ANNEXE 5
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
•
Présidents d'universités
• Présidents de sections du conseil national des universités
• Présidents de sections du comité national de la recherche
scientifique
• Syndicat
PRÉSIDENTS D'UNIVERSITÉS
Mme Josette Travert, présidente de l'université
de Caen Basse-Normandie
I.-
Politique ministérielle de répartition des emplois
Absence de programmation pluriannuelle de création des emplois.
Aucun volet en la matière dans les contrats d'établissement. Les
créations restent liées à l'adoption des lois de finances
successives, ce qui rend difficile toute gestion prospective. L'annonce de
plans pluriannuels de rattrapage en masse ne permet pas de tirer des
conséquences utiles au niveau de l'établissement et encore moins
à celui des disciplines.
Dans une université pluridisciplinaire comme celle de Caen,
l'indicateur « taux d'encadrement », qui sert de base au
ministère pour attribuer les emplois à l'établissement,
recouvre des situations très différentes selon les secteurs
disciplinaires. De plus, les évolutions d'effectifs touchent de
façon inégale les disciplines. La politique de
redéploiement interne à l'université ne peut s'appliquer
que lorsque des postes deviennent vacants. Si l'établissement peut
anticiper les départs à la retraite (quoiqu'il demeure une part
d'incertitude liée à la décision de
l'intéressé), les mutations sont imprévisibles. L'exercice
de gestion prévisionnelle est donc particulièrement difficile. De
plus, la création de nouveaux diplômes, telle que nous venons de
la vivre avec les licences professionnelles, modifie le besoin d'encadrement.
De même, l'existence de filières dans les antennes
délocalisées n'est pas prise en compte de façon
spécifique dans le calcul d'encadrement pédagogique.
Dans une université globalement déficitaire, les besoins de la
recherche ne peuvent s'exprimer que qualitativement, au niveau des profils
donnés aux emplois à pourvoir. Force est de constater que le
besoin pédagogique reste l'argument principal au niveau quantitatif.
II.- Problèmes rencontrés à l'occasion du recrutement,
du déroulement de carrière et de l'évaluation des
chercheurs et enseignants-chercheurs
Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement sont essentiellement ceux résultant d'un croisement de
l'offre et de la demande. Il s'agit donc principalement d'une question de
viviers (volume, qualité).
Une politique prospective en la matière doit intégrer les
évolutions démographiques, tant enseignantes (pyramide des
âges) qu'étudiantes (niveau de la demande de formation).
Il est cependant difficile de maîtriser l'ensemble des paramètres
d'une telle équation (instabilité et volatilité de la
demande étudiante avec toutes ses conséquences au niveau d'une
gestion fine par discipline, difficulté à apprécier
à 3 ou 5 ans les besoins émergents de formations
nouvelles...).
Les départs en retraite importants des prochaines années risquent
de surcroît de pénaliser les universités de provinces par
rapport à leurs homologues parisiennes, les besoins massifs de
recrutement auxquels l'enseignement supérieur devra faire face
brutalement risquant d'assécher très vite des viviers
peut-être insuffisants.
La question de l'évaluation des universitaires ne se pose pas
réellement en tant que telle en droit pour des raisons statutaires
(absence de corps, de contrôle et de notation). Elle rejoint en fait
celle du déroulement de carrière, l'évaluation
résultant de l'appréciation portée par les pairs au sein
des commissions de spécialistes ou du CNU, et débouchant ou non
sur des propositions d'avancement de grade ou de corps. De ce point de vue, la
mise en place dans les établissements de voies locales d'avancement a
constitué un réel progrès, responsabilisant les
universités et leur permettant de valoriser d'autres investissements
(administratifs ou pédagogiques) que ceux réalisés
exclusivement dans la recherche et qui restent largement prédominants,
les critères de promotion au plan national.
La faiblesse globale du nombre de possibilités de promotion (tant
nationales que locales) constitue cependant un frein à un
déroulement fluide des carrières basé sur la
reconnaissance des mérites. La suppression récente du blocage
pour les maîtres de conférences entre 2
ème
classe et 1
ère
classe est particulièrement bienvenue.
III.- conséquences des réformes introduites depuis une
quinzaine d'années sur la gestion de ces personnels
Les différentes réformes des études introduites ces
dernières années ont plus pesé sur les conditions
d'exercice des fonctions que sur la gestion des personnels elle-même,
l'alourdissement des charges d'encadrement des filières et des examens
à travers la semestrialisation notamment.
En terme de gestion, la nécessité de compenser ces
accroissements de charges a entraîné la mise en place de
différents systèmes indemnitaires (primes de charges
administratives, primes pédagogiques, puis primes de charges
pédagogiques, primes d'encadrement doctoral), dont la mise en oeuvre
n'est pas toujours aisée (articulation des différentes primes
entre elles, articulation entre primes et décharges, articulation entre
budget de l'Etat et budget propre de l'établissement...).
Plus largement, le développement considérable des charges
d'enseignement au cours des dernières années a imposé aux
services gestionnaires une connaissance et une maîtrise toujours plus
grande du service fait, tant sur horaire statutaire qu'en heures
complémentaires. Dans le domaine de la recherche, les modifications
essentielles résultent des derniers textes sur l'innovation et le
transfert de technologie.
L'évolution des formations a induit pour les enseignants des formes
nouvelles d'intervention pédagogique qui ne sont pas prises en compte
dans les services statutaires (ni dans l'évaluation de
carrière : encadrement de stagiaires, NTIC, EAD, relations avec les
industriels et les vacataires...).
IV.- Conséquences des mesures destinées à favoriser la
mobilité
Il est encore trop tôt pour avoir une claire vision de l'impact des
dispositions relatives à la valorisation de la recherche.
Concernant la mobilité chercheurs/enseignants, elle reste globalement
faible, souvent à sens unique, et gérée selon des
procédures et des calendriers manquant de clarté, ce qui ne
permet pas aux établissements d'avoir une vision globale et
prévisionnelle.
M. René Lasserre, président de l'université de Cergy-Pontoise
Le président de l'université de Cergy-Pontoise a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M. Daniel Robert, président de l'université de Franche-Comté
Le président de l'université de Franche-Comté a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M.
François Petit, président de l'université
Pierre Mendès France - Grenoble 2
S'agissant de la politique ministérielle d'attribution
et de
répartition des emplois, je ne peux que regretter une anticipation
insuffisante des départs en retraite alors que ces derniers s'annoncent
très nombreux ces prochaines années. Cette situation est
susceptible, en raison du nombre important d'emplois à pourvoir sur
quelques années, d'occasionner dans certaines disciplines une
pénurie de candidats de qualité. Afin d'éviter cet
écueil, il serait souhaitable d'autoriser d'ores et déjà
le recrutement d'enseignants-chercheurs qui seraient momentanément en
sureffectifs afin de lisser le nombre de recrutements à opérer
chaque année pendant la période de départs massifs. Par
ailleurs, les normes SAN REMO utilisées par l'administration centrale
pour l'attribution des moyens ne sont guère favorables aux
universités de sciences humaines et sociales comme l'université
Pierre Mendès France. Cette difficulté s'accroît avec le
nécessaire développement des formations professionnelles qui
n'est pas accompagné par la création d'un nombre d'emplois
suffisant. En outre, la volonté affichée par le ministre de la
recherche de renforcer la recherche en sciences humaines et sociales devra
nécessairement se concrétiser par des créations
spécifiques d'emplois dans ces disciplines.
La gestion proprement-dite des enseignants-chercheurs appelle selon moi
certaines remarques relatives, d'une part, au fonctionnement et à la
composition des commissions de spécialistes, et, d'autre part, à
l'insuffisance des pouvoirs du président dans certains actes importants
jalonnant la carrière de ces personnels.
Tout d'abord, force est de constater que le calendrier imposé par les
commissions de spécialistes en matière de recrutement est
beaucoup trop serré. Celui-ci, en rendant inévitable la
concomitance de ces commissions dans plusieurs établissements, ne permet
pas matériellement aux différents candidats de postuler sur tous
les emplois correspondant à leurs compétences. De plus, le
délai très court entre la première sélection sur
dossier et l'audition du candidat ne laisse pas un temps suffisant de
préparation à celui-ci. Les commissions de spécialistes
ont, en outre, une fâcheuse tendance à débattre de la
qualification du candidat alors que cette discussion n'a, en principe, pas lieu
d'être à l'échelon local dans la mesure où ladite
qualification a déjà été reconnue sur le plan
national par le conseil national des universités. Les commissions de
spécialistes devraient, plutôt, orienter leurs débats non
pas principalement sur les connaissances scientifiques du candidat mais
plutôt sur sa capacité à s'intégrer dans la
structure d'accueil. Afin d'éviter cette dérive qui concerne le
recrutement comme les promotions, il serait sans doute souhaitable que ces
commissions soient composées, certes, de membres de la
spécialité concernée mais aussi pour moitié
d'enseignants-chercheurs d'autres spécialités rattachés
à l'unité de formation et de recherche d'accueil.
Il est, ensuite, anormal que le Président de l'Université n'ait
que peu de prise sur les travaux des différentes instances locales
compétentes pour émettre des avis sur la gestion individuelle des
enseignants-chercheurs (conseil scientifique restreint, commissions de
spécialistes) exerçant dans l'établissement qu'il dirige.
Pour le recrutement un « droit de veto » exceptionnel
pourrait ainsi lui être reconnu afin d'éviter des décisions
parfois incohérentes avec la politique de l'établissement. Pour
l'avancement, les promotions locales de professeurs devraient être
soumises au conseil d'administration restreint et non au conseil scientifique
qui a une tendance naturelle à utiliser les mêmes critères
(les publications !) que le conseil national des universités. Un
contingent de promotions (environ 10 %) pourrait être
réservé au président afin de valoriser des personnes qui
ont un investissement exceptionnel dans l'institution. Dans le même
esprit, il est regrettable de constater que l'avis du président n'est
pas sollicité pour une demande de mutation d'un enseignant-chercheur
dès lors que celui-ci a effectué au moins trois ans dans
l'université qu'il souhaite quitter.
D'une façon plus générale, le métier
d'enseignant-chercheur connaît actuellement de profondes modifications.
Celles-ci tiennent, tout d'abord, au développement de la
professionnalisation qui a conduit les universitaires à
« sortir des murs » de l'université pour renforcer
les liens avec le milieu socio-économique. Elles résultent,
ensuite, de la nécessaire introduction dans l'enseignement des
technologies de l'information et de la communication auxquelles les
enseignants-chercheurs n'ont pas forcément été
formés et pour lequel le concours du centre d'initiation à
l'enseignement supérieur qui se cantonne, actuellement, à la
formation initiale des moniteurs pourrait être précieux. Cette
évolution des missions rend nécessaire une refonte du statut des
enseignants-chercheurs et notamment la remise en cause de l'obligation annuelle
de 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés en
présence des étudiants. Le service statutaire devrait
prévoir 800 heures annuelles pour la totalité des
activités pédagogiques à savoir notamment la
préparation des cours, l'enseignement en présentiel, les
permanences au profit des étudiants, le suivi des stages.
Par ailleurs, le déroulement actuel de carrière prévu pour
les deux corps d'enseignants-chercheurs appelle deux remarques. D'une part, le
passage de la seconde à la première classe du corps des
professeurs s'avère trop restreint. D'autre part, la suppression
récente des classes dans le corps des maîtres de
conférences garantit à ces derniers un avancement exclusivement
à l'ancienneté qui n'est pas de nature à valoriser et
encourager les meilleurs d'entre eux. Par ailleurs, j'observe que le faible
différentiel de rémunération entre un professeur de
seconde classe et un maître de conférences atténue
l'attractivité du corps de professeur des universités.
S'agissant de l'incidence des nouvelles dispositions nationales
arrêtées durant ces dix dernières années, il
convient au préalable de mentionner la profonde restructuration de la
recherche en sciences humaines et sociales autour des équipes de
recherche et des écoles doctorales, alors que les comportements
individualistes étaient encore nombreux dans ces disciplines. Sur
l'incitation à la mobilité, la compensation financière
prévue pour la mise à disposition de certains organismes
nationaux ou d'un établissement étranger est évidemment
une bonne chose. Toutefois, il est permis de regretter que ces départs
s'ajoutent à un nombre parfois élevé de décharges
(congés sabbatiques, décharges pour les enseignants du second
degré préparant un doctorat, décharges pour
responsabilités administratives) qui doivent être
compensées uniquement sur la dotation globale de fonctionnement de
l'établissement. Au-delà du strict aspect financier, il est
légitime de s'inquiéter de l'accroissement du nombre
d'enseignants-chercheurs n'effectuant plus d'enseignement grâce à
ces multiples dispositifs. Enfin, les dispositions relatives à la
valorisation de la recherche n'ont que peu d'incidences sur le fonctionnement
d'une université de sciences humaines et sociales. En revanche, la
vulgarisation de ces disciplines avec notamment la publication d'articles dans
la presse devrait être encouragée.
M.
Yves Brunet, président
de l'Institut national polytechnique de Grenoble
L'INP
Grenoble est un établissement ayant rang d'université, formant
essentiellement des ingénieurs et des docteurs.
1.
La politique de répartition des emplois est depuis plusieurs
années très défavorable aux établissements qui ont
des effectifs en forte croissance, et particulièrement pour l'INP
Grenoble, qui a une taille proche de celle d'une université classique
(4.500 étudiants) et qui est classée pour l'attribution de ses
moyens dans les écoles d'ingénieurs qui ont des effectifs moyens
5 fois inférieurs. Cette situation est très pénalisante
puisque la répartition se fait, certes à partir de
critères identiques pour tous, mais en fixant un volant d'emplois
à distribuer par grandes catégories d'établissements. La
part attribuée aux écoles d'ingénieurs et très
limitée depuis au moins deux ans, le plafond ayant été
fixé à 5 postes d'enseignants par école
d'ingénieurs , alors que le maximum attribué aux
universités classiques a été de l'ordre de 15.
Une autre difficulté réside dans le fait que les effectifs pris
en compte sont ceux de l'année n-1, ce qui pénalise les
établissements en croissance.
De plus, le ministère n'est pas capable de retenir d'autres axes
politiques que ceux de pure égalité de traitement, sans
véritable redéploiement entre universités
sur-dotées et universités sous-dotées, ce qui freine les
universités qui suivent de près les exigences de
l'économie (cas des sciences et technologies de l'information et de la
communication par exemple).
En outre, il est très difficile de se faire doter de postes sur
critères recherche qui permettraient de développer des
activités de recherche nouvelles en dehors des possibilités
offertes par le ratio basé sur le nombre d'étudiants.
Enfin, l'attribution de supports d'ATER à la place de postes
d'enseignants-chercheurs rend difficile l'accomplissement de tâches
spécifiques (montage de nouveaux cours, de nouvelles filières de
formation, mise en place d'
e-learning
...).
On observe une augmentation de 4,9 % du nombre d'enseignants pour une
augmentation du nombre d'élèves ingénieurs de 8,7 %,
d'où une dégradation du taux moyen d'encadrement dans les
composantes, celui-ci passant de 9,35 à 9,68. Différents
indicateurs placent l'INP Grenoble parmi les 5 établissements les plus
mal dotés au regard des normes San Remo.
Les besoins les plus criants sont au niveau des enseignants, d'autant plus
que :
- le contrat quadriennal reconnaît l'objectif d'atteindre
1.100 diplômés ingénieurs en fin de contrat (2002),
contre 1.000 en début de contrat (1999), soit 10 % d'augmentation,
essentiellement par la création, en septembre 1999, du
département de télécommunications (+176 étudiants
dès cette année, dont 88 non comptabilisés pour le calcul
de la dotation de la dotation SanRemo), par la fin de la montée en
puissance de l'ESISAR, par l'ouverture de nouvelles options communes entre
plusieurs écoles (microtechnologies, ouverture du génie
industriel, sureté-gestion des risques) ;
- l'INP Grenoble porte un projet d'envergure nationale sur les risques
naturels, visant à stabiliser la venue d'une équipe soutenue par
la direction de la recherche, et porteuse d'un projet majeur pour l'institut de
la montage de Chambéry ;
- l'INP Grenoble porte un projet d'envergure internationale, avec le CEA
Grenoble pour le pôle d'innovation en micro-nano technologies, bâti
autour du projet PPM (pôle physique microélectronique), qui est
fortement consolidé par les apports respectifs du CEA et des
collectivités.
L'INP Grenoble se pose la question de savoir combien de postes lui auraient
été proposés si les 10 écoles faisaient des
demandes de façon indépendante et dispersée. Faut-il faire
payer ce prix à la mise en commun de moyens, à la volonté
de cohésion et à toute l'approche
« établissement », demandée par le
ministère et toujours suivie par l'INP Grenoble ?
2. et 3.
Le déroulement des carrières des
enseignants-chercheurs s'est sensiblement amélioré en particulier
depuis la mise en place du quota de promotions attribuées à
l'établissement (50 %). Cette mesure permet de mieux tenir compte des
activités autres que le recherche (prise de responsabilités de
direction, mise en place de nouvelles formations, activités
administratives et pédagogiques...) pour la promotion des personnels.
Par contre, le système de primes est trop encadré, donc trop
difficile à gérer, et quelquefois absurde (les meilleurs
enseignants bénéficient de primes d'encadrement doctoral
incompatibles avec les heures complémentaires, ce qui est normal, mais
aussi incompatibles avec toute décharge pour activité
pédagogique, mise en place de formation utilisant les TICE par exemple,
ce qui les contraint à un enseignement classique en présence
d'étudiants).
Il faudrait donner le pouvoir aux présidents d'université de
fixer les charges d'enseignement pour chaque enseignant et « tordre
le cou » à la règle des 192 h !
De même, la suppression des promotions au choix (suppression du passage
MCF2/MCF1 par exemple) réduit les possibilités
d'accélérer les carrières des personnels les plus
méritants.
Les établissements n'ont pas de prise sur les carrières des
chercheurs des organismes de recherche (ce qui est normal). Par contre, il est
tout à fait anormal que ceux-ci prennent peu en compte la politique de
recherche des établissements, voire l'ignorent, et ne participent pas
à la vie scientifique de l'université : ils ne cotisent pas
au BQR par exemple.
La capacité de recruter est un acte majeur pour les universités
puisque celui-ci les engage pour plus de 35 ans ! Pourtant, cet acte reste
trop encadré : il n'est par exemple pas possible de recruter des
candidats de valeur internationale avec les règles actuelles, en
particulier dans certains secteurs stratégiques où nous ne sommes
concurrentiels, ni avec le secteur privé, ni avec les autres
universités européennes ou internationales.
4.
Les moyens attribués aux établissements pour la
mobilité des enseignants sont caducs (règle des 6 semaines
maximum à l'étranger, y compris dans une université
européenne !) ou insuffisants (règles restrictives sur le
niveau de rémunération d'enseignants accueillis, nombre de postes
réservés aux échanges ridiculement faibles : 25
postes et refus du ministère de créer un poste
« fléché » international). Cette situation
fait que les échanges sont insuffisants (2 % en équivalent
postes !) et limitent nos relations internationales, enjeu
stratégique pour le futur.
La mobilité des enseignants en France est elle aussi insuffisante
même si l'INP Grenoble a mis en place des règles réalistes
pour les recrutements MCF et PR. De plus une situation où ces
règles varient d'un établissement à un autre est
très pénible et injuste pour les jeunes qui veulent se faire
recruter.
Concernant les mesures visant à promouvoir la valorisation de la
recherche, elles vont dans le bon sens mais se traduisent trop souvent par des
primes ou des intéressements des personnes, alors que des modulations de
services pourraient aussi être étudiées ainsi que de
meilleurs retours sur les établissements.
M. Antonin Nouailles, président de l'université de Limoges
Le président de l'université de Limoges a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M. Antonin Nouailles, président de l'université de Limoges
Le président de l'université de Limoges a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M. Daniel Boucher, président de l'université du Littoral
Le président de l'université du Littoral a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M.
Jean Lemerle, président de l'université
Paris VI - Pierre et Marie Curie
Politique ministérielle de répartition des
emplois
d'enseignants-chercheurs
La politique nationale de répartition des emplois (hors facultés
de médecine) s'appuie en particulier sur les données San Remo qui
prennent en compte le nombre d'étudiants inscrits dans chaque
université (mais pas forcément tous) et en aucun cas
l'activité de recherche de cette université. La comparaison de
ces données avec la réalité du moment permet de mettre en
évidence des universités dites sur-encadrées (par rapport
à San Remo), d'autres sous-encadrées. Tout le débat
à la CPU a toujours été de savoir si le système des
vases communicants entre universités doit fonctionner ou non. Pour le
ministère, le coût immédiat des redéploiements de
postes est nul. Il pourrait donc être tentant de redéployer des
emplois pour tendre vers une répartition égalitaire des emplois
sur tout le territoire. De manière générale, les
universités refusent la politique de guichets bien que chacun essaie en
permanence d'obtenir des moyens par des procédés qui s'en
approchent. Il n'est pas sain non plus de penser que le nombre d'emplois ne
peut n'être qu'une fonction croissante. Cependant une réelle
politique de ressources humaines en matière d'enseignement
supérieur et de recherche ne peut se bâtir sur de simples
règles de trois, et annuellement. Même si l'annualité du
budget impose certaines contraintes, il n'est pas raisonnable d'être
incapable de pouvoir afficher une politique de gestion d'emplois qui permette
sur plusieurs années d'anticiper les besoins à venir et ceci
d'autant plus que le nombre d'étudiants peut être connu plusieurs
années à l'avance avec une bonne précision. La question
primordiale est cependant la suivante : indépendamment des
données de San Remo, que veut-on faire des emplois
d'enseignants-chercheurs ?
Le nombre d'étudiants est certes une donnée importante, mais il
faut néanmoins bien prendre en compte que les besoins ne sont pas
linéaires et que la notion de groupe d'étudiants d'une même
formation est déterminante. D'autre part, s'il est raisonnable de ne pas
laisser les universités créer des enseignements avec comme seule
arrière-pensée la création d'emplois d'enseignants,
à l'ère de l'Europe, est-ce raisonnable de ne prendre en compte
que les diplômes nationaux français ? Toutes les actions de
formation, y compris celles destinées aux adultes en reconversion ou
reprise d'études, devraient pouvoir être chiffrées,
même si leur prise en compte ultérieure diffère. Le statut
des enseignants-chercheurs prévoit expressément que ceux-ci sont
astreints à une activité de recherche mais celle-ci n'est pas
prise en compte dans les critères de la répartition des emplois.
Dans ce domaine de la recherche, il est à l'heure actuelle notoire que
toutes les universités ne sont pas identiques, soit parce que leurs
dominantes scientifiques diffèrent soit parce que leurs
compétences et leurs choix politiques varient.
Toutes ces remarques plaident pour que la répartition des emplois soit
effectuée au cours de négociations contractuelles qui prennent en
compte la pyramide des âges et les projets pluriannuels des
universités. Dans cette négociation, les données
chiffrées prenant en compte le nombre d'étudiants sont un des
éléments du dossier mais ne sont qu'un élément.
Pour ce qui concerne le secteur médical, les enseignants
dépendent de deux ministères dont celui chargé de la
santé. L'université au sens strict est totalement absente de
toute discussion sur la répartition des emplois. Tout passe par une
savante alchimie qui combine les choix du CHR (AP-HP à Paris) et ceux
des facultés de médecine. Aucune référence aux
effectifs d'étudiants n'est prise en compte sinon gare au
sur-encadrement ! Le transfert de charges de l'hôpital vers
l'université est facilité par une telle politique.
L'université française ne pourra être réellement
majeure et autonome que le jour où la répartition des emplois
d'enseignants de médecine cessera d'être totalement à part.
Curieusement, la prééminence du ministère de la
santé sur celui de l'éducation pour le secteur médical des
universités n'existe pratiquement que dans les pays en voie de
développement ou dans les pays où la démocratie n'est pas
la priorité. Le ministère français chargé de
l'enseignement supérieur devrait réfléchir à ce
point.
Recrutement des enseignants-chercheurs et déroulement des
carrières
Tout le dispositif de recrutement des enseignants repose sur le principe selon
lequel un recrutement est forcément meilleur si ceux qui font le choix
des personnes sont, pour un certain nombre, extérieurs à
l'établissement. Comment parler de politique d'université si ce
n'est pas l'université qui fait son choix des personnes qui seront
chargées de l'appliquer ? Les organisations syndicales craignent
toujours que les recrutements ne soient pas « objectifs »
et, pour y remédier, proposent souvent d'en contrôler la mise en
oeuvre en se substituant partiellement à l'administration. Cette
solution n'est sûrement pas à retenir. Cependant, pour
éviter des recrutements de complaisance, il est raisonnable que la plus
grande transparence soit faite, d'autant que les lobbies peuvent exister de la
même façon à tous les échelons. Il est
particulièrement choquant de voir qu'un directeur d'institut ou
école interne qui dépend de l'université (article 33 de la
loi de 1984) puisse mettre son veto à un recrutement, alors que le
président de l'université ne le peut pas.
Le recrutement et la carrière des enseignants-chercheurs
nécessitent une évaluation des aptitudes et compétences
des personnes, et de définir quelles seront celles qui seront à
privilégier dans les choix de personnes en vue du recrutement ou pour
décider d'un avancement. La situation actuelle n'est pas du tout
satisfaisante, mais il s'agit beaucoup plus de mentalités que de textes.
En tout cas, les textes devraient pouvoir favoriser des initiatives. Une
évaluation doit pouvoir prendre en compte à la fois les avis des
responsables et spécialistes locaux et de spécialistes
extérieurs. L'idée très répandue et défendue
par les organisations d'enseignants-chercheurs ou de chercheurs, selon laquelle
seule une expertise au niveau national est valable ne repose sur aucune base
concrète. C'est au contraire sûrement une façon de laisser
s'exprimer des groupes de pression en toute impunité en ignorant toutes
les données locales ou la politique de l'établissement. Une
parfaite transparence et une non-consanguinité de ceux qui
évaluent sont les principales conditions d'une certaine
« objectivité ».
A l'heure actuelle, seules les activités de recherche sont
réellement prises en compte, et encore, surtout si elles ne sont pas
trop liées à des applications valorisables. Le poids important du
CNRS dans le pilotage de la recherche en université a déteint sur
l'organisation des carrières des enseignants de l'université et
sur le mode d'évaluation des personnes au point de créer un
complexe chez les enseignants. Et pourtant, ils sont loin d'avoir à
rougir de leur activité et de la qualité de celle-ci. Les
activités d'enseignement, de management de l'université, de
valorisation de la recherche, de formation permanente sont toujours
déclarées intéressantes au niveau national, mais toujours
renvoyées à un autre hypothétique contingent de
promotions. La façon la plus efficace de remédier à cette
situation est de renforcer la procédure actuelle de promotion à
l'échelon local pour ne pas être prisonnier d'un élitisme
forcené qui a quelquefois cours au niveau national.
Conséquences des réformes sur les carrières
Toutes les réformes mises en oeuvre depuis une dizaine d'années
dans le domaine de l'enseignement donnent à l'université
l'initiative pour développer des activités nouvelles, y compris
en relation avec les collectivités locales et les entreprises. C'est un
miracle que le système marche, alors que la gestion des personnels est
totalement déconnectée de la réalité locale. Il est
vrai que l'essentiel des réformes a été porté
localement par les personnes les plus motivées qui avaient
déjà beaucoup d'ancienneté dans l'université. Il
faut aussi compter avec le statut de la fonction publique nationale.
Mobilité des personnels, valorisation de la recherche
Le nombre de chercheurs ayant effectué une mobilité vers
l'enseignement supérieur est encore faible, bien qu'une certaine
incitation ait eu lieu. Il faut remarquer que beaucoup de chercheurs des EPST
ne voient pas l'intérêt d'être détachés avec
le même salaire et plus de travail de nature différente à
faire simultanément. Pour l'instant, les commissions de recrutement ne
posent pas trop de problèmes mais il est vrai que la majorité des
chercheurs étant du CNRS, et compte tenu encore une fois de
l'implication de cet EPST dans l'université, les avis sont rarement
défavorables. Les mobilités de l'enseignement supérieur
vers un EPST sont majoritairement liées à la volonté des
individus d'accroître leur dossier recherche en vue de leur avancement
(voir supra). Les EPST préfèrent les délégations
aux détachements, car avec un emploi ils peuvent donner satisfaction
à 2 ou 3 personnes. Pour les universités, ceci suppose
qu'elles pourront trouver des enseignants à qui elles pourront faire
faire de l'enseignement en heures complémentaires, ce qui n'est pas
forcément le cas dans certaines disciplines ou universités.
Corrélativement, cette solution prive l'université du recrutement
de jeunes ATER. Il s'agit donc ainsi d'un choix que les universités
devraient faire : privilégier ceux qui sont déjà
recrutés ou recruter des jeunes.
Pour ce qui concerne le dispositif mis en place pour la création
d'entreprises, il est encore un peu jeune pour être évalué.
Cependant, des entreprises qui viennent d'être créées ont
beaucoup de difficultés à rembourser les salaires dans les
délais prévus, ce qui limite la portée du dispositif.
De manière générale, la mobilité est relativement
faible dans l'enseignement supérieur au sens large. Pour ce qui est de
la mobilité vers l'enseignement, on demande un travail
supplémentaire, dans l'autre sens cela correspond à se dispenser
de ce qui fait la spécificité du statut : l'enseignement.
Point succinct sur la situation à l'université Pierre et Marie
Curie
Durant les cinq dernières années, le nombre d'emplois de
l'université Pierre et Marie Curie a été maintenu constant
bien que les données San Remo la fassent apparaître
sur-encadrée et que bon nombre d'universités aient
réclamé une redistribution. Ceci ne signifie nullement que les
emplois aient été republiés dans les mêmes
disciplines que celles de leurs derniers titulaires. Un redéploiement de
plus de 30 % des emplois a été effectué par
l'université elle-même pour tenir compte des évolutions
d'effectifs et de nature des formations et de la politique de recherche de
l'université, et de la pyramide des âges des enseignants. Ceci,
associé à une recherche de qualité, a sûrement
été un élément déterminant dans la
décision du ministère concernant l'affectation des emplois
à l'université.
Pour ce qui concerne les recrutements, dans l'ensemble, on peut
considérer qu'il n'y a pas eu de problème majeur même si,
dans certains cas, quelques rivalités entre laboratoires ou
« écoles » ont un peu occulté les
mérites respectifs des candidats. Pour ce qui concerne les promotions,
la taille et l'ancienneté de l'université lui permettent de
disposer d'un nombre de promotions qui, bien qu'un peu juste, permet de prendre
en compte la compétence et la réelle implication des personnes au
sein de l'établissement. Sur ce point de l'avancement des
enseignants-chercheurs, l'université P. et M. Curie est assez
exemplaire.
Dans les cinq dernières années environ, une quinzaine de
chercheurs des EPST ont été accueillis comme
enseignants-chercheurs à l'université, et une trentaine
d'enseignants sont délégués par an dans les EPST. La
taille de l'université favorise ces mobilités. Elle est plus
facilement à même de remplacer ces enseignants en
délégation par des heures complémentaires réparties
sur plusieurs personnes, et elle a eu un vivier suffisant pour susciter les
candidatures des meilleurs chercheurs les plus motivés pour
l'enseignement.
M.
Michel Delamar, président de l'université
Paris VII - Denis Diderot
Premier point : politique
ministérielle de
répartition des emplois
Il convient de distinguer plusieurs aspects :
Emplois enseignants-chercheurs (McF et Pr)
La répartition tient essentiellement compte des critères du
modèle SanRemo. Sans entrer dans la polémique et sans contester
la nécessité d'un modèle de répartition, il faut
cependant souligner l'inadéquation du modèle :
sous-estimation des nécessités de la recherche (aussi bien dans
le secteur sciences humaines sociales que dans celui des sciences
expérimentales), sous-estimation de la charge d'enseignement en
2
nd
et 3
ème
cycles (où parfois, faute de
disposer des moyens nécessaires, le ministère est contraint de
mettre l'accent sur les 1
ers
cycles et ne tient compte que de
80 % de la charge d'enseignement dans les autres cycles)... ainsi
s'explique la « sur-dotation » d'une université
comme Paris 7 où les effectifs de 2
nds
cycles sont quasi
identiques à ceux des 1
ers
, et ceux des
3
èmes
cycles à ceux des 2
nds
cycles.
Aucune politique claire ne se dessine alors que les départs à la
retraite massifs des prochaines années nécessiteraient des
créations d'emplois anticipées (et ultérieurement
restituables) afin de « lisser » la brutalité de ces
départs dans certaines disciplines et d'éviter des recrutements
trop massifs qui conduiront soit à l'incapacité de recruter
(« vivier » insuffisant dans certaines disciplines), soit
à une baisse de qualité préjudiciable à l'avenir
des universités (un enseignant-chercheur est recruté - en
principe - pour la totalité de sa carrière...).
J'ajoute qu'il existe des universités objectivement sous-dotées
et que ce n'est pas en prenant des emplois aux universités
« riches » qu'on résoudra le problème.
S'agissant du couplage répartition des emplois/évolutions
démographiques, besoins de la recherche, spécificités de
l'établissement, il m'apparaît dans l'ensemble faible, bien que la
direction de l'enseignement supérieur et la direction de la recherche
examinent de près les argumentaires fournis pour chaque emploi dont nous
demandons la mise au concours de recrutement.
Ce couplage ne peut - de mon point de vue - qu'être assez lâche car
la difficulté majeure de l'exercice consiste à tenir compte des
évolutions des formations (effectifs, créations ou suppressions
de filières) et de celles de la recherche, qui ne coïncident pas
nécessairement.
Deux initiatives des ministres successifs méritent d'être
soulignées : celle de Claude Allègre en 1997, créant
des emplois sur des programmes de recherche et des priorités de
l'établissement reconnues au contrat quadriennal et celle de Jack Lang
en 2000, s'engageant dans une programmation pluriannuelle. Malheureusement, la
première n'a pas eu de suite les années suivantes et la seconde
est probablement insuffisante.
Il faut enfin souligner que le ministère, comme les
établissements, sont contraints d'essayer de suivre les mouvements
incontrôlés de la demande lycéenne avec les
difficultés que l'on sait dans certaines filières comme les
STAPS, le cinéma, la communication, les arts plastiques, la psychologie,
etc.
Une réflexion approfondie sur une régulation de ces flux (en
liaison avec les débouchés prévisibles) est une
nécessité urgente.
Par ailleurs, à l'heure où l'on commence à envisager une
harmonisation des formations à l'échelle régionale (c'est
le cas en Ile-de-France avec ses 17 universités), on assiste
à des incohérences qui augurent mal de la suite comme la
création de départements d'IUT similaires dans diverses
universités, celle de DEUG d'histoire dans des universités
périphériques pour des raisons obscures... : la vision
globale manque.
En conclusion sur ce point : des créations nettes d'emplois sont
nécessaires, certaines devraient être utilisées pour
anticiper les départs ; la régulation des flux
étudiants, une meilleure prise en compte des besoins de la recherche,
une vision pluriannuelle, globale et en même temps
différenciée compte tenu des spécificités fortes
des universités est indispensable. Il est impératif d'y parvenir
très vite.
Emplois de chercheurs (CNRS, INSERM)
Le CNRS a « dépeuplé » l'Ile-de-France
pendant des années ; c'était sans doute indispensable pour
le rééquilibrage Paris-province mais celui-ci étant
réalisé, cette politique doit impérativement cesser. Il en
est résulté un vieillissement important des chercheurs en
Ile-de-France, et les quatre nouvelles universités de la région
n'ont pas reçu suffisamment d'appui du CNRS pour développer leur
recherche.
La politique de l'INSERM sur le sujet est totalement opaque.
Je soulignerai donc l'impérieuse nécessité d'une
coordination ministère de l'éducation nationale -
ministère de la recherche (qui devraient en être les pilotes) avec
les organismes de recherche sur cette question des emplois de chercheurs mis
à disposition des unités mixtes universités - organismes.
Les programmes de recherche élaborés et proposés par les
universités, après évaluation conjointe par les
ministères de tutelle et les organismes, devraient constituer la
référence en matière de recrutements
d'enseignants-chercheurs et de chercheurs, avec une contractualisation
permettant autre chose que le pilotage à vue.
Emplois PRAG et PAST
Ces types d'emplois sont de plus en plus nécessaires aux
universités pour des raisons différentes. Dans une
université ancienne comme Paris 7, les PRAG sont peu nombreux (3 %)
mais indispensables dans les disciplines « de service »
comme l'enseignement de l'anglais aux étudiants scientifiques.
Les PAST sont impératifs dans les formations professionnalisées
(licences professionnelles, IUP, DESS).
Dans les deux cas, aucune prévision n'est possible, le ministère
créant ou ne créant pas ce type d'emplois selon les années
et, malgré les besoins évidents des établissements, il n'a
pas été possible dans les trois dernières années
d'en améliorer les effectifs alors que l'enseignement des langues aux
non-spécialistes et la participation de professionnels dans les
filières professionnalisées sont impératifs (et
obligatoires).
Emplois IATOS
Ici encore, le modèle SanRemo pose problème en sous-estimant les
besoins à la fois dans le secteur « sciences humaines et
sociales » et dans celui de la recherche expérimentale.
Le manque de référence aux spécificités et aux
évolutions des établissements est encore pire que dans le cas des
emplois d'enseignants-chercheurs.
Pour les mêmes raisons (départs massifs) mais aussi à cause
des évolutions des métiers (besoin massif de compétences
informatiques de différents niveaux dans toutes les disciplines) des
créations anticipées avec un plan pluriannuel et inscrit au
contrat quadriennal sont indispensables.
De même, il existe des universités sous-dotées, mais
transférer des emplois pris aux établissements
prétendument « riches » ne résoudra rien.
Les missions des universités ont tellement évolué et se
sont tellement diversifiées et enrichies (international, valorisation,
recherche, formations professionnalisées, écoles doctorales,...)
que le besoin global en personnels IATOS est objectivement en hausse. La
politique actuelle du ministère de l'éducation nationale en ce
domaine n'est clairement pas à la hauteur des défis.
Second point : problèmes de recrutement, de
déroulement de carrière,...
Il convient de souligner :
- que les à-coups brutaux de la politique de recrutement engendrent
des difficultés importantes : les années
« maigres », de bons candidats n'intègrent pas
l'université ; les années « grasses » la
qualité des recrutement en souffre ;
- que les possibilités de promotion sont faibles et que les
contingents (McF 1
ère
classe hors classe ; Pr
2
ème
classe Pr 1
ère
classe ; Pr
1
ère
classe Pr classe exceptionnelle) sont insuffisants, au
niveau des établissements comme au niveau du conseil national des
universités (CNU). Celles des chercheurs (notamment CR1 DR2 et DR2
DR1) sont encore plus faibles. Ceci induit une tentative de mobilité des
CR1 ou DR2 vers des emplois de Pr, mobilité fondée sur des
raisons qui n'ont rien à voir avec une volonté réelle
d'assurer les missions d'un Pr (recherche mais aussi enseignement - notamment
en 1
er
cycle - et tâches administratives, que je
préfère désigner par « participation à
l'élaboration et à la conduite de la politique de
l'établissement ») ;
- que les promotions ne reposent que sur l'activité de recherche -
notamment au niveau du CNU - à une époque où l'on demande
(et c'est justifié) aux enseignants-chercheurs de s'investir dans
l'international, la valorisation, le développement et la conduite de
formations professionnalisées, les charges administratives ;
- qu'il est donc impératif de reconnaître ces missions comme
faisant partie à part entière des missions des
enseignants-chercheurs, à la fois dans le déroulement de leur
carrière et dans l'évaluation de leur charge (il faut sortir de
la règle des 192 heures « devant
l'étudiant »).
