QUATRIÈME TABLE RONDE : VOLONTÉ POLITIQUE ET CHOIX STRATÉGIQUES

M. Louis de BROISSIA, rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles sur le budget de la communication audiovisuelle

Certains pourraient dire ou penser que la volonté politique s'inscrit ici dans un domaine où les marchés nationaux, européens et internationaux priment.

Mais je suis là pour dire, au nom de la commission des Affaires culturelles, la manière dont nous envisageons l'expression de cette volonté politique, allant vers une démocratie télévisuelle.

Nous, parlementaires, avons à tenir compte des besoins des Français, qui s'expriment de façon diffuse et parfois contradictoire. Ils montrent cependant clairement un appétit pour une télévision plus diverse, plus riche en programmes locaux, d'un accès plus autonome et responsable, ceci au moment même où la TNT devrait répondre en partie à ces attentes, de même que l'ADSL ouvre d'intéressantes perspectives.

Il est significatif que 83 % des Français souhaitent voir la télévision rattraper la radio en matière de communication locale. Mais nous voyons sortir la télévision d'une économie marquée par l'oligopole et apparaître les possibilités d'un choix plus libre. Le téléspectateur attend de pouvoir devenir son propre programmateur. L'expérience britannique, malgré les difficultés rencontrées, a montré l'importance de l'interactivité dans l'économie de la télévision nouvelle. Par ailleurs, le développement de l'offre de programmes devrait fournir en commandes l'industrie des programmes et nous verrons, je pense, se confirmer la formation d'un second marché.

Mais d'autres signaux peuvent être considérés comme alarmants.

En effet, dans la mesure où 69 % des Français sont a priori décidés à ne rien payer, je pense qu'il est indispensable de fixer une date butoir pour le basculement vers le numérique terrestre, comme cela a été fait aux Etats-Unis, afin de marquer une volonté politique forte et de faire prendre conscience du caractère inéluctable de ce basculement.

Or, je constate que le gouvernement a adopté un système complexe et un peu dirigé : il y aura forcément implication de la puissance publique.

La fixation d'une date d'abandon de l'analogique permettrait de lancer à nos concitoyens un message clair et favoriserait le lancement de la production en grande série d'équipements de réception, ce qui permettrait de comprimer les coûts et de lever les objections d'une partie de nos compatriotes.

TNT ou ADSL, quel que soit le mode choisi, il doit correspondre à l'aspiration des Français d'avoir un choix plus large et plus libre, à la condition que la couverture du territoire soit satisfaisante. II serait insensé de maintenir les zones d'ombre lors du passage au numérique. Il ne faut de fracture ni numérique, ni générationnelle, ni territoriale.

Le lancement de la TNT est une excellente perspective pour la télévision publique. Il était nécessaire que celle-ci s'adapte aux nouvelles conditions de diffusion et de consommation télévisuelle, afin de remplir sa mission spécifique. La volonté politique d'étendre le principe de la démocratie doit demeurer.

Le secteur privé sait ou saisira vite que le numérique lui offre des chances nouvelles.

La volonté politique en audiovisuel a quatre données essentielles à assumer :

- assimiler des politiques parfois alternées ;

- s'exercer dans l'exercice de la démocratie, donc dans la recherche permanente du débat ;

- demeurer équitable, c'est-à-dire ne pas affaiblir la concurrence et éviter les fractures nouvelles ;

- anticiper les besoins d'une nation qui s'oriente davantage vers l'interactivité et le temps disponible et qui connaît une européanisation de la pensée et des modes de vie.

M. Yves GASSOT, directeur de l'IDATE

On m'a demandé de mettre en perspective l'introduction de la TNT en soulignant l'hétérogénéité des marchés audiovisuels en Europe. Cette hétérogénéité est considérable et doit en effet être rappelé quand on cherche à tirer des enseignements des expériences de lancement de la TNT dans d'autres pays européens comme cela a été fait tout le long de cette journée.

