2. L'émergence de nouveaux besoins demande une adaptation de l'offre des établissements
a) Privilégier les solutions de proximité
Le manque de places, leur mauvaise répartition, la qualité inégale des orientations effectuées par les COTOREP contribuent souvent à donner aux personnes handicapées l'impression qu'elles sont de simples dossiers à traiter.
En l'absence de système d'information sur les places disponibles, les personnes sont orientées, soit vers des listes d'attente, soit vers des établissements à l'autre extrémité du département (quand ce n'est pas à l'autre extrémité du pays) obligeant les familles à des trajets souvent longs. Ce placement se fait de l'intérêt de la personne handicapée qui sortira moins souvent de l'établissement, recevra moins de visites, rentrera moins souvent dans sa famille.
Les frontières administratives entre départements rendent parfois impossibles des placements qui privilégieraient pourtant la proximité : Mme Monique Rongières, devant votre commission, s'indignait d'une situation qu'elle qualifiait d'« ubuesque » : « L'un des établissements dont je préside le conseil d'administration est situé dans l'Eure, à trois kilomètres de l'Eure-et-Loir. Or, un enfant provenant de ce département n'a pu être admis dans l'établissement ! En revanche, on accepte en tant qu'externe un enfant qui se trouve à Pont-Audemer dans l'Eure, l'obligeant à faire des dizaines de kilomètres de route par jour. ».
Votre rapporteur souligne l'importance des solutions de proximité dans la prise en charge des personnes handicapées. Dans cette perspective, renforcer les possibilités de choix des familles permettrait, dans la mesure où celles-ci disposent souvent d'informations sur les disponibilités et la localisation des établissements que n'ont pas les COTOREP, un accueil de meilleure qualité.
Parmi les solutions de proximité à développer, figure également l'accueil familial. Si la loi dite de « modernisation sociale » du 17 janvier 2002 a permis d'améliorer le statut des accueillants, leur formation et les garanties pour les familles, il paraît nécessaire d'améliorer l'information sur ce type d'accueil pour en développer l'offre.
b) Améliorer la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes
Une proportion croissante de la population handicapée atteint aujourd'hui l'âge de 60 ans : ainsi parmi la population accueillie aujourd'hui en établissement, la population de moins de 30 ans ne représente plus qu'un tiers des personnes accueillies alors que les plus de 40 ans regroupent près de 30 % des effectifs. Ce vieillissement des personnes handicapées se caractérise par sa précocité et par des pathologies surajoutées qui demandent une prise en charge spéciale.
Or, les concepteurs de la loi de 1975 n'avaient pas anticipé que ces personnes, comme le reste de la population, bénéficieraient dans une telle proportion de l'allongement de l'espérance de vie. Par conséquent, cet aspect a été très mal pris en compte et peu d'établissements offrent des services adaptés à ce problème particulier.
L'insuffisance du nombre de places adaptées a des répercussions non négligeables, ainsi que l'analysait, en 1998, Mme Janine Cayet dans son rapport devant le Conseil économique et social 89 ( * ) :
- les structures d'accueil ne peuvent plus absorber les flux des nouveaux entrants, du fait du maintien, dans des établissements pourtant souvent inadaptés, de personnes handicapées vieillissantes ;
- la gestion des entrées tardives de personnes handicapées demeurées jusque là à leur domicile devient problématique ;
- les taux d'occupation des structures d'accueil sont particulièrement élevés, ce qui ne facilite pas les travaux d'adaptation nécessaires à ce nouveau type de population ;
- la pénurie conduit une grande majorité des personnes handicapées vieillissantes à accepter un placement en structures sanitaires ou en maisons de retraite classiques, inadaptées à leurs particularités.
Dans le cadre du plan triennal 2001-2003 de création de places, le précédent gouvernement avait prévu une enveloppe de 45 millions de francs (6,9 millions d'euros) pour le développement de places adaptées aux personnes handicapées vieillissantes.
Votre rapporteur craint que cette mesure reste largement insuffisante, moins dans son montant que du fait de l'absence de réflexion sur les modalités de ce développement.
La solution de facilité serait en effet d'accepter une multiplication des places en maisons de retraite. L'avantage avancé est celui d'une mixité favorisant l'insertion. Cependant la prise en charge en maison de retraite serait largement moins adaptée et moins stimulante pour la personne handicapée. Par ailleurs, la différence d'âge entre les deux populations peut atteindre 40 ans, compte tenu de la précocité du vieillissement chez les personnes handicapées, ce qui implique une prise en charge très différente.
Le développement de places en maison de retraite ne doit pas non plus servir d'alibi aux structures spécialisées pour ne pas s'adapter à ce changement démographique qui modifie à long terme le profil de la population handicapée prise en charge.
Votre rapporteur tient à rappeler que la « barrière des 60 ans » souvent opposée par les établissements spécialisés résulte uniquement de contraintes issues des agréments passés avec les départements pour l'accès à l'aide sociale. Cette barrière peut donc, par une négociation avec les départements, être aménagée et l'a déjà été au cas par cas, pour des établissements « pilotes ».
La solution du développement de sections adaptées au sein des établissements pour adultes handicapés semble, en effet, la plus cohérente , dans la mesure où elle permet une stabilité, à la fois matérielle et affective, pour la personne ainsi qu'une prise en charge adaptée au handicap. Des solutions de transition sur le modèle des accueils de jour doivent également être développées , pour faciliter l'entrée en établissement des personnes demeurées toute leur vie à leur domicile et qui sont contraintes, du fait de leur propre vieillissement ou de celui de leurs aidants, à en faire la demande.
* 89 « La prise en charge des personnes vieillissantes handicapées mentales ou souffrant de troubles mentaux ». Rapport au Conseil économique et social, présenté par Mme Janine Cayet (novembre 1998).