II. LES PRIORITÉS JORDANIENNES : LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET LA STABILITÉ POLITIQUE INTÉRIEURE
A. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ÉCONOMIE JORDANIENNE : UNE PRIORITÉ DU NOUVEAU MONARQUE
1. Des réformes importantes à l'impact social difficile
Avant les attentats du 11 septembre, l'économie jordanienne donnait des signes encourageants de reprise de la croissance estimée à 4 % pour 2001. La production industrielle était en hausse de quelque 7 %, soutenue en particulier par les industries du bâtiment et la reprise des secteurs chimiques, métallurgiques et électriques. En revanche, l'activité touristique a souffert de l'environnement régional et l'agriculture est durablement affectée par une sécheresse chronique.
Le territoire jordanien, il convient de le rappeler, est à 80 % désertique. Ainsi, l'agriculture ne contribue-t-elle qu'à hauteur de 5 % au PIB jordanien, contre 13 % pour l'industrie, 75 % pour les services et 7 % pour le secteur minier. Les rares ressources naturelles du pays concernent les phosphates, la potasse et du gaz naturel.
Dès son accession au trône, le roi Abdallah a octroyé la priorité au redressement de l'économie et à l'insertion de son pays dans l'économie mondiale. Sur ce dernier point, des succès significatifs ont été obtenus avec l'adhésion de la Jordanie à l'OMC, la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne et celle de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis. La volonté de libéralisation des structures pour une économie de marché saine a entraîné les réformes de la fiscalité et du système bancaire. Les privatisations ont été accélérées, permettant d'accueillir des investissements étrangers et les zones industrielles spéciales se sont renforcées.
La zone économique spéciale d'Aqaba En 2001, une zone économique spéciale a été crée à Aqaba, destinée à enrayer le déclin du port, et à accueillir la réalisation de projets tendant à faire d'Aqaba un centre majeur de redistribution des marchandises entre l'Orient, l'Europe et tous les pays voisins. Destinée à attirer les investisseurs étrangers dans les secteurs des industries, des services et des nouvelles technologies, la zone économique spéciale, étendue sur 380 km2, présente deux caractéristiques : - une administration spéciale -la Aqaba Special Economic Zone Authority- reçoit tous les pouvoirs dans les domaines-clés que sont les finances, les douanes, les investissements et le développement économique, l'immobilier et les infrastructures, l'environnement ; - des avantages administratifs et fiscaux sont consentis aux investisseurs : absence de droits de douane et de TVA, formalités d'immigration simplifiées permettant à un investisseur de recruter jusqu'à 70 % de main-d'oeuvre étrangère ; impôt sur les bénéfices limité à 5 % (hors assurances, banques et transports terrestres) ; possibilité d'acquisition de terrains à droit fiscal réduit pour la construction d'infrastructures (hôtels, hôpitaux, écoles, habitations) ; aucune restriction sur les transactions financières et les investissements. |
Un accord triennal de facilité d'ajustement élargie a été octroyé par le FMI en 1999, d'un montant total de 164 millions de dollars. Le satisfecit récemment accordé par le Fonds aux autorités jordaniennes s'est fondé sur le taux satisfaisant de croissance réelle de l'économie, la réduction significative du taux d'endettement public, la reconstitution des réserves en devises et la réduction des taux d'intérêt. Des réformes importantes ont également été mises en oeuvre comme l'introduction de la TVA et la poursuite du programme de privatisation. Toutefois, le FMI a incité les autorités jordaniennes à poursuivre sur plusieurs fronts, notamment celui de la réduction du déficit budgétaire, qui a atteint 6,9 % du PIB en 2001, en particulier en poursuivant la politique de hausse des prix intérieurs des produits pétroliers ; une réforme devra également porter sur le système public des pensions qui pèse lourdement sur le budget. La privatisation du secteur énergétique est également attendue.
Cela étant, les retombées de ces réformes sont encore loin de répondre aux légitimes aspirations sociales d'une population dont la situation quotidienne se détériore .
La transition vers le libre-échange déstructure des réseaux traditionnels d'assistance. Avec un chômage réel qui atteint quelque 25 % de la population active, les licenciements, les réductions des effectifs du secteur public et la suppression des emplois de complaisance privent de nombreuses familles de leurs ressources. Enfin, un tiers des habitants vit en-dessous du seuil de pauvreté, dans une population dont la croissance démographique se poursuit à un rythme soutenu. Un mécontentement croissant tend donc à se répandre dans toutes les couches de la société.
La Jordanie est également confrontée à une difficulté majeure liée à la fragilité de ses paiements extérieurs . L'augmentation continue du déficit de la balance commerciale s'explique notamment par la hausse du prix du pétrole irakien, les conséquences de la reprise économique -qui tend à accroître les importations notamment de véhicules automobiles- enfin les importations générées par la rénovation des entreprises récemment privatisées (Jordan Telecom).
La réduction des revenus du tourisme n'a pas pu être compensée par la hausse des transferts de la communauté jordano-palestinienne émigrée, ni par l'aide internationale (206 millions de dollars de dons).
La dette extérieure constitue un autre handicap de l'économie jordanienne, son montant représentant quelque 74,7 % du PIB (6,9 milliards de dollars). Annuellement, la Jordanie doit consacrer 25 % de son budget (770 millions de dollars) à son remboursement. Le gouvernement jordanien a obtenu de la plupart de ses partenaires occidentaux -dont la France- des accords de conversion de dettes en investissements ou de rééchelonnement. En 1999, le Club de Paris avait accordé au Royaume plus de 800 millions de dollars d'allégements.