ANNEXE II : LES HANDICAPS STRUCTURELS DES ÉCONOMIES DE L'OUTRE-MER

Colonies françaises, soumises à une obligation de commerce exclusif avec la métropole jusqu'en 1946, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion n'ont été intégrées dans le cadre administratif national de droit commun que depuis la loi du 19 mars 1946. L'intégration économique et sociale s'est faite de manière progressive.

Leurs économies fragiles restent cependant encore très marquées par cette dépendance vis-à-vis de la métropole qui se traduit notamment par la spécialisation de leurs productions et de leurs échanges extérieurs et un poids globalement très élevé des transferts publics qui représentent près du tiers de leur PIB (32,4 % en 1994).

Elles enregistrent les taux de chômage les plus élevés « en moyenne le double du niveau de l'Union, voire le triple ». Ainsi, les taux de chômage vont de 22 % (en Guyane) à 36 % (à la Réunion) de la population active. Le PIB par habitant exprimé en pouvoir d'achat est inférieur à 50 % de la moyenne communautaire. Le rapport de leurs importations à leurs exportations va de 5 pour la Guyane à 12 pour la Réunion. Leurs PIB cumulés représentent 0,2 % du PIB communautaire.

Cette situation résulte des handicaps structurels multiples que connaissent les économies locales.

Ces quatre départements font partie des sept régions ultra-périphériques recensées par l'article 299 § 2 du Traité sur l'Union européenne. Ainsi que le rappelle le rapport de la Commission en date du 14 mars 2000 (COM (2000) 147 final), elles « se trouvent dans une situation unique et complexe au sein de l'Union européenne. Leur éloignement constitue un très net frein à leur développement et leur taille réduite ne permet pas la rentabilisation d'investissements lourds et la réalisation d'économie d'échelle. Elles se situent parmi les régions les plus pauvres de l'Union européenne en terme de PIB par habitant ».

A. LES HANDICAPS LIÉS À LA GÉOGRAPHIE

1. Les contraintes de l'insularité ou de l'enclavement

Trois des quatre départements d'outre-mer sont des îles : la Réunion est située dans l'océan indien, la Martinique et la Guadeloupe, dans les Caraïbes. La Guyane est une enclave européenne dans l'immensité sud-américaine bordée par l'océan atlantique, la forêt et les fleuves amazoniens.

Ces situations géographiques impliquent une forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur, l'essentiel de l'approvisionnement se faisant par voie maritime ou aérienne. De cette externalité des approvisionnements, s'induit un surcoût des productions locales qui constituent un des facteurs qui affectent la compétitivité des entreprises des DOM tant sur les marchés locaux que sur les marchés extérieurs.

Le niveau moyen des prix dans les DOM dépasse celui de la métropole, de + 15,3 % à la Réunion à + 20,5 % en Guyane.

2. Le coût de l'éloignement

Ces départements sont situés à des distances allant de 7.000 à 9.500 km de la capitale de la France (Paris) et donc du marché européen.

Du fait de cet éloignement, les coûts d'approche sont importants. De plus, pour tenir compte des délais incompressibles d'acheminement, les entreprises sont amenées à constituer des stocks de sécurité, ce qui entraîne un surcoût de stockage qui pèse ensuite sur leur coût d'exploitation. Beaucoup d'entre elles sont ainsi amenées, par exemple, à constituer des stocks de matières premières, d'emballages ou de pièces détachées liés à la maintenance des outils de production qui répondent aux besoins d'une année d'exploitation.

Dans le secteur de l'agriculture et de la pêche, prépondérants dans l'économie de ces départements, les coûts d'approvisionnement sont élevés, les plants et les engrais étant importés de métropole. Pour les exportations, les frais d'approche sont importants, ces produits exigeant des conditionnements particuliers ou des équipements réfrigérés pour assurer leur conservation.

3. La singularité des situations géographiques

Deux de ces régions sont des îles (la Martinique et la Réunion). La troisième, la Guadeloupe, est un archipel constitué de six groupes d'îles, ce qui génère des surcoûts en terme d'équipements et d'exploitation. L'activité économique de ces trois entités est tributaire de cette singularité géographique à laquelle s'ajoutent les risques cycloniques, sismiques ou volcaniques.

La Guyane est une enclave européenne de 90.000 km 2 dans le nord-est de l'Amérique du sud. Son immensité n'est qu'apparente, 94 % de son territoire étant recouvert par la forêt équatoriale. De par leur situation géographique, ces régions se trouvent, à des niveaux divers, confrontées à des Etats non membres de la Communauté Economique Européenne et qui entretiennent avec celle-ci des relations particulières, notamment dans le cadre de la politique de coopération mise en place par les accords de Lomé et aujourd'hui contenue dans les accords de Cotonou.

4. La dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits

Le secteur de l'agriculture constitue l'essentiel de l'activité économique des DOM. Il comporte des productions très spécialisées (bananes, rhum et sucre) tournées vers l'exportation.

Les bananes exportées représentaient 279.000 tonnes en 1998 à la Martinique et 78.700 tonnes à la Guadeloupe.

Le rhum est le deuxième poste d'exportation avec 47.200 hl à la Martinique et 46.700 hl à la Guadeloupe.

Le sucre domine les exportations de la Réunion avec 188.000 tonnes et ce produit reste le troisième poste pour la Guadeloupe avec 33.900 tonnes. Ces productions ont une caractéristique commune, elles sont l'objet d'un encadrement communautaire, notamment sous forme d'OCM dont l'évolution est un facteur relatif d'insécurité juridique pour ces économies.

