2. Le traité de paix israélo-jordanien du 26 octobre 1994
La signature d'un traité de paix entre la Jordanie et Israël s'inscrit dans cette logique diplomatique d'équilibre : elle est intervenue un an après la reconnaissance mutuelle entre Israël et l'OLP consacrée lors des accords d'Oslo, prenant ainsi acte de l'évolution radicale de la direction palestinienne à l'égard de l'Etat hébreu et réciproquement. Trois ans après la guerre du Golfe où le Royaume était resté délibérément en marge de la coalition, l'accord permit de redonner à la Jordanie son statut d'interlocuteur privilégié des Etats-Unis.
Sur le fond, le traité définit les frontières entre les deux Etats. Les deux pays s'engagent à établir des relations diplomatiques et à développer entre eux des « relations de bon voisinage et de coopération mutuelle » , y compris dans le domaine économique, « pour une sécurité durable » .
L'article 4 définit la coopération mutuelle dans le domaine de la sécurité notamment, contre « le terrorisme sous tous ses aspects ». Surtout, l'article 6 du traité, consacré à l'eau, prévoit que les parties « s'accordent pour reconnaître que doit être équitablement répartie à chacune d'elle la jouissance des eaux du Jourdain et du Yarmouk et la nappe d'eau souterraine de l'Araba/Arava ». De même, Israël et la Jordanie s'engagent à garantir que « la gestion et le développement de leurs ressources en eau ne seront pas préjudiciables aux ressources en eau de l'autre partie ». Une annexe à l'accord prévoit qu'Israël fournira à la Jordanie 50 millions de m 3 d'eau par an.
L'article 8, relatif aux réfugiés et aux personnes déplacées reconnaît les « problèmes humains massifs causés aux deux parties par le conflit du Proche-Orient » ; écartant la possibilité de résoudre cette question au niveau bilatéral, le texte s'en remet aux cadres multilatéraux en vue de solutions conformes au droit international 4 ( * ) et, pour les réfugiés, aux « négociations sur le statut permanent concernant les Territoires »
S'agissant des Lieux saints, l'article 9 précise enfin qu' « Israël respecte le rôle particulier qu'assume actuellement le Royaume (...) concernant les Lieux saint musulmans de Jérusalem. Lorsque se tiendront les négociations sur le statut permanent, Israël donnera la haute priorité au rôle historique de la Jordanie dans ces lieux saints ».
Même si, aujourd'hui, l'hypothèse d'une reprise des négociations politiques sur l'avenir des territoires apparaît bien éloignée, la Jordanie entendra faire valoir, le moment venu, sa position sur certains dossiers clés que sont, outre celui de l'eau, le statut de Jérusalem et celui des réfugiés.
Sur Jérusalem, le roi Abdallah II a clarifié la position de son pays : à travers un discours qui reste prudent, le monarque défend l'option d'une capitale pour deux Etats, les Hachémites ne conservant leur tutelle sur les Lieux saints que dans l'attente d'un accord satisfaisant entre les parties.
Concernant les réfugiés, la Jordanie est favorable au droit au retour mais défend également le principe d'une compensation financière, à la fois pour les réfugiés eux-mêmes et pour les Etats qui les ont accueillis.
* 4 A cet égard, la résolution 194 de l'Assemblée générale de l'ONU, du 11 décembre 1948 prévoit soit le retour des réfugiés dans leurs foyers, soit le versement d'indemnités compensatoires pour ceux qui décideraient de ne pas rentrer.