C. UN CONSTAT COMMUN : DES BESOINS DE FINANCEMENT ÉLEVÉS SUR LA PÉRIODE 2003-2020
1. Le constat : un besoin de financement élevé
Compte tenu des projets retenus et des besoins de maintenance, l'Etat devrait mobiliser 11 milliards d'euros à 15 milliards d'euros supplémentaires sur la période 2003-2020.
a) Le besoin de financement des projets routiers et autoroutiers
Concernant les projets routiers et autoroutiers, l'audit évalue le coût de l'ensemble des projets réalisables d'ici 2020 à 63 milliards d'euros, dont 23 milliards d'euros seraient pris en charge par l'Etat.
Financements théoriques à mobiliser sur la
période 2003-2020 tels qu'estimés par la mission
(en milliards d'euros)
Secteur |
Total des besoins financiers |
Part Etat |
Autoroutes concédées |
18,5 |
3,4 |
dont non aidées par l'Etat |
18,5 |
0 |
dont aidées par l'Etat |
10 |
3,4 |
Routes non concédées |
38,02 |
16,12 |
dont Ile de France |
7,9 |
2,6 |
dont rase campagne |
17 |
9 |
dont milieu urbain |
12,1 |
3,3 |
dont outre mer |
1,03 |
0,67 |
dont Corse |
1,49 |
1,05 |
Programmes de sécurité |
5,02 |
2,96 |
TOTAL |
63,04 |
22,98 |
La mission évalue ainsi à 1,28 milliard d'euros par an le besoin de financement de l'Etat, dont l'essentiel pour le réseau autoroutier non concédé (920 millions d'euros), mais aussi pour le réseau concédé (190 millions d'euros) et pour la sécurité .
Les besoins financiers du réseau autoroutier 2003-2020
(en milliards d'euros)
b) Le besoin de financement des projets ferroviaires
S'agissant des projets ferroviaires, l'audit a distingué entre le scénario « faisable » c'est-à-dire qui peut être réalisé techniquement d'ici à 2020 sans prendre en compte les priorités de l'audit, et le scénario « indicatif » qui est celui ayant la préférence des auditeurs.
Le scénario techniquement réalisable coûte 24,8 milliards d'euros dont 18,6 milliards d'euros de concours public, la part Etat se montant à 11,8 milliards d'euros.
Ce scénario est représenté ci-après : le pic des investissements aurait lieu en 2010. Il s'élèverait à un peu plus de 1,4 milliard d'euros 22 ( * ) .
Source : rapport d'audit sur les grandes infrastructures de transports - février 2003
Le scénario « indicatif », c'est-à-dire préconisé par la mission (excluant certains grands projets comme le POLT ou le Lyon-Turin) s'élève à 18,8 milliards d'euros dont 13,1 milliards d'euros de subventions publiques et 8,1 milliards d'euros de subvention de l'Etat. Il est représenté ci-après. Le « décalage » du projet Lyon-Turin en fin de période conduit à lisser davantage l'effort d'investissement. Le « pic » d'investissement serait de 800 millions d'euros en 2018.
Source : rapport d'audit sur les grandes infrastructures de transports - février 2003
c) Les besoins financiers globaux
L'audit observe que sur la période 2000-2002, l'enveloppe consacrée aux investissements routiers nouveaux s'est élevée à 900 millions d'euros par an, ce qui correspondrait à 16,2 milliards d'euros sur une période de 18 ans (2003-2020). L'écart avec le besoin estimé à 23 milliards d'euros est donc de 6,8 milliards d'euros . L'écart serait porté à 10 milliards d'euros si les pouvoirs publics voulaient mettre l'accent sur l'entretien.
Concernant le secteur ferroviaire , « l'extrapolation » de l'enveloppe budgétaire 2000-2002 sur la période 2003-2020 aboutit à une enveloppe de référence de 3,2 milliards d'euros. Comme le besoin de financement estimé de l'Etat est de 8,1 milliards d'euros, l'audit en déduit un besoin de financement supplémentaire de 4,9 milliards d'euros .
Ainsi, en définitive et pour l'ensemble des modes, le surcroît de ressources à mobiliser par rapport aux enveloppes des trois dernières années s'établirait (hors rétablissement de l'équilibre de RFF) serait dans une fourchette comprise en 11 milliards d'euros et 15 milliards d'euros. Cependant, le coût s'élèverait à près de 19 milliards d'euros si l'on décidait d'ajouter le Lyon-Turin et le POLT.