Nous considérerons donc successivement le montant du financement public, les recettes publicitaires, et la place des différents supports de distribution.

L'implication publique en termes de financement, ce que l'on appelle en France la redevance, représente très schématiquement en Allemagne 3 fois ce que cela représente en France, 2 fois au Royaume-Uni, 5 fois le montant en Italie, 10 fois ce que cela représente aux Pays-Bas. Cette disparité est en valeur absolue, mais se retrouve également au niveau des foyers.

Cet élément joue évidemment un rôle dans la réflexion stratégique et de politique publique.

Concernant les recettes publicitaires, le Royaume-Uni est le marché le plus avancé, représentant en 2001 deux fois le volume des recettes en France, ce dernier correspondant aux 2/3 du marché allemand mais à quelque 10 fois le marché suédois.

Tout cela serait bien sûr à considérer en fonction de la dynamique de progression de ces marchés et en prenant en compte les législations propres à chacun d'entre eux. Il est ainsi bien connu que la viabilité en France des chaînes de télévision locale -même en mode de diffusion numérique- dépend pour une large part des modifications des contraintes qui pèsent sur la publicité du secteur de la grande distribution.

On est enfin frappé par l'hétérogénéité des supports de diffusion. Dans certains pays, plus de 50 % des ménages ont accès à la télévision par le câble, dans d'autres, aucun. On constate la même chose en ce qui concerne le satellite.

Le câble est un vrai problème en Europe : d'abord dans plusieurs pays largement câblés tels la Belgique ou l'Allemagne, il est encore dominé par un modèle économique de type « utility ». Et les pays -comme le Royaume-Uni, la France- qui ont cherché à assoir les investissements dans ce secteur sur la base du modèle « triple play » font surtout ressortir l'importance des investissements complémentaires à mettre en oeuvre pour proposer des services d'accès à Internet et des services téléphoniques, tandis que l'offre audiovisuelle supporte difficilement la concurrence avec les bouquets satellites.

Cette hétérogénéité, qui ne signifie pas que l'on ne retrouve pas des caractéristiques communes à l'organisation des marchés, fait contraste avec l'autre grand secteur d'expertise de l'IDATE que constitue les télécommunications.

On est ainsi frappé par l'absence de coordination à l'échelle européenne. La directive "Télévision sans frontière", qui fait l'objet présentement d'une évaluation de son application, n'a qu'une valeur d'incitation vis à vis des législations nationales. Et surtout, elle nécessiterait pour en mesurer l'impact un système de suivi des productions et des diffusions qui, exception faite de la France, n'existe pas. Et de fait on notera que la structuration à l'échelle du marché européen de l'industrie audiovisuelle, matérialisée par la lente progression de RTL Group dans le domaine de la télévision commerciale et par la coûteuse stratégie de Canal Plus dans le domaine de la télévision payante, reste à l'état d'esquisse. Par ailleurs la TNT n'a fait l'objet d'aucune approche coordonnée à l'échelle de l'Union.

Toutefois, des dernières directives approuvées en décembre dernier dans le domaine de la communication électronique, deux principes qui vont devoir s'appliquer aux législations nationales du secteur audiovisuel européen sont à signaler : la neutralité exigée dans un contexte de convergence des régulations quels que soient les supports de diffusion et de communication électronique, d'une part, la volonté et les moyens mis en oeuvre pour renforcer l'harmonisation européenne dans l'approche de l'usage des ressources limitées du spectre, d'autre part. Même discutée essentiellement sous l'effet de l'énorme ratage du lancement de l'UMTS -les mobiles de troisième génération- cette exigence aura certainement un impact dans le secteur de la télévision.

