B. UN RÉSEAU DE LGV QUI NE FAVORISE PAS LES LIAISONS TRANSVERSALES
Naturellement le réseau de lignes à grande vitesse (LGV) s'est développé de façon radiale à partir de Paris. Vingt ans après la première mise en service en 1981 (Paris - Lyon), c'est un système radio - concentrique qui continue à se construire avec la LGV Paris - Strasbourg. Quelques liaisons transversales ont toutefois été créées, telle que Lyon-Nantes. Passant par l'Ile-de-France elles subissent non seulement un allongement de parcours important, mais aussi l'handicap de devoir circuler à faible vitesse par la petite couronne parisienne. La création d'un barreau LGV dans le sud de l'Ile-de-France, vigoureusement demandée par de nombreuses Régions de l'Ouest, satisferait non seulement des besoins importants, à l'instar du contournement est de l'Ile-de-France, mais participerait aussi grandement à l'aménagement du territoire en favorisant les relations transversales est-ouest.
La réalisation de la LGV Rhin-Rhône (Strasbourg - Lyon), qui dégagerait aussi des capacités ferroviaires indispensables pour le fret, mériterait d'être engagée rapidement car, outre une bonne rentabilité socio-économique, elle participerait à une politique plus équilibrée d'aménagement du territoire.
Le développement de la grande vitesse entre Bordeaux, Toulouse et Narbonne est un troisième projet qui favoriserait les liaisons transversales ferroviaires est-ouest.
C. UNE DOUBLE CONCENTRATION DU TRANSPORT AÉRIEN, SUR LES PLATES-FORMES PARISIENNES PAR UN OPÉRATEUR DOMINANT
En 2001, l'ensemble des aéroports de province ont traité 50,1 millions de passagers, contre 71 millions pour les deux aéroports parisiens (Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle). La domination parisienne est encore plus écrasante pour le fret avec 75 % du total. Alors que le poids démographique de l'Ile-de-France a tendance à se réduire sensiblement depuis 20 ans, la concentration de trafic aérien à Orly et Roissy-Charles-de-Gaulle a continué à légèrement s'accentuer comme en témoignent les évolutions des trafics de passagers entre 1980 et 2001.
Plus préoccupant encore est la situation des 35 petits aéroports de villes moyennes dont le trafic n'a globalement pas progressé en 20 ans.
Tableau 6.3 - Trafics des aéroports métropolitains en nombre annuel de passagers
AEROPORT |
NOMBRE DE PASSAGERS |
EVOLUTION
|
|
EN 1980 |
EN 2001 |
||
Paris (Orly et Charles de Gaulle) |
26 445 831 |
71 025 265 |
169 % |
Nice |
3 140 059 |
8 997 193 |
187 % |
Lyon |
2 692 428 |
6 115 814 |
127 % |
Marseille |
3 745 831 |
5 932 029 |
58 % |
Toulouse |
1 273 190 |
5 244 402 |
312 % |
Bâle - Mulhouse |
909 754 |
3 536 585 |
289 % |
Bordeaux |
1 181 642 |
3 077 658 |
160 % |
Strasbourg |
523 171 |
2 114 592 |
304 % |
Nantes |
482 764 |
1 981 438 |
310 % |
Montpellier |
358 295 |
1 546 213 |
332 % |
Ajaccio |
602 418 |
1 102 348 |
83 % |
Lille |
420 064 |
970 391 |
131 % |
Bastia |
613 014 |
877 438 |
43 % |
Clermont-Ferrand |
139 823 |
863 975 |
518 % |
Biarritz |
190 606 |
790 631 |
315 % |
Brest |
180 424 |
719 774 |
299 % |
Pau |
191 907 |
600 084 |
213 % |
Toulon |
204 884 |
557 371 |
172 % |
Perpignan |
170 547 |
433 002 |
154 % |
Beauvais |
87 710 |
423 520 |
383 % |
Tarbes - Lourdes |
381 055 |
418 621 |
10 % |
Rennes |
71 618 |
399 373 |
458 % |
Metz - Nancy - Lorraine |
- |
331 266 |
|
Nîmes |
205 337 |
319 378 |
56 % |
Calvi |
123 070 |
262 087 |
113 % |
Figari |
27 718 |
251 045 |
806 % |
Grenoble |
263 963 |
224 145 |
-15 % |
Lorient |
95 781 |
216 950 |
127 % |
Carcassonne |
39 656 |
215 313 |
443 % |
Quimper |
50 828 |
145 885 |
187 % |
Limoges |
71 762 |
132 504 |
85 % |
Saint - Etienne |
71 034 |
126 968 |
79 % |
Avignon |
- |
125 763 |
|
Chambéry |
74 445 |
121 958 |
64 % |
Caen |
10 892 |
100 198 |
820 % |
Sous-total des 34 aéroports de plus de 100.000 passagers (hors Paris) |
18 595 690 |
49 275 912 |
165 % |
Sous-total des 35 aéroports de moins de 100.000 passagers (hors Paris) |
789 339 |
839 830 |
6 % |
Sous-total des 69 aéroports de province |
19 385 029 |
50 115 742 |
159 % |
Total général |
45 830 860 |
121 141 007 |
164 % |
Source : DGAC
Nonobstant, l'arrivée des « low-cost » qui ont permis à quelques aéroports de province de se développer fortement (Beauvais, Carcassonne, Nice), bien des aéroports de province continuent à ne disposer principalement que d'une ligne les reliant à la capitale.
