c) Le revirement : juin-septembre 1997
25 mai et 1 er juin 1997 : Elections législatives. Au soir du deuxième tour, François Fillon prédit, sur les plateaux télévisés, malgré les propos inverses du « camp » nouvellement élu pendant la campagne électorale, l'ouverture prochaine du capital de France Télécom par le nouveau Gouvernement.
18 juin 1997 : D'après le journal Le Monde 8 ( * ) , M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, fait remarquer qu'il y a une différence entre privatisation et ouverture du capital, en ouvrant une série de rencontres avec les syndicats de France Télécom.
19 juin 1997 : Dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement, le Premier ministre affirme qu'« en l'absence de justification tirée de l'intérêt national, nous ne sommes pas favorables à la privatisation de ce patrimoine commun que sont les entreprises publiques en situation de concurrence. Pour autant, nous savons que des adaptations seront nécessaires pour garder notre rang parmi les nations les plus développées du monde et se rapprocher d'autres partenaires européens ».
24 juin 1997 : M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, indique 9 ( * ) , devant le groupe socialiste de l'Assemblée nationale, qu'il n'est « pas opposé à une ouverture du capital » de France Télécom.
17 juillet 1997 : Le Gouvernement charge M. Michel Delebarre, ancien ministre, député socialiste, d'une mission de « consultation approfondie sur l'avenir de France Télécom ».
5 septembre 1997 : M. Michel Delabarre remet ses conclusions. Son rapport (reprenant sur ce point presque mot par mot les termes employés dans le rapport sénatorial précité « L'avenir de France Télécom, un défi national » ) considère que « l'ouverture » du capital n'est pas synonyme de « privatisation » dès lors que l'État demeure l'actionnaire principal du capital et relève à ce sujet « un dévoiement du vocabulaire et des notions qui caricaturent et faussent le débat ».
Ainsi le concept de sociétisation était validé par ceux qui l'avaient combattu dix-huit ans plus tôt !
S'appropriant presque point par point la réflexion de François Fillon et du Gouvernement Juppé en 1996, ce rapport estime ensuite:
- que les accords de partenariats internationaux importants deviendront de plus en plus difficiles pour une entreprise qui ne fait l'objet d'aucune « appréciation boursière » ;
- qu'un « opérateur d'Etat » comme France Télécom (si aucune ouverture de capital n'est décidée) se trouvera de fait fragilisé dans la perspective de la réponse à certains appels d'offres venant d'autres pays, les Etats « donneurs d'ordre » souhaitant négocier avec des opérateurs et ne pas avoir d'interférence d'autres Etats dans leurs choix en matière de télécommunication ;
- que, compte-tenu des sommes qui seront en jeu pour réaliser les futurs partenariats ou les futures acquisitions dans le domaine des télécommunications, il est peu envisageable que France Télécom soit en mesure de les financer sur la base de ses seuls résultats (aussi positifs soient-ils) et qu'il est par ailleurs absurde de penser que le budget de l'Etat pourrait y faire face. « C'est sur les marchés financiers qu'il faudra être capable de mobiliser les sommes nécessaires » indique-t-il, avant de conclure : « dès lors nous pensons indispensable que le Gouvernement s'engage à ne pas dépasser la mise sur le marché d'un montant de l'ordre de 1/3 du capital de France Télécom, l'Etat demeurant ainsi l'actionnaire nettement majoritaire ».
8 septembre 1997 : Conférence de presse de MM. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, annonçant « l'ouverture rapide du capital de France Télécom, la cotation [en Bourse] devant permettre à l'entreprise de disposer à brève échéance d'une valeur de marché lui permettant de se comparer à ses partenaires et à ses concurrents ».
L'annonce de cette « privatisation » partielle était accompagnée, d'après le dossier de presse diffusé à cette occasion, d'une volonté d'enrichir le contenu du service universel : « l'entrée de la France dans la société de l'information, rend nécessaire l'enrichissement du service universel. Son champ devra ainsi être élargi, afin que soit assuré l'accès de l'ensemble des établissements d'enseignement à Internet et aux nouveaux services multimédia à des conditions tarifaires privilégiées ». Rappelons qu'une telle disposition 10 ( * ) figurait déjà, à l'initiative du Sénat, dans la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996.
De plus, le Gouvernement souhaitait, d'après ce même communiqué de presse, « une clarification des responsabilités dans le domaine de la régulation des télécommunications ». Le Gouvernement y indiquait que le système de régulation spécifique mis en place en 1996, s'appuyant sur une autorité dotée de pouvoirs propres « sera amélioré en clarifiant les rôles respectifs du Parlement, du Gouvernement et de l'Autorité indépendante ».
De ces trois projets, seul le premier, l'ouverture de capital, fut -rapidement- mené à terme, dès le mois d'octobre 1997.
9 au 18 septembre 1997 : Déclarant honorer la promesse électorale non tenue de Lionel Jospin de consultation des salariés, le syndicat SUD-PTT organise un référendum interne auprès des salariés sur l'ouverture du capital.
Octobre 1997 : lancement de la première tranche d'ouverture du capital de France Télécom.
* 8 Daté du 27 juin 1997.
* 9 Source : comptes-rendus parus dans la presse.
* 10 L'article 7 de la loi n° 96-659 de réglementation des télécommunications indique que le schéma sectoriel d'aménagement du territoire relatif aux télécommunications prévoit des conditions de raccordement à tarif préférentiel pour les établissements d'enseignement.