En conclusion sur ce point, le maintien (et pour certaines universités,
l'augmentation) du potentiel enseignant-chercheur, la reconnaissance
véritable des nouvelles missions est la clef du passage du quantitatif
(les effectifs étant stabilisés) au développement
qualitatif.
Troisième point : conséquence des
réformes récentes sur la gestion des personnels
Je souhaite souligner brièvement que :
- ceux qui travaillent à la mise en oeuvre de ces réformes
(réforme des DEUG de 1992 et réforme de 1997) sont ceux qui ont
évidemment une activité de recherche plus faible. Ces
réformes ont constitué des chantiers considérables au
niveau de la conception d'enseignements qui y soient conformes comme au niveau
de leur mise en oeuvre. Pour ces collègues (cf. point
précédent), les promotions sont quasi inexistantes, d'où
probablement les divers avatars des primes pédagogiques, qui ne sont pas
une réponse adaptée.
- les réformes de la recherche ont surtout consisté à
cadrer de manière précise, dans le cadre du contrat, les
programmes et financements des équipes de recherche dans tous les
secteurs thématiques et c'est une excellente chose. Cependant, il en
résulte une inflation considérable des procédures
d'évaluation, avec une coordination assez peu lisible entre les
partenaires (DR, MSU, CNRS, INSERM,...). Les laboratoires et les instances de
l'université y passent un temps considérable. Ici encore, le
ministère de l'éducation nationale et le ministère de la
recherche, via la direction de la recherche (à quoi sert d'avoir une DR
et une MSU avec des partages de compétences extrêmement peu
clairs ?) doivent être clairement les pilotes de la politique de
recherche publique et aider les établissements à alléger
ces procédures (dont je ne conteste ni l'importance ni la pertinence).
Qu'on imagine l'ampleur de la tâche pour une université comme
Paris 7 qui présente à la négociation pour le contrat
2001-2004, 167 projets d'équipes de recherche dans des secteurs
thématiques qui vont de la biologie moléculaire à la
linguistique théorique, de la cosmologie aux sciences sociales,
etc. !
- pour les personnels enseignants-chercheurs et chercheurs qui s'y sont
investis, la lourdeur de ces réformes et procédures induit une
espèce de découragement qui ne peut être redressé
que par des perspectives de carrière sensiblement
améliorées ;
- les personnels IATOS qui travaillent dans les secteurs d'enseignement et
de recherche vivent le même découragement (l'installation des
logiciels Apogée, Nabucco - sans lien avec XLAB - nous a conduits au
bord de l'explosion et a nécessité un accompagnement très
fort). Ici encore, la reconnaissance des nouvelles compétences et des
possibilités réelles de promotions (qu'il s'agisse de personnels
ASU, RF, CNRS ou INSERM) sont impératives.
La transformation des BAP, la pseudo-disparition de la BAP 14, les
disparités considérables entre ASU et RF conduisent à un
constat de manque total de lisibilité, d'incohérence et d'absence
complète de solution à des problèmes bien connus. Les
établissements s'épuisent à élaborer et mettre en
oeuvre des politiques locales de gestion de ressources humaines. Où est
la politique nationale de gestion des ressources humaines des personnes
IATOS/ITA de l'enseignement supérieur et de la recherche ?
Sur le point concernant la mobilité, il faut bien constater que :
- si un laboratoire est de bon niveau et fonctionne bien, ses personnels
sont peu mobiles (mais ont des relations soutenues avec des collègues ou
des institutions étrangères très nombreuses :
à Paris 7, ce sont plus de 700 coopérations de recherche de
différents types avec la quasi-totalité des pays du monde, qui
fonctionnent actuellement) ;
- les procédures de mobilité sont peu efficaces. La
délégation d'enseignants-chercheurs au CNRS fonctionne, mais est
relativement marginale. L'année sabbatique également. Dans les
deux cas, des problèmes de stabilité des équipes
pédagogiques se posent. La délégation de chercheurs CNRS
sur des postes enseignants est quasi inexistante. Quel est son objectif
exact ? Dans beaucoup de cas (voir plus haut), c'est l'espoir de promotion
qui en est le motif principal et c'est un mauvais motif. Pourquoi
l'université réserverait-elle des postes à des DR2
plutôt en fin de carrière qui n'ont pas d'expérience de
l'enseignement ?
En revanche, elle est prête (et le fait déjà) à
recruter de bons CR1 sur des postes Pr.
Par ailleurs, l'université conserve chaque année plusieurs
emplois vacants pour des invitations de chercheurs ou professeurs
étrangers (une centaine de mois d'invitation chaque année). Ce
processus fonctionne très bien et est fort utile au maintien de
coopérations existantes ou à l'encouragement à
développer des liens nouveaux (avec l'Inde par exemple en 2000-2001).
La mobilité université-entreprise est faible ; elle se
traduit par quelques mises en disponibilité d'enseignants-chercheurs.
Finalement, la question de fond, mal résolue, est la suivante :
quelle mobilité et pourquoi ? L'essentiel de la mobilité se
fait au sein de coopérations de recherche ou du montage de programmes de
recherche (mobilité sur invitation, délégation au CNRS,
années sabbatiques) : les objectifs en sont clairs. En revanche,
les objectifs de la mobilité organismes universités ne le sont
pas vraiment...
Enfin, d'autres types de mobilité doivent être mis en oeuvre et
financés et, pour l'instant, les établissements éprouvent
les plus grandes difficultés à y parvenir : il s'agit
notamment de la mobilité enseignante dans le cadre du
développement de cursus communs entre des pays européens (nous
avons un DESS franco-irlandais, un second cycle d'histoire franco-allemand) ou
non (projet d'école doctorale franco-japonais). C'est pourtant l'une des
perspectives très importante des formations supérieures que de
devenir réellement internationales. Le montage de ces cursus
nécessite des discussions approfondies et des visites nombreuses et
réciproques avec les collègues des pays concernés.
Sur le dernier point enfin, la valorisation
, je ferai
remarquer d'abord que les mesures visant à développer la
valorisation sont d'abord le fait des établissements et, en second lieu,
des ministères de tutelle :
- à Paris 7, nous avons développé
simultanément, depuis 1997, l'activité de conseil et de
négociation (des contrats, des brevets, des cessions de licence) au sein
d'un bureau qui travaille pour le bénéfice de la
communauté universitaire, le soutien financier aux brevets, la
création d'un incubateur et la création de start-up.
Les seuls soutiens obtenus sont ceux du contrat d'établissement
(150.000 francs annuels) et le financement de l'incubateur (mais qui
concerne également cinq autres établissements). Ces
activités sont essentiellement financées par un
prélèvement (2 %) sur les contrats de recherche.
Aujourd'hui, ce développement nécessite des emplois
supplémentaires avec des compétences spécifiques (contrats
européens par exemple) et des financements plus importants (et dont la
pérennité serait garantie, ce qui n'est pas le cas).
- les personnels enseignants-chercheurs qui pourraient s'engager dans ces
missions lourdes hésitent à le faire car, à nouveau, ces
activités ne sont pas reconnues dans les missions statutaires.
M.
Bernard de Montmorillon, président de l'université
Paris IX - Dauphine
Depuis
la fin des années 1990, la gestion des ressources humaines fait l'objet,
dans la plupart des organisations, d'une attention particulière. Alors
qu'au début de la décennie, la gestion de l'emploi avait pu
apparaître comme le moyen principal de la réduction des charges
rendue nécessaire par une profitabilité compromise, la
perspective s'est, quelques années plus tard, retournée. La
dynamique sociale, la mobilisation des ressources humaines, apparaissent comme
l'un des facteurs principaux de la création de valeur. L'explication de
ce retournement est à chercher dans la prise de conscience du rôle
central de la prestation de service dans nos économies, quels que
soient, du reste, les secteurs envisagés. En effet, la prestation de
service ne relève pas seulement de la maîtrise de la technique,
quelque nouvelle qu'elle puisse être, mais elle passe également
par l'implication des personnes qui préparent et réalisent la
transaction. La différenciation de la prestation, ou, plus
précisément pour reprendre les termes de Gérard Koenig, la
« distinction » du service rendu, repose sur l'agencement
adéquat des actifs supports à l'échange et des
compétences requises pour sa mise en oeuvre. Et cette dynamique est
d'abord humaine.
L'université, principale organisation responsable du service public de
l'enseignement supérieur et de la recherche, ne peut être, dans
ces conditions, que directement concernée par cette
nécessaire mobilisation des ressources humaines. Les
théories économiques de la croissance endogène ont
souligné le rôle essentiel du développement de
l'investissement immatériel, et notamment de l'effort de formation et de
recherche. La particularité de cette accumulation réside en ce
qu'elle ne porte pas sur des actifs matériels -corporels, diraient les
comptables- mais bien sur des prestations de service (la formation) ou sur des
activités non directement productrices de biens matériels (la
recherche) : l'implication des personnes y est déterminante, et de
ce fait, la gestion des personnels doit y occuper une place primordiale. Or,
c'est le moins qu'on puisse dire, l'université ne s'est pas
illustrée par son rôle pionnier en matière de pratique de
gestion des ressources humaines.
Cet apparent paradoxe pose toute une série de questions, ou plutôt
met l'accent sur un ensemble enchevêtré d'ambiguïtés.
Incertitude, d'abord, sur ce qu'il faut entendre par université.
S'agit-il de l'université française, une et indivisible comme la
République, ou bien, au contraire, faut-il considérer chaque
établissement, acteur spécifique, autonome et responsable du
service public de l'enseignement supérieur et de la recherche ?
L'interrogation est loin d'être de pure forme. Elle véhicule deux
conceptions de l'enseignement supérieur, opposées tout autant que
complémentaires. La première, conforme à l'exigence
d'égalité du citoyen devant le service public, conçoit
l'enseignement supérieur comme un ensemble sinon homogène du
moins comparable, développant des formations et des recherches
d'égal niveau quelle qu'en soit la localisation. La seconde met l'accent
sur le caractère propre de toute organisation et reconnaît au
travers des contrats quadriennaux la spécificité des projets de
chaque université. La seconde voie s'impose progressivement, sans pour
autant que la première soit occultée. En effet, l'ouverture
européenne, la liberté croissante des mouvements des
étudiants et des enseignants tout comme l'essor des relations
partenariales avec l'environnement économique et social conduisent
nécessairement les universités à réfléchir
à leurs perspectives propres et à affirmer leurs
stratégies. De plus, le recrutement des enseignants-chercheurs repose
sur la cooptation assurée par les commissions de spécialistes
très jalouses de leur indépendance : sans doute le
mécanisme n'est-il pas exempt d'effets pervers, mais, outre le fait
qu'il garantit l'indépendance de l'enseignement et de la recherche, il
permet la constitution d'équipes librement organisées et donc
forcément différentes d'un établissement à l'autre.
Certes, c'est la responsabilité de l'Etat de veiller à ce que
chaque étudiant puisse développer le cursus à même
d'épanouir ses capacités, mais cet objectif collectif ne peut
désormais que s'appuyer sur des projets universitaires autonomes,
inventifs et de qualité, faute de quoi les étudiants iront
chercher ailleurs la réponse à leurs exigences (physiquement ou
virtuellement). Voilà donc levée une première
ambiguïté : l'autonomie stratégique des
universités, de chaque université, est une réponse
nécessaire à l'ouverture internationale et à la
compétition spécifique ; elle requiert nécessairement
un effort cohérent de mobilisation des personnels. Il faut gérer
les ressources humaines à l'université. Seules celles qui y
parviendront efficacement seront à même de s'affirmer dans
l'espace européen et mondial de la formation et de la recherche.
Ce constat conduit à une deuxième interrogation : si, dans
l'entreprise, la notion générale de ressources humaines peut
être assez aisément cernée, il n'en va pas de même
à l'université. Dans le premier cas, les ressources humaines sont
constituées globalement de l'ensemble des salariés. Le contrat de
travail , plus particulièrement le CDI, mais aussi le CDD, crée
un lien contractuel fondé sur l'échange
rétribution-subordination. L'analyse de ce lien, tant conceptuelle
qu'empirique, a été pour beaucoup dans le renouveau et
l'approfondissement récent des pratiques de gestion des ressources
humaines. Elle a conduit au développement des problématiques de
la motivation, de l'implication, de la justice procédurale ou de la
Self-Efficiency
.
A l'université, il n'en va pas de même. La question des statuts
complexifie considérablement la gestion des relations entre
l'établissement et les personnels. La grande majorité d'entre eux
y sont fonctionnaires. C'est donc l'Etat qui les emploie et qui les
rémunère, et ce dans un cadre légal qui s'impose à
lui sauf à être réformé par le Parlement. On ne
reviendra pas ici sur l'origine de ces statuts ni sur leur
légitimité sociale (ou plutôt sociétale), encore que
cette légitimité devrait être sans doute actualisée,
compte tenu des nouvelles conditions de l'efficacité du service public
de l'enseignement supérieur sur lesquelles on vient d'insister
(nécessaire autonomie des établissements). En revanche, on ne
peut qu'insister sur les conséquences que ces statuts font peser sur la
dynamique de la GRH à l'université. D'abord, il sont fort divers,
ce qui ne va pas sans complications, aussi bizarres qu'injustes (ainsi, par
exemple, les uns ont droit à l'arbre de Noël et les autres
pas... !). Ainsi, les corps représentés à
l'université sont hétérogènes : d'un
côté, les enseignants-chercheurs, spécifiquement
universitaires et organisés en professeurs et maîtres de
conférences ; de l'autre, les administratifs qui relèvent de
l'administration scolaire et universitaire (et donc peuvent muter du
collège au lycée, du rectorat au ministère ou d'une
université à l'autre) ou appartiennent à l'administration
de recherche et formation. Ensuite, surtout, l'établissement n'a qu'un
pouvoir de gestion délégué et limité : ainsi
en va-t-il tout particulièrement des rémunérations et de
la gestion des carrières. Prenons deux exemples : un
secrétaire d'administration sociale et universitaire (SASU), pour
être promu au grade supérieur d'attaché (AASU), doit passer
un concours extérieur et se voit affecté, en cas de
succès, à un autre établissement (sauf manoeuvres
complexes, tortueuses et aléatoires qui peuvent permettre d'ouvrir le
poste localement). Sans doute, la mobilité externe est-elle
excellente ; encore faudrait-il, pour qu'elle soit bénéfique
à l'établissement, que celui-ci ait la possibilité de
recruter parmi ceux qui ont réussi le concours le profil qui corresponde
précisément à ses besoins. Autre exemple, la promotion des
enseignants-chercheurs relève, pour l'essentiel, du conseil national des
universités qui, à juste titre, puisque c'est sa mission,
privilégie l'effort de recherche. L'établissement ne dispose,
pour reconnaître l'implication pédagogique et administrative de
ceux qui ont décidé de consacrer quelques années à
ces champs, que de rares possibilités parcimonieusement
distribuées par la tutelle.
Il a été question dans les développements
précédents de l'établissement. La formulation est,
là encore, ambiguë. Les structures de gouvernance de
l'université sont complexes et la gestion des ressources humaines doit y
trouver sa place. En effet, à la question qui gère ou qui peut
gérer les ressources humaines à l'université, la
réponse n'est pas immédiate.
Depuis la loi de 1984 qui organise l'autonomie des établissements, les
universités sont « gouvernées » par trois
conseils, le conseil des études et de al vie universitaire, le conseil
scientifique et le conseil d'administration. Les deux premiers ont un
rôle de proposition (à quelques prérogatives près
comme, par exemple, la promotion des professeurs par le conseil scientifique).
C'est donc le conseil d'administration qui détient le pouvoir de
décision. Le président de l'université est élu par
ces trois conseils (à la majorité absolue des membres inscrits),
ce qui lui donne une certaine légitimité interne et externe. Il
prépare et exécute les décisions des conseils et plus
particulièrement celles du conseil d'administration. Il est seul
responsable de la sécurité dans l'établissement et seul
à même de l'engager vis-à-vis des tiers sur mandat du
conseil. Faut-il en déduire qu'il a autorité sur l'ensemble des
personnels ? Pas vraiment. En ce qui concerne les personnels enseignants,
le pouvoir du président est faible. Leur recrutement est l'apanage des
commissions de spécialistes dont, cependant, les décisions
doivent être approuvées par le conseil d'administration. Quant aux
personnels administratifs, ils sont affectés à leur tâche
par le président. Cependant, d'ordinaire, leur gestion est
confiée par délégation au secrétaire
général. En ce qui les concerne donc, le pouvoir de gestion
repose sur le bon fonctionnement du binôme
président-secrétaire général.
A partir de ces remarques liminaires, quelques constats s'imposent : les
ressources humaines doivent être gérées à
l'université, il en va de la qualité du service public ; la
question statutaire est, sans doute, celle à partir de laquelle la
réflexion doit s'articuler.
En ce qui concerne la gestion des personnels enseignants, le statut n'est pas
sans vertus. Son principal mérite est de garantir la liberté de
pensée, d'expression, de proposition du professeur. Sans doute, cette
liberté n'est-elle, dans les démocraties occidentales,
guère menacées sinon par le désintérêt de la
société. Pourtant la réaffirmation claire de son principe
a beaucoup d'avantages. Dans une conjoncture qui voit les établissements
chercher à développer leurs ressources propres, elle est gage
d'indépendance à l'égard des financeurs de quelque horizon
qu'ils proviennent. Plus, même, la garantie apportée par le statut
participe à la promotion du service attendu de l'université. La
théorie des conventions a bien montré l'importance des
mécanismes cognitifs collectifs qui régulent les comportements
des partenaires engagés dans une relation de service, et tout
particulièrement de service intellectuel. La déontologie joue un
rôle déterminant dans l'appréciation positive
préalable du partenaire servi et, dans cette perspective, la
défense et l'illustration de l'indépendance intellectuelle et
morale de l'universitaire est sans doute le meilleur vecteur de la
reconnaissance, par la société, de son utilité collective.
Du reste, dans le monde anglo-saxon, peu enclin aux solutions corporatistes, le
« tenure » du professeur d'université
témoigne bien de l'utilité sociale de l'indépendance du
professeur.
Encore faut-il que, protégé par son statut,
l'enseignant-chercheur soit incité à oeuvrer conformément
aux attentes que la société fonde sur lui. En la matière,
et à nouveau, le statut français n'est pas sans efficacité
et peut même avoir valeur d'exemple pour d'autres organisations.
Les obligations de l'enseignant-chercheur sont définies en termes de
missions. La première de ces missions est l'enseignement. Le service
requis est, depuis la réforme de 1984, de 128 heures. La
Troisième République, dans sa sagesse, avait opté pour 75
heures, ce qui laissait plus de temps aux autres activités - et sans
doute devrait-on dire assez de temps. C'est au président de
l'université de vérifier que cette obligation statutaire est bien
respectée. En la matière, son pouvoir, son devoir plutôt,
n'est que de contrôle. La seconde mission est focalisée sur la
recherche. La difficulté et la spécificité de la gestion
des chercheurs ont souvent été soulignées. Dans ce
domaine, l'université a certainement joué un rôle
précurseur trop méconnu et dont nombre d'entreprises pouvaient
s'inspirer. Les enseignants-chercheurs sont, en effet, incités à
développer leurs recherches au travers de l'impact positif qu'elles
auront sur leur carrière et sur leur rémunération. C'est
le CNU qui est chargé de cette gestion et l'on comprend bien pourquoi il
privilégie l'effort de recherche ; c'est la logique même de
l'incitation à la recherche qui est en jeu. Cette logique a
été renforcée récemment par l'attribution, par le
ministère cette fois, de primes d'encadrement doctoral. En termes
d'agence, ce système est à la fois fort et logique : le
mandataire, le chercheur chargé par la collectivité,
représentée par un groupe de pairs élus, de s'impliquer
dans ses recherches est promu et rémunéré à l'aune
de la reconnaissance de ses travaux par la communauté scientifique, ce
qui est précisément de l'intérêt du mandant. Bien
d'autres organisations où l'implication des personnels est rendue
nécessaire par le rôle déterminant qu'ils jouent dans la
réussite de la prestation, pourraient s'inspirer de cette logique.
Cette pratique du GRH est donc d'un grand intérêt pour
l'université dans son ensemble. Qu'en est-il, cependant, de
l'établissement particulier ? Il est évident que
l'attraction la notoriété d'une université repose, d'abord
sur la qualité de ses enseignants-chercheurs. C'est d'elle que
dépend tout à la fois la pertinence de l'enseignement
dispensé, tant en formation initiale que - de plus en plus - continue,
et l'invention de la recherche développée dans les laboratoires.
L'objectif devient alors d'attirer et de conserver des personnalités
marquantes dans ces champs. L'exercice est difficile. Il n'est pas
impraticable. Le succès dépend au moins trois variables.
1/ Il est d'abord nécessaire que l'université parvienne à
un consensus aussi fort que possible sur son positionnement pédagogique
et scientifique. Sans positionnement, il n'y aura pas de projet identifiable et
donc pas d'attractivité. L'élaboration du consensus en la
matière est nécessaire. En effet, ni le président, ni le
conseil d'administration, ni le conseil scientifique ne peuvent imposer leurs
vues aux commissions de spécialistes qui recrutent. Sans doute, le
conseil d'administration peut-il refuser le choix de la commission, mais c'est
au risque - dans le système français - de voir le poste rester
vacant et retiré à l'université. De plus, les commissions
sont élues (dans des conditions à la complexité
« abracadabrantesque ») et votent à bulletins
secret. C'est dire combien l'affirmation d'une politique de recrutement est
à la fois nécessaire et difficile à réaliser. Elle
peut passer par l'utilisation d'une classique démarche
stratégique : repérage des forces et faiblesses internes
(évaluation des équipes de recherche, examen de la pyramide des
âges, audit des maquettes pédagogiques...) ; analyse des
menace et des opportunités de l'environnement (veille scientifique,
attentes des partenaires sociétaux, positionnement des grandes
institutions voisines ou concurrentes) ; choix de quelques axes
fédérateurs et porteurs de développement. Pour avoir des
chances d'être mis en oeuvre, ce projet doit remporter l'adhésion
des principaux acteurs, et notamment du conseil scientifique et des
présidents de commissions de spécialistes, qui doivent être
associés à son élaboration. Une fois le projet
adopté par le conseil d'administration, c'est au président et
à son équipe de veiller, au jour le jour, à sa mise en
oeuvre. Une telle réflexion prospective, cependant, ne suffit pas
à assurer la venue et l'implication des enseignants.
2/ Encore faut-il qu'ils trouvent dans l'établissement des conditions
d'exercice satisfaisantes, plus satisfaisantes qu'ailleurs si possible. C'est
là sans doute un des arguments principaux de leur fonction de
satisfaction et donc un élément important de leur
rétribution implicite (au sens de Lawler et Porter, jugement positif ou
négatif porté par l'acteur sur l'ensemble des composantes de la
reconnaissance par l'organisation de sa contribution).
Ces conditions favorables sont d'abord d'ordre matériel : bureaux,
locaux, réseau, documentation, secrétariat... Tous ces moyens
sont nécessaires à l'exercice des missions de
l'enseignant-chercheur. L'établissement peine souvent, faute de
ressources nécessaires, à les assurer tous. Encore faut-il,
d'abord, qu'il soit clairement conscient de ce que ces moyens ne sont pas des
privilèges mais au contraire, des conditions nécessaires (de
facteurs d'hygiène dirait F. Hertzberg) dont l'absence risque de bloquer
toute motivation. Cette reconnaissance assurée, l'établissement
dispose, quels que soient ses moyens de quelques voies d'action. La
définition claire par le conseil scientifique des conditions
d'attribution des moyens concourt à l'acceptation positive de la
situation (justice procédurale surtout). Surtout, l'établissement
peut inciter les équipes à développer des activités
créatrices de ressources (formation continue, recherche
appliquée) dont elles pourront, dans des conditions adéquates,
bénéficier. Enfin, la présence même de
collègues et d'équipes à la forte notoriété
nationale et internationale, dans quelques champs au coeur du projet de
l'établissement, est en soi un facteur déterminant
d'attractivité. Peut-être même, est-ce le principal atout
dont doit se doter une université. La dynamique d'équipe
reconnue, le rayonnement des laboratoires, la présence physique de
chercheurs éminents, ne peuvent que fortement contribuer à
l'attractivité et à la stabilité des universitaires.
3) Reste un dernier facteur et non le moindre à évoquer, c'est
celui de la rémunération. La pratique du benchmarking est
développée à l'université et les jeunes
enseignants-chercheurs, beaucoup plus mobiles que leurs
prédécesseurs, n'hésitent plus à s'expatrier si les
conditions de travail leur paraissent sensiblement meilleures. Or, leur
rémunération est, aujourd'hui, en France, dangereusement faible.
Un jeune maître de conférences, recruté après un
DEA, une thèse et un dossier d'articles internationaux (à 28 ans
s'il est brillant et rapide) se voit offrir 150 000 francs bruts annuels,
c'est-à-dire à peine les deux tiers de ce qui est aujourd'hui
proposé à un étudiant titulaire d'un diplôme de
grande école ou d'un DESS et ce à 23 ans ! De tels
écarts sont potentiellement pervers, qu'ils incitent à
l'expatriation, qu'ils détournent de l'enseignement et de la recherche
ou qu'ils conduisent à la recherche d'activités
rémunératrices extérieures. Dans ce dernier domaine,
l'établissement peut chercher à réinternaliser les
activités particulières créatrices de ressources. Il
n'est pas sans possibilité, pour peu qu'il s'attache à les
exploiter : soutien logistique à la recherche, utilisation des
primes de formation continue et de primes de recherche, culture
générale favorable à la valorisation.
Au total et malgré les difficultés, plusieurs perspectives sont
ouvertes à la gestion des enseignants-chercheurs dans chaque
université : défense du statut, affirmation d'un projet
scientifique et pédagogique d'excellence, octroi de moyens
adaptés, constitution d'équipes reconnues et attractives, et
rémunération satisfaisante.
M. Jean-Michel Hoerner, président de l'université de Perpignan
1°)
Le ministère utilise les normes SAN REMO qui défavorisent trop
les formations littéraires et juridiques. On doit y remédier.
Sinon, au sein de notre université pluridisciplinaire, on recrute des
enseignants-chercheurs conformément aux besoins de la pédagogie
(davantage en lettres et droit où le sous-encadrement est très
fort) ou selon les besoins de la recherche (davantage en sciences). En
théorie, l'autonomie nous permet le redéploiement, mais ce sera
seulement cette année que nous commencerons à le faire en raison
d'une meilleure organisation de l'université.
2°) D'une façon générale, les CNU scientifiques
permettent plus facilement les recrutements à l'inverse de tous les
autres. Plus grave cependant : l'impossibilité du recrutement et de
son suivi dans des domaines non couverts par les sections du CNU et pourtant en
plein expansion (beaucoup de filières professionnalisées dont par
exemple le « tourisme »). Dans ce secteur, les
étudiants et les débouchés sont de plus en plus nombreux,
mais l'égoïsme catégoriel des collègues du CNU
empêche toute évolution. On est loin de l'heureux système
anglo-saxon où le PhD (équivalent de notre doctorat) ne
dépend d'aucune filière...
3°) Les réformes « Bayrou » et
« Allègre » ont hélas ! un coût,
mais n'ont pas d'incidence. A vrai dire très peu d'étudiants
changent de filière au terme du semestre d'orientation. Mais on pourrait
concevoir le développement de l'enseignement par petits groupes, ce qui
est aujourd'hui impensable dans notre université, faute d'enseignants
suffisants.
4°) La mobilité des chercheurs (candidats aux postes
enseignants-chercheurs) est pratiquement inexistante. En revanche, les
échanges d'enseignants se multiplient (Europe, Maroc, Liban,
Madagascar...). La promotion de la recherche autour de certains axes
(génomie, droit musulman, tourisme, océanographie...) est
continue.
Mme
Sylvie André, présidente de l'université
de la Polynésie française
La présidente de l'université de la Polynésie française a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M. Gérard Dufour, président de l'université de Provence
1.
Politique ministérielle de répartition des emplois en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités de mon établissement
1.1 Caractère illusoire de la gestion prévisionnelle en
matière d'enseignants chercheurs.
L'amplitude des départs à la retraite d'un grand nombre
d'enseignants-chercheurs (recrutés pour beaucoup dans les années
qui ont suivi les événements de 1968) est un fait objectif qu'il
faut prendre en compte pour remodeler (si besoin est) les équipes
pédagogiques et de recherche.
Toutefois, on ne saurait fonder une politique de recrutement à moyen
terme (comme le souhaite la direction des personnels enseignants du
ministère) sur ce seul constat compte tenu des incertitudes qui
pèsent en matière de départ à la retraite des
enseignants-chercheurs.
En effet, tout enseignant-chercheur (comme tout fonctionnaire) est atteint par
la limite d'âge à 65 ans. Comme tout fonctionnaire
également, il peut prendre sa retraite à 60 ans, et
éventuellement bénéficier de la cessation progressive
d'activité à partir de 58 ans. Et s'il s'agit d'un professeur des
Universités, il peut également bénéficier du statut
de professeur en surnombre pendant trois ans.
Autrement dit, pour un maître-assistant des universités, la
fourchette de départ à la retraite est de 58 à 65 ans,
soit un écart-type de 8 ans, et pour un professeur des
universités, de 58 à 68 ans, soit un écart-type de 11 ans.
Il est donc impossible, dans ces conditions, d'avoir une analyse fine des
mouvements prévisibles de personnels et d'anticiper sur ces mouvements.
1.2
La dangereuse tentation d'un pilotage des recrutements par
l'évolution des effectifs étudiants :
Dans mon établissement (pluridisciplinaire : sciences dures,
lettres et sciences humaines), comme sur l'ensemble du territoire national, on
constate depuis quelques années une tendance à la diminution
sensible des effectifs étudiants en sciences dures et un maintien (voire
une légère progression) de ces effectifs en lettres et sciences
humaines. Face aux difficultés d'encadrement que connaissent certains
secteurs de lettres et sciences humaines en expansion (psychologie ou
sociologie exemple), il serait tentant de procéder à des
rééquilibrages internes du nombre de postes
d'enseignants-chercheurs vacants chaque année au bénéfice
du secteur lettres et sciences humaines et au détriment du secteur
sciences.
Malgré une apparente logique, une telle politique, réalistes
à très court terme, s'avérerait désastreuse
à moyen et long termes. En effet, nous nous sommes engagés dans
la restructuration et le développement des écoles universitaires
d'ingénieurs (formations nettement insuffisantes en nombre sur le plan
régional comme national) et c'est dans cette direction que doivent
être redéployés prioritairement les postes vacants du
secteur scientifique. En outre, il convient de ne pas perdre de vue qu'il
s'agit de postes d'enseignants-chercheurs et que le non renouvellement de
postes d'enseignants entraîne une perte du potentiel de recherche du
laboratoire auquel appartenait l'enseignant qui a laissé le poste
vacant. Il est indispensable, pour maintenir le potentiel scientifique national
au niveau de qualité qui est le sien, qu'une gestion strictement
comptable du ratio du nombre d'enseignants par rapport à celui des
étudiants ne pénalise pas à terme la recherche
scientifique.
2. Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de la carrière et de
l'évaluation...
2.1 Les difficultés de recrutement
Le système de recrutement actuellement en vigueur (inscription sur des
listes de qualification, puis concours dans les universités) est
excellent dans son principe puisqu'il garantit un niveau scientifique
indiscutable au niveau national et laisse à chaque université,
à partir de cette base, le choix et la maîtrise de ses
recrutements, donc de sa politique.
Toutefois, il se heurte à certaines difficultés d'application.
Le délai très court finalement laissé aux commissions de
spécialistes pour trier les dossiers et auditionner les candidats
retenus fait que bien des auditions ont lieu le même jour, où
à des dates si rapprochées qu'il est souvent impossible aux
candidats retenus dans plusieurs universités (et donc,
a priori
,
les meilleurs) de se présenter partout. Ils sont donc amenés
à effectuer un choix, ce qu'ils font en prenant surtout en compte des
supputations (souvent hasardeuses) sur leurs chances de réussite, voire
des considérations financières de frais de déplacements
pour certains d'entre eux. Les universités les plus prestigieuses
peuvent ainsi se voir délaissées au profit
d'établissements moins réputés.
Malgré cela, ce sont souvent les mêmes candidats que l'on retrouve
(fort logiquement) classés en tête de nombreuses
universités, alors que le nombre maximum de candidats retenus est de
cinq. Afin de ne pas voir ses cinq candidats retenus choisir une autre
affectation, il n'est pas rare que les commission de spécialistes
classent « par prudence » en quatrième et
cinquième position des candidats de moindre valeur, mais plus sûrs.
Le remède à ces problèmes pourrait être
l'élargissement de la période de recrutement avec
l'établissement d'un calendrier (assez délicat à
réaliser) permettant la comparution des candidats dans de plus nombreux
sites. On pourrait aussi élargir la liste de classement de candidats
retenus (jusqu'à 10), ce qui éviterait sans doute des postes non
pourvus, republiés à la session de janvier.
On observe également une réelle difficulté (du moins dans
certaines disciplines littéraires) à pourvoir des postes de rang
A (professeurs des universités). Cette situation est extrêmement
préoccupante et ses causes sont certainement profondes, comme par
exemple la difficulté des jeunes maîtres de conférences
à se relancer dans une recherche approfondie après avoir
réalisé une thèse qui n'est peut-être pas aussi
lourde que la thèse d'Etat d'antan, mais demeure fort prenante quand
même. Un allégement du service des maîtres de
conférences continuant à assurer une recherche effective et de
haut niveau après leur nomination, ou des détachements plus
faciles au CNRS pour une durée de deux ans pourraient être des
solutions à envisager.
En outre, les commission de spécialistes se trouvent
régulièrement confrontées au problème du
recrutement local ou extérieur. S'il évident que seul le
recrutement extérieur apporte une garantie d'objectivité et
d'égalité de traitement des dossiers, il faut aussi prendre en
compte qu'il y a quelque incohérence à ne pas recruter des
étudiants ayant été formés dans un laboratoire de
l'université et dont les recherches sont donc parfaitement en phase avec
les objectifs de ce laboratoire. Les recommandations
régulièrement faites par le ministère de l'exigence morale
de recrutements extérieurs resteront lettre morte tant que l'on saura
que, si on applique cette règle alors que d'autres universités ne
l'appliquent pas, on pénalise grandement nos propres étudiants.
Enfin se pose la question du renouvellement brutal des enseignants-chercheurs
compte tenu des départs massifs à la retraite prévisibles
dans les cinq ans à venir. Cette situation (conséquence des
recrutements massifs des années 1969 et suivantes) aura pour
conséquence, si l'on s'en tient à de strictes
considérations des besoins compte tenu des effectifs étudiants,
une absence quasi-complète de recrutements pour les trente années
qui viennent. Le risque de sclérose est grand et ne saurait être
négligé.
3.
Les conséquences pour la gestion de ces personnels des
différentes réformes...
Je ne crois pas que les différentes réformes aient eu une
incidence réelle sur la gestion des enseignants-chercheurs. Ce que l'on
peut d'ailleurs regretter. L'incitation à réformer son
enseignement (en particulier par une appropriation pédagogique des TIC)
ne peut que très faiblement être pris en compte que par le seul
établissement en matière de promotion. Il en va de même
pour les tâches collectives (directeurs d'UFR, vice-présidence
etc.) pour lesquelles on a de plus en plus de mal à trouver des
collègues motivés.
4. Conséquences des mesures destinées à favoriser la
mobilité et à promouvoir la valorisation de la recherche
Ces mesures ne me semblent pas avoir eu de conséquence en matière
de gestion des personnels.
M.
Maurice Vincent, président de l'université
Jean Monnet de Saint-Étienne
Gestion des enseignants-chercheurs
L'université Jean Monnet est plutôt satisfaite des
opérations de recrutement des professeurs par le ministère de
l'éducation nationale, cependant elle est de plus en plus
préoccupée par les difficultés de prise en compte dans
l'évolution de leurs carrières des activités
administratives ou de valorisation de la recherche.
Pyramide des âges des enseignants-chercheurs
Il est important :
- de veiller au renouvellement des enseignants faisant valoir leurs droits
à la retraite par une politique active de recrutement d'allocataires de
recherche, de moniteurs d'enseignement, d'ATER qui pourront postuler aux
concours de recrutement dans les prochaines années ;
- d'entreprendre une réflexion sur la répartition des emplois de
professeurs pour ne pas entraîner un déséquilibre entre les
établissements lors des départs à la retraite massifs dans
les prochaines années et les possibilités offertes qui
s'ensuivront.
Impact sur la gestion des personnels de la réforme des
études universitaires depuis une dizaine d'années
La réforme « Bayrou » a entraîné une
surcharge évidente en matière d'examens et de jurys.
Il est nécessaire de rendre plus attractifs les enseignements dans les
filières professionnalisées (prise en compte de l'encadrement des
stages par exemple).
Critères d'évaluation des enseignants-chercheurs
L'évaluation individuelle des enseignants ne relève pratiquement
pas de l'autonomie de l'établissement (dont le conseil d'administration
peut tout au plus bloquer momentanément un recrutement qui n'a pas son
agrément), mais plutôt de l'autonomie collective des
universitaires, à travers les instances de gestion des
enseignants : commissions de spécialistes et conseil national des
universités. L'établissement peut intervenir cependant de
manière décisive, dans les changements de grades (accès
à la hors classe des maîtres de conférences, à la
1
ère
classe des professeurs) grâce à l'existence
d'un contingent de promotions locales, notifiées chaque année par
le ministère de l'éducation nationale, en sus des contingents de
promotions par le conseil national des universités.
Gestion administrative des enseignants-chercheurs
Après vérification par les directeurs de composante, dans la
limite des moyens qui leur sont accordés, des services faits par les
enseignants, le président de l'université arrête
annuellement la fiche d'emploi du temps de chacun afin de gérer au mieux
les crédits destinés aux heures supplémentaires
d'enseignement qui représentent une part importante de notre budget de
fonctionnement.
Le régime des primes de charges administratives et de
responsabilités pédagogiques mis en place en 1990 a donné
une certaine autonomie aux universités, leur permettant de
reconnaître l'investissement des enseignants dans l'établissement.
Niveau de rémunération des universitaires en France
On observe depuis plusieurs années une diminution de l'écart de
rémunération entre les professeurs et les maîtres de
conférences et les enseignants du second degré. Ceci est dû
à la revalorisation de carrière de ces derniers et d'une
stagnation pour les carrières de professeurs de l'enseignement
supérieur. Il faudrait rétablir l'équilibre
antérieur.
PRÉSIDENTS DE SECTIONS DU CONSEIL NATIONAL DES
UNIVERSITÉS
M. Yves Gaudemet, président de la section 2
« Droit public »
1. Un
certain nombre de préoccupations portent sur l'organisation
matérielle et le fonctionnement des procédures de recrutement et
de qualification confiées au conseil national des universités.
Si cette instance consultative est en mesure de remplir à peu
près correctement les fonctions de commission administrative paritaire
qui sont les siennes, notamment en matière d'avancement, il n'en est pas
de même des procédures de qualification des maîtres de
conférences qui portent aujourd'hui, annuellement, sur plus de
300 candidats. Viendra nécessairement le moment de mettre en place,
à cet effet, un mécanisme spécifique de concours,
confié à un jury extérieur au CNU, ce qui permettra
d'autre part d'entendre les candidats et, peut-être, d'organiser une
présentation théorique d'un sujet en sus de la
présentation des travaux.
