b) Une réponse apportée par la clôture des comptes 2001

Le véritable éclaircissement du dossier évoqué par votre rapporteur devant le Sénat fut donné 20 jours plus tard ... par le président de l'entreprise dans un entretien au journal « Le Monde » 27 ( * ) .

Il annonçait des provisions pour deux acquisitions se révélant « décevantes » : le câblo-opérateur anglo-américain NTL et l'opérateur de téléphonie mobile allemand MobilCom. Il refusait, en revanche, de faire de telles provisions pour Orange dont la valeur en Bourse a diminué d'au moins 13 milliards d'euros (85,3 milliards de francs) au regard de son prix d'achat :

« Ce n'est pas en regardant le cours de la Bourse tous les jours que l'on détermine la valeur d'une filiale. C'est vrai qu'Orange est une acquisition cher payée. Mais nous lui avons apporté, à sa valeur historique, l'activité de téléphonie mobile française, qui vaut beaucoup plus que sa valeur comptable. En moyenne, l'activité de téléphonie mobile est donc correctement évaluée dans nos comptes ».

La publication des comptes, le 21 mars 2002, a permis de préciser l'ampleur de ces provisions exceptionnelles 28 ( * ) qui, au total, atteignent 10,21 milliards d'euros.

RÉPARTITION DES PROVISIONS EXCEPTIONNELLES
(en milliards d'euros)

MobilCom - 3,19

NTL - 4,58

Equant - 2,08

Telecom Argentina - 0,36

______

Total - 10,21

Du coup, France Télécom dégage, en 2001, un résultat brut d'exploitation de 12,3 milliards d'euros (en hausse de 14 %) et un résultat opérationnel de 5,2 milliards d'euros avant provisions exceptionnelles, mais enregistre avec ces provisions une perte de 8,3 milliards d'euros sans aucun précédent dans son histoire, l'entreprise ayant toujours dégagé des résultats positifs.

Par ailleurs, paradoxalement, a été décidé le paiement d'un dividende d'un euro par action, l'Etat étant payé en actions.

On peut espérer que « le décapage » des comptes permette de restaurer la confiance dans cette très belle entreprise qu'est France Télécom. Il y va de l'adhésion des petits épargnants et de 92 % de ses salariés aux perspectives d'avenir de l'entreprise. L'actionnaire majoritaire n'aurait pas dû l'oublier. Il est impératif que, maintenant, cette exigence s'impose !

Est-on maintenant fondé à considérer que la purge a dissipé toutes des inquiétudes ? Sans doute pas. L'endettement reste très lourd 29 ( * ) et, si par exemple l'affaire MobilCom connaissait des rebonds défavorables, France Télécom pourrait être amenée soit à renoncer à sa présence en Allemagne -le premier marché européen- dans les mobiles, soit à engager de nouvelles dépenses importantes.

Doit-on pour autant sombrer dans l'excès de pessimisme ? Les marchés ne semblent pas en juger ainsi : ils ont réagi positivement aux décisions de provisionnement des actifs dépréciés. Surtout, France Télécom -qui paye aussi aujourd'hui le prix de sa fulgurante croissance- demeure structurellement une magnifique « moissonneuse de profits » sur des marchés à la fois sûrs (la téléphonie fixe) et porteurs (le mobile, l'Internet, les prestations « sans coutures » aux grandes entreprises multinationales, ...).

* 27 Le Monde, 12 mard 2002, sous le titre « France Télécom annonce une opération vérité sur ses comptes ».

* 28 Une provision exceptionnelle pour dépréciation d'actifs résulte du mécanisme suivant :

- lors de l'acquisition d'une entreprise, ses actifs et ses passifs sont intégrés dans le bilan de la société acquéreuse ;

- la différence entre le coût d'acquisition des titres et la valeur comptable des actifs et passifs de l'enterprise acquise est enregistrée et amortie sur 20 ans dans le bilan consolidé sous le poste « écarts d'acquisition » ;

- régulièrement, la valeur de l'entreprise acquise dans les comptes consolidés est comparée à sa juste valeur ;

- si la juste valeur se révèle inférieure, un amortissement exceptionnel est pratiqué.

* 29 Mais, contrairement à ce qu'a pu affirmer un grand journal américain, elle n'est pas l'entreprise la plus endettée du monde.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page