a) Le contexte : l'évolution de la politique des signes de qualité
(1) Le dispositif traditionnel
Le
dispositif français des signes officiels d'identification s'est
construit progressivement, au cours du temps, pour répondre à des
évolutions de l'agriculture et des demandes des consommateurs. Il
correspond à trois angles d'approche de la notion de qualité.
- La qualité reposant sur l'origine : le concept d'appellation
d'origine contrôlée (AOC), le plus ancien des signes officiels
d'identification, a été formalisé dans le secteur viticole
en 1935, année de la création de l'Institut national des
appellations d'origine (INAO). Pour bénéficier d'une AOC, le
produit doit provenir d'une aire de production délimitée,
répondre à des conditions de production précises,
posséder une notoriété dûment établie, et
faire l'objet d'une procédure d'agrément.
- La qualité supérieure : la notion de label rouge
agricole a été mise en place à partir de 1960, pour des
productions dont le lien au terroir est moins évident que pour le vin,
et en réponse à une évolution des modes de production vers
l'intensification.
Il s'est développé à l'origine principalement dans le
secteur avicole, afin de différencier et de valoriser les productions de
volailles à croissance lente, alimentées avec des
céréales et élevées dans des bâtiments de
faible densité, avec accès à un parcours extérieur.
Proposé par une structure collective (producteurs et/ou
transformateurs), le produit candidat au label doit apporter la preuve de sa
qualité supérieure, fondée sur le respect d'un cahier des
charges (exigences de moyens) et des analyses sensorielles (exigences de
résultats).
- La qualité reposant sur un mode de production respectueux des
équilibres naturels : l'agriculture biologique qui s'est
développée à la fin des années 1950. Ce mouvement
porté par des associations de producteurs incriminant les produits
chimiques utilisés en agriculture ainsi que la transformation
industrielle des produits agricoles a été soutenu par des
mouvements de consommateurs. Ce secteur était alors uniquement
régi par des cahiers des charges privés.
En 1980, fut mis en place un cadre réglementaire national concernant
« l'agriculture n'utilisant pas de produits chimiques de
synthèse ».
Depuis, tout opérateur souhaitant faire référence au mode
de production biologique sur ses produits, doit respecter les cahiers des
charges définissant les règles de production biologiques (par
grandes catégories de produits), qui sont homologués par les
pouvoirs publics.
(2) Un enjeu au niveau national et européen
A partir
des années 1980-1990, la politique de qualité est devenue un
véritable enjeu de politique agricole, aux niveaux national et
européen, destinée à apporter aux consommateurs la
confiance et les garanties qu'ils demandent sur les produits et à
permettre le développement d'une agriculture génératrice
de richesse et de valeur-ajoutée, contribuant au maintien des
exploitations, et de l'activité économique induite, y compris
dans les régions peu favorisées en matière de
productivité.
La dernière décennie 1990-2000 a connu une intensification du
rythme de développement de la politique de qualité.
Tout d'abord,
au niveau français
le début des
années 1990 a été marqué par :
- l'extension de la notion d'appellation d'origine contrôlée
à l'ensemble des produits agricoles et alimentaires ;
- la rénovation des procédures de certification du label et
du mode de production biologique : la mise en conformité des
organismes certificateurs privés chargés du contrôle du
respect des cahiers des charges avec la norme européenne EN 45011 permet
de garantir l'indépendance, l'impartialité, l'efficacité
et la compétence de ces organismes ;
- et la mise en place d'un quatrième signe d'identification avec la
certification de conformité.
Ce nouvel outil atteste qu'une denrée alimentaire ou un produit agricole
est conforme à des caractéristiques spécifiques ou
à des règles préalablement fixées portant, selon
les cas, sur la fabrication, la transformation ou le conditionnement.
Les caractéristiques certifiées du produit reposent sur des
critères objectifs, mesurables, contrôlables et significatifs pour
le consommateur. Elles sont décrites dans un cahier des charges, qui
peut être élaboré par une structure collective de
producteurs ou un opérateur individuel. La certification de
conformité constitue un outil plus souple que le label rouge,
destiné à garantir et à donner confiance sur certaines
caractéristiques du produit.
Au niveau européen
, le début des années 1990 a
été marqué par la mise en place de trois règlements
européens ayant trait à la reconnaissance et à la
protection des produits spécifiques :
- le règlement n° 2092/91 du Conseil du 24 juin 1991
concernant le mode de production biologique de produits agricoles ; ce
règlement de 1991 ne concernait que les produits végétaux
et les produits transformés d'origine végétale ; il a
été étendu en juillet 1999 aux produits animaux ;
- le règlement n° 2081/92 du Conseil du
14 juillet 1992 (AOP/IGP) organise un système d'enregistrement
communautaire des dénominations géographiques des produits qui
leur assure une protection dans toute l'Union européenne ; ce texte
distingue deux notions, l'appellation d'origine et l'indication
géographique, qui se distinguent seulement par la nature forte (pour les
appellations d'origine) ou moins forte (pour les indications
géographiques) du lien du produit avec son origine
géographique ;
- le règlement n° 2082/92 du Conseil du
14 juillet 1992 relatif aux attestations de spécificité
permet de protéger les dénominations de produits à
caractère traditionnel, qui ne présentent pas, ou plus, de lien
avec leur origine géographique.
Ces nouvelles réglementations européennes ont conduit à
mieux articuler les outils de protection communautaires avec le dispositif des
signes de qualité préexistant :
- l'équivalence entre les notions d'AOP et d'AOC est
complète ;
- les indications géographiques protégées (IGP) ou
les attestations de spécificités ne peuvent être obtenues
que sur la base d'un cahier des charges de label ou de certification de
conformité (qui satisfait aux exigences du règlement).
A partir de 1996, après la mise en place de tous ces instruments, la
politique de qualité a connu un véritable essor, en France, et
dans l'Union européenne. Ce développement a concerné en
France, tous les secteurs de production, et tous les signes de qualité.
- ainsi à ce jour, sont reconnues près de 450 AOC pour
les vins, eaux-de-vie et cidres, 43 AOC pour des produits laitiers et
22 AOC pour des produits autres ; on recense en montagne 14
appellations d'origine contrôlées (AOC) au lait de vache sur un
total de 32 AOC fromagères en France ;
- environ 120 000 exploitations françaises sont concernées
par une production d'AOC, qui génère, toutes productions
confondues, un chiffre d'affaires de près de 19 milliards
d'euros ;
- en matière de label rouge, plus de 400 produits ont
été homologués ; ils représentent un chiffre
d'affaires de 1 milliard d'euros ;
- le nombre des certifications de conformité approuvées
s'élève à plus de 270 ; c'est un secteur en forte
progression, puisque le chiffre d'affaires cumulé est passé de
2 milliards de francs en 1994 à près de 15 milliards de
francs en 2001 (soit plus de 2 milliards d'euros).
Ces démarches se traduisent par des résultats tangibles pour les
filières et les bassins de production concernés : on
constate ainsi que les produits bénéficiant d'un signe officiel
de qualité et d'origine résistent en général bien
aux crises alimentaires.
A la fois outil de segmentation des marchés, de valorisation des
produits et d'aménagement du territoire, la politique de qualité
et d'origine et l'une des pièces maîtresse du modèle
agricole européen, tel qu'il a été redéfini dans
les nouvelles orientations de la politique agricole commune, dans le cadre de
l'Agenda 2000.