2. Dès à présent, il conviendra de donner aux membres du
CNU les moyens matériels du travail très lourd qui leur est
confié (salles de réunion, secrétariat, indemnités
de déplacement et de séjour, décharges de services, etc.).
Dans le même ordre d'idées, il me semblerait heureux que
l'ensemble des sections du CNU désignent un bureau qui serait
l'interlocuteur naturel du ministre et de ses services pour l'ensemble des
questions tenant à la carrière des professeurs et des
maîtres de conférences, comme l'est la conférence des
présidents d'université pour les questions tenant à
l'organisation des établissements.
3. S'agissant ensuite d'une question qui est propre aux disciplines juridiques
et économiques, l'existence aujourd'hui d'un concours
d'agrégation interne - dont le succès et la
pérennité ne sont pas encore assurés - voudrait que soient
supprimées toutes les voies dites « voie longue »
d'accès au professorat (à l'exception peut-être d'une voie
spécifique réservée aux personnalités
étrangères).
Il y a sur ce point un accord très général, y compris de
la part des promoteurs de l'agrégation interne. Mais cela ne s'est pas
traduit dans les textes. Et l'on vit encore avec des procédures de
recrutement « voie longue », qui sont d'ailleurs largement
illusoires en l'état de la politique du CNU.
4. Je dois ensuite revenir sur une préoccupation majeure qui concerne le
recrutement des professeurs et maîtres de conférences
associés.
Cette institution est bonne en elle-même et elle a été
conçue à l'origine principalement pour les disciplines
scientifiques.
Mais on constate aujourd'hui que plus de 60 % des professeurs
associés le sont dans les disciplines juridiques et économiques
au motif sans doute que les matières correspondantes sont à la
portée de chacun. Or, ces associations échappent à tout
contrôle de qualité scientifique. Elles sont
décidées discrétionnairement par les établissements
(et encouragées par le ministère pour des raisons qui ne sont pas
toujours avouables). On constate en particulier qu'elles suivent la tendance
trop naturelle des établissements à se doter d'antennes
déraisonnables, en recrutant sur place tel ou tel cadre administratif
fort heureux d'accéder à la qualité de professeur
associé.
Cette tendance lourde nous apparaît particulièrement redoutable.
Certains recrutements sont rigoureusement indignes d'une activité
d'enseignement supérieur.
Il est indispensable que, désormais, et comme c'était le cas par
le passé, les recrutements comme maîtres de conférences et
professeurs associés, pour rester à l'initiative des
établissements, soient soumis au CNU qui pourra ainsi vérifier,
comme le veulent les principes, la qualité scientifique des postulants.
Il y a là, dans la profession, une inquiétude
réelle ; et il faut bien comprendre que, en continuant comme on le
fait aujourd'hui, c'est finalement à l'institution des professeurs
associés qu'on ôtera toute crédibilité.
5. Je terminerai en revenant sur les procédures d'avancement, qui sont
naturellement de la compétence du CNU. Les réformes
récurrentes qui visent à répartir les avancements
possibles entre le niveau des établissements et le niveau national ne me
paraissent pas opportunes.
Dans des établissements pluridisciplinaires notamment, l'avancement
apparaît aléatoire et commandé par des
considérations qui n'ont rien à voir avec la qualité
scientifique des intéressés. Il me semble au contraire que, dans
le cadre du CNU et d'une discipline déterminée, une
véritable politique d'avancement peut se développer, qui repose
sur des critères objectifs et assure à nos collègues une
lisibilité suffisante de leur carrière.
M.
Marc Sadoun, président de la section 4
« Science politique »
1. Sur
la politique ministérielle de répartition des emplois
Au regard des autres disciplines, la science politique bénéficie
d'un nombre limité d'emplois.
-
• Le recrutement des professeurs se fait selon plusieurs voies :
- la voie de l'agrégation externe du supérieur. Ouvert normalement tous les deux ans, le concours permet le recrutement d'un nombre variable de professeurs - entre six et neuf pour les derniers concours. Ce contingent apparaît satisfaisant au regard du nombre de candidats - entre trente et soixante ;
- la voie de l'agrégation interne, réservée aux enseignants bénéficiant d'une ancienneté de dix ans dans le corps des maîtres de conférences. Après une longue interruption, ce concours a été de nouveau ouvert en 1999. Il a permis la nomination de trois professeurs - pour six candidats ;
- la voie de l'article 49-3, dite voie longue, également ouverte aux enseignants bénéficiant de la même ancienneté que la voie précédente. En moyenne, deux postes ont été pourvus tous les deux ans à la voie longue ;
- la voie ouverte aux candidats pouvant justifier d'une activité professionnelle, à l'exclusion des activités d'enseignant et de chercheur (arrêté du 8 octobre 1999). A ce jour, aucun recrutement de cette nature n'a été opéré ;
- la voie ouverte aux directeurs de recherche du CNRS permettant l'intégration dans le corps des professeurs. Depuis deux ans, trois ou quatre postes ont été ainsi pourvus.
Ces trois dernières formes de recrutement sont assurées par élection au sein des universités. Les candidats doivent obtenir une qualification du CNU.
La multiplicité de ces voies d'accès n'est pas satisfaisante. On peut s'interroger en particulier sur l'opportunité de conserver deux voies parallèles - agrégation interne et voie longue - ouvertes à des candidats présentant le même profil. On peut en revanche se féliciter que des passerelles soient assurées entre le CNRS et l'université.
• Le recrutement des maîtres de conférences se fait également selon plusieurs voies. Une seule fonctionne réellement dans la pratique :
- après qualification du CNU qui s'assure de la qualité scientifique des dossiers, les maîtres de conférences sont recrutés par les universités ;
- une voie est par ailleurs ouverte aux chargés de recherche du CNRS qui peuvent intégrer le corps des maîtres de conférences selon des modalités analogues à celles des directeurs de recherche. Il semble que cette voie a été encore très peu utilisée.
La procédure de qualification est très sélective. En 2000, la 4 ème section du CNU a enregistré 241 candidatures (196 dossiers effectivement examinés) et elle a qualifié 57 candidats. En 2001, pour 181 candidatures déposées et 150 dossiers examinés, 55 personnes ont été qualifiées.
Une telle sélection garantit la qualité des recrutements. Elle ne permet cependant pas d'assurer un poste aux candidats qualifiés. Il est fréquent qu'une commission de spécialistes d'une université doive examiner plus de 80 candidatures pour un poste. Le nombre important de candidats qualifiés qui ne sont pas recrutés chaque année nourrissant le vivier des demandeurs d'emplois, on doit déplorer aujourd'hui un décalage très important entre la demande et l'offre. Ce constat est d'autant plus inquiétant qu'il se fait alors que de nombreux postes seront, dans les prochaines années, vacants du fait de l'évolution démographique. On peut craindre que, plus sensibles au constat de pénurie actuelle qu'aux promesses de l'avenir, les meilleurs étudiants hésitent à se lancer dans un travail, long, pénible et hasardeux, de thèse.
2. Les problèmes rencontrés
J'ai dit mes réserves sur la trop grande diversité et le caractère brouillé des voies de recrutement des professeurs. La procédure de qualification des maîtres de conférences ne pose pas les mêmes problèmes. Sous sa forme actuelle - le CNU intervient en amont et qualifie ; les universités recrutent les maîtres de conférences -, cette procédure me paraît dans l'ensemble satisfaisante : elle assure l'examen de la qualité scientifique des dossiers ; elle respecte la nécessaire autonomie des universités. Le seul problème tient à l'impossibilité de contrarier le « localisme » des recrutements : c'est une réelle difficulté, même si le phénomène semble moins répandu qu'on ne le dit.
Le second phénomène tient au faible nombre de promotions dont peuvent bénéficier les universitaires. Les carrières de ces derniers sont aujourd'hui largement bloquées : le passage à la première classe des professeurs demande au moins une dizaine d'années d'ancienneté ; chaque année, une promotion à la classe exceptionnelle - dans le meilleur cas, deux promotions - est accordée aux mêmes professeurs. Par ailleurs, du fait de la suppression des promotions au choix des maîtres de conférences - sur laquelle je reviendrai -, le CNU ne se prononce désormais que sur le passage des maîtres de conférences au statut de hors classe : ces promotions sont également très faibles - une à deux par an.
D'autres problèmes, de nature essentiellement matérielle, ont leur importance. Les sections du CNU travaillent dans des conditions difficiles : les délais laissés à l'examen des candidatures, très serrés, ne laissent pas à leurs membres le temps nécessaire à l'étude des dossiers sur lesquels ils doivent rapporter ; ces mêmes membres ne bénéficient d'aucune indemnité et d'aucune décharge ; le bureau et son président ne sont pas dotés d'un secrétariat. D'où un sentiment de frustration qui prend de l'ampleur et a conduit la majorité des présidents de CNU à solliciter une audience du ministre.
3. Les conséquences des réformes
J'ai dit le caractère, dans l'ensemble satisfaisant, des procédures de qualification des maîtres de conférences.
La 4 ème section du CNU a, en revanche, et de concert avec les sections du groupe 1 (droit privé, droit public, histoire du droit et science politique), exprimé sa ferme opposition à la récente réforme qui a supprimé la promotion au choix des maîtres de conférences à la première classe. Celle-ci se faisant désormais exclusivement à l'ancienneté, le CNU est dépossédé d'une compétence essentielle : il ne peut plus attribuer les promotions en fonction de la qualité scientifique des dossiers et de la mobilité professionnelle des collèges. C'est un stimulant essentiel de la recherche qui disparaît ainsi, si l'on considère que cette promotion est maintenant assurée à tous les maîtres de conférences, quelles que soient leurs activités de recherche : les mérites ne sont plus récompensés.
4.Sur la mobilité et la valorisation de la recherche
Je viens de m'exprimer sur la valorisation insuffisante de la recherche : faible nombre de promotions, inquiétude sur la réforme de la carrière des maîtres de conférences.
Il semble, en revanche, que la mobilité est, dans l'ensemble, correctement assurée, sous réserve des dérives « localistes » déjà mentionnées. Les enseignants peuvent par ailleurs bénéficier de congés bienvenus pour recherches ou conversions thématiques (malheureusement sans compensation pour l'établissement). Il faut cependant noter que ces congés, limités dans le temps, ne permettent pas aux enseignants-chercheurs de disposer du temps nécessaire à la poursuite d'une véritable recherche. Cette question ne sera pas véritablement réglée tant que les universitaires ne bénéficieront pas, à l'instar de leurs collègues étrangers, d'années sabbatiques permettant une recherche sur la longue durée et assurant une véritable mobilité internationale. Il reste évidemment - mais mieux vaut le dire - que, dans des conditions difficiles et malgré les charges multiples qui pèsent sur eux - enseignement, administration, gestion des cycles supérieurs, encadrement des doctorants, etc. -, les universitaires assument bien dans leur ensemble leurs fonctions de chercheurs.
On peut enfin se féliciter de l'ouverture de voies nouvelles permettant le détachement des universitaires au CNRS et le passage de chercheurs dans le corps des universitaires.
5. Les réformes nouvelles
J'ai, au fil de mes remarques, précisé les réformes qui me paraissent souhaitables. Je ne reviens pas sur ces points.M. Philippe Hamon, président de la section 9
« Langue et littérature française »
Le plus important : il est urgent, aujourd'hui, si la nation veut assurer pour les années à venir la qualité de l'enseignement supérieur en France, et si elle veut continuer d'attirer les meilleurs dans cette voie, de préserver le côté attractif de la profession d'enseignant-chercheur, surtout à un moment historique où la pyramide des âges va renouveler profondément dans les cinq années qui viennent l'ensemble des personnels enseignants des universités. La situation risque d'être dramatique à court terme, d'abord évidemment pour l'enseignement des sciences : quel est le jeune de talent qui ira vers la recherche et l'enseignement universitaires quand l'industrie lui offre un salaire de début de carrière qui est le double de celui qui serait le sien en université ?
Préserver ce côté attractif passe donc par :
1/ une meilleure rémunération d'un jeune maître de conférences en début de carrière ;
2/ le déblocage de certains verrous dans ses possibilités d'avancement, notamment par le passage des maîtres de conférences à la hors-classe, ainsi que pour le passage des professeurs à la classe exceptionnelle en fin de carrière (une promotion par an en moyenne en ce qui concerne notre 9 ème section) ;
3/ une simplification et une rénovation de la fonction de « l'assistant », terme qui n'a plus cours, mais « fonction » bien réelle et mal définie qui est actuellement assumée par des catégories d'emploi très diverses (A.T.E.R., assistant moniteur normalien, chargé de cours, allocataire, moniteur, etc.) ;
4/ de meilleures conditions concrètes de travail (particulièrement scandaleuses dans les universités parisiennes où les professeurs n'ont ni bureaux, ni machines, ni secrétariats suffisants).
Le système actuel de gestion des carrières (thèses et concours, listes de qualification par le CNU, choix par les commissions de spécialistes des universités) est globalement satisfaisant pour assurer un recrutement de qualité. Il est impératif de ne pas toucher à l'équilibre atteint. Encore faudrait-il que le CNU ait les moyens d'assurer son importante mission, mission qu'il assure actuellement dans des conditions absolument scandaleuses et indignes : pas de locaux de réunions, pas de secrétariat, pas de décharges d'enseignement pour ses membres, pas de frais de mission ou de courrier : un membre de bureau, pour trois sessions annuelles de travail (session de qualification, session des promotions et avancements, session d'appel pour les recours), travaille en moyenne un mois et demi dans l'année pour siéger, examiner, traiter, rédiger rapports et procès-verbaux de centaines de dossiers. Cette revendication de la reconnaissance d'un important travail d'expertise effectué est une très ancienne revendication qui n'a jamais été entendue par aucun ministère. A la différence de toutes les professions où ce travail d'expertise est reconnu et rémunéré, l'enseignant du supérieur semble voué à un bénévolat permanent de ce genre de tâches. Ce bénévolat permanent a atteint aujourd'hui ses plus extrêmes limites (de nombreux mouvements de protestation sont aujourd'hui en cours).
Le statut original d'enseignant-chercheur en université doit être préservé par tous les moyens. Là est l'irremplaçable originalité de l'université. La multiplication actuelle des PRAG (professeurs agrégés détachés dans le supérieur avec un service lourd qui les empêche d'effectuer toute recherche), solution à la rigueur acceptable pour les IUT, et solution économique imaginée par le ministère pour encadrer à bon compte les étudiants, doit impérativement être arrêtée.
La mobilité des enseignants-chercheurs de l'université vers le CNRS ou l'Institut Universitaire de France est pour l'instant pure fiction et pure utopie. L'alourdissement, accéléré depuis quelques années, des tâches bureaucratiques et pédagogiques en université (orientations, réorientations, jurys, conseils, réformes technocratiques à répétition à mettre en place, etc.) superposées par les successives et hétéroclites réformes du premier cycle, fait que ce dont manque le plus cruellement actuellement l'enseignant-chercheur est le temps consacré à la recherche. Le plus simple, le plus juste et le plus efficace serait d'avoir le courage (politique) de supprimer CNRS (lettres) et IUF, et d'institutionnaliser et de généraliser pour tous les enseignants-chercheurs une véritable année sabbatique (nombre et périodicité à définir : au moins deux années dans le cours d'une carrière), au lieu de l'actuel système, semestriel, aléatoire et bricolé par les universités. Ce cadre d'une année permettrait en outre d'appeler et d'accueillir, en remplacement, et dans de meilleures conditions d'organisation, des professeurs invités étrangers. Quant à la mobilité de l'enseignant-chercheur vers l'étranger, elle ne doit surtout pas faire l'objet de la moindre réglementation uniforme : c'est la mission même de l'universitaire que d'être en relation permanente suivie, individuellement ou par les centres de recherches auxquels il participe, avec les universités étrangères, et c'est le rayonnement propre de sa recherche et de ses publications qui le fera éventuellement séjourner à l'étranger ou inviter par l'étranger. C'est la mobilité des étudiants qu'il faut favoriser, pas celle des enseignants.
L'autonomie des universités doit être maintenue et préservée. Encore faudrait-il que soient également préservées l'autonomie et la spécificité des disciplines. Contrairement à ce que semblent toujours croire les conseillers techniques de tous les ministères, grands producteurs de réformes à répétition toujours pédagogiquement correctes, toujours uniformes, toujours globales et toujours générales, ce qui est bon pour le droit ou les sciences n'est pas forcément bon pour les sciences humaines ou les lettres (et inversement). Ainsi, par exemple, pour l'existence de l'HDR (habilitation à diriger des recherches), très utile en lettres, peut-être moins ailleurs. Ou de la semestrialisation (réforme Bayrou), système absurde et très dommageable pour les lettres (émiettement des programmes et des rythmes de travail, alourdissement du travail des secrétariats ; l'absurdité atteint son sommet en ce qui concerne l'année de la maîtrise, qui est en lettres une année d'initiation à la recherche), mais système peut-être acceptable pour le droit ou les sciences. Ou du système d'orientation en début de première année, système démagogique, très lourd, et totalement inefficace en Lettres (sur l'ensemble de la filière des Lettres modernes de Paris III, le trimestre d'orientation a abouti cette année à la réorientation de ...10 étudiants sur 544 !), mais peut-être utile ailleurs. Enfin, toujours côté autonomie, la répartition des emplois et leur fléchage en fonction des évolutions démographiques ou de la vie des disciplines doit également relever, dans leurs adaptations et redéploiements permanents, non de normes générales édictées par l'administration (qui est incompétente sur ce point), mais de la seule responsabilité et compétence des universités (et des diverses sections du CNU), dans le respect de cette même autonomie.
En bref : le ministère doit cesser de réformer le premier cycle universitaire tous les trois ou quatre ans, sans avoir au préalable défini les missions qu'il (que la représentation nationale) attend de son université : celle-ci doit-elle être le conservatoire des disciplines ? Doit-elle être une école professionnelle (et alors la sélection est inévitable) ? Doit-elle être le lieu de la formation permanente et perpétuelle de la nation ? Les trois à la fois ? Elle n'a pas, actuellement, les moyens d'assurer simultanément ces trois missions.
En résumé : plus d'attractivité, moins de réformes, plus de considération et plus d'autonomie véritable.M. Maurice Godé, président de la section 12
« Langues et littératures germaniques et scandinaves »
1. Répartition des emplois
La politique ministérielle de répartition des emplois dans les universités et les organismes de recherche doit, bien entendu, tenir compte de l'évolution des sciences (y compris des sciences humaines) et des techniques. Elle ne doit pas pour autant aboutir à « déshabiller Paul pour habiller Pierre », et profiter des départs à la retraite pour dégarnir les disciplines fondamentales. Ce sont certes les universités elles-mêmes qui, lors d'une vacance d'emploi, décident de son maintien ou de son transfert à une autre discipline, mais le ministère a aussi un rôle incitatif à jouer. Il ne peut assister avec indifférence au développement actuel de l'informatique aux dépens de la physique, pas plus qu'il ne peut accepter sans réagir que des disciplines fondamentales comme l'histoire, la littérature française ou certaines langues vivantes soient amputées d'une partie de leurs emplois d'enseignants-chercheurs sous prétexte qu'elles attirent moins d'étudiants que par le passé. Si elle était poursuivie, a fortiori si elle était amplifiée, cette politique aurait des conséquences extrêmement négatives, notamment sur la formation disciplinaire des futurs enseignants du secondaire, à un moment où de nombreux départs à la retraite vont entraîner des besoins considérables de recrutement.
Plusieurs éléments ont contribué à tendre la situation dans certaines universités (dont la mienne) pour ce qui est de la répartition des postes :
La mise sur pied de nombreuses filières dites professionnalisées
La création récente de filières dites professionnalisées n'a pas été maîtrisée ; elles sont souvent conçues sans réelle concertation avec les milieux professionnels, sans qu'il soit tenu compte du potentiel d'enseignants-chercheurs ni des débouchés professionnels qu'elles offrent. Les initiateurs attendent du ministère qu'il crée des postes en masse ; ils tiennent pour acquis qu'une fois ces emplois créés, on trouvera sans difficultés de bons candidats pour les pourvoir. Ces conditions étant rarement remplies, même à moyen terme, ces formations fonctionnent plutôt mal que bien avec un nombre élevé de vacataires peu qualifiés. Aussi beaucoup d'étudiants de ces filières abandonnent leurs études dès la première année. Toute création de filières de ce type devrait donc à l'avenir faire l'objet de la part des universités, en concertation avec les milieux professionnels concernés, d'une étude préalable de faisabilité, notamment pour ce qui est du potentiel d'enseignants-chercheurs nécessaire à son fonctionnement. On devrait également éviter des doublons dans la même aire géographique.
La mise en place pour les néo-bacheliers des disciplines de découverte (réforme Bayrou) inefficaces et coûteuses en heures
Par ailleurs, les options dites de découverte offertes aux primo-entrants durant le premier semestre ne jouent absolument pas le rôle que leur attribuait la réforme Bayrou : celui de faciliter, le cas échéant, une réorientation. En fait, prenant au mot le terme de « découverte », les étudiants se sont précipités sur des disciplines qu'ils n'avaient pas pratiquées au lycée : psychologie, sociologie, ethnographie, etc. Le résultat : imprévisibilité du choix des étudiants, désorganisation totale des disciplines concernées dont l'encadrement est débordé, recrutement de vacataires peu qualifiés.
Enfin, le choix fait par beaucoup d'étudiants de disciplines qui sont actuellement à la mode (comme l'a été il y a quelques années la « communication ») mais dont les débouchés professionnels sont limités
L'afflux d'étudiants dans des filières à la mode mais à débouchés limités 84( * ) absorbe une bonne partie des moyens dont disposent les universités - au détriment d'autres filières mieux établies, mieux encadrées, qui offrent un cursus complet et mènent un pourcentage important de leurs étudiants jusqu'à la fin du deuxième cycle et notamment aux concours de recrutement de l'enseignement secondaire. Afin d'éviter que ces filières soient à leur tour en difficulté, il serait bon que le calcul des crédits de fonctionnement et des potentiels d'enseignement soit fait en attribuant au nombre brut d'étudiants inscrits - qui représente actuellement la base d'évaluation - un coefficient croissant du premier au troisième cycle. Ceci se justifie notamment par les besoins de documentation et de suivi des travaux de recherche qui augmentent en fonction du niveau des étudiants.
Même si le ministère créait de nombreux emplois dans ces filières, le problème fondamental qu'elles posent ne serait pas pour autant résolu. Certaines d'entre elles (arts du spectacle, arts plastiques, musique, etc.) sont en concurrence avec des offres de formation beaucoup mieux établies et ciblées, qui se situent en dehors des universités (beaux-arts, conservatoires, etc.) et qui, dans un souci de qualité et d'insertion professionnelle, contingentent leurs inscriptions. Leurs enseignants peuvent théoriquement assurer des vacations dans les universités mais le faible niveau de rémunération est dissuasif pour ceux qui ont une activité professionnelle à plein temps. Quant aux vacataires, la plupart d'entre eux n'ont pas un profil d'enseignant-chercheur et pas les titres pour être titularisés dans l'enseignement supérieur.
2. Recrutement des chercheurs et enseignants-chercheurs, déroulement de leur carrière et évaluation de leurs activités
Recrutement
Le mode de recrutement des enseignants-chercheurs a connu durant les dix dernières années de nombreuses modifications. Celles-ci ont porté, pour l'essentiel, sur trois points :
• intervention des sections avant et/ou après les commissions de spécialistes locales (actuellement le CNU intervient pour les qualifications en première ligne) ;
• entretien des candidats à la qualification PR avec les sections du CNU (procédure abandonnée il y a quelques années) ;
• pourcentage plus ou moins important (entre 20 % et 40 % au fil des réformes) de membres extérieurs dans les commissions de spécialistes locales.
Déroulement de carrière
De manière plus générale, le recrutement d'enseignants-chercheurs de qualité, au moins au niveau des professeurs, se heurte au niveau de rémunération relativement bas des professeurs de deuxième classe qui ont les mêmes indices de salaire que les maîtres de conférences promus à la hors-classe. Dans une situation de concurrence avec le privé, le ministère doit être conscient qu'il ne pourra maintenir un recrutement de qualité qu'en révisant à la hausse l'échelle de rémunération des enseignants-chercheurs, en particulier des professeurs. Il est tout à fait anormal qu'après impôt, la rémunération d'un professeur au sommet de la hiérarchie (échelle-lettre E) ne représente qu'un peu plus d'une fois et demie celle d'un professeur des écoles de fin de carrière.
Au lieu d'une revalorisation de la fonction d'enseignant-chercheur, on observe depuis dix ans un ralentissement important du rythme des avancements. Il faut éviter deux erreurs, aussi démobilisatrices l'une que l'autre : l'avancement automatique et la raréfaction des possibilités de promotion. Or nous les cumulons en ce moment, avec la fusion récente des 2 ème et 1 ère classes des maîtres de conférence et le blocage des carrières.
Évaluation des enseignants-chercheurs
En principe, l'évaluation des enseignants-chercheurs prend en compte, que ce soit au niveau des universités ou à celui du CNU, leur enseignement, leur recherche et, le cas échéant, leurs responsabilités administratives. Pour ce qui est de l'enseignement, les instances se contentent de constater que tel enseignant à enseigné à tel niveau tel objet de savoir mais il est difficile, voire impossible, d'en apprécier la qualité. La réforme Bayrou prévoyait une évaluation par les étudiants concernés, ce que ne permet apparemment pas la législation régissant la fonction publique. On comprend, dans ces conditions, que ce soit le dossier de recherche qui fournisse les éléments d'appréciation les moins subjectifs. Nous estimons avec quelque raison qu'un chercheur de qualité est souvent le meilleur diffuseur des acquis récents de sa discipline auxquels il a lui-même personnellement contribué.
Quant aux responsabilités administratives, il est légitime d'en tenir compte pour l'avancement. Cependant, il faut éviter d'encourager la formation de profils d'enseignants-administrateurs, qui serait préjudiciable tant pour les étudiants que pour l'administration. Les premiers ont besoin d'enseignants qui n'ont pas perdu le contact avec la recherche, la seconde a ses compétences et ses domaines de responsabilité sur lesquels les enseignants-chercheurs ne devraient pas empiéter. Il est donc important d'assurer dans les établissements d'enseignement supérieur une rotation suffisante des responsabilités, d'en empêcher le cumul et de ne pas survaloriser leur importance pour l'avancement. A cet égard, il serait souhaitable de regrouper les trois voies du CNU pour la promotion des enseignants-chercheurs. Les sections et les groupes, dont les membres ont souvent exercé d'importantes responsabilités administratives, sont parfaitement à même d'apprécier et de pondérer, pour attribuer le contingent de promotions, les différentes facettes d'une carrière.
Lors de la réunion des présidents de sections du CNU à Paris, en décembre dernier, M. Alluin, conseiller du ministre, nous a fait part d'un projet de commission inter-groupes pour la promotion des collègues de la voie 3. Cette « solution » serait désastreuse : une commission ne comprenant pas, ou au mieux à dose homéopathique, de spécialistes du domaine scientifique du candidat à une promotion aura tendance à ne tenir compte que de l'aspect administratif de la carrière. La sollicitude insistante du ministère pour ceux des collègues qui consacrent une bonne partie de leur temps à l'administration est compréhensible. Mais elle ne peut se substituer à la création en nombre suffisant d'emplois d'administrateurs dans les universités. Les enseignants-chercheurs devraient en priorité enseigner et chercher. A chacun son métier.
3. Conséquence pour la gestion des personnels des réformes décidées depuis une dizaine d'années
On observe, depuis une bonne dizaine d'années, l'apparition de profils d'enseignants-chercheurs relevant de plusieurs disciplines et/ou enseignant dans des filières par nature pluridisciplinaires. La 12 ème section s'efforce, dans la mesure du possible, aussi bien pour la qualification que pour l'avancement, de tenir compte de ces spécificités. Il s'agit pour l'essentiel de collègues enseignant dans la filière Langues étrangères appliquées. Vu les nouveaux profils dont nous avons à connaître, il serait bon que les sections puissent faire appel officiellement à des membres d'autres sections (dans le cas de LEA : en droit et en économie) pour établir des expertises complémentaires. Ceci est déjà théoriquement possible mais devrait être étudié dans ses applications pratiques.
4. Mesures destinées à favoriser la mobilité
Il va de soi qu'au cours de leur carrière, les enseignants-chercheurs devraient pouvoir bénéficier, davantage que maintenant, de possibilités d'être détachés à titre temporaire dans un organisme de recherche comme le CNRS, ou profiter de plusieurs congés sabbatiques durant leur carrière. La comparaison avec l'étranger montre que nous avons encore beaucoup à faire dans ce domaine. En sens inverse, les chercheurs devraient pouvoir venir enseigner dans les universités pour une durée significative.
Je rappelle pour mémoire ma proposition de réintroduire l'obligation de mobilité pour accéder au grade de professeur. Outre les avantages déjà mentionnés, il est stimulant, et profitable pour l'intéressé et l'établissement d'accueil, de changer d'environnement professionnel en cours de carrière.
Pour ce qui est des séjours à l'étranger comme MCF/PR invité, il importe d'en faire un critère important pour l'avancement. Il serait utile que le ministère rédige une plaquette d'information à l'intention des professeurs et maîtres de conférence invités à l'étranger avec la liste des formalités à remplir (établissements d'une convention, sécurité sociale, fiscalité, etc.). A cet égard, certaines règles de la fonction publique doivent être modifiées d'urgence pour tenir compte de la mobilité vers l'étranger. Il est, pour citer cet exemple, aberrant qu'un ordre de mission pour le déplacement d'un membre du CNU soit établi obligatoirement pour le trajet qui va de l'établissement de rattachement (dans lequel, par définition, le collègue en mission ne se trouve plus) au lieu de réunion de la section (Paris, dans la plupart des cas). Mon cas personnel est parlant : j'enseignerai, sur la base d'une convention officielle, à l'Université d'Heidelberg durant le prochain semestre d'été mais devrai payer de ma poche durant ces trois mois les déplacements à Paris que j'aurai à faire en tant que président d'une section du CNU...
5. Mesures pour le bon fonctionnement du CNU
Mode d'élection du CNU
Actuellement, les deux tiers des membres des diverses sections du CNU sont élus sur la base d'un scrutin de listes sans possibilité de panachage. Ce mode d'élection est inadapté car il oblige les électeurs à voter pour l'ensemble d'une liste, indépendamment des qualités scientifiques des individus qui la composent. Or seule doit compter pour ces actes décisifs que sont le recrutement et l'avancement la compétence personnelle de chacun. C'est pourquoi je propose une solution moyenne qui conserverait le scrutin de listes mais le corrigerait sur ce point fondamental par la possibilité de panacher les noms (c'est ce qui se passe dans les universités pour l'élection aux différents conseils).
Moyens matériels
Il faut savoir que les membres élus et nommés des sections et groupes du CNU ne sont d'aucune façon dédommagés du temps considérable qu'ils consacrent à leur mission. Les bureaux de section réclament depuis deux ans au ministère les mesures qui s'imposent : décharges de service d'enseignement pour l'ensemble des membres du CNU, attribution de vacations aux présidents de section pour l'important travail de secrétariat. Deux fois déjà, des représentants du ministère (Mme Demichel et M. Alluin) se sont engagés sur ce point, sans résultat palpable jusqu'à présent. Il est d'urgent d'agir !
M.
Jean-Luc Bonniol, président de la section 20
« Anthropologie, ethnologie, préhistoire »
1. Politique ministérielle de répartition
des
emplois
Notre discipline est marquée par une
« confidentialisation » de plus en plus affirmée.
Pour la campagne de recrutement 2001, nous ne pouvons compter que sur 3 postes
de maîtres de conférences mis au concours (à titre de
comparaison, il y en a 29 en sociologie et 32 en géographie...), et sur
le même nombre pour les postes de professeurs (contre 21 en sociologie et
26 en géographie). Et encore faut-il tenir compte du partage de cette
pénurie entre l'ethnologie, la préhistoire et l'anthropologie
biologique ! Ce déficit s'inscrit dans un véritable cercle
vicieux, dans la mesure où, d'un côté, les flux
d'étudiants dans nos disciplines ne justifient effectivement pas de
nombreuses créations de postes, mais où, de l'autre
côté et en ce qui nous concerne, nous ne pouvons nous livrer
à une forte publicité pour alimenter ces flux, dans la mesure
où nous connaissons l'absence de débouchés pour des
disciplines qui n'ont pas la chance de pouvoir compter sur l'appel d'air que
représente l'enseignement secondaire. Il y a là une situation
extrêmement dommageable pour la recherche dans nos disciplines, surtout
lorsqu'on établit une comparaison avec les pays anglo-saxons. Si elle
n'y prend pas garde, la France, qui compte pourtant dans son histoire
intellectuelle quelques ethnologues et préhistoriens de renommée
internationale, risque de devenir une place de second rang.
Il en résulte d'autre part un stock, chaque année de plus en plus
important, de docteurs qui restent « sur le carreau » et ne
peuvent plus compter sur un éventuel recrutement. Ainsi, lors de la
campagne de qualification 2000, il y a eu 105 qualifiés aux fonctions de
maîtres de conférences ; ce nombre, ajouté à
celui des qualifiés des années antérieures (au bas mot
150) doit être rapproché des 8 postes ouverts au concours cette
année-là... Pour 2001, la disproportion est encore plus
choquante, même si le nombre de candidats connaît un premier
fléchissement : 71 candidats inscrits sur la liste de
qualification aux fonctions de maîtres de conférences, pour
3 postes mis au concours... Un exemple parmi d'autres : pour le poste
d'ethnologie vacant à l'université d'Aix-Marseille I se
présentent 87 candidats, pour beaucoup excellents...
2. Recrutement, déroulement de carrière et
évaluation des chercheurs et enseignants-chercheurs
Dans ces conditions, le travail de qualification du conseil national des
universités dans un premier temps, puis des commissions de
spécialistes locales dans un deuxième temps, se
révèle extrêmement lourd. Les 24 membres de notre
section du CNU doivent examiner des centaines de dossiers, ce qui les oblige
à siéger une semaine complète, alors qu'ils ne
bénéficient même pas d'une décharge de service
(chaque membre a environ une trentaine de dossiers à traiter, ce qui
représente au bas mot trois semaines de travail préalable
à temps plein...).
Un premier seuil dans le déroulement de carrière de nos
enseignants-chercheurs est constitué par le changement de corps (de
celui de maître de conférences à celui de professeur). Il
s'agit en fait d'un nouveau recrutement, opéré par concours, les
candidats devant être titulaires de l'habilitation à diriger des
recherches (qui a remplacé l'ancienne thèse d'Etat). On ne peut
que noter en la circonstance la disparité qui règne entre la
carrière des enseignants-chercheurs des universités et celle des
chercheurs du CNRS : ceux-ci n'ont pas l'obligation de l'habilitation, et
leur passage comme directeur de recherches, certes contingenté,
s'apparente davantage à une promotion interne qu'à un concours
sur poste.
Mais le principal goulet d'étranglement se met en place lors du passage
de la seconde à la première classe des professeurs. Il n'y a en
effet à l'heure actuelle, pour notre section, qu'une seule promotion
possible par an, alors qu'il y a plus d'une vingtaine de promouvables :
à ce rythme, beaucoup de nos collègues, bloqués au dernier
échelon des professeurs de 1
ère
classe, ne pourront
être promus avant leur départ à la retraite...
3. Conséquence des différentes réformes des
études universitaires et de la recherche
Le retour, en 1998, à une procédure de qualification
préalable, a, comme on l'a vu, énormément alourdi le
travail du conseil national des universités, sans qu'on donne à
ses membres des moyens supplémentaires pour mener à bien leur
mission.
Beaucoup de nos collègues sont d'autre part obligés de s'investir
dans des tâches pédagogiques ou administratives qui ne sont pas
pleinement reconnues au niveau des instances d'évaluation. On aboutit
ainsi à un corps d'enseignants-chercheurs à deux vitesses :
ceux qui, souvent intégrés dans des équipes reconnues,
font de la recherche, publient et peuvent ainsi espérer un avancement
rapide ; ceux qui passent le plus clair de leur temps à des
activités d'enseignement et d'encadrement des étudiants, et qui
voient pas là même leurs possibilités de promotion
clairement réduites...
4. Mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs
Les mesures destinées à favoriser la mobilité des
enseignants-chercheurs s'avèrent largement inefficaces. Lorsqu'il s'agit
de pourvoir un poste, la prise en considération prioritaire des
mutations, prévue par les textes, est, par suite de la logique de
fonctionnement des équipes pédagogiques ou de recherche, la
plupart du temps bafouée par les commissions de spécialistes, qui
s'engagent alors dans la procédure de recrutement, avec une
évidente cote d'amour pour le « candidat local ».
L'enseignant-chercheur apparaît donc attaché à son
université comme autrefois le serf à sa glèbe ;
l'éventualité d'être recruté au CNRS est, dès
le moment où il est en poste, réduite à
néant ; seules sont ouvertes pour lui des possibilités de
détachement, mais elles demeurent marginales. Là encore, la
disparité est grande avec les chercheurs du CNRS : tout est
fait pour que ceux-ci puissent entrer à l'université (avec
même possibilité de passage de classe automatique, sans subir les
effets du goulet d'étranglement dont il vient d'être
question) ; les chercheurs peuvent d'autre part, avec une grande
facilité, changer de rattachement et d'implantation
géographiques, s'expatrier pour un temps à l'étranger,
partir sur le terrain, si important pour nos disciplines....
5. Réformes souhaitables
Afin de favoriser la mobilité et restaurer un minimum
d'équité, il paraît donc urgent de réfléchir
à une réforme du CNRS, du moins dans les sciences sociales, afin
que cet organisme puisse accueillir des agents qui
bénéficieraient d'une pleine disponibilité pour mener
à bien une mission de recherche, mais pour une durée
limitée, et qui intégreraient, ou réintégreraient
les universités une fois leur mission accomplie, laissant la place
à d'autres.
En ce qui concerne l'ethnologie, la préhistoire et l'anthropologie, une
politique plus vigoureuse de publication de postes dans les universités
doit être menée, afin de ne pas laisser s'installer une situation
de désespoir pour les jeunes chercheurs. Il est certain que
l'introduction, en amont, de ces disciplines dans l'enseignement secondaire
(sous la forme par exemple d'une valence « ethnologie »
dans les concours de recrutement des historiens-géographes)
créerait une demande de formation et justifierait la création de
postes frais. Rappelons que l'ethnologie et l'anthropologie figurent au
programme des « collèges » dans les pays
d'Amérique du Nord, ce qui est un facteur explicatif fort de l'avance de
ces disciplines dans les universités de ces pays.
M.
Gabriel Dupuy, président de la section 24
« Aménagement de l'espace, urbanisme »
1/ La
politique ministérielle de répartition des emplois
Personnellement, j'ai le sentiment de ne pas comprendre les principes de cette
politique. Parmi les trois critères que vous indiquez (évolutions
démographiques, besoins de la recherche, spécificités des
établissements) lequel est le plus actif ? J'ai l'impression que la
contractualisation des établissements (d'ailleurs non
synchronisée pour l'ensemble des universités), les
problèmes de mobilité des personnels des grands organismes de
recherche, des « coups de pouce » divers à telle
jeune université, à telle filière particulière,
à tel nouvel institut brouillent l'effet des trois critères
ci-dessus. Il va de soi que nous préférerions une politique plus
clairement fondée sur ces critères.
