DEUXIÈME
PARTIE :
LES OBSTACLES À LA DIFFUSION DES AVANCÉES
TECHNOLOGIQUES DU SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Une chose est de décrire les percées accomplies récemment dans le secteur des télécommunications et d'en extrapoler les évolutions technologiques qui en résulteront à un horizon de dix à quinze ans.
Une chose est de souligner l'importance des changements économiques et sociaux qui accompagneront ces évolutions et d'essayer d'en dégager quelques unes des lignes de forces.
Mais une autre chose est de déterminer quand ces transformations se généraliseront dans la société .
Car si les constats effectués par vos rapporteurs dans la première partie de ce rapport prêtent peu à contestation, les changements d'états techniques, économiques et sociaux qu'ils supposent relèvent de cheminements beaucoup plus complexes.
La diffusion de ces avancées technologiques est contrariée par des obstacles de deux natures .
Ceux qui sont liés à l'achèvement de l'évolution technologique du secteur , et ceux qui sont liés à l'accompagnement économique et social de cette évolution .
CHAPITRE
PREMIER :
LES PROBLÈMES AFFÉRENTS À LA
MUTATION TECHNOLOGIQUE DU SECTEUR
La révolution technologique qu'annoncent les principaux acteurs du secteur ne se déploie que très progressivement, à des rythmes différents suivant les technologies, les espaces géographiques concernés, et les types d'utilisation (professionnelle ou personnelle, fixe ou nomade) auxquels elle s'applique.
Or, sa crédibilité économique et sociale est étroitement dépendante de l'ampleur et du rythme de ce déploiement .
Au fond, à quoi servirait d'avoir des vecteurs optiques de transport de l'information et des capacités de traitement de cette information surpuissants s'il n'y avait aucun lien entre les deux ? Et si ce lien existait, son utilité économique et son pouvoir d'attraction sociale seraient amoindris si on pouvait le mettre en oeuvre sur certaines zones et pas sur d'autres, en usage professionnel mais pas en usage personnel, en situation sédentaire et pas en situation de mobilité, avec dans certains cas une grande sûreté d'utilisation, et dans d'autres, avec des interrogations sur sa fiabilité ou des suspicions quant à sa sécurisation.
Et à cet égard l'achèvement de la mutation technologique du secteur reste pendant à la résolution de trois types de problèmes : l'élimination des goulets d'étranglement, la sécurisation des réseaux et la planification de l'espace hertzien .
I. L'ÉLIMINATION DES GOULETS D'ÉTRANGLEMENT
Entre les réseaux de fibre optique à haut débit qui se mettent progressivement en place et les terminaux des usagers aux capacités de traitement de plus en plus élevées, il y a, la plupart du temps, solution de continuité .
En effet, contrairement au réseau téléphonique traditionnel qui a disposé de presque un siècle pour s'implanter, le déploiement des réseaux de fibre optique est soumis à une discipline de retour sur investissement beaucoup plus sévère.
Cette contrainte financière, récemment amplifiée par la crise, exclut -dans beaucoup de cas- que les fibres atteignent l'utilisateur final. En effet, un des paradoxes de l'évolution actuelle des télécommunications est que l'essor du secteur est freiné par le coût et les délais d'une technique beaucoup plus ancienne, le génie civil en milieu urbain.
Ceci, même s'il est de plus en plus envisagé de moduler le rapprochement entre le terminal optique et l'usager. En fonction des coûts de génie civil et des perspectives de marché, suivant les cas, on évoque ainsi la fibre jusqu'au coin de la rue (Fiber to the curb), jusqu'au pied de l'immeuble (Fiber to the building) ou même -beaucoup plus rarement- jusqu'à l'usager (Fiber to the home).
Mais, en général, ce déploiement rapproché ou très rapproché n'est envisageable dans l'immédiat que dans des conditions économiques précises.
C'est pourquoi prévaut la mise en oeuvre de technologies moins coûteuses et surtout permettant d'établir aussi rapidement que possible un lien entre les réseaux de fibres à haute capacité et l'usager .
Ces techniques sont multiples car, en raison de la variété des configurations, il n'y a pas de solution universelle de raccordement mais des solutions pertinentes en fonction des situations locales.
Elles reposent soit sur l'utilisation des réseaux fixes, soit sur l'emploi des fréquences hertziennes.