Pour finir, je ne dirai que quelques mots des travaux de modélisation des équilibres économiques de la TNT en France que l'IDATE a conduit pour le CSA, laissant le soin au président de cette autorité de les commenter. Nos travaux illustrent la fragilité du secteur et les difficultés à prévoir les conditions précises de succès de l'introduction de la TNT. Mais, rejoignant en cela beaucoup de considérations présentées au cours de cette journée, ils nous permettent d'écarter les options les plus tranchées qui apparaissent aussi les moins favorables. Ainsi sans télévision payante, on est condamné à une progression lente et difficile. Mais sans télévision gratuite, et de fait associant les télévisions publiques et commerciales, on ne dispose pas de la « profondeur » de marché indispensable à l'économie de la TNT et plus précisément des terminaux d'accès.

M. Pierre LESCURE, directeur général de Vivendi-Universal, président de Canal Plus

Beaucoup des aspects de la TNT ont déjà été abordés, mais certaines questions m'ont un peu inquiété.

D'une part, il ne faut pas passer trop vite sur les leçons à tirer des échecs que connaissent l'Espagne, la Grande-Bretagne et la Suède.

Soulignons, d'autre part, l'aspect essentiel des décisions que va devoir prendre le CSA, devenu programmateur, dans un avenir proche. La différence d'offre va en effet se faire sur un nombre limité de chaînes. Ce choix sera donc clé dans la première perception ou séduction proposée.

Quoi qu'il en soit, il en est du numérique pour la télévision comme il en a été de la FM en radio. Dans quelques années plus personne ne regardera la télévision en analogique.

La fixation d'une date de passage me semble en effet une bonne idée : cela oblige à arbitrer vite, à s'engager vite et donne à l'ensemble de la population le sentiment qu'il s'agit d'un mouvement économique, technologique et commercial inéluctable. De plus, essayer le numérique, c'est l'adopter.

Le plus frappant dans les nouvelles télévisions, et ceci doit habiter la volonté politique et les choix stratégiques des acteurs privés, c'est l'incroyable transformation de l'environnement qui marque la télévision et la communication du son et de l'image en général. Le numérique change tout dans le rapport entre l'émetteur et le consommateur, et plus les choses avanceront, plus le consommateur sera roi.

L'appétit pour l'image et le son est énorme, l'offre et les services sont multiples, mais on n'a encore rien vu !

Chacun devra garder à l'esprit que le consommateur en voudra pour son argent. Il y a une volonté absolue d'accéder au contenu ici et maintenant, et de communiquer vite, partout, avec tous et à tout moment.

Toutes ces nouvelles demandes se croisent et se recoupent : ainsi le SMS, qui connaît un énorme succès, auprès des jeunes en particulier, représente la jonction du désir de mobilité et d'instantanéité.

Nous tentons de satisfaire toutes les attentes de notre public, et cela devient de plus en plus complexe. Il existe de nombreux types de consommateurs. Certains attendent une simplicité d'usage, des émissions de rassemblement, de la variété, d'autres demandent de la mobilité, de la surprise, de l'exclusivité, de la proximité.

Un des éléments nouveaux majeurs intervenus ces dernières années est, pour la première fois, une compétition entre groupes privés de poids identiques ou presque : TF1 et M6. Cela va certainement changer beaucoup de choses dans les politiques que vont développer aussi bien les grands acteurs du privé que l'acteur public.

Par ailleurs, la télévision fait de plus en plus de télévision, ce qui nous donne, à Canal, aussi bien en France qu'au-delà des frontières, espoir et coeur à l'ouvrage pour nous axer sur le cinéma et le sport, tout en investissant sur la fiction originale et les documentaires.

Nous pensons qu'il faut à la fois investir dans la production, l'édition et la distribution. Ainsi, nous pouvons assurer la diffusion et la circulation de programmes divers et de qualité. Je sais que la question de l'intégration verticale est quasi tabou, mais peut-être faudrait-il y réfléchir autrement pour garantir le pluralisme de la production, encourager les diffuseurs à investir dans la création et assurer la circulation des oeuvres, gage, elle aussi, de diversité culturelle.

J'ajouterai qu'il me paraît évident aujourd'hui que notre dimension européenne, même si elle a été lourde sur le plan des résultats financiers, est plus que jamais l'axe de notre stratégie.