2/ Déroulement de carrières et évaluation des
chercheurs et enseignants-chercheurs
Les particularités de la situation française font que les
évaluations sont multiples. On évalue d'une part les laboratoires
et les établissements, d'autre part les personnels chercheurs ou
enseignants-chercheurs. De plus, les personnels sont évalués de
manière nettement différente selon leur statut. Ne parlons pas
des thésards en principe évalués au moment de leur
soutenance, mais réévalués souvent sur la même base
un mois plus tard s'ils demandent une qualification au CNU et deux mois plus
tard par chaque commission de spécialistes devant laquelle ils se
présentent. Il résulte de cette multiplicité
d'évaluations deux conséquences dommageables. Les
évaluateurs effectuent un travail considérable, travail
généralement non rémunéré qui ampute
d'autant le temps disponible pour leurs activités normales
d'enseignants-chercheurs. Il est bon ici de rappeler la démarche unanime
entreprise, il y a quelques mois, par les présidents de sections
auprès du ministère de l'éducation nationale pour faire
enfin reconnaître et considérer le travail des sections du CNU.
La multiplication des évaluations brouille également les
résultats et va à l'encontre du principe de l'évaluation.
Dans le cas d'une UMR particulièrement composite, et
évaluée sous plusieurs angles, par plusieurs procédures et
à différents moments, comment considérer la valeur
ajoutée pour la carrière d'un enseignant-chercheur de sa
participation à cette unité ? Trop d'évaluations
finit par nuire à l'évaluation. Tout se passe comme si aucune
évaluation n'était vraiment reconnue par tous, d'où la
nécessité pour chaque organisme ou pour chaque niveau (local,
national) de recourir à sa propre évaluation. Il est urgent de
simplifier les procédures et de rendre les évaluations plus
fortes.
Au même chapitre, j'évoquerai le problème des professeurs.
Compte tenu de la structure démographique du corps des professeurs, il y
a actuellement peu de demandes de qualification à ce niveau, encore
moins de qualifications. Il est difficile de pourvoir certains emplois et il
est possible que les niveaux de recrutement se ressentent de cette
rareté. Ne peut-on anticiper de telles situations dont les causes,
principalement démographiques, sont connues longtemps à
l'avance ?
3/ Parmi les réformes récentes ayant des conséquences
pour la gestion des personnels enseignants-chercheurs, je retiendrai le
développement des filières professionnelles dans notre domaine
(aménagement et urbanisme) et la politique des allocations de
recherche.
Les filières professionnelles (de type IUP) correspondent à une
logique assez claire et à un besoin réel. Toutefois, les emplois
d'enseignants-chercheurs dans ces filières se trouvent de fait
« profilés » de manière différente des
autres cursus de formation. Enseignements nettement plus appliqués,
voire spécialisés, pour un public d'un moindre niveau de culture
générale, les filières professionnelles se distinguent des
filières habituelles d'aménagement et d'urbanisme recrutant
à l'issue d'un DEUG. La question de l'adéquation entre la
formation d'un jeune docteur, qualifié par notre section et
fraîchement élu maître de conférences et ce type
d'emploi doit être posée. En supposant de sa part une grande
capacité d'adaptation, comment imaginer l'évolution d'une
carrière dans ce type de filière, avec quelles
possibilités de recherche notamment ? Si ces filières
constituent la voie d'avenir pour un grand nombre d'étudiants de nos
universités, ne faudrait-il pas s'interroger sur les conditions de
travail et les carrières des enseignants dans ces filières ?
A partir du début des années 1990, une vigoureuse politique
d'attribution d'allocations de recherche a été menée. Le
bénéfice retiré par les laboratoires, par la recherche et
par l'innovation en général, est sans doute considérable.
Cependant, dès le moment où les premières vagues de
thésards sont arrivées à la soutenance, la question des
débouchés s'est posée. Dans notre section, malgré
une grande rigueur (le taux de qualifiés pour la maîtrise de
conférences est de l'ordre de 40 %), le nombre de qualifications se
situe bon an mal an entre 40 et 50. Or, en 1997, douze postes de maîtres
de conférences ont été ouverts au concours en section
24 ; en 1998, 26 ; en 1999, 19 ; en 2000, 8 ; en 2001, 7.
D'après les calculs du ministère en 2000, pour la section 24, le
taux de réussite (candidats recrutés comme MdC/candidats
examinés par le CNU en vue de la qualification MdC) n'a
été que de 10 % ! L'excédent de docteurs est donc
considérable. Il est manifeste que les jeunes docteurs (qui d'ailleurs
ne sont pas si jeunes, l'âge moyen de la qualification en section 24
étant de 36 ans) demandent la qualification faute d'autres perspectives
à l'issue de leur thèse. S'ils sont qualifiés, ils
chercheront un poste qu'ils ne trouveront que dans 25 % des cas. Les autres
qualifiés grossiront le stock des docteurs en quête de poste et/ou
s'orienteront vers des débouchés qui ne valorisent pas leur
expérience. Quant aux non qualifiés... !
Cette évolution n'est pas satisfaisante. Il est nécessaire que
l'administration établisse une meilleure correspondance entre les
prévisions de créations de postes et le nombre d'allocations
attribuées.
4/ Mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs.
Notre section a fait de la variété des expériences et des
terrains de travail un des critères d'évaluation dans la gestion
des carrières d'enseignants-chercheurs. Encore faut-il que les
conditions statutaires d'exercice des personnels favorisent cette
mobilité thématique ou géographique. Idéalement,
l'accès à la maîtrise de conférences devrait
être associé à un début de mobilité tandis
que l'accès au professorat témoignerait d'une expérience
de mobilité incluant une ouverture internationale. Il est trop tôt
pour faire un bilan de la politique de post-doc à peine amorcée
dans le champ de notre section. Si cette politique s'affirme, elle sera
certainement de nature à favoriser le recrutement et la carrière
des maîtres de conférences conformément aux voeux de notre
section. Resterait alors à trouver de véritables incitations
à la mobilité, en particulier internationale, pour permettre le
passage au grade de professeur. Les congés pour conversion
thématique sont attribués de façon trop parcimonieuse pour
jouer ce rôle. On observe aussi qu'actuellement, les recrutements de
professeurs ne donnent guère de « prime à la
mobilité ». Il faut traiter rapidement cette question en
particulier pour la génération de maîtres de
conférences qui seront appelés dans les années qui
viennent à combler le déficit démographique du corps des
professeurs.
M.
Daniel Robert, président de la section 30
« Milieux dilués et optique »
Le président de la section 30 du CNU a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M.
Daniel Canet, président de la section 31
« Chimie théorique, physique, analytique »
Il est
bien évident que les nécessités de l'enseignement doivent
constituer le premier critère de répartition des emplois.
Cependant, les activités de recherche des universités dans les
domaines où elles se situent à un niveau international (ceci
étant attesté par une évaluation incontestable) doivent
être impérativement maintenues et confortées, à
condition que les modalités de recrutement permettent de nommer des
enseignants-chercheurs de qualité.
Les modalités actuelles de recrutement (intervention du CNU
limitée à la qualification) conduisent bien souvent à des
situations catastrophiques, les commissions de spécialistes portant
généralement leur choix sur un candidat local dont les
compétences et la qualité sont moindres que celles de candidats
extérieurs. On peut noter que le système s'auto-entretient
puisque ces commissions se peuplent d'enseignants-chercheurs nommés dans
les conditions évoquées ci-dessus. Il convient donc, de
façon urgente, de redonner au CNU le dernier mot en matière de
recrutement dans le respect des prérogatives des commissions de
spécialistes.
En ce qui concerne la gestion des carrières, on ne peut que regretter le
nombre restreint de possibilités de promotion accordées au CNU.
Ceci est dû, en partie, à l'attribution aux établissements
d'enseignement supérieur de la moitié des possibilités de
promotion (considérées dans leur globalité,
c'est-à-dire toutes disciplines confondues). Je pense qu'il s'agit
là d'une erreur et que, au moins pour ce qui est des promotions dans le
corps des professeurs, les conseils scientifiques des établissements ne
possèdent généralement pas l'éventail de
rapporteurs indépendants permettant d'aboutir à des
décisions totalement équitables. Une faible fraction des
possibilités (5 à 10 %) serait amplement suffisante pour assurer
des promotions décentes aux collègues ayant rendu
d'éminents services à l'établissement sans toutefois
disposer d'un dossier scientifique suffisant pour être retenus au niveau
du CNU. Il faut néanmoins savoir que le CNU prend toujours en compte les
trois volets d'activité d'un universitaire : recherche,
enseignement, tâches collectives.
Il conviendrait enfin d'augmenter notablement le nombre de promotions vers la
1
ère
classe des professeurs et vers la position hors-classe
des maîtres de conférences de façon à maintenir une
certaine motivation et de permettre à ceux qui ont oeuvré avec
dévouement et constance, d'accéder à une catégorie
décente avant leur départ en retraite.
Je n'ai pas le sentiment que les réformes des études
universitaires et de la recherche intervenues ces dernières
années aient eu une incidence directe sur la gestion des
carrières. Cependant, je ne peux que déplorer la balkanisation
des enseignements (multiplication des filières plus ou moins
« professionnalisées », multiplication des
options...) au détriment du caractère généraliste
qui devrait permettre à nos étudiants adaptabilité et
souplesse vis-à-vis des emplois qu'ils sont destinés à
occuper. Il et évident que cet éparpillement ne peut que nuire
à l'efficacité des enseignants-chercheurs, et diminuer la part
qu'ils accordent à leur activité de recherche.
Une bonne mesure, déjà en vigueur dans la plupart des autres pays
développés, consisterait à interdire qu'un professeur soit
nommé dans l'établissement où il a préparé
son habilitation, ou là où il était maître de
conférences. Cela permettrait d'éviter les dysfonctionnements
mentionnés plus haut, et contribuerait à une meilleure diffusion
des compétences et du savoir faire.
M.
Jean-Yves Cottin, président de la section 35
« Structure et évolution de la Terre et des autres
planètes »
Les
domaines disciplinaires des sciences de la Terre et de l'univers constituent le
groupe 8 du CNU, comprenant 2 sections à effectifs importants (>
400) : la 35
ème
(structure et évolution de la
Terre et des autres planètes) et la 36
ème
section
(Terre solide, géodynamique des enveloppes supérieures,
paléobiosphère), et 2 sections à effectifs plus
réduits (<150) : la 34
ème
section (astronomie,
astrophysique) et la 37
ème
section
(météorologie, océanographie physique et physique de
l'environnement). Le découpage disciplinaire entre les 35 et
36
ème
sections correspondait respectivement, avant 1995,
à la géologie de la Terre profonde et à celle de la
surface. Après 1995, la distinction disciplinaire entre les deux
sections s'est estompée par suite d'une volonté de
rééquilibrage des effectifs entre les deux sections. Celles-ci se
caractérisent maintenant par un recouvrement partiel des méthodes
analytiques et d'une partie du champ disciplinaire, notamment la
géologie structurale, la tectonique, l'hydrogéologie, toutes
disciplines s'appliquant à la fois aux roches du socle et de la
couverture sédimentaire ou pédologique. La géophysique et
la géochimie sont désormais véritablement communes aux
deux grosses sections du groupe 8.
L'appartenance traditionnelle de la géologie appliquée
(hydrogéologie, géologie minière, pédologie,...)
à la 35
ème
section, l'a naturellement conduite
à établir, plus que d'autres, des relations avec les champs
disciplinaires du génie civil (60
ème
section) et du
génie des procédés (62
ème
section). Par
ailleurs, ce spectre élargi de disciplines a largement favorisé
l'émergence et l'accueil de disciplines nouvelles ou de domaines
interdisciplinaires, s'appuyant sur les disciplines fondamentales de la section
(minéralogie, pétrologie, géochimie, géophysique,
géomathématiques - modélisation analogique et
numérique des systèmes naturels). Il s'agit notamment de la
biogéochimie ; de la paléoclimatologie (études des
variations globales du climat et océanographie chimique) ; de
l'atmogéochimie ; de l'environnement, les pollutions des eaux, des
sols et de l'atmosphère ; de la géoinformatique
(modèle numérique de terrain, imagerie satellitaire,...) ;
de l'étude des risques naturels en relation avec l'aménagement de
l'espace urbain, de la planétologie comparée ; etc. La
35
ème
section a donc maintenant vocation, par ses
méthodes d'études, à s'intéresser à toutes
les géosphères, du noyau de la Terre à
l'atmosphère, en passant par la connaissance du système solaire
et la biosphère (origine de la vie, évolution de la
matière organique, connaissance des écosystèmes
terrestres,...). De plus il apparaît logique que ce vaste champ
disciplinaire recouvre également les programmes élargis des
concours de recrutement des professeurs des écoles et de l'enseignement
secondaire (CAPES, agrégation sciences de la vie et de la Terre).
Le rapport professeur/maître de conférences s'est
équilibré depuis une dizaine d'années autour de 40%/60%,
avec une évolution progressive du nombre des maîtres de
conférences hors classe (création en 1990) qui atteint maintenant
12% de l'effectif des maîtres de conférences.
L'augmentation importante des effectifs (passage de moins de 300 à plus
de 400) a eu lieu a partir de 1991-92. Cette augmentation est le
résultat d'une création importante de postes de maîtres de
conférences, ce qui a bien évidemment entraîné une
baisse très importante de l'âge moyen de la
2
ème
classe de cette catégorie (42 ans à
36 ans). L'âge moyen du recrutement comme maître de
conférences se situe autour de 31,5 ans. Une autre conséquence
quasi-directe de cette injection de postes en 1991-92, en
35
ème
section, a été l'augmentation du
nombre de professeurs de 2
ème
classe qui s'est, là
aussi, traduite par une baisse notoire de l'âge moyen de cette
catégorie (50 à 47 ans). Un rajeunissement sensible mais moins
spectaculaire est également apparu, à ce moment là, pour
les professeurs de 1
ère
classe et de classe exceptionnelle.
L'état actuel de la 35
ème
section montre, en revanche,
à nouveau un vieillissement très sensible des maîtres de
conférences hors classe (57 ans) et des professeurs de
1
ère
classe (53 ans), qui est incontestablement la
conséquence directe de l'existence des deux goulets
d'étranglement anormaux dans l'évolution de la carrière
d'un enseignant-chercheur en 35
ème
section (passage à
la hors classe des MC et à la 1
ère
classe des PR).
Compte tenu du fait que les promotions peuvent intervenir au niveau national
(CNU) ou local (CA ou CS), dans les établissements où les
sciences de la Terre sont fortement sur- ou sous-représentées,
les retards de carrière d'un grand nombre d'enseignants-chercheurs
apparaissent de manière encore plus criante.
1°) La politique ministérielle de répartition des
emplois, en fonction des évolutions démographiques, des besoins
de la recherche et des spécificités des établissements
Les prévisions des départs en retraite à 65 ans d'ici 2014
sont bien connues section par section au ministère de l'éducation
nationale. Pour la 35
ème
section, il est prévu un
renouvellement cumulé de 60,6% pour les professeurs et de 35,3% pour les
maîtres de conférences, pourcentages qui ne tiennent pas compte de
toute la réalité puisqu'un certain nombre de maîtres de
conférences devrait normalement se retrouver sur un poste de professeur.
Il reste que le vieillissement de la section va continuer à
s'accélérer et donc s'aggraver, si une anticipation des
recrutements comme maîtres de conférences et professeurs et des
promotions au sein de chaque catégorie, ne débutent pas
dès 2002. Le renouvellement à effectif constant (420 environ),
sans tenir compte des nouveaux besoins d'encadrement et de recherche dans le
secteur de la 35
ème
section du CNU, nécessitera la
parution régulière d'au moins 25 postes par année de
maîtres de conférences, accompagnée d'autant de postes de
professeurs. A titre indicatif, dans les 3 dernières années, le
nombre de postes parus au Journal Officiel (vacances + créations) n'a
pas cessé de diminuer (1999 : 30 postes de MC ; 2000 : 25
postes de MC ; 2001 : 19 postes de MC + une dizaine de postes de
professeur chaque année). On assiste donc dans la
35
ème
section
à une baisse drastique des
flux entrants en s'éloignant de la moyenne nécessaire pour
maintenir des effectifs constants (400 à 450 en 2014). Comme le secteur
des sciences de la Terre est très ouvert sur
l'interdisciplinarité et l'émergence de nouvelles disciplines,
c'est le remplacement des formateurs en sciences fondamentales
(géologie, minéralogie, pétrologie, géochimie,
géophysique) qui risque, à très court terme, d'être
terriblement affecté.
La 35
ème
section va donc devoir, dans les 15 ans à
venir, augmenter ses besoins d'encadrement avec, notamment, le
développement de plus en plus important des sciences de la Terre et de
l'univers, dans la formation des professeurs du primaire et du secondaire,
développement qui trouve également sa source dans l'accroissement
des besoins en recherche, eux-mêmes directement liés à
l'évolution de la société (connaissance de l'environnement
de la planète dépendant étroitement de la physique et de
la chimie des différentes enveloppes de la Terre, pollutions, risques
naturels, stockage des déchets, ressources énergétiques,
télédétection, planétologie comparée,...).
C'est donc un minimum de 25 postes de maîtres de conférences et
autant de professeurs qu'il faut envisager chaque année d'ici 2014, car
il faut maintenir l'encadrement de l'enseignement supérieur et de la
recherche dans ce secteur disciplinaire stratégique. Si la tendance du
recrutement observée depuis 3 ans se poursuivait, elle aboutirait
inexorablement à une mise en danger à la fois : (i) de
l'exploitation optimale des équipements dispersés sur tout le
territoire et (ii) de la place de la France dans l'internationalisation de la
recherche en sciences de la Terre.
2°) Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs, notamment au regard des
spécificités statutaires de ces corps et de l'autonomie des
organismes de recherche et des universités.
3°) Les conséquences pour la gestion des ces personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche, introduites depuis une dizaine d'années.
4°) Les conséquences des mesures destinées, d'une part,
à favoriser la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs,
tant en France que vers l'étranger, et, d'autre part , à
promouvoir la valorisation de la recherche.
En sciences de la Terre, un jeune docteur, ayant une expérience
post-doctorale (1 à 2 ans), à l'étranger ou en France,
peut espérer une qualification aux fonctions de maître de
conférences, entre 27 et 30 ans, son recrutement intervenant souvent
après 30 ans à l'université ou au CNRS. La règle du
jeu paraît claire mais le rapport « nombre de
recrutés/nombre de qualifiés » reste très faible
par suite du faible nombre de structures intermédiaires (post-docs en
France, postes d'ATER, stages,...) permettant à de brillants candidats
de poursuivre suffisamment longtemps, avec enthousiasme et passion, leur
apprentissage à la recherche et à l'enseignement
supérieur, dans l'attente d'un poste permanent. C'est là le
problème majeur qui est directement lié aux procédures de
recrutement.
Par ailleurs, l'aspect technique des recrutements (9 mois de procédure
entre la demande de qualification et le résultat d'un concours paru au
JO) est également à réformer car cette longue
période ne laisse paradoxalement qu'un temps trop court à la
partie cruciale des recrutements qui concerne l'audition et la visite dans les
laboratoires demandeurs : en effet, l'ensemble des commissions de
spécialistes d'établissement (CSE) du pays doit
impérativement se réunir deux fois dans une période
n'excédant pas un mois de manière à centraliser l'ensemble
des résultats définitifs au ministère de
l'éducation nationale, avant la fin du mois de juin, les prises de
postes étant effectives au 1
er
septembre. Il ne semble pas
insurmontable, dans le cadre du développement de l'autonomie des
établissements d'enseignement supérieur et de recherche, de
pouvoir étendre la période des auditions et donc d'installation
sur une plus longue période, en n'oubliant pas les dédommagements
financiers qu'occasionnent les déplacements, notamment pour les
candidats venant de l'étranger. De telles améliorations
contribueraient à une diminution du gâchis de postes qu'on observe
chaque année, par suite de l'accumulation des concours sur une courte
période, intéressant un même lot de candidats se retrouvant
dans l'obligation de faire des choix sélectifs d'auditions.
Le recrutement des enseignants-chercheurs et des chercheurs dans le domaine des
sciences de la Terre a connu, dans les 10 dernières années, une
augmentation et une homogénéisation du niveau des candidats,
notamment grâce à la mise en place des procédures de
qualification aux fonctions de maîtres de conférences et de
professeurs. Ces procédures nationales, fonctionnant
généralement sur critères clairement définis
(publications internationales, projet de recherche, expérience et projet
d'enseignement...), ont largement contribué à améliorer la
qualité des candidats et à faire émerger les tendances et
les besoins en recherche dans les universités et les organismes de
recherche, en mettant en relief les tendances disciplinaires nouvelles,
notamment révélées par les sujets de thèses.
Pour le déroulement des carrières, la double procédure
locale et nationale des promotions permet de mieux prendre en compte la
spécificité des différents parcours (enseignement,
recherche, administration), mais l'existence des goulets d'étranglement
au niveau de l'accès à la hors classe des maîtres de
conférences et à celui de la 1
ère
classe des
professeurs, déséquilibre actuellement l'ensemble de la structure
universitaire en émoussant l'enthousiasme de ses principaux acteurs.
La montée croissante d'une compétition apparemment
souhaitée par le ministère de l'éducation nationale avec
les chercheurs des grands organismes (CNRS, BRGM,...) pour le passage
professeur est également ressentie comme injuste par un grand nombre de
maîtres de conférences qui ne comprennent pas que l'investissement
en pédagogie ne soit pas pris en compte à égalité
avec les activités de création de savoirs nouveaux. De plus, les
charges d'enseignement et d'administration peuvent être extrêmement
variables d'un établissement à un autre, en fonction de sa taille
et de sa politique de recherche. Le statut de 192 heures annuelles, non
modulables pénalise lourdement les promotions des enseignants-chercheurs
par rapport aux chercheurs qui contrôlent beaucoup plus facilement leur
investissement pédagogique. Il faut noter également la
disparité des moyens humains (personnels IATOS) et matériels
(équipements mi-lourds) qui existe entre les différentes
universités.
Actuellement, les possibilités d'échanges entre les organismes de
recherche et l'université sont réellement ressenties comme
délibérément déséquilibrées. Un des
moyens aisé pour pallier ce sentiment et améliorer
l'équilibre serait de multiplier, tant au niveau national (CNU) ou local
(CS), le nombre de semestres de congés pour recherche ou conversion
thématique (CRCT = semestre sabbatique). La 35
ème
section peut proposer annuellement 2 semestres CRCT, alors que la demande
atteint souvent une vingtaine. Voilà un autre moyen pour dynamiser
réellement une politique d'échanges équilibrés
entre les universités et les organismes de recherche, avec en plus un
système d'envergure nationale, voire internationale, pour les choix des
conversions thématiques directement liées aux
développements de l'interdisciplinarité et de l'émergence
de disciplines nouvelles au sein d'une section du CNU. La multiplication des
semestres CRCT, plutôt que d'être transformés en heures
supplémentaires sur les enseignants-chercheurs qui ne les souhaitent
généralement pas, devrait permettre de créer autant
d'emplois contractuels d'ATER susceptibles de résoudre en partie
l'absence en France d'une véritable politique post-doctorale. Cette
dernière devrait permettre un échange beaucoup plus
équilibré au niveau international et éviter ainsi le
départ vers l'étranger d'excellents chercheurs ou
enseignants-chercheurs.
En bref, développer des possibilités d'années sabbatiques
pour les enseignants-chercheurs en place, favoriser les échanges
universités/grands organismes de recherche et entres les
universités au niveau international (postes de professeurs
invités), créer plus de postes d'ATER et financer
réellement de véritables années de post-docs :
voilà les pistes qui permettront de promouvoir la valorisation de la
recherche en sciences de la Terre.
Mme
Claudette Briand, présidente de la section 39
« Sciences
physico-chimiques et technologies pharmaceutiques »
La
lourdeur et l'uniformité du service pédagogique imposé aux
enseignements-chercheurs me paraissent être lourdes de
conséquences sur les différents aspects de la gestion des
personnels universitaires. Ceci rend actuellement difficile le recrutement de
chercheurs valables venant du CNRS ou de post-doctorants de valeur, favorisant
en outre la fuite des meilleurs vers les Etats-Unis (50 % de ceux-ci
restent actuellement aux Etats-Unis).
Par ailleurs, le recrutement des petites universités est d'autant plus
difficile que les jeunes enseignants-chercheurs, accablés par leurs
charges pédagogiques, n'ont pas le temps de réaliser leur
activité de recherche dans les centres voisins plus importants où
ils trouveraient les moyens adéquats. Il me semble donc que, dans un
proche avenir, la recherche dite universitaire est menacée de
disparition. Il serait donc souhaitable que les charges pédagogiques des
enseignants-chercheurs reviennent à leur valeur d'antan, soit
75 heures annuelles, ce qui est compatible avec une activité de
recherche. Ceci serait valable pour tous les jeunes enseignants-chercheurs
pendant un temps déterminé (quelques années) et pour les
enseignants-chercheurs des structures de recherche reconnues par les EPST.
Par contre, il serait possible d'admettre que les autres enseignants du
supérieur ont fait un choix purement pédagogique (puisque leur
activité de recherche n'est pas reconnue) et peuvent à ce titre
assurer un service plus lourd, identique, voire supérieur, au service
actuel. Ceci permettrait de compenser au moins partiellement les
dépenses supplémentaires engendrées par cette
réduction de charges pédagogiques pour les enseignants
s'investissant plus particulièrement en recherche.
M.
Didier Bellet, président de la section 60
« Mécanique, génie mécanique, génie
civil »
Une
réflexion approfondie telle que celle que vous conduisez s'impose
d'urgence à notre pays dont la « matière
grise » constitue l'une des richesses essentielles ; cette
réflexion ne doit pas en rester à ce stade, mais doit conduire
impérativement à des réformes urgentes que tant de
gouvernements successifs ont éludées. Les thèmes que je
vais citer ci-après peuvent paraître de ce fait très
classiques et bien connus ; ils sont à mes yeux l'armature de ces
nécessaires actualisations de nos fonctions, de nos missions et des
objectifs qui doivent être mis en oeuvre dans l'intérêt de
la France et de ses citoyens. Nos étudiants, nos chercheurs, nos
responsables et décideurs doivent y trouver des terrains favorables
à une expansion enrichissante et utile pour toutes les valeurs morales,
sociologiques et politiques que nous défendons ensemble.
La mondialisation des savoirs
, liée à des systèmes
d'information et de communication de plus en plus sophistiqués et
performants, est devenue réalité et notre pays doit y jouer un
rôle à la hauteur de ses capacités et de ses
compétences. Ce rôle a été très positivement
amorcé par le ministre Claude Allègre qui n'a malheureusement pas
pu conduire son projet lucide et ambitieux au terme qu'il s'était
fixé dans le cadre européen. Reconnaissons que cette
démarche est en bonne voie, mais nous avons obligation toutefois de
rester parmi ses moteurs pour ne pas dire ses leaders. C'est au prix de la
réussite de cette mondialisation-là que bien d'autres actions
planétaires seront réalisées au profit de
l'humanité tout entière.
La transversalité des disciplines
, parmi lesquelles celles qui
touchent aux sciences et techniques, conduisant à des technologies
avancées, souvent synonymes de progrès. Les métiers
d'aujourd'hui et de demain n'ont presque plus rien à voir avec ceux
d'hier ; les compétences associées doivent rassembler
connaissances et savoirs, mais aussi compétences et expérience. A
titre d'exemple, les 55 sections du conseil national des universités
sont chacune liées à des disciplines précisément
identifiées, ce qui fait que tant pour les recrutements que pour les
promotions de nos collègues, il est souvent bien difficile de satisfaire
à la reconnaissance des savoirs-faire relatifs à des
domaines transdisciplinaires et que les découpages actuels sont
devenus totalement obsolètes, car ils ne représentent plus rien
de la réalité ni de la nécessité de
complémentarité des savoirs, en vue de leur adaptabilité
aux besoins modernes.
Les complémentarités et diversités des formations
(je préfère pour ma part de beaucoup ce mot à celui
d'enseignement, même s'il doit être qualifié de
supérieur, ce qui reste à démontrer !...) doivent
être promues dans toutes disciplines et thématiques pour offrir
à nos entreprises quelle que soit leur taille, une palette
complète de niveaux de compétences. A ce sujet, la
multiplicité excessive des diplômes, traduisant des
spécificités auxquelles plus personne ne comprend la
signification, est tout à fait néfaste à la
lisibilité des potentiels humains qu'ils représentent. Nous
devons absolument faire un classement simple et compréhensible par tous
les intéressés de cette multitude de diplômes. En effet, on
introduit régulièrement de nouvelles composantes, sans jamais en
retirer. Quitte à donner des précisions liées au domaine
concerné, il faut absolument ne retenir que quelques niveaux
significatifs (baccalauréat, licence, mastaire, doctorat,...) auxquels
on pourra faire référence aux niveaux national et international
pour identifier les formations suivies, qu'elles soient initiale, continue,
déduite de valorisations d'acquis...
L'évolution des critères d'appréciation
doit
s'imposer à chaque étape de compétences, que ce soit au
niveau des recrutements, des promotions, des embauches, des prises de
responsabilités, des directions ou de tout autres phases
professionnelles, qu'elles soient liées à nos missions de
l'enseignement supérieur ou aux métiers et fonctions publiques ou
privées. C'est à ce niveau, en particulier, que l'on ne doit plus
se contenter d'évaluer les seules connaissances, mais qu'il faut aussi
donner une place de choix aux compétences propres à chaque
postulant.
Pour en revenir aux
enseignants-chercheurs
qui m'ont paru être au
centre de votre analyse, il faut faire évoluer les règles et
critères visant à apprécier leurs implications effectives
dans notre système éducatif. En effet, ils sont de nos jours
impliqués dans des formations diversifiées, initiales, continues,
tout au long de la vie, par l'apprentissage, en alternance,... Ils font de la
recherche fondamentale, appliquée, déductive, cognitive, ... et
bien souvent assument les valorisations qui doivent l'accompagner. Ils
travaillent dans les domaines scientifiques, techniques, technologiques, de
productions et fabrications, de terrain, ... Toutes ces missions si
diversifiées doivent pouvoir être expertisées sur des
critères modernes, bien différents des nombres d'heures ou des
quantités de travaux scientifiques réalisés, qui trop
souvent oublient celles et ceux qui ont su actualiser leur champ d'intervention
dans l'intérêt de toutes ces nouvelles missions modernes et
adaptées à nos ambitions légitimes.
M.
René Soenen, président de la section 61
« Génie informatique, automatique et traitement du
signal »
La
communauté Traitement du signal et de l'image, Productique, Automatique,
Génie informatique et Robotique regroupe environ
1300 enseignants-chercheurs. Ses effectifs ont doublé en dix ans
avec approximativement un professeur pour deux maîtres de
conférences.
Cette communauté collabore dans des laboratoires communs avec les
chercheurs d'autres établissements publics, principalement le CNRS et
l'INRIA, et de façon plus ponctuelle, l'INRETS, l'INSERM, le CEMAGREF.
La politique ministérielle de répartition des emplois
Si elle existe, elle n'est pas perçue au niveau des
enseignants-chercheurs et du CNU car elle n'est pas toujours explicitée,
et elle ne semble pas toujours répondre à une logique
identifiable.
A titre d'exemple, le gouvernement a affiché comme prioritaires les
sciences de l'information et de la communication, et autorisé la
création massive d'emplois de chercheurs au CNRS et à l'INRIA,
alors qu'il n'y a pas eu de créations d'emplois comme professeur en
61
ème
section et très peu comme maîtres de
conférences ; or, la section se situe totalement dans le domaine.
Les besoins de la société et la demande des étudiants sont
importants, cela conduit à des effectifs importants d'où un
volant d'heures complémentaires ou de recours à des vacataires
beaucoup trop important. L'IUT de Saint-Malo peut être pris en exemple
pour situer le problème : «
l'IUT de Saint-Malo, site
délocalisé, n'arrive pas à obtenir de créations
d'emplois de maîtres de conférences, malgré un
bâtiment neuf (très très cher), des équipements
technologiques les plus modernes et des offres d'emploi en quantité
(+2500 offres d'emploi en 3 ans). Par manque de postes MCF, seuls
52 étudiants sont recrutés en 1
ère
année sur près de 1300 dossiers présentés. Ces 52
étudiants se répartissent sur une surface luxueuse de 2800 m2 et
se voient proposer jusqu'à 5 offres d'emploi (en CDI) à la fin de
leurs études ! Pourtant, la France n'est pas complètement
"câblée", loin, très loin s'en faut
».
Cette situation est aussi préjudiciable à la recherche
universitaire, car elle conduit très souvent à un allongement de
la durée des thèses, et elle rend difficiles les relations
contractuelles avec les entreprises. Or la demande industrielle en direction de
l'université s'accroît.
Enfin, il ne faut pas oublier que les postes ITA sont indispensables dans un
établissement et dans les laboratoires de recherche et d'enseignement ce
qui ne semble pas toujours être perçu, notamment dans les jeunes
structures.
Compte tenu de la pyramide des âges, il faudra entre 2006 et 2012
remplacer presque 40% des professeurs en 61
ème
section. Ceci
n'est pas un cas unique et cela doit être pareil pour les autres
sections. Cependant, pour nos disciplines, la demande extérieure reste
forte pour cause de très forte évolution des STIC. Une
première crainte est de ne pas avoir un vivier de HDR de qualité,
suffisant pour assurer le renouvellement des postes. La répartition des
emplois devrait tenir compte de l'évolution des disciplines. Il serait
intéressant de ventiler les emplois vacants pour cause de départ
à la retraite en fonction des besoins
« réels » des établissements pour
l'enseignement et pour la recherche, cette dernière ne semblant pas
toujours être prise en compte.
De façon générale, la politique de répartition des
emplois est très peu transparente. Les clés de répartition
des moyens ne sont pas communiquées. Dans certains
établissements, même les directeurs d'UFR ne possèdent pas
d'informations. Les points à améliorer concernent
l'échelon établissement où il faut inciter au
redéploiement des emplois entre sections et entre composantes. Ce
redéploiement est rarissime au sein d'un établissement.
Un problème récurrent existe, lié aux petites
unités d'enseignement supérieur délocalisées
(département d'IUT, école d'ingénieurs...). Il a
été porté à l'attention du ministère
à plusieurs reprises, sans succès. Si l'argument de
l'aménagement du territoire est parfaitement recevable, il est dangereux
de créer ces structures d'enseignement supérieur sans s'assurer
de la pérennité des moyens nécessaires à la
recherche (la contribution exceptionnelle ou limitée dans le temps d'un
conseil général n'est pas suffisante), car l'expérience
montre que les jeunes enseignants-chercheurs sont fortement
pénalisés dans leurs carrières. Lorsqu'un
enseignant-chercheur est nommé dans un tel établissement, il lui
est presque impossible de faire de la recherche, surtout s'il est jeune et n'a
pas encore la « culture recherche » suffisamment
ancrée, la masse critique pour construire une équipe
cohérente n'est pas atteinte et il y a souvent beaucoup de
responsabilités collectives à prendre en charge. Des mesures
spécifiques d'accompagnement devraient être prises pour leur
permettre de maintenir une activité de recherche significative.
Le ministère a choisi depuis quelques années d'introduire des
professeurs agrégés à un rythme soutenu avec comme
spécificité un service d'enseignement lourd et pas d'obligations
de recherche... Or il est évident que l'enseignement supérieur,
en particulier dans les disciplines des sciences pour l'ingénieur,
où la technologie et l'innovation jouent un rôle important, ne
peut pas être de bonne qualité sur le long terme en l'absence
d'une activité de recherche et d'une ouverture vers les techniques du
futur. Il faudrait prévoir que ces enseignants devraient pouvoir
bénéficier périodiquement d'une décharge de service
et/ou de stages de formation dans des laboratoires de recherche publics ou
privés.
Enfin, les sections du CNU ont une vue d'ensemble de l'évolution d'une
discipline et d'un nombre important d'enseignants-chercheurs. Par ailleurs,
elles sont une bonne représentation démocratique de la profession
et l'on peut s'interroger sur la persistance du ministère à ne
pas solliciter leur avis sur tout ce qui touche aux enseignants-chercheurs.
Recrutement et déroulement de carrière
L'âge moyen de recrutement des maîtres de conférence se
situe à 31 ans 5 mois. L'âge tardif d'entrée dans la
fonction publique des maîtres de conférences, et donc des
professeurs, met en lumière des difficultés futures au moment de
leur départ en retraite. Cette situation est spécifique à
l'enseignement supérieur et fait apparaître une distorsion par
rapport à l'enseignement secondaire où l'âge moyen de
recrutement est proche de 27 ans.
Le recrutement des professeurs s'établit principalement à partir
du corps des maîtres de conférences à un âge moyen de
40 ans 5 mois. Ce délai de 9 ans entre les débuts de
carrière dans les deux corps pourrait être diminué de un ou
deux ans au maximum mais pas au-delà, car cela pourrait compromettre
l'acquisition d'une bonne maîtrise d'un domaine de recherche
indispensable à l'exercice des fonctions de professeur.
Pour le recrutement : dans nos disciplines le nombre d'étudiants se
destinant à faire de la recherche en commençant par choisir de
faire une thèse est en baisse très sensible. L'allocation
ministérielle, qui a été considérée comme
une avancée importante à la fin des années 1980, n'a pas
été valorisée depuis cette date ; comparé
à des salaires de première embauche, cela devient presque
ridicule. Cette allocation nous a permis de former par la recherche un nombre
important d'étudiants dont les meilleurs sont maintenant au CNRS ou
maîtres de conférences. Ce vivier risque de disparaître si
l'allocation pour faire une thèse n'est pas revalorisée. Il
faudrait augmenter de façon substantielle le montant des allocations de
recherche (l'augmentation prévue d'environ 5% est dérisoire) pour
tenter de renverser la tendance. Rappelons que le montant de cette allocation
n'est pas indexée sur la valeur du point indiciaire de la fonction
publique.
Par ailleurs, si pendant les vingt dernières années, les
débouchés offerts par l'enseignement supérieur aux
nouveaux docteurs étaient beaucoup plus importants que ceux offerts par
les établissements publics de recherche, une inversion forte est apparue
cette année, alors que le nombre de docteurs diminue et que les offres
d'emploi industriel sont importantes avec des salaires sans commune mesure avec
ceux offerts par la fonction publique (des salaires bruts supérieurs
à 250.000 francs par an sont couramment offerts aux docteurs relevant de
la section 61). Les très faibles salaires proposés à des
jeunes scientifiques ayant une formation bac + 8 est un handicap sérieux
qui ne permettra pas à la société française de se
doter d'un corps enseignants universitaires indispensable pour les
années à venir. Cette situation pose de plus en plus le
problème de la qualité du recrutement. On constate en effet,
dès cette année, une diminution notable du nombre de candidats
par poste offert au concours de recrutement de maîtres de
conférences. Sur le deuxième point, la situation devient de plus
en plus difficile pour le recrutement d'excellents candidats. Ce qui devrait
pourtant être la règle dans l'enseignement supérieur
puisqu'il s'agit, du moins dans le domaine scientifique et technique, de former
les futurs cadres des entreprises et des grands organismes.