Besoins financiers sur la période 2003-2020
(en milliards d'euros)
Scénario |
Mode de transport |
Investissements |
Part Etat |
Subventions sur rythme actuel |
Reste à financer |
A |
Routes |
63 |
23 |
16,2 |
6,8 |
A' |
Routes + entretien |
66,2 |
26,2 |
16,2 |
10 |
B |
Fer (scénario de l'audit) |
18,8 |
8,1 |
3,2 |
4,9 |
B' |
Fer (scénario technique) |
24,8 |
11,8 |
3,2 |
8,6 |
A + B |
Total minimal |
81,8 |
31,1 |
19,4 |
11,7 |
A'+B |
Total intermédiaire |
85 |
34,3 |
19,4 |
14,9 |
A'+B' |
Total maximal |
91 |
38 |
19,4 |
18,6 |
Traduit par an, le besoin de financements nouveaux s'élèverait de 650 millions d'euros (scénario minimal) à 1 milliard d'euros par an (scénario maximal) 23 ( * ) .
Il faut enfin noter que le scénario « maximal » devrait être relevé à 21,6 milliards d'euros si l'Etat choisissait de réaliser le projet Seine-Nord.
2. La conséquence : des propositions de ressources nouvelles
a) L'augmentation des péages d'infrastructures
Une des propositions de la mission d'audit et de la DATAR est d'accroître, dans une certaine mesure, le financement des infrastructures de transports par l'usager.
Il s'agirait en premier lieu de clarifier les comptes de Réseau ferré de France : mettre à part les dettes non remboursables (13,5 milliards d'euros) et augmenter les recettes d'exploitation à hauteur de 950 millions d'euros par an.
Cette clarification pose deux questions subsidiaires : le niveau de tarification du fret ferroviaire (qui devrait couvrir les coûts marginaux d'usage) et la tarification des trains express régionaux (qui devraient couvrir, selon l'audit, les coûts complets d'infrastructure).
Le rapport DATAR évoque aussi le relèvement des tarifs de l'infrastructure ferroviaire. Mais, comme le rappelle à juste titre le rapport DATAR, « la principale marge de manoeuvre dans l'augmentation des redevances d'infrastructures réside dans des gains de productivité du transporteur » même si l'infrastructure peut aussi y contribuer (meilleure rotation des matériels). Votre rapporteur spécial fera d'ailleurs des propositions en ce sens (cf. III).
Il s'agirait en second lieu d'instaurer une redevance domaniale kilométrique pour l'utilisation commerciale du domaine public routier. Elle serait prélevée sur les poids lourds circulant sur les autoroutes gratuites et sur les grandes liaisons à caractéristiques autoroutières.
La mission évalue le rendement d'une telle redevance à 400 millions d'euros par an à compter de 2006 et à 600 millions d'euros en 2020, soit 7,5 milliards d'euros sur la période 2006-2020. Le rapport DATAR mentionne aussi l'instauration d'une redevance d'utilisation domaniale pour les poids lourds sur les routes nationales à caractéristiques autoroutières, à l'instar du dispositif prévu sur les autoroutes allemandes, avec une modulation géographique prenant en compte la réalité des externalités et les enjeux d'aménagement du territoire.
Votre rapporteur spécial rappelle que l'Allemagne prévoit d'opérer une mise à péage de son réseau autoroutier à compter de septembre 2003 en utilisant une technique de suivi des camions par GPS. Cette technologie, permettant une identification fine des tronçons empruntés, se prête particulièrement bien à la modulation souhaitable de la tarification. Elle peut néanmoins poser des problèmes juridiques, notamment quant aux modalités de contrôle qu'elle implique. La mission estime la mise en place d'un tel système délicate avant 2006.
Il s'agirait en troisième lieu d'augmenter les ressources propres de Voies navigables de France (VNF).
L'audit relève que dans le domaine fluvial, la situation financière de Voies navigables de France exclut quasiment toute contribution aux projets de développement. L'établissement public perçoit le produit de la taxe hydraulique, des redevances domaniales et des péages de circulation, pour un total d'environ 100 millions d'euros par an. La capacité d'autofinancement de VNF s'établit à environ 25 millions d'euros par an.