M. Arnaud LAGARDERE, président-directeur général de Lagardère Média

Les choix stratégiques d'une entreprise dépendent essentiellement de sa culture, de son identité et de ses valeurs.

La première de ces valeurs est l'indépendance. Nous sommes indépendants parce que nous avons un statut qui nous permet d'être indépendants. Ceci veut dire que nous ne sommes pas continuellement malmenés par les marchés financiers, et donc que personne d'autre que nous ne définit notre stratégie. Cela nous permet par exemple d'investir des sommes non négligeables dans la création de contenus, ce qui nous semble important dans notre stratégie à moyen comme à long terme. C'est la raison pour laquelle nous avons d'autres types d'activités : littérature générale (Grasset, Fayard, Calmann Lévy), et radios (Europe 1, Europe 2, RFM).

La seconde valeur est la constance. Il est plus difficile de réussir dans la durée, or notre stratégie est de réussir dans le temps. Nous l'avons démontré dans d'autres secteurs du groupe avec le Renault Espace et EADS-Airbus.

La troisième et dernière de ces valeurs est la qualité de nos contenus. Nous investissons énormément dans la production, par exemple, à travers Jean-Pierre Guérin et d'autres, et nous avons connu de beaux succès, comme Fabio Montale qui a réuni quelque 12 millions de téléspectateurs.

La TNT est un investissement dans la durée, et nous intéresse donc. Lors de l'arrivée de la FM, nous estimions en tant que propriétaire d'Europe 1 qu'elle était dangereuse. Mais le résultat, c'est qu'il y a eu plus d'offre et l'auditeur en bénéficie au même titre que les acteurs.

Nous voulons donc appliquer nos valeurs dans la TNT, avec l'espoir qu'en présentant 4 ou 5 dossiers de candidature, dont l'une des propositions au moins serait gratuite, nous allons, au bout de 10 ou 15 ans, être un des acteurs majeurs du secteur.

M. Marc TESSIER, président-directeur général de France Télévisions

Les choix stratégiques de France Télévisions sont en accord avec la volonté politique de l'Etat. Cette concordance s'est exprimée récemment dans la signature avec l'Etat d'un contrat d'objectifs et de moyens à 5 ans, signé par plusieurs ministres.

Je voudrais préciser quelques points à propos de ce contrat.

Le premier élément fondamental est que l'Etat a fait le choix de ne pas augmenter la redevance dans les années futures au-delà de l'inflation.

Deuxièmement, le groupe France Télévisions doit auto-financer les trois quarts de ses investissements, sur une période pendant laquelle ces investissements doubleront. Ceci signifie que la télévision publique doit procéder à un redéploiement interne, condition nécessaire de la réalisation du projet.

Le contrat d'objectifs et de moyens comporte une autre exigence : France Télévisions doit consacrer chaque année une part plus importante de ses dépenses opérationnelles et de ses investissements en matière de programmes.

Les choix stratégiques de France Télévisions s'inscrivent donc dans une volonté politique claire.

Je voudrais ensuite évoquer un certain nombre de points qui touchent à la télévision numérique terrestre.

On oublie trop souvent que, dans la plupart des pays, le secteur des médias est traité en exception : il existe partout des règles spécifiques, des instances de contrôle, des codes et des usages extrêmement forts, etc.

La stratégie proposée par France Télévisions s'inscrit dans un traitement européen lui aussi en exception, puisque la Commission européenne a accepté de traiter le programme de développement de la télévision publique française et des autres télévisions publiques dans un cadre de lignes de conduite spécifiques.

Quels sont les objectifs de cette exception politique ?

- L'accès de tous à un service minimum de qualité ;

- Le pluralisme ;

- L'indépendance des acteurs par rapport à des intérêts économiques ou politiques ;

- Le développement économique du secteur, et notamment des deux parties vitales que sont l'information et la création ;

- Le choix technologique d'avancer rapidement en France et en Europe dans l'accès de la télévision aux nouveaux secteurs.