Dans une autre rubrique, la fusion de la seconde et première classes
sans aucune possibilité d'accélération de carrière
(au choix ou à l'ancienneté) va pénaliser les candidats
les plus brillants, sans réellement favoriser les autres. Les
perspectives offertes aux premiers seront ainsi encore moins favorables que
celles offertes par les établissements de recherche ou le privé.
Il semble toutefois souhaitable de ne pas mettre en place un frein à un
début de carrière déjà très inférieur
à ce qu'il devrait être, mais nous pensons qu'un examen avec avis
et recommandations du CNU devrait être maintenu dans
l'intérêt des candidats eux-mêmes en introduisant un
mécanisme de promotion au choix permettant d'accélérer la
promotion des maîtres de conférences les plus brillants . Ce point
sera repris dans le paragraphe suivant.
Le recrutement significatif de maîtres de conférences dans les
années précédentes et un nombre de départs en
retraite important à l'horizon de quatre ans rendent indispensable le
recrutement d'un nombre important de professeurs. Malheureusement, l'on
constate à chaque mouvement un nombre important d'emplois vacants de
professeurs non pourvus, alors que, nationalement, le nombre d'habilités
à diriger des recherches est suffisant mais sans excès.
La raison vraisemblable est double :
- une absence de mobilité sans nul doute liée à la
situation familiale des candidats et du peu d'intérêt financier en
regard d'un changement de résidence et d'emploi de l'épouse ou de
l'époux, comme l'illustre le commentaire suivant :
«
aujourd'hui, il est imprudent de souscrire à la
mobilité pour muter sur un poste de MCF voire de Prof. Le candidat au
départ a toutes chances d'y laisser "des plumes" financières,
voire plus, au niveau de la stabilité familiale. J'en veux pour preuve
mon expérience (réussie certes !) de mutation de Paris 12
à Saint-Malo (Rennes I) qui m'a coûté au environ de 150.000
francs. D'abord, on ne rembourse pas la totalité du
déménagement d'une famille (19.000 francs dépensé,
remboursé 9.000 francs !) ; ensuite, si l'épouse
(l'époux) avait démissionné, il lui faut retrouver du
travail (très difficile en province). Si l'épouse est
fonctionnaire de l'éducation nationale (mon cas), elle n'a pas de
priorité particulière pour se réinsérer dans son
corps d'origine (en l'occurrence des SASU). On ne prévoit pas non plus
de donner un petit pécule pour permettre de louer quelques mois un
appartement (maison) pour loger sa famille. Après, on s'étonnera
de la frilosité (peut-être de la lucidité) de certains MCF
ou HDR hésitant à se déplacer pour prendre un poste de
professeur » ;
- un choix de carrière de rester maître de conférences avec
comme perspective d'accéder à la hors-classe qui donne les
mêmes échelons en fin de carrière qu'un professeur de
seconde classe. Ce choix est financièrement intéressant car il
permet de substituer à la recherche des activités administratives
et/ou pédagogiques rémunérées plus accessibles et
n'oblige pas à une mobilité. Il est conforté par le fait
que le nombre de promotion à la première classe des professeurs
est très faible ce qui rend son accès peu probable.
Cette
situation sera amplifiée par la réforme récente
d'abandonner l'avancement au choix à la 1
ère
classe
des maîtres de Conférences en n'encourageant pas les jeunes
chercheurs à maintenir une activité de recherche de haut niveau
en particulier en début de carrière, période où ils
sont susceptibles d'être les plus créatifs.
Cette analyse va à l'encontre de celle du ministère qui
considère que l'objectif de carrière d'un maître de
conférences est d'être professeur.
La procédure de recrutement actuelle est satisfaisante, mais sa gestion
pourrait être grandement améliorée en introduisant une plus
grande concertation entre la direction des personnels et les bureaux des
différentes sections pour fixer le calendrier, déterminer les
documents à transmettre aux rapporteurs en fonction des
spécificités de chaque grand domaine,... et surtout pour la mise
en place d'une procédure télématique efficace. Le
ministère se décharge sur le CNU d'un certain nombre
d'activités administratives sans réellement mettre les moyens
nécessaires en escomptant la bonne volonté des bureaux et
sections.
Les points suivants nous apparaissent particulièrement critiques et
simples à résoudre :
- nous réclamons depuis de nombreuses années la présence
obligatoire de certains documents (thèse ou HDR, rapports
préalables à la soutenance, avis d'un responsable de laboratoire,
avis d'au moins un responsable pédagogique) indispensables à une
expertise efficace ;
- lors de la dernière session d'examen des promotions, nous avons
vivement regretté la séparation de la voie 1 (voie standard) et
de la voie 2 (réservée aux petits établissements
principalement), faite sans concertation et qui pénalise fortement nos
collègues des petits établissements et complexifie inutilement la
procédure ;
- la pression très forte pour les promotions des maîtres de
conférences et des professeurs rend difficile l'examen d'un dossier par
un seul membre du CNU et nous souhaitons que les dossiers soient
examinés par deux collègues ;
- le niveau local des procédures de recrutement pourrait être
aussi amélioré : les délais sont trop courts, ce qui
empêche les candidats de participer à l'ensemble des auditions
pour lesquelles ils sont retenus. Généralement, celles-ci se
déroulent la même semaine sur le territoire national.
Les conséquences des réformes des études
universitaires
Plusieurs réformes n'ont pas été accompagnées par
des moyens humains appropriés (création de nouvelles
filières par exemple). Il en résulte que des
enseignants-chercheurs ont été obligés, pour assurer des
charges d'enseignement très lourdes, d'abandonner leurs activités
de recherche. Par ailleurs, le nombre d'étudiants dans certaines
disciplines et dans certaines filières a augmenté sensiblement,
et il est regrettable que le temps de réaction du ministère soit
de l'ordre de 3 à 4 ans avant de pouvoir réagir en créant
les postes nécessaires (y compris d'ITA). Ainsi, on assiste souvent
à des situations absurdes où les enseignants-chercheurs font le
travail d'une secrétaire ou d'un technicien presque à plein
temps. C'est notamment le cas en 61
ème
section, avec la
création et la gestion de salles informatiques et de salles de travaux
pratiques de façon plus générale. Par ailleurs, le domaine
scientifique de la 61
ème
section évolue très
rapidement avec l'émergence de champs nouveaux pluridisciplinaires et
oblige à une remise en cause permanente des enseignements magistraux et
pratiques pas toujours suffisamment pris en compte dans l'évaluation.
Mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs, valorisation de la
recherche
Il n'y a pas réellement de mesures pour encourager la mobilité
des chercheurs ou des enseignants-chercheurs. Au contraire, la situation
actuelle favorise les gens qui restent sur place. Il existe des
« recommandations » de la MSU pour ouvrir le recrutement
vers les candidats extérieurs mais c'est tout. Comme cela l'a
été souligné précédemment, des mesures
financières d'accompagnement significatives sont nécessaires.
Par ailleurs, peu est fait pour la mobilité des enseignants-chercheurs
par rapport à la mobilité des chercheurs :
- ainsi, il est proposé de réserver des postes de professeur de
première classe à des directeurs de recherche de deuxième
classe du CNRS, la réciproque est-elle envisagée (des postes de
DR1 réservés à des PR2) ? Cette mesure, si elle soustrait
des possibilités d'avancement aux PR2, ne manquera pas de créer
des tensions entre chercheurs et enseignants-chercheurs. Il serait plus
raisonnable d'offrir un contingent suffisant de promotions de DR1;
- lorsqu'un titulaire de la prime d'encadrement doctoral et de recherche
effectue une mobilité vers le CNRS ou à l'étranger, cette
prime est suspendue : c'est pour le moins un frein ;
- généralement, les établissements sont
sous-encadrés dans les disciplines jeunes comme la
61
ème
section ; la mobilité d'un
enseignant-chercheur pose de réels problèmes pédagogiques
liés à son remplacement puis à son retour (comment
expliquer aux collègues qui ont accepté de boucher un trou qu'il
va falloir céder la place ? ;
Pour la mobilité vers l'étranger, cela reste plutôt du
domaine privé de chaque chercheur. Elle se pratique essentiellement dans
le cadre de stages post-doctoraux, mais peu en cours de carrière, comme
le démontre le peu d'engouement pour les congés pour
reconversion thématique. Il faut noter qu'aucune aide financière
n'est proposée pour une mobilité géographique, notamment
à l'étranger, et que le déplacement d'une famille reste
donc problématique,
a fortiori
si le conjoint travaille et si les
enfants sont scolarisés.
Pour la valorisation de la recherche, il existe des initiatives du
ministère ou de l'ANVAR pour promouvoir cet aspect. Quelques-unes de ces
mesures mériteraient d'être mieux connues des
enseignants-chercheurs : c'est notamment le cas des possibilités
offertes par les textes récents sur l'innovation. Il est trop tôt
pour évaluer ces possibilités, mais la procédure
apparaît lourde et contraignante.
Réformes souhaitées
Devant les difficultés constatées, certaines améliorations
simples des procédures de recrutement et de promotion pourraient
être envisagées en concertation directe avec le CNU et une
reconnaissance du travail réalisé par les membres du CNU obtenue.
D'autres réformes plus politiques sont souhaitables :
- assouplir les règles de cumul d'activités privées avec
l'industrie suivant le modèle allemand, ou celui des disciplines
juridiques et médicales ;
- revaloriser l'allocation pour faire une thèse (environ 9000 francs
nets semble un chiffre raisonnable, c'est celui des bourses CEA et DGA) ;
- offrir une meilleure fin de carrière en augmentant le nombre de postes
maîtres de conférences hors classe et professeurs classe
exceptionnelle ;
- encourager la mobilité en mettant en place un soutien financier
d'accompagnement significatif et en garantissant à ceux qui partent pour
un an ou deux de retrouver une grande partie de leur service ;
- mettre en place des procédures nationales et locales transparentes de
redéploiement des emplois lors des départs en retraite ;
- anticiper les départs en retraite ;
- mettre en place des procédures d'accompagnement recherche pour les
enseignants-chercheurs en poste dans les unités
déconcentrées ;
- accroître le nombre de promotions à la première classe
des professeurs ;
- mettre en place une procédure de promotion au choix pour les
maîtres de conférences dans le cadre de la fusion 2
ème
et 1
ère
classes ;
- créer des emplois d'ITA ;
- inciter au développement d'activités de recherche pour les PRAG
en poste dans l'enseignement supérieur ;
- revoir l'articulation ATER/MCF par rapport à la durée du
stage ;
- améliorer la procédure locale de recrutement en
élargissant la fenêtre des auditions par avancement de la date de
parution des emplois mis au concours et diffusion systématique Internet
des profils d'emploi en reprenant l'initiative de « la guilde
des doctorants ».
En conclusion, il semble important de rappeler que s'il est effectivement
souhaitable de rechercher l'émergence de structures d'enseignement et de
recherche de taille supérieure pour améliorer la
visibilité des établissements français à
l'échelle européenne et mondiale, il reste néanmoins
fondamental d'assurer aux enseignants-chercheurs une entière
liberté d'action et de parole dans le respect des usages universitaires.
Il s'agit là d'un enjeu fondamental, et le CNU garantit cette
liberté. Enfin, une vraie promotion de la recherche au sein des
enseignants-chercheurs passe par une reconnaissance de la qualité
qu'elle présente pour l'ensemble des activités auxquelles ils
sont confrontés, et en particulier l'enseignement.
M.
Pierre Fauchais, président de la section 62
« Énergétique, génie des
procédés »
1. La politique ministérielle de
répartition des
emplois
Il est nécessaire, pour les établissements, de garder la
dualité des besoins spécifiques, d'une part, en recherche
(développement d'équipes reconnues par les organismes nationaux
compétents et ayant une reconnaissance internationale ou
d'équipes en émergence dûment identifiées par les
organismes d'évaluation nationaux), et, d'autre part, en enseignement.
Pour l'enseignement, il convient de tenir compte des déficits, en
particulier dans certains départements d'IUT ou dans des écoles
d'ingénieurs récemment créées, ce qui n'est pas
nécessairement en quadrature avec les besoins en recherche. Mais il
faut, en contrepartie, mettre des garde-fous pour qu'un établissement ne
soit pas tenté de créer des postes pour satisfaire des besoins
où de fortes sollicitations ponctuelles existent (STAPS par exemple) et
dont on sait, qu'à terme, la mode passera, en particulier du fait de
débouchés limités. Il conviendrait également de
gérer les disciplines en émergence (génie des
systèmes industriels, bilans masse et matière à
l'échelle planétaire, environnement et pollution...) qui ont
parfois du mal à s'intégrer dans les sections du comité
national ou des commissions CNRS.
Ceci implique donc que dans le cadre :
- de l'autonomie réelle mais limitée des
établissements,
- d'une politique à long terme de l'Etat, ne serait-ce que pour
l'aménagement du territoire et l'implantation de laboratoires de
recherche spécifiques ayant une taille critique (15 à 20
personnes au minimum),
- de l'intégration européenne,
la politique proposée par les établissements soit examinée
et discutée (contrat de plan) avec une répartition des postes
effectuée sur les deux critères recherche et enseignement, d'une
part, et sur une vision à terme de plusieurs années (politique de
l'Etat) et non sur un aspect purement comptable (nombre d'étudiants par
exemple), d'autre part.
Il conviendrait d'associer à la réflexion prospective (qui
débouche en particulier sur la politique des emplois), les acteurs
(universités, présidents de sections de CNU et de commissions
CNRS), les partenaires socio-économiques et de diffuser les bilans et
projections.
La notion de politique de recrutement doit également être
équilibrée et non pas dominée par quelques secteurs
majoritaires qui étouffent la pluridisciplinarité.
Les postes doivent être arbitrés pour des équilibres
affichés entre grandes disciplines et sous-disciplines.
Des postes doivent être gardés pour les interfaces entre
disciplines.
Les promotions des scientifiques placées aux interfaces doivent
être respectées.
Enfin, cette politique des emplois des enseignants-chercheurs est
indissociable :
• de la création des postes d'ITA, surtout des techniciens
travaillant sur le terrain (laboratoires, salles de TP...) et non dans les
services administratifs selon la grande tendance actuelle. Ceci est d'autant
plus important pour les sections du SPI qu'elles ont un très grand
besoin de personnels qualifiés (voire hautement qualifiés)
capables de faire tourner des machines de plus en plus complexes et
sophistiquées, en tenant compte de tous les aspects (hygiène,
sécurité, environnement, capteurs...). La 62
ème
section, en particulier, ne fait pas que de la simulation et de l'informatique,
loin s'en faut !
• de la redéfinition du service des enseignants-chercheurs et
donc, corrélativement, des heures complémentaires.
Ne considérer que les problèmes d'enseignement revient à
secondariser rapidement l'enseignement supérieur et à laisser se
créer, en fonction des modes, des filières d'enseignement
dépassées en moins de dix ans avec des enseignants titulaires
qu'il sera parfois très difficile de reconvertir.
Une politique de redéploiement au sein de chaque université
devrait être encouragée, en utilisant les emplois
libérés par des mises à la retraite
d'enseignants-chercheurs, n'effectuant plus que des missions d'enseignement
avec de nombreuses heures supplémentaires, pour mettre en place de
nouveaux enseignements ou renforcer le potentiel de recherche existant, mais
aussi initier de nouveaux champs de recherche et donner à de jeunes
équipes reconnues des tailles critiques.
Il serait préférable d'avoir des décharges de service et
des créations d'emplois d'enseignants-chercheurs pour faire face
à des besoins nouveaux (enseignement à distance, nouvelles
technologies, rénovation pédagogiques, stages et projets,
formation continue et apprentissage...) au lieu de primes pédagogiques
et administratives qui affaiblissent à terme la fonction
d'enseignant-chercheur. Si les primes pédagogiques ou administratives
doivent perdurer, elles devraient être strictement limitées dans
le temps, correspondant à un travail relativement spécifique.
Pour les primes pédagogiques, leur implication actuelle exclusivement
pour des heures supplémentaires a dévoyé leur rôle
(avec la bénédiction du ministère).
Les postes de moniteur et d'ATER sont également une source
d'enseignement d'appoint importante, et le nombre de postes devrait être
accru. Toutefois, il s'agit là d'une formation, c'est-à-dire que,
pour les moniteurs, il ne faut pas, comme c'est la tendance actuelle, les
laisser seuls dans une salle de TP, et, pour les ATER, ne pas aller
au-delà d'un service de 96 h/an, faute de quoi ils ne peuvent faire
de recherche et sont automatiquement pénalisés lorsqu'ils se
présentent à la qualification.
Enfin, il n'est pratiquement pas prévu de postes destinés
à l'accueil de collègues européens et la politique
d'échanges d'enseignants est à mieux définir et
étendre.
2. Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement
a) Le recrutement des enseignants du supérieur a toujours
été un difficile dosage entre plan local et national. Un nombre
non négligeable de recrutements est effectué un ou deux ans
après la soutenance de thèse (et parfois plus !)
après une période précaire de post-doctorant, contractuel,
ATER. Cependant, en l'état, le recrutement est largement consanguin.
Malgré les progrès effectués dans la période
récente avec jusqu'à 50 candidats sur un poste, le
caractère local du recrutement est encore majoritaire. Le manque de
mobilité est une question de culture renforcée par le fait qu'une
nomination locale est la règle alors qu'une nomination externe est
l'exception. La mise en place des pré-recrutements comme moniteurs et
sur des postes d'ATER a pu avoir un effet pervers dans cette
consanguinité.
On peut imaginer divers systèmes pour limiter cet effet :
- définition d'un pourcentage de postes pouvant être pourvus par
des candidats locaux et d'un autre par des candidats externes à
l'université,
- contrôle par une commission nationale comme le CNU,
- incitation à l'ouverture des recrutements lors de la
contractualisation des établissements.
Cependant, d'une manière générale, le problème
fondamental est celui qui consiste pour les universités à attirer
les meilleurs candidats par des moyens de recherche à la clef (ce qui
est possible), mais aussi et surtout par un accroissement sensible du salaire,
ce qui pourrait être compatible avec le système de la fonction
publique au travers de la prime de recherche ou d'un système
d'avancement au choix sans barrage budgétaire de classe.
Il convient enfin de souligner que le jeune docteur nommé enseignant ne
trouve, dans le domaine scientifique, aucune aide de l'Etat :
- les ateliers techniques sont à revoir, qu'il s'agisse de
mécanique, de soufflage de verre, d'électronique, d'impression,
de structure type médiathèque...,
- le téléphone est payé sur le budget du laboratoire,
fortement abondé par les contrats,
- les photocopies, en nombre d'exemplaires croissants, sont payées sur
le budget du laboratoire,
- les polycopiés sont payés par le service pédagogique,
etc.
Le système donne l'image de la gratuité au public, mais impose de
trouver des budgets à ceux qui le font fonctionner.
Des personnels sans budget, cela conduit à la faillite avec des Etats de
non-droit et des personnels sans activité.
b) La mobilité vers l'étranger, par le biais de
détachement pendant une durée limitée, est
également fortement « plombée » par la
lourdeur administrative :
- très peu de postes, tant dans les voies locales que nationales
(3 semestres/an pour la 62
ème
section du CNU, et 2
à 6 semestres par établissement pour toutes les sections) en
fonction de sa taille. Cette solution permet de conserver le salaire à
l'exclusion d'un complément public ou privé et elle ne peut
intervenir qu'après une période de 6 ans d'activité. De
plus, elle est associée à la perte de la prime de recherche,
- demande de délégation au CNRS qui ne permet pas de conserver le
salaire,
- demande de délégation : le salaire n'est conservé
que si l'on trouve un financement de l'ordre de la moitié de la
rémunération de l'enseignant concerné, charges sociales
comprises. Pour quelqu'un de marié avec des enfants (ce qui est
généralement la règle après 6 ans d'activité
pour de jeunes MC nommés entre 27 et 30 ans), tout ceci est peu
incitatif !!
- la mobilité devrait également être encouragée par
sa prise en compte dans l'évaluation, le retentissement sur les services
et les carrières.
c) La promotion des enseignants est un des points-clef et les mesures
récentes, telles que la fusion des classes des MC, ne vont pas dans le
bon sens. On pourrait envisager un passage d'échelons plus ou moins
rapide (grand choix - petit choix comme pour les enseignants du second
degré) pour différencier les carrières
d'enseignants-chercheurs plus ou moins méritants.
Il est en effet indispensable qu'il y ait des possibilités
d'évolution et de promotion à tous les niveaux.
A bac + 8 ou 9, le jeune maître de conférences débute sa
vie professionnelle sans visibilité quant à des promotions autres
que celles définies par l'ancienneté, seul critère retenu
s'il ne désire pas postuler sur un poste de professeur. Il lui faudra
donc 25 ans pour atteindre le dernier échelon.
• Pour que les MC qui s'investissent aient un profil de
carrière plus proche de celui d'un ingénieur, une promotion grand
et petit choix sans barrage de classe serait motivante en introduisant la prise
de risque et de responsabilité. Il serait bon également
d'encourager l'investissement dans de nouveaux enseignements par le biais d'une
décharge de service pendant un ou deux ans pour les collègues
« jeunes » ou « vieux » s'y
investissant.
• Plus de maîtres de conférences hors classe pour ceux
qui se sont plus particulièrement investis dans des tâches
administratives liées à des gestions pédagogiques lourdes
et faisant ainsi tourner leur établissement et qui peuvent alors
terminer au niveau des professeurs 2
ème
classe.
• Trois classes pour les professeurs. Le passage des MC comme PR2 est
la consécration de leur habilitation à diriger des recherches et
leur implication dans des tâches de gestion à différents
niveaux pédagogiques et/ou administratifs, ainsi que la mise en place
d'une nouvelle filière. La première classe valide l'implication
dans l'animation d'un laboratoire ou d'une équipe importante ainsi
qu'une reconnaissance nationale et internationale des travaux mais aussi des
prises de responsabilités importantes dans leurs établissements.
Enfin, la classe exceptionnelle sanctionne une reconnaissance de
carrière exceptionnelle comme chercheur, chef d'établissement...
Ces promotions devraient être maintenues aux niveaux local et national
(pour mieux prendre en compte des services rendus à
l'établissement et peut-être sous-estimés au niveau
national). On peut discuter des pourcentages respectifs des promotions locales
et nationales : 50-50 comme actuellement ou 30-70 comme certains le
souhaitent.
d) Le problème de l'évaluation est lui aussi critique,
d'autant que les obligations des enseignants-chercheurs doivent être
redéfinies afin de prendre en compte :
- la recherche avec les publications dans des revues internationales, les
communications dans des congrès internationaux, les brevets, les
contrats... qui en découlent. La recherche est la clé de
l'enseignement supérieur, elle coordonne le futur, valide les nouvelles
idées, autorise par les thèses, brevets, publications,
conférences d'en faire partager les thèmes les plus porteurs.
Le couple enseignement/recherche doit être mis en valeur sans devenir,
comme on le voit parfois, déséquilibré vers une recherche
excessive, marqué par une orientation uniquement type CNRS.
La recherche doit être un outil de la pédagogie au service des
étudiants, elle doit marquer la qualité de l'équipe et de
ses professeurs.
- l'enseignement avec les créations d'enseignements nouveaux, de salles
de travaux pratiques, la responsabilité de filières, les
polycopiés ou les ouvrages pédagogiques.
- l'implication en innovation (création de réseaux, enseignements
européens, cellules d'emploi, réseaux pédagogiques entre
divers établissements...).
- les projets tutorés, la lutte contre l'échec scolaire, la
production de ressources multimédias, la recherche et le suivi de
stages...
- l'administration et la gestion de l'enseignement, tâches de plus en
plus lourdes : notes à introduire dans des programmes informatiques
trop rigides, gestion financière des laboratoires et des équipes
rendue terriblement complexe par les instructions du ministère des
finances quasi-inapplicables dans le domaine scientifique, mise à jour
d'enquêtes à tous niveaux : universités,
éducation nationale, CNRS, divers ministères traitant de la
recherche, enquêtes bien entendu totalement indépendantes les unes
des autres.
- les décrets d'application de la loi sur l'innovation ne sont toujours
pas parus et la question de la reconnaissance définitive du transfert de
technologie, activité importante en SPI, comme honorable et promouvable
est toujours posée.
- la recherche de contrats avec l'industrie sans lesquels il n'est pratiquement
pas possible de travailler. Notons là aussi que les lourdeurs
administratives de cette gestion risquent rapidement de décourager les
plus motivés.
- les missions dans le cadre de détachement auprès des
ministères, des organismes, de l'industrie, de l'Europe...
- les enseignants-chercheurs du SPI actuellement coincés entre la
gestion de Nabuco et le code des marchés publics, totalement
inadapté à des activités très proches de
l'industrie, perdent un temps considérable à trouver des
solutions viables et à les justifier.
- le flux d'étudiants, le nombre de diplômés, leurs
embauches doivent être mesurés.
Au plan national, certaines sections du CNU ont, sur ces bases, tenté de
définir des critères mais ce n'est pas le cas de tous et, de
toute façon, il conviendrait d'abord que le ministère
redéfinisse de façon plus précise le service des
enseignants-chercheurs : le critère actuel - vieux de plus de
17 ans - de 192 h équivalent TD d'enseignement, le reste du
temps étant consacré à la recherche étant
totalement obsolète compte tenu de ce qui précède.
Rappelons qu'avant, c'est-à-dire lorsque les exigences administratives
étaient très faibles, le service était de 125 h
équivalent TD plus la recherche !
Les tâches d'intérêt public sont à normaliser en
terme d'heures. L'Etat juge que ses fonctionnaires doivent satisfaire à
toutes les enquêtes, réformes, gestion Nabuco, évolution
des bâtiments, sécurité, orientation, relations
internationales, brevets, propriétés industrielles, contrats
européens et réseaux, etc.
Aucun horaire n'est dégagé, aucun texte ne met en face d'une
tâche un emploi du temps, un poste, une fonction, voire une prise en
considération pour une promotion.
Les tâches sans référence deviennent refusées
malgré le caractère indispensable, ce sont toujours ceux qui les
font qui sont victimes de leur non promotion puisque, dans le système
actuel, ce sont principalement les publications qui comptent.
3. Les conséquences pour la gestion de ces personnels
Il y a eu peu de bouleversements dans la gestion des personnels durant ces dix
dernières années, mais on reste sur une gestion purement
comptable sans aucune prospective de politique à moyen et long terme.
4. Les conséquences des mesures
Les mesures destinées à favoriser la mobilité des
enseignants-chercheurs et des chercheurs sont inopérantes, le nombre de
créations de postes très réduit ne facilitant pas cette
mobilité. De plus, lors de mobilités entre enseignement
supérieur et CNRS..., se posent parfois des problèmes de
couverture sociale, de continuité des cotisations en vue de la retraite.
L'accueil d'enseignants-chercheurs étrangers est également
« plombé » par la lourdeur administrative : 9
et 12 mois s'écoulent entre la demande et la mise en place du poste
d'accueil, ce qui fait que plus de 50 % des étrangers ne sont plus
disponibles lorsque le poste d'accueil l'est. De plus, les niveaux de salaires
proposés à un post-doc sont très faibles par rapport
à ceux de pays comme le Japon, les Etats-Unis, l'Allemagne, ce qui est
également peu incitatif.
5. Les réformes souhaitables dans ce domaine
• Le niveau des salaires des enseignants du supérieur est
ridiculement bas, du moins pour les scientifiques. Un maître de
conférences, après 9 ans d'études (maîtrise :
bac + 4, thèse : bac + 8 + un an d'ATER) débute actuellement
avec un salaire de 1,5 à 2 fois moins élevé que celui d'un
ingénieur. L'écart se creuse encore avec l'ancienneté et
un professeur de 1
ère
classe termine difficilement avec un
salaire 2 à 2,5 fois moins élevé que l'ingénieur
avec la même ancienneté. En valeur cumulée, ceci
représente des écarts considérables. Certes, pour faire ce
que l'on aime, il est logique de consentir à des sacrifices mais,
à ce niveau, cela relève de l'abnégation, voire du
sacerdoce, et ceci est de moins en moins incitatif pour les plus brillants
d'autant qu'ils sont les plus intelligents !! Ceci ne peut qu'encourager
la fuite des « cerveaux » (actuellement près de
6.000 jeunes aux Etats-Unis). Quid de leur retour ?
• Le problème de la grille de la fonction publique est
également difficile à gérer et, à
l'intérieur d'une catégorie (MC, PR2, PR1), il ne permet pas de
récompenser les plus actifs !! Sauf à prévoir des
avancements d'échelon plus ou moins rapides selon les mérites.
• Le service des enseignants doit être redéfini :
192 h équivalant TD + la recherche n'a plus rien à voir
avec la réalité. Les tâches de plus en plus nombreuses qui
sont confiées aux enseignants du supérieur ne sont pas prises en
compte et sont de plus en plus considérées par ces derniers comme
du bénévolat qui, lui aussi, a ses limites.
• Enfin, pour les scientifiques, les heures de travaux pratiques
devraient être comptées comme les heures de travaux dirigés
et non pas avec un facteur 1/1,5. C'est probablement une des raisons
essentielles de la disparition progressive des vrais TP dans les
facultés des sciences, les IUT et les écoles d'ingénieurs.
• Au lieu de quelques semestres sabbatiques distribués au
compte-gouttes avec des conditions par trop restrictives (6 ans
d'ancienneté), qui ne permettent pas une réelle mobilité
géographique ou thématique, il faudrait mettre en place
systématiquement un semestre de reconversion thématique ou de
mobilité géographique tous les sept semestres avec compensation
en postes dans les établissements.
• Enfin, il faut insister sur l'état des locaux d'enseignement
et de recherche, souvent en inadéquation totale avec les normes de
sécurité les plus élémentaires.
• Il est à constater que le retard en matière
d'investissement d'enseignement supérieur a été
exprimé par le sénateur Laffitte lors des journées du
Sénat de janvier 2000. Ce remarquable dossier n'a été
suivi d'aucun effet sur le terrain. Pourtant, les investissements ne sont pas
à la hauteur des déclarations politiques.
M.
Jean-Marie Kauffmann, président de la section 63
« Électronique, optronique et systèmes »
1.
Politique ministérielle de répartition des emplois en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements.
La politique du ministère obéit en principe à des
paramètres qui devraient être objectifs (GARACES puis SAN REMO)
pour mesurer le sous-encadrement et définir les emplois
créés. La mise en oeuvre est bloquée par le
non-redéploiement des postes sur le plan national et les
disparités sont aggravées par le fait que l'on ne peut pas ne pas
créer des postes dans de grosses universités
réputées sur le plan de la recherche.
Ce phénomène n'est pas corrigé par les universités
dans leur politique locale. Le redéploiement est soumis à
l'arbitrage du conseil d'administration, dont la composition ménage les
grands équilibres des UFR. En l'absence d'une incitation forte de la
part de l'autorité de tutelle, on ne voit pas comment il pourrait y
avoir un rééquilibrage entre disciplines, d'autant plus que l'on
observe une fuite en avant vers de nouvelles options ou de nouvelles
formations. Cette tendance à l'augmentation du flux
d'étudiants conduit à une surenchère dans l'offre de
formations.
La politique de création de postes fléchés recherche
relevait d'une bonne intention. Ces postes sont nécessairement
intégrés dans le potentiel d'encadrement et les disciplines en
rapport avec les laboratoires qui en bénéficiaient se trouvent
surencadrées. Ceci a une conséquence inattendue pour les
qualifications des maîtres de conférences car la
63
ème
section impose d'avoir une expérience en
enseignement et que, naturellement, certaines universités ne peuvent
offrir cette possibilité d'enseigner à leurs doctorants.
La mise à plat des sous-encadrements va avec une réelle
volonté de les corriger. Le mode de définition des services n'est
plus adapté à une pédagogie de travail en petits groupes,
de projets et d'utilisation des technologies informatiques qui, seule, peut
permettre d'améliorer le taux de réussite et de donner envie aux
étudiants d'apprendre.
On imaginerait sans difficulté un contrat entre un établissement
et un enseignant avec définition des obligations d'encadrement, de suivi
et d'enseignement proprement dit.
Cela signifie également que le contrat quadriennal intègre les
créations d'emplois pour avoir une vue d'ensemble sur les formations et
les moyens que l'université peut affecter. Les vagues de
contractualisation devraient être équilibrées en termes de
moyens à distribuer ; ce n'est pas le cas actuellement.
2. Recrutement et déroulement de carrière
Qualifications aux fonctions de maître de conférences
Le travail d'analyse des dossiers est effectué avec beaucoup de
consciences professionnelle par les membres du CNU (pour la
63
ème
section en ce qui me concerne). Les critères
sont reconnus par tous et prennent en compte le caractère technologique
de la discipline. Ainsi, en recherche, les communications à des
congrès internationaux reconnus sont parfaitement prises en compte et il
en est de même des brevets. Les difficultés de réalisation
de montages ou d'équipements sont valorisées. Il faut noter que
plus de 50 % des thèses sont réalisées avec des
partenaires industriels. La section n'est pas favorable à une inflation
dans le nombre de publications qui inciterait à une cosignature fictive.
La 63
ème
section demande explicitement une expérience
de l'enseignement supérieur (français ou étranger)
d'environ 96 heures. Il est très difficile par contre d'apprécier
la compétence sans envoi sous pli cacheté des avis de ceux qui
ont suivi le travail. L'expérience montre que les ATER et les moniteurs
n'ont aucune difficulté pour être qualifiés dans leur
section de recherche. On note la présence de plus en plus importante de
certifiés ou d'agrégés (hors normalien) candidats à
la qualification.
Par contre, on note une diminution sensible des candidats à la
qualification par rapport à l'année précédente (342
en 2001 pour 452 en 2000). Le phénomène n'est pas isolé et
est cohérent avec les difficultés de recruter des thésards
dans les laboratoires. Les allocations de recherche du ministère de la
recherche ont été utilisées grâce à
l'ouverture à des étudiants étrangers qui avaient juste
fait un DEA en France et non leurs études universitaires comme
auparavant.
On note également des démissions en plus grand nombre pendant la
thèse. Le niveau des allocations (à peine supérieur au
SMIC) n'est plus en accord avec les rémunérations
proposées par les entreprises. Les étudiants de DEA et de DESS se
placent actuellement facilement dans les entreprises et le nombre
d'ingénieurs souhaitant préparer une thèse est en forte
régression. Même des CIFRE ne trouvent pas preneur.
Il me semble urgent de revaloriser les allocations du ministère de la
recherche si on veut attirer de bons éléments.
Il y a 64 postes de maîtres de conférences mis au concours en
2001, soit environ 37 % des qualifiés en 2001 comme en 2000. Le
problème des reçus-collés ne se pose pas réellement
car, dans nos disciplines, les embauches par l'industrie sont importantes.
Qualifications aux fonctions de professeur
Les motifs de refus sont très diversifiés mais la qualité
insuffisante du dossier en recherche (production et encadrement)
représente une part importante.
Le nombre de qualifiés est supérieur comme les années
précédentes au nombre de postes offert au recrutement (31 en
2001). Cet excédent ne doit pas masquer la réalité sur le
terrain. Le nombre de candidats est très faible, voire nul dans certains
cas. La mobilité est quasi nulle. Ainsi pour les recrutements en 2000,
pour 42 postes, 31 maîtres de conférences ont été
promus et seuls 3 ont effectué une réelle mobilité.
La mobilité va encore décroître et il ne faut pas
s'attendre à un déplacement d'un grand centre vers un petit
centre. Le départ à la retraite est tellement important ces
prochaines années que les qualifiés sont quasiment sûrs
d'obtenir un poste sur place et les listes d'attente sont parfois
déjà constituées. Les candidats aux fonctions de
professeurs sont nettement plus âgés (moyenne d'âge des
qualifiés de 39 ans et 4 mois) et on comprend les difficultés
d'emmener une famille.
La mobilité, qui est fondamentale pour la qualité de la
recherche, doit être encouragée fortement. On peut imaginer :
une prime de mobilité (un échelon par exemple), de telle
manière que les postulants ne perdent pas financièrement durant
leurs premières années
une aide à l'installation dans la nouvelle université
une réserve de postes « libres » pour faciliter
l'installation des conjoints
une prime aux universités prônant la mobilité effective
une incitation (ou une pénalisation) vis-à-vis des laboratoires
lors du contrat quadriennal pour limiter l'auto-recrutement (au niveau
maître de conférences).
Habilitation à diriger des recherches
L'habilitation à diriger des recherches doit être maintenue telle
qu'elle existe actuellement. C'est en effet l'occasion pour un chercheur de
préciser sa pensée, de faire le bilan des travaux
encadrés, de les placer dans le contexte national et international et de
proposer un axe de recherche. C'est peut-être un exercice difficile, mais
il est indispensable pour apprécier l'aptitude à devenir
professeur. L'expérience montre qu'un mémoire d'une cinquantaine
de pages est tout à fait acceptable et que cela ne représente pas
une charge de travail énorme. Les critères sont stabilisés
dans notre discipline, avec un minimum qui se situe environ à deux
co-encadrements de thèse et à 5 ou 6 articles de revue.
Promotion des maîtres de conférences
La suppression de la première classe des maîtres de
conférences a été une erreur. Les présidents de CNU
n'ont jamais été consultés sur cette mesure et ils sont
unanimes à en déplorer les effets pervers. On définit avec
ces nouvelles règles une standardisation de la carrière sans
aucun moyen de récompenser les personnes efficaces, dynamiques, sachant
mener de front enseignement et recherche. On pouvait imaginer d'autres
solutions pour ne pas bloquer certains maîtres de conférences en
2
ème
classe et ne pas prôner le nivellement par le bas.
Ainsi, un maître de conférences pourra progresser dans sa
carrière sans avoir à rédiger un quelconque bilan, sans
avoir à justifier à un moment ou un autre qu'il remplit bien les
différentes tâches confiées. Où est
l'émulation que l'on est en droit d'attendre et qu'il faudrait inculquer
aux élèves ?
La prime de recherche et d'encadrement doctoral reste le seul moyen pour
inciter les maîtres de conférences à continuer à
faire de la recherche. Il faut qu'elle soit suffisamment attractive.
On peut également demander un rapport d'activité, par exemple
tous les cinq ans. Une instance nationale pourrait les évaluer et porter
un jugement transmis au président de l'université ou proposer des
bonifications d'échelon. Ce rôle pourrait être confié
au CNU.
Les promotions à la hors classe sont en nombre limité et le
contingentement fait qu'elles sont réservées à des
enseignants-chercheurs proches de la retraite. Ce bâton de
maréchal récompense ceux qui ont bien servi l'institution, mais
faut-il promouvoir des maîtres de conférences qui ont
abandonné les activités de recherche depuis plus de quinze
ans ? La réponse de la 63
ème
section est non.
Elle admet que le pourcentage d'activités d'enseignement et
d'administration soit plus élevé mais pas qu'il soit à
100 % ou alors il faudrait revenir au service lourd, compatible avec celui
d'un agrégé qui a le même profil de carrière.
Promotions des professeurs
Un professeur des universités a normalement vocation à passer en
1
ère
classe. Cela ne signifie pas du tout qu'il faille
supprimer le barrage mais augmenter le nombre de promotions possibles. En 2000,
les âges des candidats promus varient de 40 ans pour les plus jeunes
à 60 ans, que ce soit sur le plan local ou sur le plan national. La
63
ème
section est amené à promouvoir quelques
jeunes quelconques en raison de leur dynamisme et de leur
notoriété scientifique. La concurrence est très rude et on
peut voir qu'il y a un réel point d'accumulation.
