSITIONS D'ORIGINE PARLEMENTAIRE

La contribution du Parlement au débat sur les retraites est riche et ancienne : pour s'en tenir aux années les plus récentes, rappelons la création en 1997, par une proposition de loi du député Jean-Pierre Thomas, des premiers plans d'épargne retraite. Entre 1997 et 2002, le Sénat a, face à l'attentisme du gouvernement, continué à animer le débat sur l'épargne retraite. Plus récemment, la Commission des finances de l'Assemblée Nationale a élaboré une proposition de compte épargne retraite.

1. Le dispositif de la loi Thomas

L'objectif de la loi Thomas était d'instituer un régime de retraite par capitalisation destiné aux salariés du secteur privé et aux travailleurs agricoles, venant en complément des pensions versées par le système de retraite par répartition. Pouvait adhérer aux plans d'épargne retraite (PER) tout salarié relevant de l'assurance vieillesse de base du régime général ou du régime agricole et affilié à l'un des régimes complémentaires obligatoires, ainsi que les citoyens français établis hors de France.

Les PER pouvaient être souscrits par un ou plusieurs employeurs, ou bien par un groupement d'employeurs, et mis en place par accord collectif d'entreprise, de branche, voire à l'échelon interprofessionnel, ou à défaut, par décision unilatérale de l'employeur. Dans l'hypothèse où, un an après la promulgation de la loi, une entreprise n'aurait pas proposé de PER à ses salariés, ceux-ci pouvaient adhérer à un plan existant.

L'idée de souplesse avait guidé les concepteurs du système : l'adhésion des salariés était facultative, leurs versements libres et non plafonnés, mais avantagés fiscalement dans la limite de 5 % du revenu brut ou de 20 % du plafond de la sécurité sociale : quant aux abondements de l'employeur, facultatifs, révisables et complémentaires des versements du salarié, ils étaient plafonnés à hauteur du quadruple de ces versements annuels, et exonérés de cotisations sociales patronales jusqu'à 85 % du plafond de la sécurité sociale. Les droits acquis par le salarié étaient intégralement transférables en cas de rupture du contrat de travail.

Véritable produit de retraite, le PER ne permettait aucun déblocage de l'épargne accumulée avant l'âge de la retraite, mais autorisait à cette date une sortie partielle en capital, la voie privilégiée étant celle de la rente viagère avec réversion possible, y compris au bénéfice des enfants mineurs, incapables ou invalides.

La gestion des PER devait être externe et confiée à des organismes professionnels spécifiques, dotés de la personnalité morale, les fonds d'épargne retraite. Constitués sous la forme de sociétés anonymes d'assurance, de sociétés d'assurance mutuelles, de mutuelles d'assurance ou d'institutions de prévoyance, ils devaient obtenir un agrément ministériel, et faire preuve de prudence dans leur gestion.

2. La proposition de la Commission des affaires sociales du Sénat

La Commission des affaires sociales de notre Haute Assemblée a examiné, en octobre 1999, deux propositions de loi 31 ( * ) qui ont abouti à des conclusions communes.

Le texte arrêté par la Commission aboutit à un dispositif proche de la loi Thomas. La Commission a insisté sur la nécessité de « mettre en place des règles souples et respectueuses des droits des salariés et des employeurs ». Elle souhaitait que la conclusion d'un accord collectif de travail soit la voie privilégiée pour la création des plans de retraite.

Les versements du salarié auraient été libres et facultatifs, et auraient ouvert droit à un abondement de l'employeur, à condition que celui-ci ait volontairement adhéré à un plan d'épargne retraite. Dans le cas contraire, les salariés auraient pu adhérer à un plan souscrit au niveau de la branche, d'un groupement d'employeurs, ou d'une autre entreprise. La loi garantissait au salarié la portabilité de ses droits vers un autre plan de retraite, en cas de licenciement.

Afin que l'on ne puisse reprocher au dispositif de nuire au financement de la retraite par répartition, la Commission proposait d'assujettir les abondements de l'employeur et les versements des salariés aux cotisations d'assurance vieillesse (régimes de base et complémentaires). Toutefois, les versements des adhérents percevant un salaire inférieur à 1,5 SMIC auraient été exonérés de toute cotisation, afin qu'ils puissent bénéficier d'un équivalent des avantages fiscaux perçus par les salariés payant un impôt sur le revenu. Les versements auraient, en effet, été déductibles du revenu imposable au titre de l'impôt sur le revenu.

La proposition de la Commission prévoyait également une incitation fiscale modulée en fonction de l'âge du salarié : l'incitation aurait été d'autant plus forte que le salarié était âgé, afin que les salariés déjà avancés dans leur carrière puissent se constituer un complément de retraite significatif. Des versements exceptionnels auraient permis de racheter des années de cotisation.

La proposition de la Commission des affaires sociales a fait l'objet d'une première lecture au Sénat.

3. La proposition de comptes épargne retraite

La Commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté, en mai 2003, un rapport d'information 32 ( * ) qui propose d'instituer des « comptes d'épargne retraite ». L'idée maîtresse de cette proposition est la volonté de créer un dispositif quasi-universel, accessible aux salariés comme aux non-salariés, aux inactifs comme aux chômeurs. Cela implique que l'adhésion individuelle à un compte d'épargne retraite soit possible directement, sans passer par l'entreprise d'un (éventuel) employeur.

Le compte épargne retraite serait un produit à sortie en rente viagère, avec possibilité de réversion. Une seule possibilité de sortie en capital, pour l'achat de la résidence principale, est prévue.

Les fonds collectés seraient gérés par des professionnels agréés, extérieurs à l'entreprise employeur, avec des obligations d'information et de transparence vis-à-vis des souscripteurs. Les gestionnaires proposeraient des produits présentant différents degrés de risque : produits monétaires ou obligataires, ou actions et parts d'OPCVM.

Les versements au compte seraient déductibles de l'impôt sur le revenu, dans la limite d'un plafond. Le compte pourrait être abondé par l'employeur, à concurrence des versements du salarié. Cet abondement serait déductible du bénéfice imposable, et serait exonéré, dans une certaine limite, de cotisations de sécurité sociale.

La souscription individuelle au compte épargne retraite serait possible. Les entreprises pourraient souscrire des contrats de groupe, et proposer ensuite à leurs salariés d'en bénéficier.

Au-delà d'inévitables différences techniques, ces propositions partagent une même philosophie : il s'agit de créer un complément de retraite via une épargne individuelle capitalisée. Le risque lié aux placements est supporté par l'épargnant, mais est réduit par l'application de règles prudentielles (forte part de produits monétaires et d'obligations dans les actifs détenus).

L'étude relative aux investisseurs institutionnels, réalisée par le BIPE, à l'intention de la Délégation, a attiré l'attention de votre rapporteur sur une expérience nationale intéressante, celle en vigueur au Danemark.

* 31 Propositions de loi n° 187 et n° 218 (1998-1999), et Rapport n° 8 par M. Charles Descours, sénateur (1999-2000).

* 32 « Un compte épargne retraite pour tous », Rapport d'information n° 858, mai 2003, par Eric Waerth.

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