B. LES RELATIONS SOCIALES
1. Une entreprise, trois systèmes
France Télécom SA compte aujourd'hui 108.200 fonctionnaires et 13.800 salariés de droit privé. Dans les filiales françaises du groupe, la proportion est inverse : 20.600 salariés de droit privé et 4.200 fonctionnaires. A l'étranger, où travaillent 67.000 personnes (près du tiers des effectifs), la présence de fonctionnaires est exceptionnelle.
Au sein de l'ensemble des agents sous statut public, on peut distinguer le cas particulier des fonctionnaires « reclassés » de France Télécom, c'est-à-dire ayant choisi, comme les y autorisait la loi précitée du 2 juillet 1990, de conserver, au moment de la création de l'établissement public France Télécom, un grade correspondant à leur grade d'origine au sein de l'administration des PTT, par opposition aux nouveaux grades dits de « reclassification » mis en place à cette époque à La Poste comme à France Télécom.
Au sein du groupe coexistent donc, de fait, deux grands ensembles mais, de fait, trois statuts d'emplois.
a) La nouvelle convention collective applicable aux salariés sous contrat de droit privé
La nouvelle convention collective des télécommunications, étendue par arrêté ministériel du 12 octobre 2000 à l'ensemble de la branche et applicable depuis le 1 er novembre 2000, s'efforce d'être un équilibre entre des garanties collectives de niveau élevé pour les salariés et des souplesses et des marges de liberté pour des entreprises évoluant dans un univers aux changements très rapides. Cette convention collective a été signée, d'une part par deux chambres patronales représentatives au niveau du secteur et, d'autre part, par les organisations syndicales suivantes : CFDT, CFTC, CGC et CGT-FO.
Des garanties pour les salariés
Les garanties sont accordées à tous sans distinction de statut (cadres/non cadres). Les minima salariaux sont calés sur le bas de la fourchette des salaires réellement pratiqués, permettant ainsi une régulation effective des salaires au niveau du secteur professionnel.
Les indemnités de rupture (licenciement et retraite) sont supérieures aux autres conventions pour les non cadres, puisque les modes de calculs de ces indemnités sont identiques quelle que soit la catégorie d'appartenance des salariés. En cas de maladie, la prise en charge se fait intégralement dès le 1er jour, et jusqu'au 105ème jour de la maladie : il n'existe plus de délai de carence. Cette prise en charge n'a pas d'équivalent dans d'autres conventions collectives. En matière de prévoyance, la convention prévoit, indépendamment de l'adhésion à un régime de prévoyance, des indemnisations en cas de décès, invalidité et maladie longue durée, sans équivalent dans d'autres branches.
Des souplesses et des espaces de liberté pour les entreprises
L'accord de branche du 4 juin 1999 sur la réduction et l'aménagement du temps de travail dans le secteur des télécommunications prévoit des possibilités de dérogations, de régimes diversifiés, de modulation et d'accès à des régimes en jours, correspondant aux besoins des entreprises du secteur.
Dans un secteur en perpétuelle mutation et en recherche d'adaptation permanente, la mobilité géographique et fonctionnelle a été reconnue comme intégrée à l'évolution professionnelle. Elle peut être exigée de tous les salariés par simple intégration dans le contrat de travail. Elle n'est pas nécessaire pour les deux niveaux supérieurs de la classification. La mobilité à l'international est ouverte et peut se développer dans le cadre des négociations individuelles.
Les classifications des emplois sont organisées en bandes larges : il n'y a que 7 niveaux, dont 3 niveaux cadres (E,F,G). La convention ne comporte aucun automatisme de promotion dans cette classification : les dispositifs de promotion sont laissés à l'appréciation des entreprises. Il n'y a pas de groupe de classification d'assimilés cadres ; par contre, la convention permet, par accord d'entreprise, la création d'un groupe « Dbis », groupe cadres à part entière, ouvrant l'accès aux dispositifs de retraite complémentaire des cadres ainsi que le vote dans le collège cadre lors des élections des instances représentatives du personnel.
En matière de salaires, les garanties minimales sont majorées après 2 ans et 10 ans d'ancienneté dans un même niveau de classification. Ce système a remplacé les mesures automatiques d'évolution à l'ancienneté. Les minima garantis sont exprimés en montants annuels, éléments variables compris. Sous réserve des garanties minimales, l'évolution des salaires est entre les mains des entreprises et de leur management, dans le respect des négociations annuelles prévues, avec les partenaires sociaux, par le code du travail.
Dans le groupe France Télécom, seuls sont directement concernés par les dispositions de cette convention collective les salariés sous contrat de travail de droit privé (y compris les fonctionnaires détachés en filiales). A noter que, dans tous les cas, les fonctionnaires (détachés ou non) conservent leur grade et leur dispositif de retraite.
Fin 2001, le nombre de salariés du groupe France Télécom (en contrats à durée indéterminée et déterminée) relevant de la convention collective des télécommunications était de 33.500, dont 14.800 à France Télécom (maison-mère). Il représente 85 % des salariés directement concernés par la convention collective.
Les problèmes posés par la dualité de statuts public/privé
Parmi les personnes consultées par votre rapporteur, l'une des organisations syndicales, la CFE-CGC, Syndicat national des agents contractuels (de droit privé) de France Télécom, juge que la dualité de statuts du personnel n'est pas sans poser de difficultés.
Ainsi, cette organisation estime-t-elle qu'« au quotidien les règles de gestion sont objectivement différentes et ces différences sont systématiquement vécues comme des injustices [par les salariés de droit privé] (par exemple la garantie de l'emploi et la valorisation des heures supplémentaires pour les fonctionnaires) ».
Cette organisation juge également que « les règles édictées à l'extérieur de l'entreprise (par le législateur (et) ou par la branche des télécommunications) sont difficilement applicables, voire inapplicables, aux fonctionnaires et France Télécom SA en profite pour ne pas les appliquer à ses 17.000 salariés ... de droit privé ! ».
Enfin, cette organisation regrette l'absence d'« exercice du droit syndical « de droit commun », au motif que les services préfèrent légiférer par circulaire unilatérale comme « au bon vieux temps » de la fonction publique. Les élections des délégués du personnel n'ont pas été organisées, alors que France Télécom est une société anonyme depuis 5 ans, nos désignations de délégués syndicaux sont contestées en justice et la représentativité par affiliation est refusée à la CFE-CGC »
En outre, plusieurs autres organisations syndicales ont regretté l'absence de Comité d'entreprise à la maison-mère, sur le modèle (applicable dans les filiales) des sociétés commerciales de droit privé.
D'autres organisations syndicales portent, quant à elles, un regard plus positif sur ce double système au sein de l'entreprise. Ainsi, la CFTC estime-t-elle que « la dualité des statuts (...) ne pose pas de problème. En effet, la loi de 1996 a laissé un espace ouvert aux adaptations. Il n'y a pas de problèmes techniques de gérer deux statuts différents dans le groupe France Télécom, pas plus qu'il n'y a de problème dans toutes les entreprises pour gérer des CDD, des CDI, des CDII et des personnes mises à disposition par des entreprises extérieures. En revanche, il est clair que certains contractuels voient que le statut de fonctionnaires est quand même plus avantageux que la convention collective en terme de carrière et de niveau des rémunérations. La convergence en terme de rémunération, de possibilité de promotion, de mobilité, de gestion de temps est assurée en partie par voie d'accords. Une convergence vers le moins disant de chacun des statuts, en poserait davantage ».