Le deuxième point d'accumulation est pour le passage en classe
exceptionnelle. Il est sans doute plus logique et la 63
ème
section demande que les trois volets, enseignement, recherche et administration
figurent de manière conséquente dans la carrière. Les
promus 2000 ont entre 53 et 59 ans. La proportion de 10 % pour chacune des
classes, telle que définie dans les textes, n'est pas atteinte pour la
63
ème
section puisqu'au total la classe exceptionnelle
représente 10 %.
Promotions voies 2 et 3
L'expérience de regrouper les voies 1 et 2 (petits
établissements) n'a été testée qu'une année.
On ne peut en tirer une règle. Les petits effectifs ne permettent pas
une répartition équitable entre les sections. La solution
utilisée par le groupe IX (sections 60, 61, 62 et 63) de mutualiser les
promotions se révèle efficace et permet, grâce à une
gestion des reliquats, de capitaliser.
La solution proposée pour la voie 3 de créer un super CNU n'est
pas bonne. Les sections sont à même d'apprécier les
activités de responsabilité mais tiennent, comme il a
été dit plus haut, à ce que la recherche ne soit pas
absente. Il ne faut pas recréer un corps de
« directeurs » ou de « professionnels »
de l'administration.
Promotions locale et nationale
Les avis sont partagés, mais on retrouve une quasi-unanimité pour
dire que les promotions en classe exceptionnelle devraient être
traitées exclusivement par le CNU.
3. Conséquences pour la gestion des personnels des différentes
réformes
Les réformes se suivent à un rythme rapide et il est bien
difficile d'en apprécier le bien-fondé avant un nouveau
changement. Au niveau du personnel, la conséquence la plus grave
réside, à mon avis, dans l'énergie qu'il faut mettre en
oeuvre pour rédiger le dossier d'habilitation, pour organiser les
nouveaux enseignements, pour adapter les mentalités. Les
universités sont à l'affût de nouveaux diplômes et ne
sont pas en mesure d'en supprimer. Ce que l'on peut regretter le plus, c'est la
non-cohérence d'ensemble. Ainsi, les filières IUP coexistent avec
des filières technologiques dans la même spécialité
et maintenant avec les licences universitaires professionnalisées.
La réforme qui a eu sans doute les conséquences les plus graves
pour nos disciplines a été celle du DEUG STPI. Les DEUG mention
SPI, qui constituaient le fleuron et qui attiraient les étudiants de
qualité, ont été supprimés. Les DEUG STPI n'ont
jamais eu la cote et par voie de conséquence les licences et
maîtrises EEA ont vu leurs effectifs chuter fortement.
Écoles doctorales
Les écoles doctorales constituent sans doute un élément
structurant pour les grosses universités, mais cela pose
d'énormes problèmes pour les petites ou pour celles qui sont
pluridisciplinaires. Elles peuvent également constituer un handicap pour
les DEA multisceaux, indispensables dans certaines disciplines. Elles ont sans
doute aussi l'inconvénient de spécialiser les étudiants
vers la recherche alors qu'un étudiant de niveau bac + 5 n'a pas encore
arrêté son projet professionnel, industrie, recherche et
développement industriel, recherche et enseignement...
Le magistère est délivré indifféremment avec un
DESS ou un DEA. Ne pourrait-on pas introduire une équivalence et
permettre à des DESS d'aller facilement vers la recherche ? On
compenserait en partie le déficit en candidats pour faire une
thèse.
4. Mobilité
Mobilité des enseignants
Comme on l'a déjà souligné plus haut, la mobilité
est très faible au niveau des enseignants chercheurs. Il serait
intéressant qu'elle soit plus forte en direction de l'industrie. Ce
n'est manifestement pas le cas. Il est significatif que les semestres de
congés thématiques ne sont pas utilisés. La
mobilité n'est pas entrée dans les moeurs des enseignants du
supérieur. Une des raisons est sans doute que l'enseignant a peur de
perdre le cours qu'il assure depuis de longues années. Il y a un
très net sentiment de propriété manifestement contraire
à toute ouverture. On ne retrouve pas ce même esprit à
l'étranger où l'année sabbatique est une institution.
L'année sabbatique devrait être institutionnalisée en
France, pas uniquement comme un droit, mais comme une obligation. Cela
entraînerait nécessairement une rotation dans les enseignements et
sans doute la mise en place d'une véritable équipe
pédagogique.
Mobilité de l'industrie vers l'enseignement
Le nombre de candidats à la qualification (MCF ou PR) en provenance de
l'industrie est en diminution nette cette année par rapport à
l'an dernier. Est-ce lié à la conjoncture ? Probablement. La
stabilité au niveau des organismes comme le CENT explique ce repli.
La 63
ème
section considère qu'il doit y avoir une
réelle motivation pour l'enseignement, ce qui implique que le candidat a
déjà manifesté son intérêt par des
enseignements, par des participations aux instances... Il faut également
que le candidat puisse s'intégrer dans un laboratoire de recherche. En
d'autres termes, le recrutement doit être préparé. Le CNU
veille néanmoins au niveau scientifique des candidats pour que ceux-ci
puissent pleinement jouer leur rôle par la suite.
Une difficulté majeure réside dans la procédure de
reclassement. Un exemple permettra d'illustrer ce propos. Un ingénieur
du CENT, resté fonctionnaire, verra sa carrière prise en compte
intégralement. Le même ingénieur qui a opté, au
moment de la privatisation, pour le privé et qui passe dans
l'enseignement, sera reclassé au vu de la très courte
période dans le privé.
M.
Bernard Knibiehler, président de la section 65
« Biologie cellulaire »
Notre
métier est exigeant et notre mission doit s'adapter aux nouvelles donnes
pédagogiques, économiques et démographiques. Or, et c'est
le moins que l'on puisse dire, la gestion de notre ministère de tutelle
ne nous a pas paru être établie sur la concertation et n'a pas
suffisamment d'ambition pour que nous nous sentions épaulés pour
affronter ces tâches efficacement et maintenir ainsi ce qui fait notre
fierté : un enseignement supérieur public de qualité,
ouvert à tous et soutenu par une activité de recherche
performante.
Le fossé est trop grand entre les déclarations de bonnes
intentions et les choix budgétaires totalement inadaptés à
l'application de ces dernières. Les recrutements, malgré les
effets d'annonce, ne permettent pas d'envisager une amélioration des
conditions d'enseignement, pourtant indispensables pour la lutte contre
l'échec et la mise en place d'une nouvelle politique d'éducation.
La gestion des carrières, les perspectives mêmes d'avancement et
de promotion, sont de plus en plus réduites alors même que l'on
demande aux enseignants-chercheurs toujours plus de disponibilité dans
leur fonction pédagogique, plus d'efficacité dans leur recherche
et une activité administrative de plus en plus débordante et
chronophage !
Enfin, les fonctionnaires sont culpabilisés par des comparaisons entre
notre service public et des universités étrangères
payantes, où, en général, les charges d'enseignement sont
bien plus légères.
Le fonctionnement des sections du CNU est le reflet affligeant de ce manque de
considération : comment peut-on imaginer conserver à notre
service public une image flatteuse alors même que l'une de ses instances
doit siéger dans des conditions matérielles indignes de sa
fonction ?...
Le constat est si évident que la plupart des organisations syndicales et
des associations sont à peu près d'accord, et il est
peut-être nécessaire de rappeler ici ce qu'elles ne cessent de
marteler depuis déjà de nombreuses années : un
recrutement en accord avec les ambitions éducatives, une baisse des
charges d'enseignement permettant une meilleure gestion de l'activité de
recherche, un déblocage des carrières et une juste prise en
compte des différentes activités réellement
exercées. En d'autres termes, la refonte du statut
d'enseignant-chercheur.
Pour répondre de façon un peu plus précise aux questions
que vous posez :
1°) La justification de créations importantes de postes
d'enseignants-chercheurs.
Nous appartenons (groupe X du CNU) à des disciplines des sciences de la
vie en perpétuelle évolution qui nécessitent un
renouvellement permanent et une activité de recherche toujours plus
compétitive et exigeante qui implique une présence attentive et
quotidienne au laboratoire. Cette situation, liée à des
contraintes expérimentales, est très différente de celle
de nos collègues littéraires, par exemple, et ne permet pas
d'aborder les problèmes universitaires de façon uniforme et
systématique.
La « baisse » toute relative et théorique de la
démographie estudiantine a été prise comme prétexte
pour justifier un ralentissement des recrutements, alors même que cette
situation pouvait permettre d'augmenter le taux d'encadrement et de lutter
contre l'échec. De plus, il se trouve que le nombre
d'étudiants en sciences de la vie continue à augmenter et devrait
continuer de le faire à l'avenir.
La diminution des cours magistraux au profit d'enseignements en petites classes
a montré son efficacité, mais cela a un coût, et on
comprend bien pourquoi la valeur horaires des TD et TP est toujours
sous-évaluée par rapport aux cours magistraux !
L'utilisation de la norme SanRemo de répartition des moyens doit
être revue en fonction des besoins réels.
Enfin, la multiplication, dans l'université, des filières
parallèles, souvent en concurrence avec des petites et grandes
écoles, et basées sur une sélection particulière,
augmente encore le déficit relatif d'enseignants dans les
filières normales. Une unification de notre système
d'enseignement devrait favoriser une meilleure harmonisation et pourrait
permettre une meilleure répartition des moyens d'enseignement et ainsi
contribuer à la réduction des charges d'enseignement qui
pèsent si lourdement sur notre activité.
2°) Les problèmes de recrutement et la lourdeur des charges
Malgré les problèmes de débouchés pour les acteurs
de la recherche, étant donné les conditions qui sont faites aux
enseignants-chercheurs, il n'est pas étonnant que les sections locales
de spécialistes rencontrent des difficultés de recrutement pour
les rares postes qui leurs sont attribués, surtout au niveau
professeur ! Cela se solde par la multiplication d'emplois
précaires.
Les charges d'enseignement sont incompatibles avec une recherche suivie de
qualité et la nomination signifie souvent une baisse notoire et
définitive de celle-ci ! Et cela est surtout dommageable pour les
jeunes recrutés. Il est fondamental de repenser l'équilibre des
charges des enseignants-chercheurs.
Ce n'est sûrement pas en tentant de recruter des directeurs de recherche
CNRS ou INSERM, en leur faisant miroiter une meilleure progression de
carrière, que l'on résoudra le problème du manque de
candidats. En outre, cette situation a un effet pervers : elle ne fait
qu'augmenter le ressentiment des enseignants-chercheurs à qui l'on ne
donne pas, par réciprocité, la possibilité d'une
promotion, qui ont toutes les difficultés pour exercer une
activité de recherche performante et qui, pourtant, sont comparés
aux chercheurs à temps complet lors de leur évaluation.
Faire partager la tâche d'enseignement par tous a été
envisagée : elle est utopique et aboutirait à une baisse de
qualité générale, à la fois de la recherche et de
l'enseignement. Enseigner est un métier, qui mérite que l'on s'y
consacre (certains chercheurs acceptent de n'enseigner qu'en maîtrise ou
en DEA, et sont rebutés par l'enseignement de masse et par les
corrections de copies de plus en plus nombreuses avec l'application d'un
réel contrôle continu en DEUG). Le suivi des étudiants, la
création de nouvelles filières, la multiplication des stages et
le développement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication nécessitent un investissement spécifique.
Cet effort est d'autant plus important que les enseignants-chercheurs doivent
suppléer au manque dramatique des personnels IATOS.
La multiplication au sein des universités des structures mixtes
enseignement / recherche, devrait permettre d'établir, pour chaque
enseignant-chercheur, un contrat pour une période de quatre ans, avec un
investissement dans l'enseignement, la recherche et l'administration à
définir en harmonie avec les collègues.
Les dispositions relatives aux congés de recherche ou congés
thématiques devraient être assouplies, et les possibilités
de détachement ou de délégation dans les organismes de
recherche multipliées.
Pour épauler les enseignants-chercheurs dans leurs missions, il faudrait
reconstituer un corps d'IATOS qualifiés.
Pour répondre aux évolutions actuelles (NTIC) et pour pallier une
carence inacceptable, il est impératif de mettre en place une politique
de formation permanente et continue des enseignants-chercheurs et des IATOS.
3°) Les carrières et l'évaluation
L'évaluation des enseignants-chercheurs est un vaste problème...
TOUTES les activités doivent être prises en compte, sans en
amplifier une, la recherche, au détriment des autres... Mais la mise en
place de cette évaluation complète semble très difficile
à mettre en oeuvre. Comment évaluer réellement la
qualité d'un enseignement ? Les sections du CNU ont pour l'instant
un rôle d'enregistrement, pour les qualifications de plus de mille
candidats par an (65
ème
), et devraient être beaucoup
plus impliquées dans cette évaluation des carrières.
Pour ce qui concerne l'évolution des carrières, la suppression de
la barrière entre les classes 2 et 1 des maîtres de
conférences est une bonne chose, mais, si elle n'est pas associée
à de nouvelles mesures, elle va complètement démotiver les
jeunes recrutés : quel que soit leur investissement, leur
carrière est toute tracée, c'est-à-dire vite
bloquée et sans réelle perspective.
Il semble, si l'on analyse les recrutements des années passées en
65
ème
section, que la plupart des professeurs ne viennent pas
du corps des maîtres de conférences mais sont souvent de jeunes
chercheurs post-doctoraux, de plus en plus d'origine étrangère.
Cela a pour conséquence de fermer encore un peu plus les
espérances de carrière des MC qui ont dû, comme on vient de
le dire, s'atteler à de grosses contraintes d'enseignement.
Trop peu de passages à la hors classe pour les MC et à la
première classe pour les professeurs ne permettent pas de dynamiser
réellement la carrière d'enseignant-chercheur. Les
possibilités de passage devraient être proportionnellement
augmentées, au moins comme cela avait été
prévu : de 8% à 15 % pour le passage MC1-MCHC, par exemple.
4°) La mobilité et la valorisation.
La mobilité des chercheurs et des enseignants-chercheurs est une
très bonne chose, mais pose des problèmes d'ordre privé et
familiaux importants. Notre section 65 du CNU a retenu comme critère de
qualification la concrétisation d'un stage post-doctoral en France ou
à l'étranger, pour pousser les jeunes chercheurs à la
mobilité quand cela leur est encore possible.
Le réaménagement des congés
« sabbatiques » et leur multiplication permettraient une
mobilité plus aisée des enseignants-chercheurs en poste.
La valorisation de la recherche est indispensable, mais, si elle doit s'ajouter
aux contraintes actuelles d'un enseignant-chercheur, elle est
irréaliste. De plus, malgré les efforts entrepris, bien souvent
on se sent très seul et très mal soutenu dans les
démarches nécessaires.
Certains universitaires, créateurs de « jeunes
pousses » sont plus intéressés par le fonctionnement de
leur entreprise que par leurs obligations d'enseignement. Le mélange des
genres est parfois délicat. La marchandisation et la recherche du profit
ne doivent pas prendre le pas sur la mission d'intérêt public des
universités qui doivent être les garantes d'une recherche
fondamentale de qualité financée par des fonds publics, sur des
programmes d'intérêt général.
En conclusion ( ? !)
Pour construire l'Université du 3
ème
millénaire, nous ne ferons pas l'économie de changements
profonds, nous le savons, nous les souhaitons, nous les attendons, mais ces
changements ne peuvent être réalisés sans concertation et
à l'économie.
Mme
Marie-Thérèse Esquerre, présidente de la section 66
« Physiologie »
1 -
Politique ministérielle de répartition des emplois
Si le critère démographique est un critère fort, encore
faut-il le placer dans la perspective du nombre, de la
spécificité et de la performance des diplômes
délivrés. Cet aspect devrait être sérieusement
évalué. Est-il concevable qu'une université délivre
des diplômes, notamment de 2
ème
cycle, dans les
domaines dans lesquels elle fait peu ou pas de recherche reconnue ? Le
critère démographique est donc indissociable du critère
recherche et des spécificités qui s'y rattachent.
2 - Recrutement, déroulement de carrière, évaluation
des enseignants-chercheurs et chercheurs
Ø Concernant le niveau de recrutement, on remarquera qu'il est excellent
et de même qualité à l'entrée en ce qui concerne les
maîtres de conférences et les chargés de recherche ; la
qualification nationale n'étant demandée que pour les premiers,
mais le recrutement par une commission nationale n'étant effectif que
pour les seconds. Mais ce niveau comparable n'est pas ensuite maintenu, car
l'expérience montre que, pour beaucoup de maîtres de
conférences, leur dossier-recherche est pratiquement inchangé
trois ans plus tard. Une surcharge d'enseignement, des changements de
laboratoire et de thèmes de recherche freinent sérieusement le
démarrage de leur carrière, et, au-delà de quelques
années, il devient difficile de se remotiver.
Le recrutement des professeurs pose des problèmes sérieux bien
connus : nombreux postes non pourvus par absence de bons candidats ou
même de candidats, en raison du manque de recrutement de maîtres de
conférences pendant de nombreuses années. Les chercheurs des
organismes de recherche manifestent peu d'empressement à poser leur
candidature, tant la lourdeur des charges d'un enseignant-chercheur est
dissuasive pour la progression de leur recherche.
En outre, les délais trop courts dont disposent les commissions de
spécialistes, les chevauchements de leurs réunions au niveau
national, gênent considérablement et les candidats qui voudraient
en préalable rencontrer les laboratoires d'accueil, et le fonctionnement
des commissions elles-mêmes.
Ø L'évaluation des activités constitue à nouveau le
point central. Si les enseignants-chercheurs et les chercheurs sont
évalués lors de leur recrutement, il n'en va pas de même
par la suite, seuls les chercheurs étant soumis à
évaluation régulière par un comité national (ex. de
la recherche scientifique).
Les enseignants-chercheurs ne sont réellement évalués que
s'ils sont candidats à une promotion. Or la lourdeur de la charge
d'enseignement (192 h d'équivalents TD en présence des
étudiants) et des tâches qui s'y rajoutent est telle que nombre
d'enseignants-chercheurs se déconnectent peu à peu de la
recherche, ce qui à terme s'avère désastreux pour le
niveau des enseignements, pour la compétitivité des laboratoires,
et pour la personne elle-même. Les conditions n'étant plus
remplies pour des candidatures à des promotions, ces universitaires
pourront donc ne jamais être évalués. Pour remédier
à cette situation, il faudrait :
a - diminuer l'horaire de 192 h éq. TD à 100 h pour les nouveaux
recrutés pendant 3 ans, et 150 h modulables pour les autres (voir
ci-après) ;
b - assortir cette disposition d'une évaluation régulière
de toutes les activités de l'enseignant-chercheur, c'est-à-dire
l'enseignement (niveau, innovation attestée par l'UFR, nombre
d'étudiants), la recherche (niveau, encadrement et devenir des
doctorants, responsabilité et gestion d'équipe...),
l'administration (participation à la vie collective, conseils locaux,
nationaux,...) avec comme conséquence une augmentation des charges
d'enseignement pour les universitaires n'accomplissant pas la mission recherche
(sans retomber pour autant dans le système antérieur des primes
pédagogiques) ;
c - confier à l'instance nationale que représente le CNU ce
rôle d'évaluation selon une périodicité à
définir (par exemple, une évaluation tous les quatre ans pour
chaque enseignant-chercheur, avec un roulement par année) ;
d - à tout le moins, confier au CNU l'examen des dossiers de demande de
prime d'encadrement doctoral et de recherche, ce qui permettrait
automatiquement l'évaluation des activités des
enseignants-chercheurs ;
e - transmettre cette évaluation à l'enseignant-chercheur
lui-même et au président de son établissement.
Ø Le déroulement de carrière doit se faire au
mérite, évalué par le CNU majoritairement.
3 - Conséquences des réformes universitaires et de la
recherche
La modularisation des enseignements de 1
er
et 2
nd
cycles
vécue à travers les différentes réformes alourdit
de façon considérable les charges de gestion et d'organisation.
Les réformes concernant les formations doctorales et l'institution
d'écoles doctorales sont, par contre, beaucoup plus satisfaisantes.
Les réformes consistant à renforcer les liens entre
universités et organismes de recherche (ex. création d'UMR) sont
positives si :
a - ceci conduit les universités à mener une politique des postes
fondée également sur la recherche et pas seulement sur le rapport
étudiants/enseignants ;
b - les moyens affectés à la recherche (dotation
ministérielle ou des grands organismes, autres ressources
contractuelles) sont substantiellement augmentés.
4 - Mobilité des chercheurs, valorisation de la recherche
La mobilité des personnels statutaires vers les universités est
peu effective, en raison du manque d'attractivité évoqué.
La mobilité après la thèse est sérieusement
freinée par le manque de bourses post-doctorales en France pour les
doctorants français, et de bourses de retour pour les jeunes chercheurs
français ayant effectué leur post-doctorat à
l'étranger.
La valorisation de la recherche est cruciale, mais si la recherche fondamentale
n'est pas suffisamment soutenue en amont, que pourra-t-on valoriser ?
5 - Réformes souhaitables
La réforme prioritaire est la diminution de la charge statutaire
d'enseignement des universitaires, modulable en fonction de l'activité,
assortie de l'évaluation régulière de leur double mission
d'enseignant et de chercheur par l'instance nationale qu'est le CNU.
Ceci permettra de maintenir les universités françaises, les
universitaires et les étudiants qu'ils forment au meilleur niveau de la
compétition internationale.
M.
Jean-Paul Trilles, président de la section 68
« Biologie des organismes »
Pour ce
qui est du nombre de postes ouverts annuellement, on peut effectivement parler
d'une politique ministérielle. C'est le ministère qui
décide.
Il est évident que cette politique n'est pas très entreprenante,
dans le cadre d'un enseignement supérieur à maintenir à un
bon niveau. Toutefois, si on ne se réfère qu'à la mise en
adéquation aux évolutions démographiques estudiantines, on
peut effectivement la considérer comme globalement adéquate.
Mais le problème le plus crucial n'est pas à ce niveau.
S'agissant par contre de la répartition qualitative des emplois ouverts,
on ne peut plus en réalité parler de politique strictement
ministérielle.
Ce sont en effet les établissements, en particulier les
universités, qui, proposant au ministère les
spécificités des postes à ouvrir, sont donc responsables
au premier degré de cet aspect de la politique de recrutement des
enseignants-chercheurs.
Ces propositions, se basant presque toujours et essentiellement sur le seul
besoin de recherche, parfois même développé par un seul, ou
un nombre restreint de laboratoires très spécialisés au
sein de l'établissement, il en résulte trop souvent des
affichages de postes trop étroits, faisant fi de certains besoins en
enseignement, favorisant parfois exclusivement des disciplines temporairement
« à la mode » ou « en évolution
positive », au détriment de disciplines plus anciennes,
certes, mais toujours d'actualité, indispensables, et souvent tout aussi
ou plus formatrices.
Ceci s'ajoutant à un manque évident d'une véritable
réflexion des établissements sur l'évolution des besoins
réels de recrutement en enseignants-chercheurs, à court et moyen
terme, particulièrement compte tenu des prochains départs massifs
à la retraite, pourrait entraîner des bouleversements difficiles
à contrôler et à maîtriser.
La procédure actuelle de recrutement des enseignants-chercheurs, avec
inscription préalable sur une liste de qualification, devrait être
supprimée. Son principal résultat est en effet la création
d'une multitude de jeunes diplômés aigris, souvent
qualifiés, mais non recrutés.
Pour prendre un exemple, pour le seul exercice 2000, s'agissant de la liste de
qualification des maîtres de conférences, notre section a
examiné 486 dossiers de candidature pour en définitive qualifier
237 candidats. Or, cette année, sont ouverts aux concours de M.C.
seulement 20 postes. Si on se limite aux candidats de 2000, cela peut
paraître, c'est frai, convenable ; mais il faut tenir compte de tous
les candidats qualifiés non recrutés des années
précédentes, dont le nombre augmente d'année en
année, puisque la qualification est valable pendant quatre ans.
La seule procédure, la plus efficace en terme de choix raisonné
et la plus humainement acceptable, est celle qui existait par exemple, durant
le ministère Bayrou, c'est à dire : cinq (ou moins)
candidats par poste ouvert, retenus par l'université
correspondante ; candidature à la qualification de ces cinq
candidats auprès du CNU, qui se base sur un examen des dossiers et sur
une audition ; retour des résultats de la procédure de
qualification auprès de l'université qui choisit le candidat
qualifié à retenir.
Il faut ajouter qu'en ce qui concerne le recrutement des professeurs, une
attention particulière doit être apportée aux candidats du
CNRS. Dans beaucoup de cas, en effet, les chercheurs auront logiquement des
dossiers de recherche (c'est presque exclusivement la recherche qui est prise
en compte) plus performants puisque n'ayant pas eu la double
responsabilité enseignement et recherche. Mais, si l'on n'y prend pas
garde, on peut rapidement arriver à des injustices et à des
erreurs regrettables. Pour qu'ils puissent candidater, il faudrait imposer aux
chercheurs une période préalable (par exemple de cinq à
dix ans) durant laquelle ils seraient tenus de participer d'une manière
conséquente (1/4 du temps statutaire des enseignants-chercheurs par
exemple) aux enseignements à tous les niveaux (1
er
,
2
ème
et 3
ème
cycles, et pas uniquement en
DEA).
S'agissant des carrières, on constate des blocages regrettables à
plusieurs niveaux : MC MC hors classe ; Pr2 Pr1 ; Pr1 Pr
classe exceptionnelle.
Reprenons l'exemple de l'exercice 2000 pour le 68
ème
section : pour le passage Pr2 Pr1, il y avait 68 promouvables, et
seulement 3 possibilités ; pour le passage Pr1 Pr exceptionnelle,
il y avait 33 promouvables et seulement une possibilité (0 pour Pr
exept. 1
er
échelon Pr exceptionnelle 2
ème
échelon) ; pour le passage MC MC hors classe, nous avions environ
150 promouvables et seulement 4 possibilités.
Il est urgent de remédier à de tels blocages si l'on ne veut pas
décourager beaucoup de collègues.
Beaucoup de MC hors classe méritants se voient actuellement lourdement
pénalisés parce que ne pouvant pas accéder à Pr2
par la voie du concours normal de recrutement. Les raisons ? Elle sont
diverses et point n'est la peine de les évoquer ici. Parlons
plutôt d'une possibilité peut être de solution. Avant 1984,
il existait ce que l'on appelait alors des transformations : les MC les
plus méritants étaient « transformés »
en professeurs. Est-il vraiment impensable ou impossible de reconduire la
même procédure pour les MC hors classe les plus méritants
qui pourraient ainsi être transformés en Pr2 ? Il est exact
que les deux carrières sont pratiquement identiques et on peut
effectivement se demander pourquoi devrions-nous envisager de telles
transformations ? La réponse est simple : reconnaissance de la
valeur, des services rendus (et à rendre), et surtout satisfaction de
l'esprit.
Il est exact que, dans un ordre d'idée voisin, il existe bien la
procédure de recrutement 46-3° pour les professeurs. Mais alors on
peut se demander pour quelles raisons les universités ne l'utilisent pas
plus souvent.
L'évaluation des chercheurs et des enseignants-chercheurs doit
dorénavant vraiment prendre compte, à part entière,
l'ensemble des activités (enseignement, recherche,
responsabilités...) et non pas uniquement la recherche. Evidemment, cela
suppose la mise en place d'un système qui permette vraiment d'estimer
leur efficacité en enseignement.
La prise en compte de l'enseignement dans l'évaluation des
enseignants-chercheurs est absolument nécessaire si l'on veut que ces
derniers accordent à cette partie de leur activité
l'intérêt qu'elle mérite.
N'est-il pas étonnant, pour ne pas dire incompréhensible,
qu'à l'occasion de certaines « évaluations »
(par exemple concernant les demandes des contrats quadriennaux), et, s'agissant
des activités de recherche, on exige presque autant des
enseignants-chercheurs que des chercheurs (bien qu'en terme de
résultats, la comparaison puisse être très souvent
soutenue).
Les charges afférentes au recrutement et à
l'évaluation/carrière des enseignants-chercheurs en ce qui
concerne le CNU sont actuellement relativement lourdes pour la majorité
des sections. C'est donc tout à fait logiquement qu'une demande est
adressée tous les ans au ministère pour que soit prévue,
non point une rémunération des membres participant aux travaux
des sections, mais au moins une décharge partielle de service et un
minimum logistique.
Il est vrai que, depuis des années, nous avons dû
« subir » un certain nombre de réformes, plus ou
moins justifiées, aboutissant le plus souvent à une
« parcellisation » des études et à une
spécialisation souvent trop poussée et souvent trop
précoce des étudiants. Cela entraîne pour les enseignants
une augmentation des charges extra-pédagogiques, dommageables aux
activités réellement pédagogiques et de recherche. La
fluctuation des cursus entraîne également, c'est évident,
des difficultés dans la gestion et l'affectation des personnels, en
particulier si l'on considère leur spécificité
disciplinaire de plus en plus étroite. Il est exact que tout ceci est
important, mais là n'est pas le principal problème. Il faut
reconnaître, en effet, que toutes ces réformes n'ont toujours pas
essayé, ou réussi, la prise en compte de la véritable
formation de l'étudiant à qui l'on doit s'efforcer avant tout,
par exemple par l'augmentation des travaux dirigés et des travaux
pratiques, ou des interventions orales (alors qu'on supprime de plus en plus
les oraux)... d'inculquer les règles de travail, de méthode, de
réflexion... et pour tout dire d'adaptation.
A l'heure actuelle, le « tout-connaissance » n'est
certainement pas la bonne voie, d'autant que ces connaissances sont de plus en
plus focalisées et donc étroites, alors que de bonnes bases
générales s'avèrent toujours et de plus en plus
indispensable.
La mobilité des chercheurs et surtout des enseignants-chercheurs n'est
pas - on peut peut-être le regretter - un phénomène
excessivement développé en France, si on excepte le cas des
post-docs. Mais est-ce vraiment un handicap ? Quant à la
valorisation de la recherche, il est certain qu'il s'agit d'un domaine en
évolution dans de nombreux établissements. De nombreuses
initiatives permettent d'entrevoir un développement prochain et
nécessaire de ce secteur d'activité.
M.
Armand Bianchi, président de la section 69
« Neurosciences »
1°)
A propos de la politique ministérielle en matière de recrutement
dans l'enseignement supérieur
Au cours des deux dernières décennies, cette politique a
été caractérisée par son
irrégularité. Ceci a entraîné pour les maîtres
de conférences une pyramide des âges à deux sommets, l'un
vers 35 ans, l'autre vers 53 ans, témoignant de la faiblesse des
recrutements dans les années 1980-1990 (source ministère de
l'éducation nationale). Le manque d'anticipation en la matière a
créé de nombreux déséquilibres aussi bien dans le
cadre de l'enseignement que dans celui de la recherche pour de nombreuses
équipes universitaires reconnues par les instances de recherche.
2°) A propos des problèmes rencontrés à l'occasion
des recrutements
Depuis 1998, nous fonctionnons selon un système en deux temps qui donne
toute latitude et tout pouvoir aux universités : chaque section du
conseil national des universités (CNU) établit sur dossier une
liste de candidats dits « qualifiés », lesquels
restent qualifiés pour 4 ans ; l'université qui a un poste
fait son classement et recrute le premier classé parmi les candidats qui
ont été qualifiés depuis 4 ans sans tenir compte de
l'adéquation entre la section du CNU de qualification et la section du
poste ouvert. Ce mode de recrutement, s'il remplit bien son rôle en terme
de postes pourvus, présente plusieurs faiblesses en particulier celle de
favoriser le recrutement local, par favoritisme et étroitesse des
profils de poste.
Il n'est pas dans mon idée de proposer un concours national sur le
modèle du recrutement des chercheurs (CNRS, INSERM et autres EPST) comme
certains ont pu le faire (voir par exemple le Bulletin de la
Société des neurosciences n° 16, printemps -
été 1999). Pour ma part, je suis plutôt favorable au mode
de recrutement tel qu'il existait en 1996 et 1997 (réforme
Allègre revue par Bayrou). Le système fonctionnait alors en trois
temps : l'université qui avait un poste présentait à la
section compétente du CNU une liste de candidats non
classés ; les candidats retenus par l'université à
des postes de professeur étaient auditionnés par le CNU. Pour les
candidats à un poste de maître de conférences, l'examen des
candidats se faisait sur dossier. Le CNU décidait alors quels candidats
professeur ou maître de conférences pouvaient être retenus
pour ces postes ; enfin dans une 3
ème
étape
l'université classait les candidats retenus par le CNU et recrutait le
1
er
du classement local. Ce mode de sélection
n'enlève rien à l'autonomie des universités, à ses
priorités et à ses choix en matière d'enseignement et de
recherche. Néanmoins, le CNU intervient pour vérifier si le choix
des commissions locales respecte un niveau suffisant de qualité parmi
les candidats sélectionnés, en les qualifiant ou en ne les
qualifiant pas. Dans ce mode de fonctionnement, comme le nombre de dossiers
à examiner par les instances nationales est nécessairement
réduit, le CNU peut exercer une meilleure sélection en
auditionnant les candidats comme cela se fait dans les commissions du CNRS.
Enfin, il y a lieu de préciser que les conditions pratiques et
matérielles de fonctionnement des sessions du CNU se sont
dégradées ces derniers temps. Outre les nombreux dossiers
à traiter en peu de temps (moins d'un mois), les dates de réunion
imposées (fin janvier - début février) par le
ministère coïncident avec la période des examens dans les
universités depuis la « semestrialisation » des
enseignements. La non-prise en compte (financière ou par décharge
de service) de la charge que constitue la participation aux sessions du CNU,
les frais de séjour sur Paris qui ne sont pas intégralement
couverts par les remboursements administratifs, sont des éléments
très décevants qui détournent bien souvent beaucoup de
collègues universitaires d'une implication dans cette instance nationale
qu'est le CNU.
3°) Gestion des personnels et les réformes souhaitables
Sous la pression des syndicats, le ministère vient de fusionner les
2
ème
et 1
ère
classes des maîtres de
conférences (MCF), le passage d'une classe à l'autre se faisant
auparavant au choix parmi les plus méritants avec un choix à deux
niveaux, local et national. Une telle réforme améliore certes la
carrière des MCF mais la perspective d'une carrière uniforme pour
tous n'est pas idéale. Beaucoup de jeunes MCF sont déçus
par cette uniformité qui les amène tous au même niveau
qu'ils soient efficaces et performants ou non. Il eut mieux valu à mon
avis élargir le nombre de possibilités de passage au choix de la
2
ème
classe à la 1
ère
plutôt
que d'uniformiser leur carrière. Il existe bien une hors classe des MCF
mais étant plafonnée à 10 % du corps, la
possibilité d'atteindre cette classe est extrêmement
limitée.
4°) Au sujet des promotions dans toutes les catégories de
personnels enseignants
Le ministère pratique également une politique très
irrégulière dans l'ouverture des possibilités de passage
d'une classe à l'autre. Depuis plusieurs années, les
possibilités de promotion ouvertes dans toutes les catégories
(MCF et professeur) se sont raréfiées au fil des
années ; il y a par exemple actuellement en moyenne, pour le
passage de la 2
ème
à la 1
ère
classe
des professeurs, une possibilité de promotion pour 30 à 40
promouvables, ce qui est inacceptable car, pour la majorité des
professeurs des universités il n'existe aucun avenir promotionnel. A
qualité égale de travail, statistiquement, la durée
d'attente pour une promotion est supérieure à la durée de
la carrière. A l'inverse dans les années 1991-1992
(période L. Jospin, ministre de l'éducation national, C.
Allègre son conseiller pour l'enseignement supérieur), il y a eu
jusqu'à 5 à 7 possibilités pour 30 promouvables, ce qui
était trop. En cette matière, il serait plus efficace d'avoir une
certaine régularité afin que les enseignants puissent
connaître avec certitude les années leur restant pour pouvoir
être promus, ce qui est impossible à l'heure actuelle.
5°)
Enfin, parmi les réformes nécessaires, l'une
d'elle me paraît urgente, c'est de permettre aux jeunes maîtres de
conférences nouvellement nommés de bénéficier d'une
décharge de service au cours des 2 ou 3 premières années
de leur nomination, selon des modalités à définir. Cette
possibilité avait été mise en avant par MAURICE GARDEN
lorsque celui-ci dirigeait la mission pour la recherche au ministère. Le
but : favoriser la nouvelle implantation des jeunes MCF et leur
intégration dans les nouvelles équipes de recherche lors de leur
nomination. En effet, nous voyons très fréquemment dans les
dossiers de ces jeunes collègues un arrêt de leur activité
de publications pendant les années qui suivent leur nomination. Une
telle décharge de service qui me paraît essentielle pour le
développement de la recherche dans les universités, ne semble
plus à l'ordre du jour au ministère.
Une autre réforme essentielle pour favoriser la mobilité des
enseignants-chercheurs serait de donner un bonus d'échelon ou une aide
spécifique aux enseignants - chercheurs nouvellement nommés dans
une ville ou région autre que celle où ils exerçaient leur
fonction initiale. En effet, les maîtres de conférences en place
depuis plusieurs années ne se portent que très rarement candidats
sur des postes de professeur ailleurs que dans leur propre université
où dans une université proche. En effet, le gain en salaire est
faible, voire nul pour les MCF hors classe, puisque cette dernière
classe a un échelonnement indiciaire identique à celui des
professeurs des universités de 2
ème
classe, et comme
le passage en 1
ère
classe des professeurs est statistiquement
très faible, les candidats extérieurs sont en
général peu nombreux. La mobilité est donc dans ces
conditions très rare.
Mme
Élisabeth Bautier, présidente de la section 70
« Sciences de l'éducation »
La présidente de la section 70 du CNU a souhaité conserver à sa contribution un caractère confidentiel.
M.
Jean-François Tétu, président de la section 71
« Sciences de l'information et de la communication »
1) La
politique ministérielle de répartition des emplois
est,
à coup sûr, très difficile, mais elle est à la fois
fortement inégalitaire, et fortement inadaptée :
a) L'évolution démocratique comporte deux aspects vivement
discordants :
- l'évolution des effectifs par tranche d'âge est fortement
prévisible, au minimum trois ans plus tôt avec les cohortes des
seconds cycles des lycées. Elle permet d'anticiper par grands secteurs
disciplinaires ;
- l'évolution de la demande sociale de formation, en revanche, est
fortement imprévisible dans le détail des disciplines. Par
exemple, pour rester dans le cadre des SHS, la poussée alternée
vers la sociologie et la psychologie, au début des années 1970,
celle que visaient les sciences du langage de 1975 à 1985 au moins, est
largement prévisible. Dans les années 1990, j'ai pu observer,
parce que nous avions mis sur pied des commissions d'orientation à
l'entrée de l'université, un engouement subit pour l'histoire de
l'art, dont la seule explication tient à cet énoncé :
« si le diplôme ne nous donne pas d'emplois, autant faire ce
qui nous plaît ».
Le malheur est que, si certaines « poussées » assez
durables conduisent à des recrutements quantitativement importants, ils
produisent des effets de masse d'enseignants qui perdurent longtemps
après que la poussée qui les a amenés a cessé.
b) Les besoins de la recherche
, eux aussi, sont extrêmement
fluctuants et sont aussi, très largement, l'effet de pressions
(notamment internationales) fortes, et aussi de modes.
