M. Jean-Claude Larrivoire, journaliste
Bertrand Méheut peut-il nous éclairer sur le devenir de Canal +, chaîne par abonnement, numéro 1 au monde dans ce secteur ?
M. Bertrand Méheut, président du directoire de Canal +
Canal +
a suscité beaucoup d'émotion au cours de ces derniers mois. Cela
prouve que le groupe capte l'intérêt... Les difficultés
rencontrées amènent à s'interroger sur la pertinence de
son modèle économique, comme sur la pérennité de
l'entreprise.
Je considère, quant à moi, que le modèle qui consiste
à offrir au téléspectateur pour 28 euros par mois ce
qu'il attend et qu'il ne trouve pas ailleurs peut être pérenne.
Le groupe Canal perd de l'argent depuis 1997. En 2002, nous avons perdu plus de
300 millions d'euros, pour atteindre une dette cumulée de
5 milliards d'euros fin 2002. Mais rassurez-vous : nous allons sortir
le groupe de cette situation !
Il faut tenir compte du fait que la concurrence s'est fortement
développée depuis le lancement de Canal + en 1984. Le nombre de
chaînes thématiques est aujourd'hui considérable ; le
lancement de TPS a conduit à une augmentation de 30 % du coût
de recrutement des abonnés et à une augmentation de 70 % de
leur gestion en quelques années. Le coût des programmes a lui
aussi fortement augmenté, notamment dans le domaine du sport et de
l'accès à certains films américains.
Le groupe Canal dégagera un résultat d'exploitation positif en
2003. Cela tient à un plan d'action qui nous conduit à recentrer
notre activité sur notre métier principal : la
télévision payante en France. Des activités lancées
à l'étranger, qui avaient des difficultés à trouver
leur équilibre, ont commencé à être vendues. Studio
Canal fera bien entendu toujours partie de notre périmètre, ainsi
que Media Overseas.
Cependant, ce recentrage ne suffira pas, puisque même à
l'échelle française le groupe est en situation délicate,
en raison de l'augmentation de ses coûts de structures et de ses charges
de programmes ou de gestion. Le groupe comportait plus de 300 entités
juridiques ! L'entreprise doit donc être restructurée,
simplifiée. Nous avons présenté la semaine dernière
un plan de restructuration, qui conduit malheureusement à supprimer un
certain nombre d'emplois.
Nous devrons par ailleurs encore conquérir des abonnés, l'un des
succès étant d'avoir su déjà en conquérir
quelque 4,5 millions. Canal Satellite a connu une augmentation nette de
220 000 abonnés en 2002, ce que l'on peut estimer être
un succès, et nous avons des réserves de croissance en ce domaine.
Conquérir des abonnés nécessite aussi de renouveler le
contenu éditorial : le taux de satisfaction de nos abonnés,
notre instrument de mesure permanent, a d'ailleurs été en hausse
à la fin de l'année 2002. Ce contenu éditorial, fait
d'originalité, voire d'impertinence, est un sujet de
préoccupation. Nous travaillons actuellement à son renouvellement
sachant que le Canal de demain ne devra pas se construire simplement sur ses
différences par rapport aux autres, s'agissant du cinéma et du
sport par exemple, mais aussi sur du contenu positif et original.
Le succès de Canal est évidemment important pour nos
abonnés et nous-mêmes, mais aussi pour nos partenaires, dont le
cinéma français, vis-à-vis duquel nous avons des
obligations considérables -obligations et contraintes qui demeurent
d'ailleurs les mêmes malgré les évolutions de
l'environnement.
Je signale enfin qu'avec le soutien de notre actionnaire nous allons
recapitaliser le groupe afin de le mettre en ordre de marche financière
pour l'avenir.
Cet ensemble de mesures nous permettra de faire à nouveau du groupe
Canal une entreprise profitable et en développement dans le paysage
français.