LA TIMIDITÉ DES RÉPONSES DE LA FRANCE ET DE L'EUROPE
La politique allemande
Au-delà d'une architecture de gestion de la recherche assez complexe imputable à son système institutionnel fédéral, l'Allemagne se distingue par :
- une allocation de moyens à la microélectronique et aux nanotechnologies relativement importante à l'échelle européenne (153 millions d'euros en 2001),
- et une attention particulière portée aux applications industrielles, dont le support est le réseau des sociétés Fraunhofer (900 millions d'euros, 11 000 personnes, dont 6 instituts consacrés à la microélectronique) .
Les politiques européennes
L'initiative Eurêka
Le programme Eurêka-Medea+ fédère les entreprises et les centres de recherche européens et doit couvrir la période 2001-2008 avec des dotations annuelles des États de l'ordre de 500 millions d'euros par an.
Il se concentre, notamment, sur l'application de technologies-clés permettant de faire sauter certains verrous qui ralentissent le processus de miniaturisation des composants.
L'Union européenne
Le 6 e programme-cadre de développement et de recherche de l'Union européenne
Doté, sur la période 2002-2006 d'un budget de 17,5 milliards d'euros (dont 3,6 milliards d'euros pour les technologies de la société de l'information et 1,3 milliard d'euros pour les nanosciences et les nanotechnologies), il traduit la nécessité de créer un espace européen de la recherche , concentré sur des pôles d'excellence et met en oeuvre des programmes intégrés destinés à unir l'industrie et les laboratoires de recherche sur des objectifs prioritaires .
Si son architecture est satisfaisante, des interrogations subsistent sur son application et, en particulier :
- sur la définition des pôles d'excellence qui doivent être peu nombreux pour conserver une masse critique à l'échelle mondiale ,
- sur les masses financières des programmes intégrés qui ne joueront pas un rôle fédérateur si les volumes financiers des grands projets sont insuffisants.
En revanche, le cadre concurrentiel européen n'apparaît plus adapté à la réalité du marché mondial :
- éligibilité trop restreinte des aides à la recherche ,
- définition et application de règles de concurrence qui n'ont plus de sens lorsque les principaux industriels européens coopèrent en matière de recherche et mettent en commun certaines de leurs lignes de production.
Les traités européens ne sont pas des pactes suicidaires.
Si la Commission européenne souhaite mettre en oeuvre une politique industrielle, elle doit s'en donner les moyens.
Le dispositif français
Le dispositif français repose principalement :
- D'abord sur un réseau de grandes centrales technologiques installées sur 5 sites :
CEA-LETI à Grenoble (centrale également liée au pôle Minatec en voie de constitution),
Laboratoire d'Analyses et d'Architectures des Systèmes à Toulouse,
Laboratoire de Photonique et de Nanostructures à Marcoussis,
Institut d'Électronique Fondamentale à Orsay,
Institut d'Électronique et de Microélectronique du Nord à Lille.
La constitution de ce réseau doit faire l'objet d'une dotation totale de 100 millions d'euros de 2003 à 2005. Ces centrales ont pour but de donner un nouvel élan au développement technologique de la filière en activant les interfaces avec la recherche fondamentale en amont et la recherche appliquée en aval.
- Ensuite, sur l' établissement des priorités de recherche technologique de base menée en commun par le CNRS et le CEA, qui feront l'objet d'un soutien supplémentaire de l'ordre de 25 millions d'euros.
Si cette architecture est satisfaisante, l' effort français demeure encore insuffisant :
- les moyens opérationnels ne sont pas à la hauteur des enjeux (ils sont, par exemple, trois fois inférieurs aux soutiens allemands).
Sur ce point, la suppression du CNET et la réorientation de l'activité de recherche de France Telecom, qui ont soustrait du soutien public à la recherche-développement 600 millions d'euros, n'ont pas été compensées par la création de réseaux qui n'allouent, tous secteurs confondus, que 50 millions d'euros par an ;
- le degré d'irrigation du tissu industriel est insuffisant .
Si la mise en oeuvre de plates-formes constituera un pôle d'attraction des industriels de la microélectronique comme le montre l'exemple du pôle de Crolles, près de Grenoble), la France ne possède pas de structures, comme les Fraunhofer en Allemagne, qui relient directement des centres de recherches aux entreprises industrielles utilisatrices de ces composants .
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Au total, au regard du volontarisme des politiques de soutien public du Japon et des Etats-Unis, les réponses des États et de l'Union européenne sont trop timides.
Celle de la France l'est encore plus que celle de l'Allemagne.
Il est donc urgent que la France définisse et mette à niveau une politique de soutien aux filières de haute technologie . A défaut, elle ne participera qu'à la marge à la révolution industrielle qui se prépare.