L'événement produit par une découverte fortement
médiatisée oriente durablement les effectifs d'une direction de
recherche même lorsque l'urgence a cessé. Les SHS sont
extrêmement sensibles à ces effets de mode pour une raison
simple : les financements publics (collectivités territoriales
notamment) sont décidés par des élus qui sont
particulièrement sensibles aux attentes de leurs électeurs. En
d'autres termes, la mode influence directement certains aspects plus ou moins
« pointus » de la recherche, mais de façon
relativement fluctuante, de telle sorte que, si on ne conserve pas les
fondements plus généraux à la recherche, la reconversion
des personnels devient impossible et les laboratoires n'ont d'autres objectifs
que de justifier leur existence. Enfin (et je renvoie là-dessus aux
travaux de Callon et Latour à l'École des Mines) une direction de
recherche ne s'impose que lorsqu'elle a trouvé des alliés. Et
alors, elle fait « école », forcément, et on
ne peut reprocher à un directeur de recherche de tenter de faire un
avenir à ceux qu'il a formés et qui l'ont aidé.
c) Les spécificités des établissements
. C'est
là que le bât blesse le plus. Prenons l'exemple le plus
simple : une discipline se trouve « aspirée »
par une demande sociale forte (exemple : les sciences économiques,
il y a vingt ans). Cette demande vient-elle à décroître
(c'est le cas aujourd'hui), les emplois sont menacés et les jeunes gens
formés à cette discipline sont à leur tour menacés.
Que fait l'établissement ? Il accepte de façon
inconsidérée l'allongement des études, développe
des formations de plus en plus spécialisées à
côté des formations de base et justifie par là même
la reconduction des emplois vacants, avec de très légères
modifications.
La prolifération des formations récentes, qui se veulent toutes
« professionnelles » ou
« spécialisées », fait largement perdre une
bonne part de lisibilité à la gestion des emplois et leur
répartition, d'autant plus que toutes ces formations ont dans les faits
des charges horaires très fluctuantes.
Les établissements sont, certes, dans une position difficile car ils
doivent répondre, d'une part, à la demande de formation, et,
d'autre part, aux revendications des personnes qui élisent leurs
représentants aux divers conseils.
Le poids, énorme, donné aux étudiants par la loi Faure et
la loi Savary est un facteur de blocage très fort car ils sont plus que
les autres sujets aux modes. La disproportion flagrante entre les moyens des
divers types de discipline et d'établissements a des effets
pervers : à quoi sert-il de donner tant de moyens aux I.U.T. et si
peu aux D.E.U.G. quand une majorité des élèves d'I.U.T.
poursuivent une voie longue ?
En conclusion, les établissements ne peuvent guère agir que sous
la pression de leurs conseils qui, forcément, privilégient les
avantages acquis. La redistribution des emplois à l'intérieur des
disciplines du même domaine disciplinaire est très faible et ne se
justifie que par l'inadaptation du système à une évolution
actuelle.
Qu'il me soit permis de donner ici mon propre exemple :
agrégé de lettres classiques, j'ai rejoint l'université
comme assistant de littérature française après avoir
été enseignant de lycée et de classes préparatoires
puis coopérant à l'étranger. Moins d'une décennie
plus tard, j'étais directeur adjoint d'une jeune U.F.R. de sciences du
langage, alors en pleine expansion, et en 1983, j'ai demandé à
rejoindre la toute nouvelle 71
ème
section. Et donc, en 15
ans, j'ai changé trois fois de discipline (dont deux n'existaient pas
quand j'étais étudiant). Beaucoup de mes collègues me
raillaient : « pourquoi bouger puisque tu n'as qu'à
attendre ? ». Cette adaptation à une demande sociale
changeante (il y avait plus de 500 étudiants en première
année de D.E.U.G. de lettres en 1971, quand j'ai été
recruté à Lyon 2, mais 150 seulement dix ans plus tard) impose
aux enseignants une forte reconversion. Bien peu l'acceptent. Mais rien ou
presque n'est fait pour les y aider. Les congés dits de
reconversion thématique sont une rareté, ce qui explique
largement une part d'immobilisme des enseignants. Les établissements
ajoutent de nouvelles spécialités, mais le système ne
permet guère de reconversion. Et ceux qui auraient le plus besoin de ces
congés sabbatiques sont ceux à qui c'est le plus interdit,
parce qu'ils sont plus indispensables. La contradiction est très forte
avec nos collègues anglo-saxons à qui ces congés
permettent des avancées et évolutions bien plus sensibles que
chez nous. Un exemple très net en est l'introduction des NTI dans les
universités : contrairement à ce qui se passe dans nombre
d'universités anglo-saxonnes, où un nombre significatif
d'enseignants ont pu bénéficier de congés pour mettre
leurs cours et exercices en ligne ou simplement se former, les
universités françaises ont souvent recruté des enseignants
(le plus souvent par les CSE où domine l'informatique), d'où une
double erreur : 1°) cela ne change rien aux pratiques majoritaires
des enseignants et 2°) l'approche informatique de la
société de l'information évite de s'interroger vraiment
sur les usages des NTI, alors même que toute discipline peut en
être fortement renouvelée. Bref, on ajoute au lieu de transformer.
Cela dit, on ne peut que souligner l'énorme effort d'adaptation et de
transformation des enseignements et des enseignants.
2) Recrutement. Carrières. Évaluation
Ces trois questions comportent des enjeux distincts.
a) Recrutement
: en gros, c'est ce qui va le mieux actuellement. Ou
plutôt, il faut distinguer le fonctionnement du CNU et celui des CSE. La
procédure de qualification par le CNU est très lourde (pour les
membres du CNU), mais ne coûte à peu près rien à
l'Etat puisque les évaluateurs ne sont pas
rémunérés. Cela pose d'ailleurs un vrai problème
à quoi le ministère fait la sourde oreille. Rien ne prouve que la
génération qui nous succédera ait la même attitude,
et on ne peut exclure une crise prochaine dans la procédure de
recrutement. Aucune entreprise ne supporterait le poids de cette
procédure qui ne repose que sur le travail non
rémunéré des élus du CNU (et des CSE). Si donc leur
travail n'est pas reconnu comme tel, ils sont forcément tentés
d'en profiter lors des promotions (l'auto-promotion des membres des CNU demeure
un risque endémique, même si elle est vivement combattue dans
nombre de sections). Cela dit, la procédure de qualification me semble
fonctionner assez correctement, beaucoup mieux en tout cas qu'il y a une
vingtaine d'années, et on peut considérer que le poids proprement
idéologique des choix opérés dans les années 1970 a
en gros disparu.
On ne peut en dire autant du recrutement dans les CSE. D'abord leur
constitution est extrêmement lourde. Ensuite, dans les
établissements où une discipline est faiblement
représentée, il n'est pas rare qu'il n'y ait pas de
spécialistes de cette discipline dans la commission de recrutement, ou
qu'ils y soient très minoritaires. Enfin, la possibilité offerte
aux CSE de recruter dans une discipline un candidat qualifié dans une
autre apporte une souplesse appréciable mais aussi la possibilité
d'une dérive sensible des emplois mis au concours. La récente
réforme de la composition des CSE (il y a 4 ans) était
supposée contrainte à une « ouverture » de
ces commissions. Le résultat n'est pas probant : outre la
très grande lourdeur dans la constitution de ces commissions, le poids
du « local » influence souvent à l'excès leur
choix.
On doit enfin souligner le caractère anormal de la disproportion entre
le nombre de candidats qualifiés et celui des emplois mis au concours.
La section que je préside qualifie, depuis 6 ans, entre 35 et 40 % des
candidats, ce qui est assez peu au regard d'autres sections (par exemple, en
2001, pour la qualification MCF : 234 candidats, 194 dossiers recevables,
76 candidats qualifiés, et 118 refusés ; pour la
qualification comme professeur, 49 candidats, 19 qualifiés). Il
n'empêche que nous qualifions environ une fois et demie plus de candidats
qu'il n'y a d'emplois vacants. Cela produit certes un
« vivier » important, mais la situation de ces nouveaux
qualifiés n'est pas forcément enviable. Une solution pourrait
être de modifier le statut actuel des ATER, en autorisant le recrutement
des jeunes docteurs pour une durée d'un an après leur soutenance
ou leur qualification, alors que cela est interdit à tous ceux qui ont
bénéficié d'un emploi d'ATER pendant 2 ans (actuellement
à mi-temps) avant leur soutenance. La création des emplois d'ATER
a été à mes yeux une excellente chose. Cette modification
légère en améliorerait l'efficacité.
b) Le déroulement de la carrière
, lui, est catastrophique.
Si je peux me permettre de prendre ma propre histoire comme exemple, le
détail est croustillant : agrégé du second
degré à 23 ans, j'étais promis à un avancement au
choix régulier. La première mesure de mon intégration
à l'université, il y a 30 ans, fut la rétrogradation d'un
échelon, puis pendant 18 ans exactement, l'avancement à
l'ancienneté, soit un retard de carrière considérable par
rapport à mes collègues restés au lycée. Cela
constitue une dévalorisation tout à fait symptomatique du
traitement des universitaires. Il faut dire que l'écart entre les
disciplines est tout aussi hallucinant. Il n'est pas rare de voir des
collègues devenir professeurs à moins de 35 ans dans certaines
disciplines quand il leur faut attendre 15 ans de plus dans d'autres
(l'âge moyen des candidats aux fonctions de professeur qualifié
dans ma discipline est supérieur à 45 ans, il était de 49
ans en 2000). Avec le départ en retraite massif des enseignants issus du
baby-boom, le résultat sera explosif.
D'ores et déjà, la situation n'est plus guère supportable.
Si la promotion automatique des maîtres de conférences de
2
ème
classe en maîtres de conférences de
1
ère
classe est une très bonne chose, la promotion des
professeurs est indigne : une promotion pour 22 promouvables l'an
passé dans ma section, moins d'une promotion pour 30 cette année.
Cela est scandaleux et de nature à décourager les enseignants les
plus méritants.
Le pourcentage que nous demandons depuis longtemps : 10 % en classe
exceptionnelle, 30 % en première classe, 60 % en seconde classe n'a rien
de scandaleux. Mais les possibilités actuelles de promotion nous mettent
dans une situation intenable.
Encore une fois, l'université actuelle ne tient que par le
dévouement de ses membres les plus âgés. Rien, absolument
rien (et surtout pas le taux ridiculement faible des candidats aux fonctions de
responsabilité) n'indique que la situation soit durable.
Un autre aspect de la carrière doit être retenu, c'est la
diversité des tâches d'un enseignant-chercheur et la totale
disparité de la prise en compte de ces tâches, malgré des
mesures récentes (primes pédagogiques et primes pour tâches
administratives). Je ne prendrai qu'un exemple : dans ma discipline, les
stages sont obligatoires pour les étudiants de licence et de
maîtrise. Mais, alors que les stages et projets tutorés sont
intégrés dans le calcul des charges des enseignants d'IUT, ils ne
sont pris en compte dans les universités qu'à proportion de la
plus ou moins grande richesse de la composante qui les emploie. Idem pour
l'encadrement des mémoires, l'animation des relations internationales,
etc. Cette disparité est inévitable compte tenu de la triple
tâche initiale d'un enseignant-chercheur (enseignement, recherche et
tâches administratives) : il faut donc prendre
l'intégralité de ces tâches en compte dans
l'établissement des services. C'est pourquoi, pour ma part, je ne suis
pas du tout favorable à la diminution du service des jeunes MCF,
réclamée par les syndicats, parce qu'elle ne ferait
qu'accroître les actuelles inégalités.
c) L'évaluation des enseignants-chercheurs
est un
véritable serpent de mer qui déclenche inévitablement les
passions.
Cette évaluation se fait au choix pour les changements de classe et par
concours pour le changement de grade.
J'ai été pour ma part très satisfait de la récente
automaticité du passage de la seconde à la première classe
des maîtres de conférences, bien que certains de mes
collègues, notamment dans les disciplines juridiques, s'en soient
offusqués, précisément parce que cette automaticité
les privait d'une possibilité d'évaluation des maîtres de
conférences au bout de quelques années. Dans ma discipline, sur
98 maîtres de conférences de seconde classe fin 1999, il n'y avait
qu'une seule personne dont le CNU, depuis une quinzaine d'années,
refusait la promotion. Le pourcentage est négligeable.
L'accès au grade de professeur suppose une double
évaluation : habilitation à diriger des recherches, puis
qualification. Faut-il supprimer une de ces deux étapes et n'en
conserver qu'une comme chez nos voisins ? La majorité de mes
collègues estime que, du fait que les doctorats sont soutenus
désormais par de jeunes gens (entre 27 et 35 ans dans ma discipline, en
moyenne), il est tout à fait souhaitable que les maîtres de
conférences qui souhaitent devenir professeurs aient à produire
à la fois leur bilan scientifique et une oeuvre de maturité. Il
serait souhaitable en revanche d'harmoniser bien davantage les conditions et
les exigences de l'HDR entre les établissements.
L'évaluation de l'enseignement est une tout autre affaire. Autant, cette
évaluation me semble souhaitable, autant elle ne peut se limiter
à l'évaluation des cours : une formation comporte des
enseignements, certes, mais aussi une forme d'accueil des services de
scolarité, l'accès aux ressources documentaires, etc. Je crois
donc que le jour où nous parviendrons à cette évaluation,
ce sera très bien, mais ce n'est pas pour demain, parce que cela passe
aussi par une reconnaissance bien plus forte de l'énorme
diversité et disparité des tâches des enseignants (cf.
supra).
La recherche dans nos disciplines, grâce notamment au travail patient et
considérable de Maurice Garden pendant une quinzaine d'années (la
recherche universitaire en SHS lui doit énormément) s'effectue
désormais quasi-totalement au sein d'équipes
évaluées tous les 4 ans. Cette transformation a été
capitale. Mais alors même que, jusqu'en 1994, l'évaluation
était faite au sein de groupes d'études techniques et de groupes
d'experts qui avaient une vision globale de l'ensemble, cette évaluation
se fait désormais dans le cadre du contrat d'établissement. Si
l'autonomie des établissements y gagne beaucoup, cette évaluation
fait à coup sûr perdre une vision générale et se
traduit par une très grande opacité des évaluations.
De la même façon, l'attribution des primes d'encadrement doctoral
et de recherche s'est faite depuis sa création jusqu'en 1994 par ces
groupes d'experts dont l'identité était connue et les
critères publiés. Ce n'est plus le cas depuis 1994.
3) Les conséquences de réformes des études
universitaires et de la recherche
a) En ce qui concerne la recherche, la réforme la plus importante est
l'intégration des 3
èmes
cycles au sein d'études
doctorales. Il me semble encore prématuré d'en faire un bilan,
parce que la taille et la composition de ces écoles doctorales est
très variable d'un établissement à l'autre. Dans ma
discipline, l'intégration aux écoles doctorales s'est faite dans
des directions très différentes. Pour ne prendre que le cas de
Lyon, les sciences de l'information et de la communication sont
intégrées à des écoles comprenant des ensembles
disparates :
- Lyon 1 : toutes les sciences humaines et sociales,
- Lyon 2 : les sciences du langage, les sciences de
l'éducation et la psychologie clinique,
- Lyon 3 : la gestion (l'école s'appelle
Management-Information-Finances),
- ENSSIB/INSA : l'informatique.
Ce cas n'est pas une exception et aucun de ces regroupements n'est
insensé, mais cela conduit à un éclatement des
perspectives et une relative perte de visibilité des caractères
propres aux sections transversales créées en 1983 (c'est le
groupe 12, que je préside) car ces disciplines sont déjà
très interdisciplinaires dans leur conception même. La
conséquence pour les emplois est encore peu nette parce que le
recrutement des jeunes enseignants-chercheurs par les CSE est peu lié
à la recherche dans nos disciplines, même si c'est d'abord
l'activité de recherche qui préside à leur
qualification : les enseignements dans des formations de type DEA sont de
peu de poids dans l'ensemble et la réglementation (inégalement
respectée) interdit à un enseignant de faire plus d'un tiers de
son service en 3
ème
cycle. Ce sont donc les exigences des
autres cycles d'enseignement qui déterminent le choix des emplois.
b) Le trait le plus net de toutes les réformes récentes des
études concerne la professionnalisation (IUP, licences professionnelles,
DESS et bien-sûr de multiples diplômes d'université). Cela,
en revanche, a eu un impact immédiat et considérable sur la
nature et les profils des emplois mis au concours. Dans ma discipline, la
prolifération des enseignements liés au multimédia et aux
technologies de l'information en général, a
généré un accroissement très sensible d'emplois
liés aux techniques, avec deux effets divergents :
- d'une part, et on ne peut que s'en féliciter, une intégration
très rapide des NTIC dans les formations, et donc une adaptation aux
besoins de la société : les étudiants de nos
filières spécialisées sont préparés aux
nouveaux outils ;
- de l'autre, une relative perversion de la nature des emplois, définis
par des techniques plus que par des sciences. En d'autres termes, la
banalisation prochaine de ces techniques risque de nous laisser dans dix ans
avec un stock important d'enseignants dont la compétence initiale sera
de moins en moins nécessaire : la société de
l'information devrait imposer au contraire le recrutement d'enseignants
soucieux des usages plus que des techniques. En ce domaine, il y a eu une
relative dérive de ce qui est au coeur des emplois de type PAST
(compétence professionnelle) vers les emplois universitaires. Cela est
particulièrement net dans les secteurs non-spécialisés en
information-communication : les intitulés et les profils des
emplois y ont souvent été fixés dans une relative urgence
et sans connaissance des acquis de la discipline. Pour aller vite, on
privilégie le savoir technique et informatique alors que l'insertion des
NTIC ne repose pas sur les machines mais sur les changements de comportements
et d'organisation. Bref, l'innovation technique ne peut réussir que dans
le cadre d'une innovation sociale. Cela impose, bien sûr, une
compétence technique mais ne s'y réduit pas.
4) La mobilité et la valorisation de la recherche
Les mesures prises pour faciliter la mobilité internationale
(bonification d'ancienneté par exemple) sont de peu d'effet parce que
trop de contraintes restreignent la possibilité même de la
mobilité : pour l'essentiel, la multiplicité des
tâches des enseignants (dont leurs tâches administratives)
interdisent à ceux (de tous âges) pour qui la mobilité
serait la plus profitable, et la plus utile de l'université, de le
faire. Pourtant, nous savons très bien l'effet de la fertilisation
croisée que nous éprouvons lors de nos séjours dans
d'autres universités ou des séjours dans nos équipes ou
nos filières de collègues étrangers (beaucoup plus
fréquents). Là encore, la solution majeure repose sur
l'accroissement massif du nombre de CRCT à l'exemple des
établissements anglo-saxons.
Nous avons fait dans le passé (de 1984 à 1987),
l'expérience d'une mobilité obligatoire pour passer du corps des
MCF au corps des professeurs. Personne à ma connaissance n'a
regretté l'abandon de cette mesure, qui profitait surtout au tropisme
parisien.
En ce qui concerne la valorisation de la recherche, je serai très bref,
puisque les sciences humaines et sociales n'ont que rarement (les sciences
économiques et la gestion tenant une place à part) les liens
inévitables qu'ont les sciences expérimentales avec les acteurs
économiques et industriels. La visibilité de la recherche, dans
la société, s'en ressent. Ainsi, par exemple, le pôle
universitaire lyonnais (universités et grandes écoles) a-t-il mis
sur pied une publication (Isotopes) destinée à valoriser les
recherches faites à Lyon. Le bilan qu'en faisait la commission recherche
de ce pôle il y a quelques semaines tient d'abord à ce qu'il y a
un déséquilibre très fort entre la recherche
expérimentale (seule recherche réellement visible par le grand
public) et le reste de l'activité scientifique (ainsi, par exemple, nous
relevions que, du côté des SHS, il y avait une valorisation facile
de l'archéologie et de la phonologie - reconnaissance vocale oblige - et
une très faible valorisation de la majorité du champ).
Il y a donc à mes yeux trois niveaux de valorisation :
- le premier est celui de la formation à la recherche par les bourses
CIFRE : celui-ci est, dans ma discipline, assez faible, sauf en ce qui
concerne l'informatisation de l'outil documentaire (intelligence
économique et tout ce qu'on appelait naguère système
experts, ou veille stratégique) ;
- le second est celui des contrats de recherche, qui sont tout de même
l'activité régulière de nos équipes. Je n'en
connais guère qui n'aient de lien régulier avec deux
catégories d'acteurs : les collectivités territoriales
(notamment les régions), d'autres administrations ou services publics ou
parapublics, d'une part, des entreprises privées de l'autre. Pour ne
prendre que le cas de l'équipe que je dirige, nous avons eu au cours du
dernier plan quadriennal des contrats de recherche réguliers avec la
région, la CCI de Lyon, la DRASS, et le CERTU (ministère de
l'équipement), d'une part, et de l'autre, France Telecom, une
télévision locale, un site de Rhône-Poulenc et le casino de
Lyon. J'ajoute à cet ensemble les contrats qui réunissent
plusieurs équipes françaises et/ou étrangères dans
le cadre de contrats européens ou de contrats privés. Cette
activité contractuelle, à peu près absente des SHS il y a
15 ou 20 ans, est devenue normale et quasi quotidienne ;
- le troisième est la mise en valeur publique des activités de
recherche, soit par le biais de colloques, soit par le biais de notre
participation directe à certaines instances locales, régionales
ou nationales (pour exemple, nous sommes un nombre significatif
d'universitaires de SHS à siéger actuellement au conseil de
développement de l'agglomération lyonnaise). Dans ma discipline,
encore une fois, la recherche nous met en contact inévitablement avec
les opérateurs des médias qui sont à la fois nos
interlocuteurs et nos partenaires et, peu ou prou, tous les acteurs
économiques ou politiques intéressés au
développement de la société de l'information. J'insiste
sur ce point parce que la recherche en SHS comporte toujours plus ou moins une
dimension politique ou citoyenne, qui nous met en rapport direct avec les
problèmes de la cité ou de la société. Un chercheur
de ma discipline est donc naturellement appelé à intervenir
publiquement dans la cité. C'est à nos yeux une évolution
extrêmement positive.
Là encore, on constate une évolution rapide et
considérable dont on ne peut que se réjouir.
Un point noir cependant, propre à ma discipline, tient à
l'absence totale de reconnaissance de notre existence par le CNRS. Il n'y a
aucun laboratoire de la 71
ème
section associé au CNRS,
et la création récente d'une nouvelle section du CNRS
baptisée STIC (sciences et techniques de l'information et de la
communication) a été la source d'une immense déception,
parce que les SHS en sont exclues. L'éducation nationale a raté
le plan Informatique pour tous, il y a 15 ans, parce qu'elle a cru que
c'était une affaire d'informaticiens. Il y a là un immense
malentendu : la société de l'information n'est pas une
affaire de tuyaux et de logiciels, mais d'innovation sociale, et si le Centre
national d'études des télécommunications a
été pendant 15 ans le principal soutien institutionnel de nos
recherches sur la formation des usages, le CNRS, lui, nous ignore toujours.
C'est la raison pour laquelle je ne dis rien dans cette réponse des
chercheurs, parce que nos seuls chercheurs sont vacataires, et liés
temporairement à nos contrats de recherche, mais nous ne disposons
encore d'aucun emploi de chercheur, ce que nos collègues
étrangers ont quelque mal à comprendre, d'ailleurs.
M.
Gérard Emptoz, président de la section 72
« Épistémologie, histoire des sciences et des
techniques »
I.-
Politique ministérielle de répartition des emplois en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements
Il convient d'indiquer que les problèmes, connus des autres sections du
CNU, aussi bien de recrutement que de carrière, sont amplifiés
dans la nôtre à cause de ses spécificités qui
présentent des particularités.
Quatre d'entre elles peuvent être signalées ici :
1.
La variété des spécialités scientifiques
caractéristiques de la discipline représentée par la
72
ème
section
Les spécialités sont l'histoire des mathématiques, de
l'astronomie, de la physique, de la chimie, des sciences de la vie et de
l'univers, des techniques et des industries, des sciences humaines et sociales,
des disciplines médicales, ainsi que la logique, et
l'épistémologie des sciences. Aucun n'est spécialiste de
l'ensemble, et chaque enseignant-chercheur doit être reconnu dans sa
spécialité, et donc évalué par des experts
compétents au niveau de la section 72 du CNU. Cette section est
donc très particulière car elle pratique
l'interdisciplinarité par nécessité. C'est aussi là
que se trouve l'origine de certains problèmes de reconnaissance par les
institutions universitaires.
2. Une section qui ne représente pas tous les
enseignants-cher
cheurs
dont la recherche, aussi bien que l'enseignement,
se rapporte à la 72
ème
section, ne sont pas tous,
loin de là, rattachés à cette section. En particulier,
plusieurs sont rattachés à la philosophie
(17
ème
section), ou à leur discipline d'origine
(sections de mathématiques, physique, chimie, biologie, etc.).
Par ailleurs, à côté des universités, le CNRS a
aussi plusieurs équipes reconnues en histoire et philosophie des
sciences et des techniques, et les plus importantes sont regroupées
à Paris. Mais on trouve aussi de nombreux chercheurs isolés dans
des équipes dont la spécialité n'est pas toujours
l'histoire des sciences.
3. Une section où la moyenne d'âge est très
élevée par manque de recrutement
La moyenne d'âge des personnels titulaires en 2001 est la suivante :
professeurs (PR) = 57 ans ; maîtres de conférences (MC)
= 52 ans. Les plus jeunes d'entre eux ont 36 ans. La
72
ème
section a des effectifs assez faibles par rapport aux
autres sections. Le nombre d'enseignants rattachés à la
72
ème
section est actuellement de 22 PR et 33 MC, soit
55 titulaires. Ces chiffres n'ont guère changé depuis trois
ans.
4. Une politique ministérielle trop timide
Dans certaines universités, la discipline a pu se maintenir grâce
à des DEA, mais, par contre, au niveau des premiers et seconds cycles,
les enseignements restent extrêmement limités. L'existence de
maquettes où il est prévu d'introduire, depuis plusieurs
années, un enseignement d'histoire des sciences et des techniques, n'est
guère suivie d'effets ; d'autre part, les IUFM n'ont pas su
intégrer cet enseignement de manière systématique dans les
cursus des futurs professeurs de matières scientifiques et techniques,
alors qu'une demande est manifeste.
La politique ministérielle a entériné des demandes
universitaires en nombre très limité faute de véritable
intégration de l'histoire des sciences dans les cursus scientifiques.
Les offres d'emploi restent faibles depuis plusieurs années. Ainsi, en
2000, il y avait, au titre de la 72
ème
section, 4 postes
de maîtres de conférences vacants ou susceptibles de l'être,
et 3 postes de professeurs ; en 2001, c'est encore moins : 3
postes MC et 1 poste PR.
Toutefois, au cours de ces deux années, ont été
créés par le ministère, à titre exceptionnel (voir
les propositions présentées par le rapport Lecourt, voir infra),
5 postes MC en 2000 et 5 postes PR en 2001. Cette politique
volontariste a été ressentie très positivement par la
communauté concernée, car elle a redonné du sang neuf aux
équipes existantes et conforté des initiatives souvent fragiles
à l'intérieur des facultés scientifiques ou
médicales.
II.- Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière, et l'évaluation
des enseignants-chercheurs de la section
On peut essayer de relier les éléments précédents,
pour montrer l'existence de cercles vicieux :
- Une réforme qui ne prévoit pas un recrutement
d'accompagnement ne pourra pas être appliquée, et cette
impossibilité aura pour conséquence, à court et moyen
terme, l'abandon de cette réforme (on pourrait parler ici des
propositions avortées comme celles du rapport Bourdieu) ; c'est
pourquoi les propositions du rapport Lecourt tentent d'éviter une telle
situation avec une politique volontariste de création de postes de
maîtres de conférences.
- Les recherches structurées dans le domaine étant
menées essentiellement au sein de laboratoires du CNRS, c'est là
que l'on trouve les jeunes chercheurs, et non dans les universités qui,
elles-mêmes, manqueront d'enseignants dans le domaine. Les équipes
reconnues (labellisées) sont trop peu nombreuses actuellement pour que
soient offerts aux enseignants-chercheurs de réels moyens de faire des
recherches de haut niveau.
- Une section sans recrutement est une section où les
possibilités de carrière sont faibles, et une section où
ces possibilités sont faibles n'est pas attractive pour les chercheurs
ou les enseignants-chercheurs (ainsi, les universitaires, dans des sections
scientifiques, préfèrent y rester, les patrons
préfèrent essayer de recruter dans leurs laboratoires).
Parallèlement, on note la « vieillesse » du
recrutement (40 ans en moyenne pour les maîtres de
conférences, d'après une étude récente faite par un
membre de la 72
ème
section). Cela semble en partie dû
au manque de postes durant une vingtaine d'années. Un nombre de postes
insuffisant et peu d'avancement dans la carrière ont
découragé les jeunes candidats.
A titre d'exemple, un problème lié au déroulement des
carrières est survenu en 2000, lorsque le ministère n'a
octroyé aucune promotion pour l'ensemble des personnels promouvables de
la 72
ème
section. Ceci a suscité une
réclamation de la part du bureau de la section auprès du
ministre, puisque cet événement survenait au moment même
où il venait de faire état des créations de postes suite
au rapport Lecourt. Dans sa réponse, le ministre indiquait les raisons
techniques qui l'avaient amené à ce résultat, dont le mode
de calcul est sans doute valable pour des sections nombreuses, mais visiblement
pas adapté à la nôtre. Nous avons obtenu finalement deux
promotions, une pour un maître de conférences et une pour un
professeur, après un examen approfondi des dossiers par la section.
Ceci souligne les hésitations que peuvent avoir certains
collègues pour un rattachement en 72
ème
section, faute
de l'assurance d'une carrière « normale ».
III.- Les conséquences pour la gestion de ces personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche, introduites depuis une dizaine d'années
En notre domaine, la réforme des DEUG scientifiques introduite par
F. Bayrou aurait pu apporter une ouverture vers l'histoire des sciences
avec l'instauration d'une unité de valeur de culture
générale. Cela n'a pas donné de résultats tangibles
au niveau des postes mis au concours, faute de politique au sein des
universités pour prendre l'histoire des sciences comme un
élément incontournable de la culture des scientifiques dans le
monde actuel (voir le rapport Lecourt à ce sujet).
En effet, le rapport de Dominique Lecourt, dressé en 1999 à la
demande du ministre Claude Allègre, a joué récemment un
rôle essentiel pour tenter de donner à notre discipline, à
l'instar de ce qui se passe dans plusieurs pays étrangers, la place
qu'elle mérite, en particulier dans les cursus de sciences et de
médecine. Sur la base des propositions du rapport Lecourt, le
ministère a décidé de créer 5 postes de
maîtres de conférences par an pendant trois ans (projet
ramené ensuite à deux ans), pour la mise en place dans les
premiers cycles des facultés des sciences et des facultés de
médecine, des enseignements en histoire et philosophie des sciences et
des techniques. Cette initiative a offert des débouchés à
des candidats doublement compétents, qualifiés en
72
ème
et/ou en 17
ème
sections (philosophie)
et ayant une formation scientifique.
Il convient de noter qu'au même moment, le CNRS ne semble pas donner
à la discipline toutes les possibilités de se développer
en relation avec les disciplines historiques, scientifiques ou philosophiques.
La pluridisciplinarité n'est pas toujours facile à mettre en
oeuvre compte tenu de l'organisation actuelle des instances de tutelle.
IV.- Conséquences des mesures destinées, d'une part, à
favoriser la mobilité des enseignants-chercheurs (France et
étranger), et, d'autre part, à promouvoir la valorisation de la
recherche
Il semble que la question de la balance entre recrutements dans les
universités et dans les laboratoires est importante. Elle joue aussi
bien sur la qualité de la recherche (il semble qu'un ancrage plus
universitaire ouvrirait de nouvelles pistes pour la recherche et pour la
diffusion d'une culture scientifique), que sur celle de l'enseignement (car il
est clair qu'une activité de recherche vivifierait
particulièrement l'enseignement).
On pourrait imaginer, à partir de là, des réformes aussi
bien sur les cursus que sur les recrutements, qui viseraient à favoriser
la recherche universitaire (en particulier en province).
Parmi les mesures possibles, des demandes spécifiques seraient à
formuler. Ainsi, par exemple, des universitaires pourraient avoir une charge
d'enseignement traditionnel plus faible que dans le cas général,
afin de pouvoir se consacrer à la création de nouveaux
thèmes de recherche. Il en serait de même dans le but de
contribuer à la diffusion de la culture scientifique. Des
expériences locales montrent qu'il est possible de prendre de telles
initiatives à condition qu'on leur donne un peu de soutien.
PRÉSIDENTS DE SECTIONS DU CNRS
M. Amand George, président de la section 5
« Matière condensée : organisation et dynamique
»
1.
Politique ministérielle de répartition des emplois, en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements.
Avant tout, il faut que l'effort global - le nombre de postes total - soit
suffisant. Il n'y a pas de secteurs pléthoriques que l'on pourrait
réduire au profit de domaines émergents jugés
prioritaires. Développer les sciences du vivant ou les sciences de
l'information bien sûr ! Le faire au détriment des
mathématiques, de la physique ou de la chimie, sûrement pas. Ce
serait un marché de dupes.
Déterminer à l'avance les besoins de chaque grand domaine,
prévoir les évolutions, voire les ruptures, c'est très
difficile. Je crois qu'une grande modestie s'impose. Je crois aussi que les
étudiants et les jeunes collègues sont très capables de
discerner les secteurs d'avenir et de s'y engager, en entraînant
d'ailleurs avec eux des chercheurs confirmés.
Encore faut-il, pour développer un domaine nouveau, qu'existent une
formation de base adaptée et un nombre suffisant de candidats
potentiels : afficher trop brutalement et sans préparation une
priorité vers un secteur donné risque, faute d'un
« vivier » suffisant, d'aboutir à des recrutements
médiocres de chercheurs qui seront par la suite incapables de renouveler
leurs thématiques.
D'autre part, piloter la recherche fondamentale à partir des besoins
socio-économiques n'est pas une bonne idée. Là encore,
sous le prétexte louable d'accélérer le passage de la
recherche aux applications, on risque de rigidifier les filières et de
stériliser le chercheur. Même si cela peut paraître un
privilège exorbitant au regard des exigences de la plupart des autres
métiers, il faut laisser au chercheur une réelle liberté,
tout en lui accordant les moyens nécessaires à son travail.
Je crois que l'on gagnera à être exigeant quant à la
qualité, à la détermination, à la passion des
personnes recrutées sur des emplois de chercheurs mais sans les orienter
trop précisément vers un secteur donné.
S'agissant des enseignants-chercheurs, les recrutements doivent tenir compte
à la fois des besoins d'enseignement et des priorités des
laboratoires. C'est souvent difficile à concilier. Je crois qu'il n'est
ni possible ni souhaitable, de faire coïncider trop strictement
matières enseignées et activité personnelle de recherche.
Nos jeunes collègues ont une formation assez solide et assez large pour
bien enseigner dans différents domaines et être créatifs en
recherche... à condition que les charges d'enseignement soient
raisonnables. Je crains qu'elles ne soient actuellement souvent excessives pour
les maîtres de conférence. Le résultat est qu'ils font trop
peu de recherche, ce qui à terme nuit à leur culture et diminue
leur capacité à se renouveler.
2. Problèmes rencontrés à l'occasion du
renouvellement, du déroulement de carrière et de
l'évaluation des chercheurs et des enseignants-chercheurs.
Pour les chercheurs CNRS, les procédures actuelles, dans notre domaine
disciplinaire, garantissent des recrutements de très haute
qualité. Les candidats reçus au concours de chargé de
recherche sont tous pourvus de très bonnes bases, très
désireux de faire ce métier. Tous ont dû faire la preuve de
leur autonomie comme de leur aptitude à un travail en équipe.
En contrepartie de cette période longue de probation (thèse,
post-doc), ils occupent leur premier emploi professionnel à un âge
déjà avancé, souvent près de trente ans.
Au regard des qualités requises à l'embauche, le
déroulement de la carrière au CNRS est totalement
déraisonnable. Si la 1
ère
classe des chargés de
recherche est atteinte rapidement, en 3 ou 4 ans, l'accès au corps
de directeurs de recherche (DR2) est trop long et trop incertain : le
nombre de postes ouverts est si faible au regard des besoins que le
succès relève presque du hasard. C'est très injuste,
très frustrant et totalement décourageant pour les chercheurs.
Pour ceux qui ont franchi ce barrage, la suite est également très
difficile et l'accès à la 1
ère
classe des DR a
aussi un fâcheux caractère aléatoire, malgré les
compétences et le souci d'objectivité des instances
d'évaluation.
J'estime que, pour améliorer cette situation, il faudrait pour notre
section au moins 8 postes de DR2 par an pendant 4 ans, au lieu de 6 cette
année (et de 5 l'an dernier), et 4 postes de DR1 par an (au lieu de 2 et
peut-être 3 cette année), également pendant 4 ans. Au bout
de 4 ans, on pourrait faire un nouveau point.
S'agissant de l'évaluation, le fonctionnement du comité national
n'est sûrement pas parfait mais il présente nombre
d'avantages : caractère collectif des appréciations, ce qui
réduit les passe-droits et les erreurs ; mise en concurrence des
personnels comme des laboratoires, au niveau national ; transparence, les
rapporteurs et les membres des sections étant connus de tous ;
souci de prendre en compte les divers aspects du métier de chercheur et
d'éviter une évaluation faussement objective qui consisterait,
par exemple, à compter les publications sans chercher à en
apprécier la portée...
La nouvelle formule des comités d'évaluation des laboratoires,
donnant plus de poids et de temps aux experts, est un progrès. Il reste
à mieux articuler comités d'évaluation et sections du
comité national, les premiers formulant des jugements ponctuels que les
secondes peuvent replacer dans le contexte national.
Je ne suis pas compétent pour juger du recrutement et des
carrières des enseignants-chercheurs universitaires, qui relèvent
du CNU et des commissions de spécialistes locales, lesquelles ont
actuellement le pouvoir de décision finale en matière de
recrutement.
J'avoue ma préférence personnelle pour une évaluation au
niveau national, comme c'est pratiqué au CNRS, tout en reconnaissant que
ce système est très lourd à mettre en oeuvre dans les
universités. Actuellement, le comité national n'évalue
l'activité des enseignants-chercheurs que de façon assez globale
et superficielle à l'occasion de l'évaluation des laboratoires
associés au CNRS. Les tentatives faites il y a quelques années
pour généraliser chez les enseignants-chercheurs les fiches
annuelles d'activité n'ont guère été suivies
d'effet.
3. Conséquences pour la gestion des personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche, introduites depuis une quinzaine d'années.
Plusieurs évolutions à mon sens positives peuvent être
mentionnées.
a)
La séparation entre chercheurs type CNRS et
enseignants-chercheurs universitaires s'atténue, au moins parce que de
nombreux jeunes chercheurs s'investissent dans l'enseignement, à temps
partiel mais significatif.
Du côté des enseignants-chercheurs, la possibilité
d'accueil en délégation au CNRS compense un peu la lourdeur des
services et permet aux maîtres de conférences de faire une ou deux
années de recherche à temps plein. Ces possibilités
pourraient être accrues et être offertes plusieurs fois à la
même personne au cours de sa carrière.
b)
La contractualisation quadriennale
ministère/universités/CNRS est une bonne chose. Cela simplifie la
tâche des responsables d'unité qui connaissent pour 4 ans la
hauteur de leur soutien financier de base. Cela a aussi amélioré
l'implication des chercheurs CNRS dans les universités et
sensibilisé les universitaires aux exigences de la recherche
scientifique.
c)
Le remplacement de la thèse d'Etat par l'habilitation à
diriger des recherches (HDR) est aussi un progrès. Cela rend les
chercheurs beaucoup plus rapidement disponibles à un travail
d'équipe et facilite la mobilité thématique.
d)
La mentalité des chercheurs me semble avoir
évolué. Ils sont plus sensibles aux attentes de la
société en général et consacrent plus de temps
à rendre leur activité compréhensible par les
non-spécialistes. Je crois aussi que les interactions avec le monde de
l'entreprise sont beaucoup plus nombreuses et naturelles, même si les
impératifs respectifs sont souvent difficiles à concilier.
