CHAPITRE II
ETAT DES LIEUX
EN MATIERE DE RECHERCHE
Introduction
Les champs électromagnétiques liés à la téléphonie mobile (de 850 à 1.900 MHz) se situent dans un environnement physique global qui est déjà largement envahi dans cette gamme de fréquences appelées les radiofréquences (RF), de 30 kHz à 300 GHz. Ces ondes sont présentes dans les domiciles (fours à micro-ondes, etc...), sur les lieux de travail (réseaux informatiques, système de chauffage industriel, équipements de diathermie médicale) et dans les espaces publics (émetteurs de radio ou de télévision, radars, communications entre des personnels chargés de la sécurité, entre les taxis, système antivol ou de télécommande...).
Toutefois, les radiofréquences utilisées par la téléphonie mobile présentent deux caractéristiques qui peuvent susciter des interrogations en matière de santé : pour les téléphones mobiles, c'est le fait que l'appareil et son antenne sont très proches de la tête ; pour les stations de base, c'est la multiplication des antennes dans l'environnement proche.
Les recherches sur les effets des champs électromagnétiques radiofréquences sur les systèmes biologiques ont débuté après la deuxième guerre mondiale. Elles ont été réactivées lorsqu'en 1992 un citoyen américain a engagé une procédure judiciaire et accusé les radiofréquences d'être à l'origine d'un cancer du cerveau dont sa femme était décédée. Depuis, les expériences sur des animaux ou sur des cellules isolées ont produit de nombreux résultats publiés dans les revues scientifiques. Les phénomènes physiques et biologiques à étudier sont très complexes, ce qui nécessite la mise au point de procédures d'expérimentation, de mesure et d'observation très rigoureuses. Le respect de ces procédures est indispensable pour que les expériences puissent être, d'une part, répliquées et, d'autre part, considérées comme sérieuses.
Si, dans le problème des rapports entre la téléphonie mobile et la santé, le principe de précaution est souvent évoqué, il doit en premier lieu conduire à la précaution élémentaire qui consiste à s'appuyer sur des travaux scientifiques reproductibles, menés selon des protocoles validés par la communauté scientifique, et publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture.
Avant d'étudier les résultats des recherches disponibles à ce jour, il convient d'apporter deux précisions qui facilitent la compréhension de cet important corpus.
I. DISTINCTION ENTRE EFFETS BIOLOGIQUES ET SANITAIRES
Cette distinction concerne tous les domaines de la santé et pas seulement celui qui est en rapport avec la téléphonie mobile. On appelle « effets biologiques » des changements d'ordre physiologique, biochimique ou comportemental qui sont induits dans un organisme, un tissu ou une cellule en réponse à une stimulation extérieure. Un effet biologique est habituellement réversible et se situe dans les limites de l'homéostasie (c'est-à-dire de la régulation interne de l'organisme).
Tout effet biologique ne représente pas une menace pour la santé de la personne ; il peut manifester simplement la réponse « adaptative » normale de la cellule, du tissu ou de l'organisme à cette stimulation.
Un effet sanitaire est la conséquence d'un effet biologique qui met en danger le fonctionnement normal d'un organisme et peut donc représenter une menace pour la santé de la personne : l'effet sanitaire sort du cadre des réponses « adaptatives » physiologiques, de l'homéostasie, sous l'action de l'agent extérieur. Ainsi, une personne qui s'expose modérément au soleil bénéficie d'un effet biologique (augmentation de la production de mélanine par les cellules spécialisées de la peau) qui lui permet de bronzer. En revanche, une exposition prolongée à un niveau excessif de rayonnements ultra-violets du soleil sans protection cutanée a des effets sanitaires (de la brûlure au mélanome) qui sont une menace pour la santé.
La différence entre les effets biologiques et les effets sanitaires intervenus à l'occasion de l'exposition aux radiofréquences est ainsi exposé dans le rapport Zmirou : « Une vaste gamme de mesures biologiques ou fonctionnelles sont effectuées dans le cadre de l'étude des effets de l'exposition aux RF ; certaines manifestent des effets biologiques, selon la définition donnée plus haut. Il reste à déterminer ceux qui peuvent être prédictifs d'un effet sanitaire. Ce sont ces effets biologiques qui sont motifs à préoccupation et qui, s'ils sont avérés, devraient faire l'objet de dispositions visant à empêcher leur apparition. La mise en évidence de tels effets biologiques menaçants n'est pas évidente. Ils doivent en premier lieu précéder régulièrement la survenue des troubles sanitaires redoutés, ou leur être associés. Ils peuvent aussi s'inscrire comme étape dans la chaîne des effets biologiques conduisant à ces troubles, chez l'espèce humaine ou seulement chez certains de ses représentants (sujets fragiles...) ou, à défaut, chez plusieurs autres espèces animales de laboratoire. »
Pour l'ICNIRP (International Commission on Non Ionizing Radiation Protection), l'effet « critique » est l'effet biologique bien établi qui a des conséquences sanitaires délétères et qui est observé au plus bas niveau d'exposition.