A propos de l'accès à la télévision publique, le choix politique est d'élargir le service antenne d'accès libre à tous. La question qui se pose est de savoir comment ce service sera traité sur le câble et le satellite. Je ne souhaite pas que les chaînes d'information du service public soient renvoyées dans des ensembles avec des chaînes financées par abonnement. Il est fondamental, pour le téléspectateur, de savoir qu'existe un service antenne.

Je parlerai d'un seul aspect du pluralisme : la présence d'un groupe public. La stratégie proposée est fondée sur l'idée que, si le groupe France Télévisions restait à structure d'offre constante -France 2, France 3 et France 5- il deviendrait obsolète d'ici trois ou cinq ans. Si la télévision publique doit demeurer un gage de pluralisme, alors elle doit faire partie du mouvement d'évolution du paysage audiovisuel.

Le gouvernement a clairement fait le choix que l'équilibre privé-public ne soit pas modifié substantiellement sur le numérique terrestre gratuit. Il a ajouté à ce choix qu'il nous autorisait à participer aux projets de la télévision payante, mais de manière modérée et minoritaire, sans revendiquer de contrôle.

L'indépendance, déjà garantie par les lois antérieures pour le groupe public, est renforcée par l'existence du contrat d'objectifs et de moyens : le groupe public fonctionne désormais dans un cadre à cinq ans.

Le secteur connaîtra un développement économique car les nouvelles télévisions passeront des commandes. Pour leur part, les télévisions du service public auront l'engagement de passer des commandes sur la totalité de son chiffre d'affaires. Il faut s'organiser pour faire en sorte que le second marché existe : il faut, pour cela, que toutes les parties acceptent d'assouplir leurs exigences.

En ce qui concerne enfin la technologie, j'adhère à l'idée d'une date butoir pour la fin de la diffusion en analogique, mais il est difficile de la fixer dans un délai trop court. Il faut d'abord lancer la télévision numérique terrestre, voir ensuite comment celle-ci fonctionne et se rendre compte des obstacles.

M. Dominique BAUDIS, président du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA)

Seuls 13 % des Français ont entendu parler de la télévision numérique terrestre et savent ce dont il s'agit. Ce constat, tiré du sondage CSA sur « les Français et les nouvelles télévisions », nous donne une idée du chemin qui reste à parcourir.

Le projet de la télévision numérique terrestre représente pourtant un grand projet d'intérêt général et national.

Au-delà du progrès technologique qu'elle représente, la mise en oeuvre de la télévision numérique de terre est portée par une volonté politique qui propose à nos concitoyens qui ne reçoivent aujourd'hui que les chaînes de télévision hertzienne, une offre renouvelée, soit 3 fois plus de programmes. La TNT constitue donc un véritable enjeu de société, à la fois politique, économique, culturel, mais aussi de création.

Le CSA a reçu du législateur mission de mettre en oeuvre la TNT, dans le cadre de la loi du 1 er août 2000. A partir de là, nous devions donc opérer un certain nombre de choix stratégiques afin de mener à bien cet ambitieux projet.

Au cours des derniers mois le travail a déjà été largement entamé. Sur ce dossier, deux obstacles majeurs susceptibles d'entraver la TNT ont été mis à jour. Le premier concernait les opérateurs privés, avec le plafond des 49 % du capital d'une chaîne détenus par un seul actionnaire, le deuxième concernait le financement de la télévision publique et la nécessité d'une dotation financière pour qu'elle puisse se déployer sur la télévision numérique terrestre. Au printemps, ces obstacles, dont certains disaient que plusieurs années seraient nécessaires pour qu'ils soient levés, étaient écartés.

Au cours du premier semestre, nous avons surtout travaillé à la planification des fréquences. Cette première étape nous a permis de publier notre appel à candidatures le 24 juillet dernier. Le Conseil tenait à ce que ce premier appel aux candidatures puisse être discuté par des opérateurs actuels ou potentiels. C'est pourquoi nous avons jugé bon de le rendre accessible en installant un prototype sur Internet.

