F. ADAPTER AUX CONTRAINTES PROFESSIONNELLES DES FAMILLES LA POLITIQUE D'ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE

Permettre aux parents de mieux articuler famille et carrière, en allégeant la « contrainte de temps » qui pèse sur les femmes actives

La délégation considère que ce sont principalement les difficultés pour les femmes à concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle qui alimentent les inégalités persistantes.

On observe en effet - et la délégation le regrette -, que l'organisation de la vie familiale repose principalement sur la femme. La progression des familles monoparentales risque d'ailleurs d'amplifier ce phénomène. Les femmes, compte tenu des insuffisances actuelles des systèmes de garde d'enfants, sont fréquemment dans l'obligation d'interrompre leur carrière professionnelle et rencontrent bien souvent des difficultés pour leur réinsertion sur le marché du travail.

Les auditions conduites par la délégation ont fait ressortir l'impact très net de la maternité sur les perspectives de promotion des femmes : on constate, par exemple, l'augmentation du salaire masculin et la diminution de celui des femmes avec le nombre d'enfants, et que le nombre moyen d'enfants des femmes-cadres (1,01) est sensiblement inférieur au nombre d'enfants moyen des femmes infirmières, assistantes sociales ou employées de bureau (1,31). La propension actuelle des entreprises à organiser des réunions de cadres à des heures tardives doit être réexaminée en tenant compte de cette observation démographique.

Taux d'activité des femmes et nombre d'enfants (1997)

1 enfant

80 %

2 enfants

72 %

2 enfants (dont 1 de moins de 3 ans)

53 %

3 enfants ou plus

50 %

3 enfants (dont 1 de moins de 3 ans)

32 %

Source : INSEE

Très logiquement, la principale demande des mères concerne les équipements collectifs de garde d'enfants et, en premier lieu, les crèches. Moins de 10 % des 2 200.000 enfants de moins de trois ans vont à la crèche, alors que la demande exprimée par les familles est double.

Bien souvent, les horaires d'ouverture ne correspondent pas aux heures de travail des parents, obligeant ces derniers à recourir à une tierce personne. L'amplitude horaire des structures d'accueil reste, en effet, très limitée et rares sont les crèches ouvertes après 18h 30. Or, plus de la moitié des femmes, en France, travaillent en horaires décalés le matin tôt ou tard le soir, à temps partiel, le week-end, les jours fériés, etc. Seuls 8 % des 2,2 millions d'enfants de moins de 3 ans ont une place en crèche jusqu'à 18 h 30.

Assouplir les modes de garde des enfants et l'accueil périscolaire. Favoriser les passerelles entre les différentes structures en les adaptant à la demande des familles (et non l'inverse)

Comme l'indique le rapport au président de la République de Mme Marie-Thérèse Hermange, Les enfants d'abord : 100 propositions pour une nouvelle politique de l'enfance ( La Documentation française , février 2002 ), la politique actuelle d'accueil de la petite enfance manque de souplesse et de passerelles entre les différentes structures . Elle est souvent dictée par des considérations financières ou matérielles : certaines solutions envisagées par les parents pour faire garder leurs enfants ne pouvant être accessibles du fait d'un coût trop élevé (garde à domicile), d'autres étant éliminées parce qu'elles sont trop éloignées du domicile des parents ou que l'offre en équipements est insuffisante (crèches).

C'est pourquoi la redéfinition des contours d'une politique de l'accueil de la petite enfance à partir du libre choix des parents apparaît comme une nécessité dans l'optique de mieux concilier et articuler vie familiale et vie professionnelle.

Faire participer l'entreprise à la politique d'accueil de la petite enfance et définir les conditions de mise en place des crèches interentreprises

La délégation estime qu'en principe l'organisation des crèches ne doit pas relever de la responsabilité ni de la compétence des entreprises ou des autres employeurs : le bilan mitigé d'un certain nombre d'expériences menées dans ce domaine, notamment par les hôpitaux, illustre cette considération.

En revanche, il semble utile de définir une stratégie précise de mise en place des crèches interentreprises dans un certain nombre de zones économiques ; ces crèches devraient être accessibles à la fois aux enfants des personnes qui travaillent et à ceux des personnes qui habitent dans ces zones sans y avoir un emploi. La délégation note cependant que le coût des crèches est extrêmement élevé et que de nombreux départements rencontrent d'importantes difficultés financières dans ce domaine.

Le rapport de Mme Hermange préconise d'instaurer un mécanisme de crédit d'impôt afin d'inciter les entreprises à participer à la politique d'accueil de la petite enfance et d'aider toujours mieux leurs salariés à articuler vie professionnelle et vie familiale : les dépenses consacrées à l'action familiale ouvriraient le droit à une réduction d'impôt (dont le taux devra être précisé), de préférence plafonnée, imputable sur l'impôt sur les sociétés de l'année au cours de laquelle les dépenses ont été engagées et dont l'excédent serait reportable sur les impôts suivants et/ou restitué. Au-delà de son attrait financier, une telle mesure permettrait de conduire les employeurs à mieux tenir compte des contraintes du travail féminin, voire à prendre conscience que les intérêts de celui-ci pour l'entreprise sont peut-être supérieurs à ses inconvénients : aménagement d'horaires pour les mères de famille, problème des réunions tardives ou imprévues, annualisation et prévisibilité du temps de travail. Le bénéfice d'un tel crédit d'impôt pourrait être subordonné à la recherche préalable d'un accord d'entreprise sur ce thème. Dans cette optique, il pourrait être envisagé d'instituer des contrats-enfance tripartites entre collectivités locales, caisses d'allocations familiales et entreprises.

Faire évoluer le concept de crèche pour mieux répondre aux besoins des Français, en milieu urbain comme en milieu rural

La délégation estime nécessaire de réfléchir à la création de modes de garde innovants répondant, d'une part aux besoins actuels des femmes - voire à la prise en charge des enfants dont les parents travaillent de façon irrégulière - et, d'autre part, aux rythmes des progrès de l'enfant.

Par exemple, les crèches en appartement accueillant entre sept et huit enfants permettent une souplesse des heures de garde et une plus grande proximité. Ce projet, expérimenté à Paris depuis 1999, a démontré son adéquation à la problématique des modes de garde en milieu urbain, malgré les multiples obstacles administratifs (de type réglementaire) auxquels il doit faire face pour poursuivre son développement.

Plus généralement il convient de favoriser l'adaptation des structures à la demande des familles . Dans le même esprit, il conviendrait, notamment en milieu rural, d'appliquer avec souplesse la réglementation pour les petites structures d'accueil et de favoriser le développement de structures « multi-accueil ».

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