B. L'ESPÉRANCE DÉÇUE DES ACCORDS D'OSLO : DE LA RECONNAISSANCE MUTUELLE À LA DÉFIANCE RÉCIPROQUE
Les accords bilatéraux conclu entre Israéliens et Palestiniens à partir de septembres 1993 ont été le résultat des négociations engagées deux années plus tôt (1991) dans le cadre de la Conférence multilatérale de Madrid convoquée grâce à l'active insistance des États-Unis.
1. Les principales dispositions intérimaires
La situation de crise prévalant depuis des mois dans les territoires ayant un lien direct avec la configuration, institutionnelle et territoriale, issue de la mise en oeuvre, ou du blocage de cette partie des accords d'Oslo, il apparaît utile d'en rappeler ici brièvement le contenu.
- La déclaration de principe du 13 septembre 1993 (Oslo I). Elle prévoyait :
. une période intérimaire de cinq années au cours desquelles une autonomie progressive serait accordée aux Palestiniens ;
. la mise en oeuvre, après ces cinq années, d'un accord sur un statut permanent , dont les négociations, fondées sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité, devraient débuter au plus tard trois années après le début de la période intérimaire. Les questions liées au statut permanent étaient ainsi définies : Jerusalem, les réfugiés, les colonies, les arrangements de sécurité, les frontières et d'autres sujets d'intérêt commun.
. La déclaration de principe prévoyait comme première étape le retrait des forces israéliennes de la bande de Gaza et de la zone de Jericho. La mise en oeuvre de cette étape, intervenue le 4 mai 1994 (accords du Caire) , a servi de référence pour la mise en oeuvre, dans le temps, des autres éléments de la déclaration de principe :
- le transfert d'autorité aux Palestiniens dans les domaines de l'éducation et de la culture, de la santé, des affaires sociales et du tourisme ;
- le principe d'un conseil élu et l'élection dudit conseil par les Palestiniens de la bande de Gaza et de la Cisjordanie. Cette institution devait disposer d'une force de police « puissante » pour garantir l'ordre public et la sécurité intérieure ; la déclaration prévoit également deux annexes sur la coopération économique israélo-palestinienne ;
- enfin, négociations sur le statut permanent, supposées être engagées au plus tard avant la fin de la 3 e année de la période intérimaire.
Les premières étapes du processus ont permis la mise en place des institutions palestiniennes et la configuration territoriale et juridique de, ou plutôt des, autonomies palestiniennes. Un accord du 27 août 1995 avait permis d'accorder aux Palestiniens des domaines de compétences supplémentaires à celles figurant dans la déclaration de principe : travail, commerce et industrie, gaz, assurances, services postaux, statistiques, agriculture et administration locale.
C'est cependant l' accord intérimaire du 28 septembre 1995 (Oslo II) qui fut l'acte de naissance de l'autonomie palestinienne, constituant le début de la deuxième étape des négociations israélo-palestiniennes : il prévoyait l'élection pour 5 ans d'un conseil législatif palestinien et celle d'un président de l'Autorité palestinienne. L'accord définissait également les conditions de transfert de pouvoir des administrations civile ou militaire israélienne au Conseil législatif.
Il précisait à cet égard la répartition des zones de souveraineté palestinienne :
- la zone A, où l'Autorité palestinienne exerce la pleine responsabilité pour la sécurité intérieure, l'ordre public et les affaires civiles. Outre Gaza et Jericho, elle comprend 6 grandes villes de Cisjordanie (Jenine, Naplouse, Tulkarem, Kalkilya, Ramallah et Bethlehem).
- en zone B , l'Autorité exerce, comme en zone A, ses mêmes compétences civiles. En revanche, si elle est en charge de l'ordre public, c'est Israël qui reste responsable du maintien de la sécurité vis-à-vis de ses ressortissants et dans la lutte contre le terrorisme avec, en la matière, préséance sur la responsabilité palestinienne de l'ordre public.
Les zones A et B représentent respectivement 7,5 % et 21,5 % de la Cisjordanie et de Gaza et rassemblent plus de 90 % de la population palestinienne.
- la zone C , enfin, où Israël garde la responsabilité totale de l'ordre public et de la sécurité. Cette zone est constituée de zones non peuplées correspondant à 73 % de la Cisjordanie.
L'accord prévoyait également des redéploiements progressifs des forces israéliennes, à intervalles de 6 mois, de façon à transférer peu à peu à la compétence de l'Autorité palestinienne des parties de la zone C, l'objectif étant qu'elle recouvre le territoire de la Cisjordanie, à l'exception des compétences relevant des négociations sur le statut final : colonies, zones militaires, etc.