A. LES TECHNIQUES DITES xDSL
Les technologies xDSL, comme toutes les technologies de modems traditionnelles, utilisent des techniques de modulation transformant un signal numérique en signal analogique pouvant être transporté sur un support analogique, en l'occurrence, la ligne téléphonique en cuivre.
Ceci en prenant en compte l'asymétrie des besoins puisqu'en matière de trafic Internet le débit descendant est généralement plus élevé que le débit montant. Parmi les paramètres différenciant les technologies xDSL, le principal consiste en la nature de la modulation retenue pour coder le signal.
Ces différentes modulations conditionnent les performances de chacune des versions :
Type |
Signification |
Débit descendant |
Débit montant |
Portée maximale |
ADSL |
Asymmetric Digital Subscriber Line |
Jusqu'à 8 Mbits |
Jusqu'à 1,5 Mbit |
5 km |
ADS Lite |
Version simplifiée de ADSL |
1,5 Mbit |
1128 kbits |
5 km |
HDSL |
High Bit Rate DSL |
Jusqu'à 2 Mbits |
Jusqu'à 2 Mbits |
5 km |
IDSL |
Integrated DSL |
128 kbits |
128 kbits |
5 km |
RADSL |
Rate-adaptive DSL |
Dépend de la ligne |
Dépend de la ligne |
5 km |
SDL |
Single Line DSL |
Jusqu'à 1,5 Mbit |
Jusqu'à 1, 5 Mbit |
3 km |
VDSL |
Very High Data Rate DSL |
52 Mbits |
25 Mbits |
300 m |
Cette technologie - dont les coûts d'infrastructures sont relativement faibles - est utilisée par les opérateurs historiques qui cherchent à rentabiliser leurs réseaux, car elles présentent plusieurs types d'avantages :
- elle se greffe sur le câblage existant, ce qui minimise les besoins en génie civil,
- elle limite les inconvénients des liaisons Internet bas débit qui :
Ø n'offrent pas de simultanéité de service (soit on utilise le téléphone, soit on utilise Internet, mais pas les deux en même temps),
Ø n'offrent pas de convergence de service de téléphonie et d'informatique,
- elle présente une offre de services au travers d'une interface unique qui permet au client de faire face à l'ensemble de ses besoins en télécommunication,
- son déploiement peut être progressif et ses coûts fixes sont faibles, notamment pour les opérateurs historiques qui ne payent pas les frais d'hébergement des équipements de connexion (ce qui n'est pas, par exemple, le cas du câble qui requiert une mise à jour de l'ensemble des réseaux pour offrir de nouveaux services),
- elle facilite l'ouverture de lignes nouvelles qui deviennent une action logicielle et non matérielle (suite à un clic sur le web, le client peut avoir instantanément une nouvelle ligne téléphonique),
- elle soulage les commutations téléphoniques des connexions à Internet,
- et, elle ne fait l'objet d'aucune diffusion, ce qui diminue les problèmes de sécurité.
Par ailleurs, elle facilite, sur un strict plan technique, l'ouverture à la concurrence :
- un opérateur alternatif peut, contrairement à ce qui se passe dans une architecture analogique, qui exige des équipements dans les locaux de l'opérateur historique, rapatrier son trafic téléphonique sur un point de présence,
- et un fournisseur de services Internet peut enrichir facilement son portefeuille d'offres.
Mais elle comporte certains inconvénients :
- Dans l'immédiat ,
la qualité du cuivre et l'environnement électromagnétique peuvent engendrer quelques problèmes de déploiement,
de plus, elle a une portée relativement faible , surtout lorsque le besoin de débit augmente (la portée, par exemple, n'est plus que de 300 m pour le VHDSL - à très haute capacité de transmission).
- A terme :
les perspectives de développement de la technologie sont faibles (à part la mise au point du système développant plusieurs boucles de paires de cuivre) ;
le dégroupage de la boucle locale (c'est-à-dire l'ouverture des lignes des opérateurs historiques à la concurrence locale) accentue la montée en débit sur le cuivre. Or la cohabitation de systèmes différents provenant d'opérateurs différents implique le respect de règles d'ingénierie qui limitent au contraire le débit disponible.
Mais, en l'état -comme le montre la rapidité de sa montée en puissance aux États-Unis- du fait de la faiblesse de ses coûts, de sa vitesse de mise en oeuvre et de sa compatibilité avec les techniques récentes de gestion des moyens débits, le xDSL est le système dominant pour lever à court terme les restrictions d'accès au réseau.