Le secteur de la pêche constitue le 2 ème secteur d'activité en Guadeloupe (après le tourisme et au même niveau que la banane) et le 3 ème secteur d'activité en Martinique. Il connaît à la Réunion un développement certain depuis dix ans et représente ¼ des exportations totales en valeur de la Guyane (210 MF). Il est lui aussi l'objet d'un encadrement communautaire contraint.

B. LES HANDICAPS QUI AFFECTENT LES CONDITIONS DE PRODUCTION DES ENTREPRISES

1. L'étroitesse des marchés locaux

Elle interdit toute économie d'échelle. L'accès au marché national ou européen est rendu difficile, compte tenu de l'éloignement, par les coûts d'approche (par voie aérienne ou maritime) et par les surcoûts déjà évoqués qui affectent la production locale.

La proximité géographique des marchés des Etats voisins ne peut compenser l'étroitesse des marchés locaux. En effet, au sein de ces Etats n'existe pas de véritable demande solvable. De plus, ils bénéficient de relations privilégiées avec leurs anciennes métropoles. Des obstacles juridiques, financiers ou technologiques empêchent par ailleurs le développement de courant d'échange. La coopération commerciale est donc illusoire.

2. La faible productivité des entreprises

Le rapport capital/travail, dans les DOM, subit le poids cumulatif de deux contraintes particulières :

- la formation générale et professionnelle des salariés est inférieure à celle constatée en métropole. La proportion d'illettrés, y compris dans la population active, dépasse 30 % pour les personnes de plus de 46 ans.

- Les prix des intrants indispensables à la production locale sont plus élevés dans les DOM qu'en métropole, compte tenu de l'éloignement. Le différentiel du niveau de prix est de l'ordre de + 10 à 15 % selon les DOM.

- La combinaison de ces facteurs aboutit à une moindre valeur ajoutée par salarié employé dans les DOM.

Productivité apparente du travail en euros

Données

Guadeloupe

Martinique

Réunion

Métropole

Valeur ajoutée

Salariés

employés

19.618

25.939

28.641

41.023

Rapport

DOM

Métropole

0,42

0,55

0,61

Les données pour la Guyane ne sont pas disponibles à ce jour.

Les statistiques sectorielles disponibles concernent la Réunion. Elles sont établies en euros.

Secteur

Réunion (A)

Métropole (B)

A

B

Commerce

35.572

50.992

0,7

Services

36.641

45.191

0,8

Dont hôtellerie

20.977

34.046

0,6

De l'ensemble de ces données, il résulte que le handicap lié à la faiblesse du niveau de productivité se situe entre 30 et 60 % par rapport à la métropole.

3. La dépendance économique et commerciale vis-à-vis de la métropole

Les économies des DOM souffrent de leur enclavement lié à la fois à leur histoire et à leur environnement. Ces régions sont situées dans un contexte économique de pays en voie de développement à salaires très bas. La majorité des échanges s'opèrent avec la métropole.

En millions d'euros

1999

Guyane (hors activité spatiale)

Guadeloupe

Martinique

La Réunion

Importations

519,1

1.580,2

1.615,6

2.412,9

Exportations

10,5

143,9

261,2

193,1

Balance commerciale


- 508,5


- 1.436,3


- 1.354,3


- 2.219,8

Taux de couverture


20,4 %


9,1 %


16,2 %


8 %

Le taux de couverture des importations par les exportations en 1999 n'est que de 20,4 % en Guyane, 9,1 % en Guadeloupe, 16,2 % en Martinique et 8 % pour la Réunion.

Pour la même année, la part des exportations à destination du territoire national (dont les autres DOM) est la suivante :

Guyane

Guadeloupe

Martinique

Réunion

63,6 %

72 %

72,3 %

62,2 %

Le tableau suivant démontre le très faible impact sur les échanges avec les pays membres de l'Union européenne. Les exportations des DOM, dont la valeur absolue est déjà très faible, sont majoritairement à destination de la France métropolitaine.

En millions d'euros

1999

Guyane

Guadeloupe

Martinique

La Réunion

Exportations totales

519,1

1.580,2

1.615

2.412,9

Exportations vers la France métropolitaine


57,7


88,5


122,9


120

Exportations vers l'UE (hors France)


13,3


7,7


50


24,8

4. Les difficultés de financement des entreprises

98,5 % des entreprises des DOM ayant au moins un salarié ont un effectif inférieur à 50 salariés et plus de 90 % comptent moins de 10 salariés.

Les besoins de financement à moyen et long terme des entreprises sont couverts plus difficilement qu'en métropole par les établissements financiers, la plupart des banques commerciales locales ont en effet subi des pertes importantes qui les rendent extrêmement sélectives dans l'attribution des crédits.

Les entreprises connaissent donc des situations de trésorerie tendues ou incertaines et le coût du crédit bancaire est, en règle générale, plus élevé dans ces régions qu'en métropole ou dans l'Union.

Les entreprises connaissent donc de réelles difficultés pour financer leurs projets.

Le tableau ci-après fait le point sur la démographie des entreprises des DOM dans l'industrie (année 1999, source INSEE). Il confirme le fait que les entreprises sont majoritairement des PME au sens communautaire, et même de très petites entreprises dont l'activité ne peut affecter les échanges entre Etats membres.

MARTINIQUE

Nombre de salariés

0

1 à 5

6 à 9

10 à 19

20 et +

Total

Industrie

982

567

119

70

64

1.802

GUADELOUPE

Industrie

1.471

640

101

113

84

2.409

GUYANE

Industrie

405

203

34

40

29

711

REUNION

Industrie

1.069

1.006

178

122

140

2.515

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