ANNEXE
N° 4 :
QUELQUES PRÉCISIONS SUR LA DISTINCTION
ENTRE LES COMPOSANTES CONJONCTURELLE ET STRUCTURELLE DU SOLDE PUBLIC
Il est désormais usuel de distinguer la partie conjoncturelle et la partie structurelle des soldes publics. La partie conjoncturelle d'un solde est celle qui résulte de l'évolution de l'environnement économique, tandis que sa partie structurelle , obtenue par différence, est censée refléter des choix de politique des finances publiques. Elle constitue, en outre, l'élément permanent du solde, à conjoncture inchangée. L'intérêt fondamental qui s'attache à l'identification de la partie conjoncturelle d'un solde public est donc d'éliminer l'impact sur le solde d'un environnement conjoncturel exceptionnel afin de déterminer les « fondamentaux » du solde public. En pratique, cet exercice est d'une grande complexité. Une grande diversité de méthodes, discutées dans les forums économiques internationaux 36 ( * ) , s'offre à l'analyste et les sujets de débats sont nombreux. La première difficulté à résoudre est d'identifier une référence conjoncturelle, étape nécessaire pour apprécier ce qui relève de variations exceptionnelles de la conjoncture (la croissance « non soutenable »). Une méthode simple consiste à choisir la croissance tendancielle d'un pays, c'est-à-dire la croissance réellement constatée sur une période historique donnée. Tout se passe alors comme si cette croissance tendancielle pouvait être jugée comme le socle de croissance du pays. Cette méthode présente l'avantage de la simplicité et d'un apparent réalisme, puisqu'elle repose sur des données empiriques. Elle a cependant un inconvénient majeur. Elle repose sur des observations historiques qui, en soi, n'offrent pas de garanties au regard de leur signification économique. En effet, non seulement le diagnostic sur la croissance tendancielle d'un pays peut varier en fonction de la période choisie - un décalage dans le temps d'une ou deux années de la période choisie peut modifier sensiblement le jugement -, mais encore, et surtout, avec cette méthode, les variations de rythme de la croissance au dessous ou au-dessus de la croissance moyenne ne peuvent en aucun cas être, en tant que telles, qualifiées de transitoires. Soit un pays en situation prolongée de croissance excessive, le ralentissement de sa croissance une année donnée ne signifie pas nécessairement le retour à un sentier de croissance durable. Dès lors, il apparaît plus qu'hasardeux de calculer les composantes conjoncturelle et structurelle d'un solde public à partir des seules observations historiques. C'est pourquoi, on a plutôt recours, pour choisir un niveau de PIB de référence, à la méthode consistant à calculer la croissance potentielle d'un pays afin de déterminer le niveau normal d'activité. Le rythme naturel de croissance est a priori simple à identifier ; il est le produit de l'augmentation de la population active et des gains de productivité. Cependant, des écarts d'estimation portant sur ces deux données ainsi que la prise en compte d'éléments structurels, tel que le niveau d'emploi non inflationniste, sont à l'origine d'évaluations différentes. Ces différences se répercutent à leur tour sur les calculs visant à identifier les deux composantes, conjoncturelle et structurelle, du solde public. Une seconde difficulté majeure consiste à identifier la sensibilité des finances publiques aux variations de la conjoncture . Une fois identifiée la composante du PIB « exceptionnelle », il convient de mesurer son impact sur le solde. En l'état des pratiques, une importante simplification de méthode consiste à écarter de l'analyse la sensibilité des dépenses publiques aux variations de l'activité 37 ( * ) . C'est donc sur les recettes publiques qu'on centre l'analyse. Mais, malgré cette simplification, sans doute excessive, les difficultés ne manquent pas. Deux problèmes méritent d'être mentionnés. Le premier d'entre eux, qui revêt une réelle actualité compte tenu des données observées au cours de la période récente en France, consiste à estimer des élasticités fiables de recettes publiques dans des contextes de croissance donnés. Il va de soi que l'impact d'une croissance excédant la croissance potentielle n'est pas le même si l'élasticité des prélèvements obligatoires est unitaire ou égale à 2. Dans la deuxième hypothèse, la partie conjoncturelle du solde est deux fois plus élevée que dans la première. Le second problème consiste à choisir une assiette à laquelle appliquer ces élasticités. Traditionnellement, on a recours à l'écart de croissance (« output gap »), c'est-à-dire à la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Or, cette méthode peut être excessivement simplificatrice. En effet, les différents composants de l'activité sont inégalement taxés. L'investissement ou les exportations sont, par exemple, relativement moins taxés que la consommation. Ainsi, selon les contributions respectives des différents déterminants de la croissance, une même croissance peut produire plus ou moins de prélèvements obligatoires du simple fait de sa structure. C'est la raison pour laquelle, certaines institutions - dont le système européen de banques centrales - tendent à recourir, plutôt qu'à l'écart de croissance, à une méthode visant à approcher au plus près les variations des différents composants de l'activité, choisis en fonction de leurs propriétés fiscales. Compte tenu de ces incertitudes, plutôt que de privilégier une méthode, à l'exclusion des autres, la présente étude s'efforce de présenter le spectre le plus exhaustif des résultats disponibles, qui, du fait de la multiplicité des méthodes utilisées, peuvent varier assez sensiblement. |
* 36 Récemment, un groupe de travail a été mandatée par le Conseil économique et financier de l'Union européenne afin d'établir une méthode d'évaluation commune de « l'écart de croissance », soit de la composante « exceptionnelle » de la croissance, dans le but d'apprécier plus justement l'orientation donnée aux finances publiques pour les Etats européens.
* 37 A l'exception des dépenses d'indemnisation du chômage.