Nous avons par ailleurs été consultés à plusieurs reprises par le pouvoir réglementaire pour l'élaboration des décrets.

Ce premier appel aux candidatures lancé, nous avons pu établir un calendrier qui va se dérouler de la manière suivante : en supposant que le dernier décret du Gouvernement, relatif à l'obligation de reprise par les distributeurs de services câblés des chaînes en clair de télévision numérique terrestre, soit publié cette semaine, comme l'a annoncé Madame la ministre, la clôture de l'appel à candidatures interviendrait vraisemblablement le 23 mars 2002.

Les quatre mois suivants seront ensuite consacrés à l'ouverture des dossiers, à la vérification de leur recevabilité, à l'audition des candidats dans le cadre d'une procédure d'audition publique, selon la volonté du législateur.

Le choix des opérateurs devrait donc intervenir dans la deuxième quinzaine de juillet, selon les critères que je rappelle ici :

- la capacité de répondre aux attentes d'un large public ;

- la nécessité d'assurer une véritable concurrence et la diversité des opérateurs ;

- la sauvegarde du pluralisme ;

- l'expérience acquise par les candidats ;

- les engagements en matière de production et de diffusion d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques ;

- les engagements relatifs à la couverture du territoire ;

- la cohérence des propositions en matière de regroupement et de choix des distributeurs ;

- le financement et les perspectives d'exploitation du service.

Nous avons déjà procédé à un certain nombre de choix stratégiques dans la mise en oeuvre de cette volonté politique. Il s'agit principalement de deux choix d'équilibre : un équilibre gratuit-payant, 15 chaînes en clair, 15 chaînes payantes -sans que ces chiffres soient pour autant définitifs- et par ailleurs un équilibre public-privé sur le clair : sur une quinzaine de chaînes en clair on pourra dénombrer 8 chaînes à caractère public et 7 ou 8 chaînes privées.

Par ailleurs nous avons procédé à un choix technique qui a aussi des conséquences stratégiques : nous avons opté pour la création de 33 services de télévision, ce qui signifie qu'il y aura 3 multiplex à 5 services et 3 multiplex à 6 services. En effet, nous nous sommes placés délibérément en dessous des capacités techniques de la télévision numérique terrestre après avoir tiré les leçons de l'exemple britannique où certains multiplex ont été saturés.

Nous avons également procédé au choix stratégique du local. Notre pays souffre d'un manque de télévisions locales. La possibilité d'éditer de nouveaux services va permettre de soigner cette infirmité. Nous avons donc réservé 3 services de télévision au local et à l'associatif par zone couverte. C'est là une des clés du succès de la TNT, notamment grâce à l'émergence de nouveaux projets originaux et innovants qui prendront place à côté des projets déjà existants. Le développement de ce nouveau paysage audiovisuel exigera bien sûr un important travail de réflexion et de décision concernant le financement de la télévision locale et notamment la possibilité, pour ces télévisions particulières, d'avoir au moins accès au secteur interdit de la distribution.

J'aimerais d'ailleurs à ce sujet attirer votre attention sur la brièveté des délais qui nous sont impartis : d'ici la fin de l'année qui vient de commencer, nous aurons lancé l'appel à candidatures pour le local. Je ne crois pas que les forces vives locales en aient pleinement conscience. Il faut attirer leur attention sur la nécessité de ne pas laisser passer cette échéance.

La télévision numérique terrestre n'est pas seulement une révolution technologique, c'est avant tout l'expression d'une volonté politique au coeur de laquelle le citoyen a une place centrale. L'activité de régulation, qui incombe au CSA, consiste à faire respecter un ensemble de règles en tant qu'elles sont l'expression d'un consensus social sur le cadre dans lequel notre pays et nos concitoyens souhaitent voir se déployer l'activité audiovisuelle.

