C. LA SUBSISTANCE D'INÉGALITÉS GÉOGRAPHIQUES ENTRE RÉGIONS, ENTRE CENTRE ET PÉRIPHÉRIES DES VILLES, ENTRE VILLES ET MILIEU RURAL
Au
niveau des régions de province,
Rhône-Alpes et PACA tiennent
un poids prépondérant en
concentrant une forte part de
l'offre culturelle, particulièrement pour le théâtre, les
manifestations culturelles ou le cinéma.
Les grandes opérations de construction de bibliothèques sont
réparties sur le territoire de manière assez inégale
et revêtent des formes variables. Dans certaines zones, elles sont peu
nombreuses et territorialement dispersées : c'est le cas, par
exemple, pour la Bretagne, Midi-Pyrénées ou l'Aquitaine -
où le contraste est saisissant entre Bordeaux (avec sa nouvelle
bibliothèque municipale de 26 000 m²) et les autres villes de
la région. Ailleurs, ce sont des « grappes »
d'équipements, qui sont à mettre en relation avec la
densité de population et le semis serré des villes grandes et
moyennes : c'est particulièrement frappant dans le nord, en
région parisienne, ainsi que dans le couloir et le triangle rhodanien
35(
*
)
.
D'autres dynamiques régionales sont à l'oeuvre, de façon
moins nette et moins systématique. Le Nord-Pas-de-Calais, bien que
pénalisé dans son développement culturel par l'ampleur des
reconversions industrielles, fait preuve d'un dynamisme significatif.
A l'opposé, ressurgit la « diagonale aride »
touchant, entre autres, les musées d'art contemporain, le
théâtre ou l'implantation des orchestres, des compagnies
chorégraphiques ou dramatiques.
Avec plus de 340 salles de cinéma, Paris concentre près de
8 % des structures d'accueil consacrées au Septième Art. Le
cinéma reste une pratique urbaine : la quasi-totalité des
communes de 50 000 habitants et plus dispose d'au moins une salle ; c'est
aussi le cas de huit villes sur dix parmi celles comprises entre 20 000 et
50 000 habitants. En revanche, 3 % seulement des communes de moins de
10 000 habitants ont leur cinéma
3(
*
)8
.
En 1996, plus de 2 000 lieux d'exploitation, regroupant 4 500 salles
réparties sur environ 1 600 communes, étaient
recensés sur l'ensemble du territoire. La France est le pays le mieux
équipé d'Europe avec 8 salles pour 100 000 habitants, même
si une dizaine de départements concentrent le quart des salles.
Figure
7.12 - Les entrées au cinéma
Source : Atlas des activités culturelles
1998
La
Documentation française, p. 52
Figure
7.13 - Indice d'évolution du nombre de salles et d'entrées de
1957 à 1995
Source : Atlas des activités culturelles
1998
La
Documentation française, p. 52
Cinéma : une restructuration profonde des lieux
d'exploitation
De 1965 à 1995 - sauf dans certains départements alpins
très fréquentés en période de sports d'hiver - le
nombre de salles rapporté à la population a baissé. Cette
chute s'explique par l'évolution démographique, mais aussi par
une restructuration profonde des lieux d'exploitation (Figures 7.12 et 7.13).
La création de complexes cinématographiques a, en effet,
entraîné la diminution du nombre de salles uniques. Celles-ci ne
représentaient plus que 30 % du parc en 1995, contre 54 % en
1980. La construction récente de multiplexes, réunissant souvent
plus de 15 salles, a encore accentué la tendance : il y en avait 34
à la fin de 1997 regroupant 442 écrans. La plupart s'implantent
en périphérie d'agglomérations comme Nantes, Grenoble,
Aix-Marseille, Toulouse, Metz, Bordeaux, Lille, Calais, etc ..., modifiant
ainsi considérablement la géographie du cinéma dans
l'Hexagone.
Source : Direction de l'administration générale -
Département des études et de la prospective,
Atlas des activités culturelles, Paris, La Documentation
française, 1998.
Entre centre et périphéries des villes, les écarts sont
significatifs.
Le cas de Toulouse, dont le rayonnement s'étend sur 8
départements où l'offre culturelle paraît peu
développée, est à ce propos exemplaire.
Entre villes et milieu rural
enfin, il est une idée reçue
- la nature exclusivement urbaine des activités culturelles - qui
mérite un ample réexamen.
Vu de Paris, l'espace rural est regardé comme un quasi-désert
culturel, à l'exception du « petit patrimoine » non
protégé que la Fondation du patrimoine, de création
récente, s'emploie à réhabiliter. La réalité
est toute différente. D'étonnantes manifestations culturelles du
genre « décalé » ont pris racine dans des
endroits inattendus, comme « Jazz in Marciac » dans le
Gers, Uzeste en Gironde ou, depuis peu, « Les vieilles
charrues » à Carhaix, en Bretagne. La renommée du
Puy-du-Fou, en Vendée, a suscité bien d'autres initiatives, comme
à Castillon-la-Bataille en Gironde.
Dans bien des régions, des festivals de musique créent en milieu
rural profond une animation culturelle qui, parfois, déborde de la
saison festivalière et suscite une participation active du public local,
ainsi que le mécénat de PME.
Le bref survol de ce thème portant sur les infrastructures culturelles
souligne leur impact dans la problématique de l'aménagement du
territoire, que ce soit en terme de qualité de vie,
d'égalité d'accès à la culture et aux loisirs,
d'approfondissement des identités régionales et locales,
d'ouverture sur le monde, de création de filières d'emplois
nouveaux ou de meilleure répartition des flux touristiques. Sur ce
dernier point, qui n'est pas le moindre, il est clair qu'une offre culturelle
mieux répartie sur l'ensemble du territoire est de nature à
corriger en partie les risques d'engorgement de certains bassins touristiques.