La mission note que l'établissement public souhaite augmenter ses ressources propres d'environ un tiers , soit de l'ordre de 30 millions d'euros par an. Il s'agirait de porter progressivement le taux de la taxe hydraulique au plafond défini par le décret n° 98-1250 du 29 décembre 1998, ce qui majorerait les recettes de 25 millions d'euros à l'horizon 2007-2008.
b) L'augmentation des prélèvements obligatoires
Au-delà de la redevance domaniale, le rapport DATAR évoque la possibilité d'une taxe sur les poids lourds, dans les zones particulièrement sensibles et congestionnées (franchissements alpins et pyrénéens) à l'instar de ce qu'a fait la Suisse. Le rapport souligne qu'il faudrait une négociation avec les pays limitrophes dans le respect de la législation européenne.
Le rapprochement de la TIPP du gazole sur celle de l'essence des véhicules légers est également évoqué, la différence de taxation n'étant pas justifiée économiquement. La recette supplémentaire qui en serait attendue s'élèverait à 200 millions d'euros par an.
Le rapport DATAR évoque même la possibilité de taxer directement le donneur d'ordre , qui, dans une organisation en flux tendus, bénéficie du différentiel entre le prix de stockage et le prix du transport (stock roulant).
c) Le partenariat public-privé
Enfin, le rapport DATAR évoque le partenariat public-privé , qui constituerait une « troisième voie » de financement. Ce partenariat permettrait de transférer une partie des risques vers le privé, d'accélérer la réalisation d'infrastructures, de réduire les coûts à qualité au moins égale, d'optimiser la gestion des infrastructures, de permettre un financement par l'usager adapté au service rendu.
Le rapport d'audit explique également que « la principale piste d'amélioration que l'on peut concevoir consiste à laisser plus de marge de manoeuvre aux acteurs privés dans la mise au point des projets ». Il relève que l'un des avantages déterminants reconnus des partenariats public-privé provient de l'efficacité supposée meilleure du secteur privé dans l'optimisation des projets dont la réalisation lui est confiée.
Après avoir examiné les opérations autoroutières, la mission d'audit estime important que la puissance publique laisse une certaine flexibilité dans les modalités de réalisation de l'infrastructure tout en fixant clairement les performances à en attendre, notamment en termes de qualité de service. Dans ce domaine, les deux paramètres déterminants sur lesquels une réflexion devrait être menée concernent d'une part, la conception même des objets autoroutiers et, d'autre part, le phasage dans le temps de leur réalisation . Dans un souci de transparence, ces marges de manoeuvre devraient évidemment être clairement affichées dès les avis d'appel à concurrence.
Votre rapporteur spécial estime évidemment que le partenariat public-privé peut contribuer à trouver des solutions pour le financement de certaines infrastructures. Il ne faut cependant pas en attendre des miracles notamment en termes d'abaissement des coûts.
En conclusion, les rapports commandés par le gouvernement permettent de faire un diagnostic précis de chaque investissement et de tracer des pistes pour leur financement. Il n'en reste pas moins au gouvernement et au Parlement de fixer clairement les priorités puisque les rapports montrent que tous les projets ne peuvent être réalisés dans la période 2003-2020 et de décider, ou non, d'accroître le financement consacré aux transports.
* 22 On observera qu'en 1991 et 1992, années qui ont enregistré les plus forts investissements en matière de lignes ferroviaires à grande vitesse, les investissements ont représenté près de 1,5 milliard d'euros. Ces forts investissements ont toutefois contribué à l'endettement croissant du système ferroviaire.
* 23 Sans contester ses méthodes de calcul, votre rapporteur spécial souligne que la mission d'audit s'est contentée de reprendre les dotations budgétaires des deux dernières années pour projeter l'effort de l'Etat sur les vingt années à venir, ce qui semble une extrapolation audacieuse. Une étude du niveau moyen de dotation budgétaire des dix dernières années aurait pu aboutir à des résultats différents. Si les deux années de référence représentent des faibles dotations budgétaires, les besoins de financement pour les années à venir sont calculés au plus haut. Or, l'on a pu montrer que les investissements en infrastructures, notamment ferroviaires, ont été particulièrement faibles ces deux dernières années.