§ LES COMPORTEMENTS MOUTONNIERS SONT RATIONNELS ET, VU LA CONCENTRATION DES CAPITAUX, DÉSTABILISANTS
Pour un gestionnaire, le marché a toujours raison. Dans l'environnement concurrentiel, il vaut mieux avoir tort avec le marché que tenter d'avoir raison contre lui pour les zinzins . Car la vérité mettra peut être du temps à éclater, et d'ici là, le marché pourrait sur-performer la position pris par le gestionnaire individuel. En outre, si les horizons de placements sont théoriquement longs, les performances de la gestion sont jugées à court terme (cf. point précédent).
Coller le marché ou essayer de s'en démarquer . Du coup, beaucoup de stratégies de placements sont tout simplement indicielles (les poids des actifs en portefeuille sont exactement ceux de l'indice de référence.) Les acteurs qui suivent ce genre de stratégies de portefeuilles ont donc par essence des comportements moutonniers puisque leur stratégie de placements est la résultante des évolutions moyennes du marché. D'autres zinzins adoptent des stratégies alternatives, mais ils ne peuvent pas durablement s'éloigner de la performance moyenne du marché sous peine d'être puni par les clients (qui voteraient avec leur pieds, ou qui ,comme souvent aux Etats-Unis, attaquent le gestionnaire devant les tribunaux.....).
Les comportements moutonniers sont rationnels . Prenons un exemple : imaginons un gestionnaire de portefeuille dans un environnement concurrentiel, qui analyse les valeurs fondamentales d'une entreprise. Il porte un jugement positif sur la valeur de long terme de la société, dont le titre est à la peine en bourse. Il peut acheter le titre et tenter de nager contre le courant. Cela serait possible si son horizon de placements était vraiment long. Mais en réalité il sera jugé en fin d'année par rapport à la performance du marché. Il lui sera alors plus facile de défendre une performance en ligne avec la moyenne (« le courant ») , que de justifier une performance en dessous de la moyenne. Du coup il est pour lui rationnel de suivre le comportement de la masse : c'est le concept de la rationalité mimétique .
Et déstabilisants . Les zinzins sont profondément impliqués dans la dynamique de bulle boursière des années 1997-2000 ; par exemple, plusieurs études ont indiqué que les introductions en bourse sur le marché boursier couronnée de succès sont souvent celles qui avaient été fortement souscrites par les zinzins. En bref, en raison de leur réputation d'investisseurs informés et professionnels, le simple fait de leur souscription peut attirer d'autres investisseurs, poussant le prix des émissions vers le haut. De notre point de vue, et dans la même logique, la bulle spéculative de la fin des années 90 a été nourrie et accentuée par un biais préférentiel des investisseurs institutionnels de plus en plus aigu pour des titres associés à la « nouvelle économie » (voir annexe 2 pour l'introduction boursière de Lycos, un portail internet en mars 2000). On peut effectivement regarder ceci comme un comportement moutonnier qui s'est développé subrepticement au cours des années 1990 pour culminer en 2000. De façon symétrique, l'effondrement des marchés à partir de Mars 2000 s'est produit largement en raison d'un « flight to security », initié par les zinzins en raison de leur poids dans les marchés.
Etant donné le degré de concentration des capitaux entre les mains des zinzins, les effets déstabilisateurs de comportements moutonniers sont renforcés. Jusqu'ici dans la période de l `après guerre, l'effet a plutôt été tangible au niveau international dans la séquence de crises financières qu'on a vécue (crise mexicaine, la crise asiatique). A cette époque, les flux financiers gérés par des zinzins ont contribué fortement à déstabiliser des régions économiques entières. Dans ces cas, c'était la préférence pour un portefeuille plutôt domestique des zinzins qui a dicté la retour des capitaux investis préalablement dans des marchés émergents.
La situation actuelle est différente : nous faisons actuellement face à une crise généralisée, c'est à dire autant domestique qu' internationale pour les économies occidentales. Ceci veut dire que avec la concentration des capitaux , il devient maintenant urgent d'assurer que les investisseurs institutionnels ne se comportent pas comme des spéculateurs . Pour cela il convient de réfléchir aux implications de leur luttes pour les parts de marché de l'épargne qui les poussent à adopter des comportements risqués pour pouvoir réaliser des rémunérations potentiellement plus fortes.
C'est pourquoi la régulation doit s'attacher à limiter les prises de risques excessives des zinzins, soit en limitant la concurrence, soit en limitant les rendements offerts, soit en régulant les allocations de portefeuille d'une manière ou d'une autre. Ce type de régulation nous paraît difficilement réalisable pour des zinzins autres que les fonds de pension. |