Dans le cadre des dispositions relatives à la prévention du terrorisme et de la violence l'accord prévoit une force de police palestinienne de 12 000 hommes. Les engagements des deux parties dans ce domaine suivaient le schéma suivant :
- la police palestinienne est la seule autorité palestinienne compétente pour la sécurité ;
- elle devra agir systématiquement contre tout acte de terreur ou de violence ;
- toutes les armes illégalement détenues devront être confisquées ;
- la police palestinienne arrêtera et poursuivra toute personne suspecte de perpétrer des actes de violence ou de terrorisme.
Ces éléments de l'accord sont essentiels dans la mesure où Israël a très souvent fait valoir que c'est le non-respect par l'Autorité palestinienne de cette partie des accords qui a entraîné les refus d'Israël de mettre en oeuvre ses propres engagements de redéploiements de ses forces et le report de l'ouverture des négociations sur le statut final.
L'accord intérimaire prévoyait également l'évacuation partielle de la ville d'Hébron qui abrite le tombeau d'Abraham, lieu sacré des deux religions juive et musulmane. Une présence militaire israélienne devait cependant assurer la protection des quelques 450 colons vivant au milieu d'environ 120 000 Palestiniens. Devant initialement intervenir avant la fin du mois de mars 1996, cette évacuation a été retardée jusqu'à la signature d'un accord spécifique le 15 janvier 1997. La ville fut divisée en deux zones. Une zone (H1) regroupant 120 000 Palestiniens était placée sous administration palestinienne. Une zone (H2) -20 000 Palestiniens, les lieux saints et les 450 colons- étant maintenue sous contrôle israélien.
Au total, c'est de cet ensemble d'accords successifs que résulte la configuration fragmentée du territoire relevant de la compétence de l'Autorité palestinienne, morcelé en dizaines d'enclaves entre lesquelles la circulation reste sous contrôle israélien.
2. Les raisons du blocage : la confiance impossible
En dépit de rencontres et d'accords successifs israélo-palestiniens, certaines dispositions du processus intérimaire n'ont pas été appliquées. Le mémorandum de Wye River, du 23 octobre 1998, destiné à mettre en oeuvre les redéploiements israéliens et les transferts de territoires de zone B en zone A ou de zone C en zone B ou A, n'a été que partiellement appliqué. La raison en est le non-respect par les Palestiniens, aux yeux des Israéliens, de leurs engagements de sécurité et de lutte contre le terrorisme, les gouvernements successifs d'Israël de MM. Netanyahou (1996-1999), Barak (1999-2001) et, a fortiori, Sharon (depuis janvier 2001) considérant que cet aspect conditionnait tout le reste du processus.
Pour les mêmes raisons, les conclusions du Mémorandum de Sharm el Sheik (4 septembre 1999) sur l'application de ces redéploiements israéliens en Cisjordanie n'ont été que très partiellement mises en oeuvre. L'une des dispositions de l'accord prévoyait le lancement, avant le 13 septembre 1999, des négociations sur le statut final pour aboutir en février 2000. Cet engagement a également été gelé, les Israéliens dénonçant le non-respect des obligations palestiniennes en terme de sécurité , les Palestiniens mettant en avant, pour leur part, la poursuite de la colonisation . Il faudra attendre juillet 2000 et la convocation d'un sommet à Camp David par le Président Clinton pour que Israéliens et Palestiniens débutent les discussions sur le statut final. Malgré les quelques rapprochements enregistrés, aucun accord ne fut signé à cette date. Le déclenchement de la deuxième Intifada a alors empêché toute avancée.
Le 23 décembre 2000, le Président américain fit part de ses propositions pour une reprise des discussions sur le statut final : les « paramètres Clinton » 8 ( * ) . C'est à partir de ces propositions que, le 21 janvier 2001, commencèrent, à Taba, entre Israéliens et Palestiniens, des discussions sur les éléments du statut final. Aucun accord ne fut conclu bien que les positions respectives se soient, à cette occasion, très substantiellement rapprochées sur les colonies, les réfugiés, Jérusalem ou les questions de sécurité. En dépit des évolutions tragiques constatées depuis plus d'un an, les acquis informels de Taba pourraient, le moment venu, constituer la référence lors d'une reprise des négociations qui, tôt ou tard, sera inévitable.
* 8 Voir document en annexe.