Depuis quelques années, nous avions le sentiment que la télévision était en train d'échapper au régulateur. Avec la télévision numérique terrestre, dans le cadre de laquelle un éditeur de service ne pourra émettre qu'avec l'autorisation du CSA, la société, et donc nos concitoyens retrouvent prise sur l'audiovisuel. Avec le projet de la télévision numérique de terre, nous réintroduisons la règle, garantie de la liberté.

Débat avec la salle

M. Michel LAMARQUE :

J'ai l'avantage ou l'inconscience de faire de la télévision locale, à Biarritz.

Le local est voulu par 83 % des téléspectateurs et il est la principale possibilité de croissance des marchés publicitaires. Le local semble donc une clé du succès de la nouvelle télévision.

Par ailleurs, on dit que la France a 10 ans de retard, elle a en encore pris 5 ans avec un fameux arrêt du Conseil d'Etat de juillet 1998, nous risquons de prendre encore 5 ans avec la durée d'initialisation du numérique terrestre. Ce nouveau retard, ce n'est peut-être pas grave pour les grands opérateurs nationaux, mais la capacité d'expression des non-parisiens sera pour longtemps amenuisée.

D'où trois questions :

La télévision locale n'est-elle pas le seul véritable argument de vente du numérique terrestre ?

Le numérique terrestre ne risque-t-il pas paradoxalement de condamner l'apparition même de ces télévisions locales ?

Pour le cas où cela ne fonctionnerait pas, y a-t-il des alternatives technologiques, que l'expression locale ne soit pas suspendue au succès d'une technologie qui n'a encore fonctionné nulle part ailleurs ?

M. Dominique BAUDIS :

Le local est un atout du numérique terrestre, nous sommes d'accord, car cela donne une profondeur nouvelle au paysage audiovisuel.

Par ailleurs, nous allons en fait assister à une montée en puissance comme on n'en a jamais vue dans l'histoire de la télévision ! Une multiplication par 6 du nombre des chaînes va intervenir d'un seul coup. Cette montée en puissance sera de plus rapide, puisque la première année nous visons 50 % de couverture, et 80, voire 85 % dans un délai de 2 ans ensuite. En ce qui concerne les 15 % restants, le problème concerne plus l'aménagement du territoire que la communication.

Enfin, je refuse de raisonner dans la perspective que cela ne marche pas.

Intervention de la salle :

Quelles fréquences seront disponibles pour le local, qui n'est pas le régional ? Trois fréquences ne suffisent pas pour assurer la couverture par des chaînes locales. Et si l'on en reste au régional, ce sera France 3 au rabais.

M. Dominique BAUDIS :

France 3 couvre avec beaucoup de compétences la dimension régionale. Le président de France Télévisions présentait tout à l'heure les projets de télévisions à venir parmi lesquelles il y aura une sorte de fédération de chaînes régionales, qui auront bien leurs têtes dans 8 espaces régionaux qui vont se dessiner.

Pour « l'infra-régional », le local, la proximité, la télévision d'agglomération ou de pays, nous aurons donc partout trois fréquences locales. Il en faudrait davantage, dites-vous. Non, parce que là où elles existent -- il y en a environ 10 actuellement qui fonctionnent en hertzien analogique -- elles sont en déficit structurel. Avant d'en créer plus de trois, il faut d'abord se demander comment assurer l'équilibre économique des trois, ceci partout en France.

J'ajouterai un mot sur le problème des opérateurs commerciaux. La loi n'a pas confié au CSA le soin de choisir les opérateurs commerciaux. Le législateur a voulu que ce soit les éditeurs de services, eux-mêmes choisis par le CSA, qui choisissent leur opérateur commercial, ce qui est d'ailleurs logique. Bien entendu nous serons consultés, et nous voulons donner le maximum de précisions et d'éclairage à ceux qui préparent des dossiers. La Direction de la concurrence mène une étude, et le CSA a confié à un cabinet spécialisé le soin de travailler sur cette question. Avant la clôture de l'appel à candidatures, nous aurons analysé les résultats de ces travaux et nos conclusions seront disponibles sur Internet.

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