Cette concentration excessive limite les dessertes interrégionales directes qui s'avèrent fréquemment un outil fondamental au service du développement économique des territoires, notamment pour les activités industrielles.
Le rapport du Sénat n° 327 de 2001 intitulé « Les dessertes aériennes régionales sont-elles menacées ? » souligne dans sa conclusion que :
« - Depuis deux ou trois ans, le service aérien régional s'est dégradé surtout au détriment des villes moyennes
- Le transport aérien régional français se retrouve aujourd'hui, sous la tutelle du groupe Air France, dans une logique de monopole ».
Cette faiblesse des aéroports de province, dont aucun ne dépasse le seuil des 10 millions de passagers, est parfaitement mise en évidence par l'absence de liaisons régulières transocéaniques, hormis un Nice - New-York. Cette situation n'a pas d'équivalent dans les grands pays européens voisins (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Espagne) qui disposent tous d'au moins deux plates-formes dépassant ce seuil de 10 millions de passagers.
Le second échec d'une ligne Lyon - New-York augure mal d'une amélioration de la situation au cours des prochaines années.
L'échec de la ligne Lyon - New-York :
Ouverte le 15 avril 2000, la ligne Lyon - New-York n'a pas tenu un an et demi. Exploitée quotidiennement par Delta Airlines en code-share avec Air France, avec un aller-retour en Boeing 767-300 aménagé en deux classes, économique et business élite, cette liaison a été arrêtée le 1 er septembre 2001. Cet échec fait suite à une première tentative d'American Airlines entre 1990 et 1992, concurrencée un temps par Air France.
Si Delta Airlines et Air France mettaient en avant un taux de remplissage décevant (de 40 à 70 %) pour expliquer la fermeture de la ligne, il semble que la déception soit plutôt venue de la trop faible utilisation de la classe affaires sur laquelle reposait en particulier la rentabilité de la ligne. Les pertes, avoisinant les 5 millions de dollars sur l'ensemble de la période d'exploitation, s'expliquent notamment par les tarifs pratiqués par la compagnie qui pouvaient atteindre jusqu'à 5 300 euros en classe business élite.
La Chambre de Commerce et d'Industrie de Lyon estime pourtant le potentiel de trafic entre Lyon et New-York supérieur à 250 000 passagers par an et note que pour les deux derniers mois d'exploitation (juillet et août 2001), la ligne avait atteint un taux de remplissage supérieur à 80 % et devenait donc rentable, malgré le ralentissement de la croissance qui était déjà perceptible aux Etats-Unis début 2001.
Les raisons principales de ce déficit de clientèle peuvent se résumer par les facteurs suivants : Une promotion insuffisante de la part d'Air France et de Delta Airlines, en orientant trop peu les usagers de la zone de chalandise vers Lyon au lieu de Paris.
Des horaires mal calés avec des départs trop tôt (10h10 de Lyon, 17h45 de New-York), pénalisant les usagers, tant pour les motifs professionnels que loisirs, permettant peu les correspondances à chaque bout de ligne et donc les code-shares.
Un accord de bloc-sièges entre Delta Airlines et Air France ne favorisant pas le remplissage complet des avions (stratégie d'Air France de centraliser les vols internationaux sur Paris).
Une impatience trop grande des compagnies aériennes, en particulier au regard des potentialités nouvelles offertes par le TGV Méditerranée à partir de son ouverture en juin 2001.
Des tarifs trop élevés en classe affaires alors que la concurrence était devenue très agressive sur l'axe Lyon - New-York.
Un ajustement trop tardif des tarifs en regard des prix de la concurrence.
Une capacité l'hiver qui aurait pu être réduite d'une ou deux fréquence(s) hebdomadaire(s) au besoin, ou alors un marketing plus soutenu du marché ski Américain.
Une annonce de fermeture rapide , ce qui n'a jamais des effets positifs sur les remplissages.