Parmi les évolutions négatives, je vois l'alourdissement des
charges d'enseignement des maîtres de conférence
déjà cité.
Dans un tout autre ordre d'idée, l'application stricte d'un code des
marchés totalement inadapté au fonctionnement de la recherche
occasionne une fantastique déperdition d'énergie dans les
laboratoires !
4. Conséquences des mesures destinées, d'une part,
à favoriser la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs,
tant en France que vers l'étranger, et, d'autre part, à
promouvoir la valorisation de la recherche.
Il est assez largement reconnu aujourd'hui qu'un jeune ne doit pas être
recruté dans son laboratoire de thèse sans avoir, au minimum,
effectué un « post-doc » à l'étranger.
Beaucoup de laboratoires se sont convaincus qu'ils avaient intérêt
à recruter des chercheurs formés ailleurs. Cela me paraît
très sain et doit continuer à être encouragé, pour
éviter un retour à la facilité antérieure.
Ceci étant, il y a beaucoup à dire sur la mobilité. La
mobilité géographique, comme on dit, ne garantit pas l'ouverture
d'esprit vers l'extérieur. En revanche, de nombreux chercheurs ont su
rester créatifs, se renouveler, être influents dans leur
communauté sans changer d'affectation.
Dans notre communauté, les très grands équipements, comme
les centres de rayonnement synchrotron, aident puissamment aux interactions
entre chercheurs et à une saine émulation.
La mobilité des chercheurs n'est pas toujours immédiatement
bénéfique aux laboratoires : une thématique forte
tient souvent à la présence d'un meneur qui anime toute une
équipe. Le départ de ce meneur pose le problème du devenir
des autres membres de l'équipe, une situation difficile à
maîtriser dans un laboratoire.
Quant à la mobilité dite thématique, elle est au moins
souvent le résultat d'une évolution lente que le fait de ruptures.
Il faut se garder des solutions simples. Une obligation de mobilité pour
accéder au grade de DR, par exemple, ferait à mon avis plus de
mal que de bien à la recherche.
Malgré l'évolution lente rapprochant CNRS et universitaires, on
doit constater l'échec des tentatives pour faire passer des chercheurs
dans le corps des enseignants. C'est à mon sens dommage mais très
compréhensible : les universitaires ont pu légitimement
s'inquiéter d'une arrivée en nombre de chercheurs mal
préparés à l'enseignement, mais bien placés pour
des promotions, étant donné l'importance de la production
scientifique pour l'avancement dans l'enseignement supérieur.
D'où des conditions excessives mises à la recevabilité des
candidatures qui ont suffi à décourager les chercheurs qui
auraient pu être tentés.
La mobilité des chercheurs vers l'entreprise est, je dois le
reconnaître, rarissime dans notre domaine. La valorisation de la
recherche est rarement faite par les chercheurs eux-mêmes. Dans ce
domaine, je vois peu de progrès récents. La pire des choses
serait que les chercheurs se consacrent à des sujets mal posés ou
hors de leurs compétences pour satisfaire à tout prix à
une sorte d'obligation morale de faire du travail
« utile ». Une autre dérive qui guette le chercheur
tenté par la valorisation est l'amateurisme qui ne peut conduire
qu'à l'échec.
Je dois reconnaître que peu, parmi les chercheurs que nous
évaluons, peuvent faire état de réelles actions de
valorisation industrielle.
5. Réformes souhaitables dans ce domaine.
Un des points très préoccupants pour l'avenir est la
désaffection des étudiants pour les sciences dites dures comme la
physique. C'est d'autant plus surprenant pour les chercheurs qu'eux-mêmes
savent bien à quel point leur discipline évolue constamment, avec
la mise au point de nouveaux outils, de nouveaux concepts, etc.
Comment rendre la recherche et la science attractives pour les jeunes ?
Peut-être pourrait-on impliquer davantage les laboratoires dans la
formation des lycéens et des collégiens. Je suis convaincu que
beaucoup de nos collègues répondraient favorablement à ce
genre de demande.
Plusieurs voies ont été proposées plus haut pour rendre la
recherche française plus efficace. Je crois qu'une des conditions du
succès est la continuité. Les à-coups désorientent
dans un secteur d'activité où beaucoup de
persévérance est souvent nécessaire pour aboutir.
Pour le recrutement des personnels, le déroulement des carrières,
le remplacement des départs à la retraite, il faut programmer sur
plusieurs années, en concertation avec les secteurs de la recherche,
annoncer les décisions et s'y tenir !
Je m'aperçois que je n'ai parlé que des chercheurs et des
enseignants-chercheurs. Le rôle des ingénieurs et techniciens de
la recherche est essentiel dans les laboratoires, au moins dans nos disciplines.
Il y a eu dans ce domaine une dégradation continue depuis plusieurs
années. Il y a aussi de fortes disparités dans les
carrières des ingénieurs et techniciens, selon qu'ils
dépendent du CNRS ou des universités. Améliorer et
organiser l'emploi des ITA de recherche est nécessaire.
M.
Paul-Alain Rolland, président de la section 8
« Électronique, semi-conducteurs - Photonique - Génie
électrique »
1) La
politique ministérielle de répartition des emplois, en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements.
a) Le grand nombre de départs à la retraite qui se manifestent
depuis 2 ans et qui devraient se poursuivre à un rythme soutenu jusqu'en
2006 pose le problème du renouvellement de la population de chercheurs,
des enseignants-chercheurs et des ITA/IATOS.
Si, au niveau de l'éducation nationale, les laboratoires associés
au CNRS parviennent en général à conserver les postes
d'enseignants-chercheurs correspondant aux départs en retraite (prime
à la recherche), le manque d'anticipation dans la programmation des
emplois a créé un double problème :
- un recrutement important ponctuel et non étalé dans le temps
qui ne permet pas toujours un recrutement optimal à une période
où l'on assiste à une certaine désaffection pour les
disciplines scientifiques ;
- une limitation de la mobilité géographique au vu du nombre de
postes disponibles au niveau local.
Par contre, dans certains établissements qui développent une
réflexion sur leur évolution à moyen et long terme, cet
afflux de postes peut-être l'occasion d'un redéploiement
thématique bénéfique correspondant à la politique
et aux spécificités locales, incluant bien-sûr les besoins
en enseignement non nécessairement compatibles avec les priorités
en recherche.
Enfin, l'absence de lissage dans le temps (avec anticipation, bien sûr)
du renouvellement des postes va créer un pic dans la pyramide des
âges.
Au niveau du CNRS, le renouvellement des postes de chercheurs partant à
la retraite n'est pas assuré, car seule la réussite d'un candidat
au concours de recrutement permet de maintenir l'effectif. Sans que cela
devienne systématique, une meilleure prise en compte des besoins des
laboratoires, reconnus pour leur qualité scientifique, pourrait conduire
à un fléchage salutaire des postes mis au concours chaque
année.
Concernant les ITA et IATOS, si le CNRS a fait un effort important de
création ou de renouvellement des postes ces toutes dernières
années, il n'en est pas de même pour l'éducation nationale.
b) Les besoins de la recherche sont difficiles à définir
précisément très à l'avance. Les
établissements d'enseignement supérieur ont leur propre politique
de recherche qu'ils font remonter au ministère. Les laboratoires de
recherche ont également leur propre plan de prospective à moyen
et long terme. Ceux qui sont examinés par le comité national
doivent développer des thématiques de recherche en
cohérence avec la politique scientifique de leur département de
rattachement. Au niveau du comité national, chaque section contribue
à la rédaction des rapports de conjoncture et de prospective dans
leurs champs disciplinaires, et cette année, suite à la
création du département STIC, les sections relevant de ce
département réfléchissent également à la
stratégie à mettre en place pour le développement des STIC
au niveau national (thématiques, interdisciplinarité,
recrutement, sciences et société, espace européen de
recherche...). Cette réflexion est en cours à l'heure actuelle et
il faut noter que c'est la première fois au CNRS que des sections sont
aussi étroitement associées à la politique d'un
département.
De façon plus générale, le CNRS et les laboratoires de
recherche universitaires ont vocation à développer des recherches
amont quelque soit le champ disciplinaire concerné. S'il apparaît
souhaitable que les besoins de recherche prennent en compte les perspectives et
demandes économiques ou sociales, il faut néanmoins
préserver un potentiel de recherche significatif dans des domaines
apparemment plus éloignés de développements
économiques à court terme.
Une collaboration plus structurée entre le CNRS et la MSU - la situation
semble s'améliorer depuis quelques mois - permettrait une meilleure
définition des axes stratégiques et/ou prioritaires de la
recherche nationale et donc des moyens tant humains que matériels
à déployer. La section 08 a, à ce titre, et en accord avec
sa direction scientifique, ouvert sa session d'automne (examen des laboratoires
et des chercheurs) à un représentant de la MSU2. Ce rapprochement
entre les instances ministérielles et le CNRS devrait permettre de plus
de maintenir un potentiel de recherche et d'enseignement plus
équilibré par l'embauche régulière de chercheurs
et/ou enseignants-chercheurs, indispensable pour le maintien du dynamisme des
laboratoires.
2) Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs, notamment au regard des
spécificités statutaires de ces corps et de l'autonomie des
organismes de recherche et des universités.
Recrutement
:
Maîtres de conférence et Professeurs : trop de recrutements
locaux favorisés par le grand nombre de postes libérés par
les départs en retraite.
Chargés de Recherche : recrutement tardif des jeunes chercheurs qui
effectuent souvent plusieurs stages post-doc pour constituer et surtout
« épaissir » leur dossier. Peut-être
faudrait-il un peu minimiser l'importance de la publimétrie lors des
concours de recrutement. Ceci est malheureusement lié au faible nombre
de postes ouverts ces dernières années. Exception en 2001 avec 70
postes créés (35 chercheurs, 35 ITA) affectés
principalement aux départements STIC et SDV. Cependant, malgré
l'augmentation du nombre de postes, la pression (nb de candidats/nb de postes)
reste sensiblement constante.
Le nombre de candidats très important dans certaines sections (plus de
180 en 08 et plus de 300 en 07 pour les concours CR 2001) rend difficile
l'organisation matérielle de ces concours. Il serait souhaitable de
pouvoir effectuer un premier tri sur dossiers et ne convoquer à
l'audition que les meilleurs candidats. Malheureusement, pour cela, il faudrait
modifier les textes de loi régissant les concours de la fonction
publique. Ce point mérite cependant une réflexion urgente car il
en va de l'efficacité des jurys d'admissibilité. Comment, en
effet, interclasser de façon absolument objective des candidats dont les
auditions se sont étalées sur plus de 4 jours ?
Déroulement de carrière
:
Période faste actuellement pour la promotion des enseignants-chercheurs
au vu des nombreux départs en retraite.
Dans le même temps, les chercheurs CNRS souffrent d'un blocage de
carrière lors des passages CR1-DR2 et DR2-DR1 au vu du faible nombre de
postes mis au concours. En 2001, le nombre de postes a augmenté
d'environ 30 %, ce qui est significatif pour les concours DR2 (8 postes en 2001
en section 08) mais insignifiant pour les concours DR1 (toujours 1 à 2
postes en section 08 car 1 à 2 promotions les années
précédentes). Si le blocage relatif CR1-DR2 peut s'expliquer ou
se justifier (ce qui n'est pas le sentiment de la section 08) par une
incitation à la mobilité, qui pose par ailleurs d'autres
problèmes [cf. 4)], le blocage DR2-DR1 est incompréhensible car
il s'agit à ce niveau de chercheurs confirmés dont les dossiers
sont pour la plupart excellents et dont le CNRS a absolument besoin pour
développer et encadrer ses recherches. Geneviève Berger,
directrice générale du CNRS, a elle-même
considéré qu'il s'agissait d'un « mauvais niveau de
blocage ». Il conviendrait de remédier au plus vite à
ce problème générateur de frustrations et de
découragement qui nuisent, à la longue, au bon déroulement
des activités de recherche dans certains laboratoires.
Pour une meilleure égalité entre les chercheurs et
enseignants-chercheurs, il serait souhaitable de créer une
catégorie hors-classe pour les CR1 comme il en existe une pour les MC1.
Évaluation
:
Le CNU gère la carrière des enseignants-chercheurs sans
évaluer les laboratoires d'appartenance. Cette évaluation est
satisfaisante.
Le rôle du comité national est plus complexe puisqu'il effectue
une évaluation globale, laboratoire plus chercheurs CNRS. Ce
comité a maintenant acquis une longue expertise dans ce domaine, et
arrive à prendre en compte les différents aspects de la recherche
(scientifique, géographique, humain, priorités
thématiques...). Rien n'est parfait, certes, mais le comité
national de la recherche est sans conteste une instance d'évaluation
efficace et objective reconnue à juste tire au plan national et
international. Son principal problème lors des promotions réside
dans le faible nombre de postes offerts, rendant l'évaluation
comparative des candidats extrêmement difficile, à l'exception des
promotions CR2-CR1, quasi automatiques (à condition que les candidats
aient rempli leur mission, ce qui est à ce jour, le cas
général en section 08). Ici encore, le blocage des
carrières pour les promotions DR2-DR1 pose un réel embarras
scientifique et humain aux commissions.
La généralisation des unités mixtes de recherche avec des
fiches individuelles à remplir par les enseignants-chercheurs est un
réel progrès dans l'évaluation globale des unités
et devrait contribuer à une collaboration accrue entre la MSU et le
CNRS. Pourquoi pas des sessions d'automne du comité national
(évaluation des laboratoires et chercheurs) totalement ouvertes à
la participation de représentants de la MSU ? Ceci permettrait de
mieux comprendre le métier complexe qu'exercent les
enseignants-chercheurs souvent écrasés par l'alourdissement des
charges d'enseignement, principalement les jeunes MC, qui les pousse de plus en
plus à demander une délégation au CNRS. Ce problème
est réel car le ministère de l'éducation nationale annonce
un chiffre alarmant de plus de 60 % d'enseignants-chercheurs non
rattachés à un laboratoire de recherche. C'est un vivier
important qu'il conviendrait de remotiver.
3) Les conséquences pour la gestion de ces personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche, introduites depuis une dizaine d'années.
La contractualisation des unités, établissements et organismes de
recherche a eu un effet bénéfique à la fois pour les
enseignants-chercheurs qui se sentent plus impliqués dans leurs
structures, et pour les écoles doctorales dont la responsabilité
a été accrue, ce qui favorise une meilleure définition de
la politique de recherche locale avec une meilleure perception de
l'interdisciplinarité qui a du mal à se frayer un chemin dans
notre paysage de recherche national, bétonné par les
différentes sections du CNU et du CNRS. A ce niveau, un effort important
est à faire notamment pour les disciplines scientifiques aux
frontières. L'interdisciplinarité ne se décrète
pas, elle ne peut résulter que d'un long travail en commun sur le
terrain.
4) Les conséquences des mesures destinées, d'une part,
à favoriser la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs,
tant en France que vers l'étranger, et, d'autre part, à
promouvoir la valorisation de la recherche.
La mobilité est un bon concept à condition de ne pas
« déshabiller Paul pour habiller Jacques ».
Les mesures d'incitation à la mobilité des chercheurs CNRS qui se
sont manifestées, lourdement ces dernières années, ont
été très mal vécues par les
intéressés qui y ont vu une volonté de dégraissage
du CNRS plutôt qu'une mesure incitative positive. Les blocages
volontaires (?) au niveau des passages CR1-DR2 et DR2-DR1 ont eu un effet
profondément démotivant, et encouragé le syndrome
conjoncturel du professeur chez certains chercheurs CNRS. Ceci s'est traduit
par une demande massive de qualification aux fonctions de professeurs et de
chercheurs CNRS, mal vécue par les enseignants-chercheurs, qui y voient
une concurrence déloyale bien que conjoncturelle (il y a 20 ans, le
phénomène inverse était observé). Le plus grave
problème posé par cette mobilité unilatérale pour
les laboratoires est la perte d'un poste à chaque mutation (les
chercheurs CNRS partants ne sont pas remplacés), et la baisse
d'activité scientifique du chercheur, qui passe d'un régime 100 %
recherche à un régime 50 % enseignement/50 % recherche. Il ne
faut pas empêcher ce type de mobilité mais prendre des mesures
pour qu'il soit bilatéral.
La mobilité vers l'entreprise est très différente suivant
les champs disciplinaires, mais reste assez faible en moyenne. La
différence des métiers explique peut-être cela, mais cette
mobilité est à encourager en reconnaissant le droit à
l'erreur et le retour non pénalisant dans le giron du CNRS des
chercheurs ayant tenté, sans succès, cette expérience. Le
plus important dans ces échanges réside dans le transfert des
connaissances et de technologies, et le renforcement des liens entre la
recherche amont et les retombées économiques. Signalons cependant
que bien que limitée, cette mobilité a connu quelques
succès significatifs en section 08.
La création d'entreprise est aussi un problème délicat.
Sans accompagnement financier et technologique, une telle entreprise est
hasardeuse dans les champs disciplinaires de la 08. Ceci explique que l'ex-CNET
ait mieux réussi que le CNRS. Si la création de jeunes pousses
industrielles fait partie des missions du CNRS, qu'on lui donne alors les
moyens de mener à terme cette activité. La section 42
(valorisation) a disparu au CNRS, charge aux différentes sections de
prendre en compte cet aspect de la recherche pour les promotions.
Une section « Valorisation » réactualisée
avec des moyens adéquats pourrait créer les conditions
incitatives à des créations d'entreprise durables sans tomber
dans l'assistance (ou l'assistanat) qui tue les projets. Grâce aux
nouveaux décrets concernant ce secteur, une politique conjointe des
laboratoires et du CNRS impulsée par l'Etat pourrait aboutir à
des réalisations significatives dans des domaines frontières
entre la recherche amont et les applications industrielles. Là encore,
il conviendrait de reconnaître aux chercheurs téméraires le
droit à l'erreur souvent liée à une inadéquation
avec le divin concept actuel « time to the market ».
5) Les réformes souhaitables dans ce domaine.
Les métiers de l'enseignement supérieur et de la recherche
doivent impliquer des acteurs compétents et passionnés. Encore
faut-il qu'ils le restent. Le déficit de structures administratives
qualifiées affectées aux laboratoires (gestion des finances, des
contrats, des personnels ITA ou IATOS, secrétariat
général, coordination avec les établissements et les
projets ou réseaux de recherche nationaux ou européens...) fait
que les chercheurs et surtout les enseignants-chercheurs sont sur tous les
ponts. Ceux qui ne se découragent pas effectuent des multitudes de
tâches pour lesquelles ils ne sont pas toujours très
compétents, et des semaines de 60 à 70 heures de travail, loin
des 35 heures prônées actuellement (et qu'ils ne souhaitent
d'ailleurs pas).
Une profonde réforme serait souhaitable pour :
Remotiver les 60 % d'enseignants-chercheurs non rattachés à un
laboratoire de recherche.
Atteindre un juste équilibre volontaire enseignement-recherche en
fonction des capacités et personnalités des
enseignants-chercheurs, voire des chercheurs CNRS.
Donner aux laboratoires de recherche reconnus les moyens humains pour leur
gestion administrative, sans faire appel aux chercheurs ou
enseignants-chercheurs pour des tâches pour lesquelles ils ne sont pas
forcément compétents.
Renforcer la synergie CNRS-MSU pour le développement de la recherche au
plan national.
Développer une action forte pour attirer plus de jeunes
diplômés vers les secteurs de la recherche scientifique (effort
commun des laboratoires, des organismes de recherche et des ministères
compétents, qui devrait être coordonné au niveau national).
Assurer aux chercheurs et enseignants-chercheurs des salaires décents en
début de carrière et des possibilités de promotion
comparables à celles du secteur privé, sans blocage conjoncturel
(DR2DR1) non justifié.
M.
Pierre Alart, président de la section 9
« Mécanique - Génie des matériaux -
Acoustique »
1. La
politique ministérielle de répartition des emplois, en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements
Chercheurs
Le renouvellement d'une population de chercheurs CNRS, dont l'âge moyen
augmente, exigeait certainement une programmation des emplois avec une certaine
anticipation afin de pas reconstituer lors des forts départs à la
retraite entre 2000 et 2010 une « bosse » dans la pyramide
des âges. Tel n'a pas été le cas ou tout au moins
insuffisamment.
Les besoins de la recherche sont difficiles à déterminer
très à l'avance ; au mieux peut-on discerner, à
l'occasion de l'analyse de la conjoncture scientifique, au sein d'un champ
disciplinaire comme celui de notre section, les thématiques
émergentes. Le faible niveau de recrutement lors du mandat du
comité national de 1995 à 2000 nous a permis seulement
d'opérer quelques recrutements sur cette base, sur postes
fléchés (génie mécanique, microsystèmes,
système de production, vibrations et systèmes actifs) ou dans le
concours général à notre initiative (acoustique
picoseconde, milieux granulaires, couplages multi-physiques, méthodes
évolutionnaires en mécanique).
Plus globalement, à l'échelle du CNRS et au-delà, les
besoins de recherche ne sauraient se mesurer essentiellement en termes de
perspectives économiques ouvertes par un champ de disciplines. Or de
telles considérations semblent avoir présidé, au moins en
partie, à l'affichage d'un nombre très important de postes sur le
département STIC du CNRS, comme l'INRIA. Un tel afflux de postes
crée un déséquilibre dans l'organisme, et risque de
provoquer des éclatements dans les communautés scientifiques
concernées.
Rappelons que le CNRS a une vocation d'organisme de recherche fondamentale sur
l'ensemble du spectre de la connaissance. Dans ce cadre, le
CNRS doit
maintenir un potentiel de recherche conséquent sur des
thématiques n'étant pas nécessairement portées,
aujourd'hui mais non nécessairement demain, par une demande
économique ou sociale
.
Universitaires
Les créations ou renouvellements de postes d'enseignants-chercheurs dans
les établissements universitaires, mais également dans les
écoles d'ingénieurs, partenaires incontournables dans notre
secteur relevant des sciences pour l'ingénieur, sont pour l'essentiel
pilotées par les besoins d'enseignement non nécessairement
conciliables avec les priorités de recherche. Si, au cas par cas,
l'arbitrage est difficile et le résultat frustrant, globalement ceci
constitue un aiguillon au renouvellement des thématiques. Il en est
ainsi dans notre section, dont le développement est porté par les
besoins d'enseignement dans les filières professionnalisantes comme les
IUP ou les DESS. Ceci nous a conduit à réfléchir sur les
enjeux scientifiques de la recherche technologique.
En retour, les organismes de recherche, le CNRS en particulier, doit pouvoir
maintenir un potentiel dans les secteurs non portés par les besoins
d'enseignement
; il en est ainsi de l'acoustique de notre section.
Le développement de la recherche dans les universités nouvelles
pose des problèmes très spécifiques, qui exacerbent ceux
rencontrés par la recherche universitaire non associée au CNRS ou
à un autre organisme : difficulté pour les équipes
à atteindre une taille critique, à constituer des axes de
recherche cohérents liée à la diversité des
recrutements individuels sur des besoins d'enseignement éclatés,
manque de moyens.... Une orientation pourrait être d'inciter les
unités de recherches reconnues, au lieu de grossir par incorporation de
chercheurs issus de ces universités, à
parrainer des
structures de recherches
dans ces établissements ( ?).
2. Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et des enseignants-chercheurs, notamment au regard des
spécificités statutaires de ces corps et de l'autonomie des
organismes de recherche et des universités.
Chercheurs
Recrutement
: les jeunes chercheurs sont confrontés à
une entrée tardive dans la carrière par multiplication des stages
post-doctoraux nécessaire à l'amélioration de leur dossier
dans des concours sélectifs.
Carrière
: les chercheurs confirmés sont
confrontés à un blocage de carrière lors des passages
CR1-DR2 et DR2-DR1, générateur de frustration, de
découragement, et ce malgré l'attachement très fort qu'ils
portent à leur métier. Une proportion non négligeable de
chercheurs resteront bloqués au grade de CR1. En plus
d'une
augmentation du nombre de promotion DR2
, méritée par le plus
grand nombre, une possibilité
de création d'une hors-classe
des CR
nous rapprocherait de la situation des enseignants-chercheurs
(existence d'une hors classe des maîtres de conférences). S'il est
possible pour un ingénieur de recherches d'accéder au statut de
CR ou de DR, il conviendrait d'étudier une possibilité d'un
passage CR-IR susceptible de régler quelques cas particuliers.
Évaluation
: le comité national effectue cette
évaluation de manière satisfaisante de par sa longue pratique, un
dimensionnement correct en rapport à la communauté
évaluée permettant de s'écarter d'une simple
évaluation comptable. Cependant l'évolution du métier de
chercheur est marquée par une diversification des missions qui lui sont
assignées (recherche, diffusion, enseignement, valorisation...) qui
conduit à une diversité des profils des chercheurs, rendant
l'évaluation comparative lors des promotions délicate quand ce
nombre de promotions est faible. Cette difficulté pour le comité
national le devient aussi pour le chercheur. Si cette diversité est une
richesse, une situation de concurrence où l'on se croît
obligé de « remplir toutes les cases » nous conduit
parfois à rappeler au chercheur ce qui est sa mission essentielle.
C'est ainsi que les chercheurs s'investissent de plus en plus dans
l'enseignement, en particulier en 3
ème
cycle. Ceci ne va pas
sans poser problème puisque certains établissements ne
rémunèrent pas ces heures d'enseignement dans certaines
disciplines et envisagent même d'étendre cette pratique à
toutes les disciplines. En effet, dans certaines régions abritant de
nombreux organismes de recherche, certains secteurs disciplinaires comportent
beaucoup plus de chercheurs que d'enseignants-chercheurs. La difficulté
d'attirer des doctorants dans leur laboratoire incite certains chercheurs
à proposer d'enseigner gratuitement. Or l'enseignement ne faisant pas
statutairement partie des obligations d'un chercheur, cette démarche ne
peut être que personnelle et en aucune manière imposée
à d'autres, ce que confirme une lettre de la directrice
générale du CNRS en réponse à un courrier que je
lui avais adressé.
Deux lectures peuvent être faites de ce phénomène. La
première consiste à constater que les missions des chercheurs et
enseignants-chercheurs ont tendance à se recouvrir ; on peut alors
s'interroger sur une fusion des deux métiers. Mais on peut
également voir dans cette évolution le symptôme d'une mise
en concurrence des individus aboutissant à des effets pervers quant aux
droits et aux devoirs liés au statut. D'abord, le temps passé
à faire des enseignements gratuits est pris sur la recherche, mission
première du chercheur ; rappelons à ce propos que les
enseignements rémunérés d'un chercheur sont l'objet d'une
demande d'accord préalable de cumul limité en volume. Ensuite,
prendre la responsabilité d'un module d'enseignement ne se résume
pas à quelques heures de cours assimilables à des
conférences ; cela consiste aussi à définir un
objectif pédagogique et un contrôle
a posteriori
des
connaissances ; toute chose que la gratuité ne peut garantir. La
confusion n'est donc bonne pour personne et ne garantit pas que chacun
remplisse ses devoirs liés à ses missions.
Universitaires
:
Recrutement
: Le recrutement relève du CNU et des
commissions de spécialistes locales.
Carrière
: La carrière relève du CNU et des
instances locales, conseil d'administration (MCF) et conseil scientifique (PR).
Evaluation
: Le Comité national effectue cette
évaluation de manière globale sur une unité et non
individuellement, sauf à l'occasion des demandes de
délégation ou détachement au CNRS, où est aussi
examiné le projet de recherche. La carrière des
enseignants-chercheurs n'étant pas gérée par le
comité national, l'évaluation ne prend de sens que pour juger des
thèmes de recherche d'un laboratoire, de l'implication des
différents personnels, chercheurs et enseignants-chercheurs. Les visites
du comité national dans les unités, effectuées à
mi-parcours de la contractualisation permettent, mieux que l'examen des
dossiers, d'appréhender la totalité des tâches
supportées par les enseignants-chercheurs d'un établissement
à un autre. La pression de la direction d'une école
d'ingénieurs pour une implication importante dans la formation peut
être plus forte que dans une université. La
généralisation des unités mixtes de recherche avec
des
fiches individuelles des enseignants-chercheurs
devrait permettre de mieux
cerner leur contribution.
3. Les conséquences pour la gestion de ces personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche introduites depuis une quinzaine d'années.
Chercheurs
La contractualisation entre les unités, les établissements et les
organismes de recherche a contribué à une plus forte implication
des chercheurs dans les structures des établissements, en particulier
dans les écoles doctorales où est discutée la
répartition des allocations de recherche pour les doctorants entres les
unités. La nécessité d'avoir des personnels
habilités à diriger des recherches, quelque soit leur statut,
chercheurs ou enseignants-chercheurs, a favorisé le passage de l'HDR par
les chercheurs CNRS, pour lesquels ce n'était pas une obligation, pour
la promotion DR2 par exemple. Ce critère est devenu progressivement
capital pour accéder au grade de DR2.
Universitaires
Les réformes des études universitaires, et plus
généralement les évolutions en cours dans l'enseignement
supérieur, ont fortement pesé sur l'activité de recherche
des enseignants-chercheurs, essentiellement par l'alourdissement des charges
d'enseignement et péri-scolaires
lié à la
semestrialisation, la professionnalisation, le tutorat, les différentes
formes d'intervention pédagogique. En effet, la forte augmentation des
effectifs étudiants s'est de plus accompagnée d'une
nécessaire diversification des formations exigeant souvent un
investissement des universitaires plus lourd que par le passé. Cet
effort n'a pas été soutenu par une augmentation des effectifs
d'enseignants-chercheurs. Les jeunes MCF, investis dans leur mission, les plus
à même à répondre aux attentes des nouveaux publics
étudiants, en ont le plus pâti ; certains ont
délaissé leur activité de recherche. Un mouvement s'amorce
aujourd'hui chez les MCF pour demander des périodes d'activité de
recherche intense à travers des délégations au CNRS :
les possibilités suffisantes jusqu'à présent risquent de
se révéler insuffisantes assez rapidement.
La seule réponse ministérielle a consisté à
protéger quelques individus au sein de l'Institut universitaire de
France, dans la catégorie membres juniors, en les déchargeant de
cours, mais en laissant le plus grand nombre avec des charges incompatibles
avec une activité de recherche. Nombreux sont les responsables qui se
sont apitoyés sur les problèmes rencontrés par les jeunes
universitaires ; mais seules des mesures limitées à certains
et pour une période limitée ont été
envisagées. On peut s'interroger sur le refus ministériel
d'engager toute
diminution globale du service des
enseignants-chercheurs
, alors que la réduction du temps de travail
est à l'ordre du jour et que les universitaires ont vu leur service
augmenter ces 20 dernières années.
4. Les conséquences des mesures destinées, d'une part,
à favoriser la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs,
tant en France que vers l'étranger, et, d'autre part, à
promouvoir la valorisation de la recherche.
Chercheurs
La mesure d'incitation à la mobilité la plus visible pour les
chercheurs est le blocage volontaire de la carrière des chercheurs au
niveau des passages CR1-DR2 et DR2-DR1. Autant dire que cette
« incitation négative » (qui s'apparente plus
à une volonté de « dégraissage » du
CNRS) n'est pas bien ressentie par la communauté scientifique. Les
chercheurs aiment leur métier et ne sont pas disposés à
l'abandonner malgré une évolution de carrière incertaine,
sinon stagnante. De plus, la perte du contact momentanée avec la
recherche et ses évolutions rapides est vécue avec angoisse car
elle rend difficile un retour ultérieur vers le métier de
chercheur ; celui-ci exige un fort investissement et une grande
humilité.
Concernant la mobilité vers l'enseignement supérieur, les
universitaires vivent mal une concurrence qualifiée de déloyale,
les critères de recrutement au grade de professeur étant
essentiellement liés à la recherche. Certaines commissions du CNU
en viennent à imposer aux candidats chercheurs une productivité
scientifique bien plus importante que celle exigée des
enseignants-chercheurs.
Les incitations à la mobilité vers l'entreprise n'ont eu
guère plus de succès, y compris dans un département
où cette mobilité semble plus « naturelle »,
c'est-à-dire dans le département SPI. Les activités de
recherche et de développent sont donc des métiers perçus
comme assez différents. Faut-il y voir peut-être aussi une
distance importante entre les préoccupations de recherche dans les
laboratoires CNRS ou universitaires et celles des laboratoires de recherche
industriels, y compris dans les très grandes entreprises ? En tout
état de cause, l'attraction de revenus bien supérieurs ne semble
pas un argument suffisant.
On rejoint ainsi les questions de la valorisation, qui est une activité
très importante dan les laboratoires de la section 9. Cette
activité n'est pas jugée à part du reste ; elle est
intégrée dans notre évaluation. Mais elle ne doit pas
nuire à l'activité fondamentale du chercheur qui est de produire
de la connaissance. La récurrence du thème dans le discours
ministériel ou directorial laisse à penser que l'activité
de valorisation n'est pas suffisamment reconnue quand elle se substitue
à l'activité de recherche et que, par conséquent, ceux qui
la pratiquent en sont pénalisés. Mais, auquel cas, c'est le
statut du chercheur qu'il faut revoir puisqu'il serait alors entendu qu'un
chercheur pourrait ne pas faire de recherche... s'il fait de la valorisation.
La valorisation recouvre une grande diversité d'activités
à finalité économique, sociale ou culturelle. On y trouve
du transfert technologique comme de la vulgarisation scientifique.
Universitaires
La mobilité pour les universitaires est surtout entendue comme la
possibilité d'exercer leur activité de recherche de
manière intensive sur une période, que ce soit à
l'occasion d'une année sabbatique ou d'un détachement ou d'une
délégation auprès d'un organisme de recherche. Comme dit
plus haut, les demandes de délégation et détachement ont
tendance à croître, démontrant le besoin
qu'éprouvent de nombreux universitaires de réduire leur
investissement en enseignement pour se consacrer à la recherche. Mais
certains établissements refusent ou accordent au compte-gouttes leur
accord, créant ainsi une inégalité d'accès à
cette possibilité. Le système doit donc être revu pour
rétablir l'égalité entre les universitaires.
Il convient enfin de remarquer que les procédures de mobilité
entre chercheurs et enseignants-chercheurs ne sont pas
symétriques : un détachement provisoire dans un organisme de
recherche pour les uns, une intégration dans un corps
d'enseignants-chercheurs pour les autres.
5. Les réformes souhaitables dans ce domaine
On trouvera en gras dans le texte des propositions ou au moins des
orientations. On peut aussi utiliser les 60 propositions issues du rapport
Cohen-Le Déaut. Ces propositions sont assez largement soutenues par la
communauté scientifique. A une exception près cependant, la
suppression de l'habilitation à diriger des recherches. Je pense
traduire assez fidèlement l'avis de la communauté de la section 9
en demandant le maintien de l'HDR. C'est ainsi que la section 09 a toujours
poussé les chercheurs arrivés à maturité à
soutenir une HDR afin de formaliser leur maîtrise, à un moment
donné, d'un domaine de recherches suffisamment large. En effet, il nous
apparaît que ce moment où le chercheur prend du recul par rapport
à ses travaux sur une certaine période, les synthétisent,
est d'autant plus nécessaire que le mode de diffusion scientifique est
aujourd'hui dominé par la quantité, la rapidité et la
standardisation. L'HDR présente en outre un avantage sur l'ancienne
thèse d'Etat : beaucoup plus souple dans sa forme, elle marque une
étape dans la carrière sans mettre un point final à
l'activité de recherche.
M.
Francis Grousset, président de la section 12
« Planète Terre : enveloppes superficielles »
Point
1 : la politique ministérielle de répartition des emplois
Le problème de la distribution bimodale de la pyramide des âges
tant à l'université qu'au CNRS est un des problèmes
majeurs que les ministères vont avoir à régler dans les
années qui viennent. La résolution passe par des recrutements
accrus, conduits en parallèle au CNRS et à l'université.
Ces deux organismes devront coordonner leur politique pour éviter les
doublons ou les lacunes. Ce risque sera fortement corrigé par
l'accroissement des créations de structures mixtes
CNRS/universités qui permettent d'avoir une vision synoptique.
Néanmoins, des champs d'expertise mériteront des recrutements
volontaristes.
Le vivier existe : nous avons beaucoup plus de candidats d'excellent
niveau que de postes offerts au concours d'entrée au CNRS ou à
l'université. Que deviennent ceux qui ne sont pas recrutés ?
Ou ils partent à l'étranger (et on peut parler alors de fuite des
cerveaux), ou ils se dirigent vers le privé, dans des voies totalement
différentes.
Parallèlement, on observe une chute des recrutements d'agents
techniques. Dans le cas de l'océanographie, et plus largement des
thématiques qui concernent l'étude de l'environnement actuel et
futur de la Terre, nous allons avoir à faire face à des
problèmes de personnels très importants dans les années
qui viennent, si nous voulons développer correctement les observatoires
de l'évolution de l'environnement : stations marines (santé
de la biomasse marine), hydrologie continentale (problème de l'eau),
suivi des gaz à effet de serre (réchauffement de la
planète et de ses conséquences). Ces approches vont
nécessiter de forts recrutements dans des domaines techniques : ce
besoin semble mal perçu par les organismes de tutelle.
Par ailleurs, les métiers évoluent plus vite que les
règlements et les lois. Ainsi, les agents techniques sont
recrutés sur des profils définis par l'administration (les BAP),
qui parfois ne correspondent plus exactement aux nouveaux métiers de la
recherche. Des métiers nouveaux sont nécessaires aux interfaces,
à cheval sur deux BAP différents. La procédure actuelle
conduit alors à des inadéquations entre le savoir-faire d'un
agent recruté, et les tâches pour lesquelles il est
recruté. La rigidité des règles administratives de la
fonction publique n'est plus adaptée à l'évolution
permanente des métiers scientifiques.
Point 2 : problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs
Le système de recrutement, d'évaluation et de promotion
utilisé au CNRS à un niveau national mériterait
certainement des améliorations, mais il reste une excellente approche
qu'il convient de conserver. La section 12 a toutefois des besoins
spécifiques. Elle gère les problèmes d'environnement
(océan, atmosphère, surfaces continentales). Ces problèmes
nécessitent des approches multidisciplinaires, une
nécessité de dialogues interdépartementaux, des
recrutements sur des postes fléchés interdépartementaux.
En cela, les thématiques abordées se distinguent de domaines
moins pluridisciplinaires (sciences de l'homme et de la société)
qui utilisent donc des critères d'évaluation différents.
Cette spécificité est une nécessité fondamentale
pour le développement des sciences de l'environnement, et les politiques
de recrutement, mobilité, promotions doivent en tenir compte et
être mieux soutenues par les tutelles.
En ce qui concerne les déroulements de carrière, on observe des
blocages évidents au niveau des changements de grades, blocages
générateurs de frustration, de démotivation. Les salaires
ne sont absolument pas attractifs. On rencontre alors une énorme
difficulté à recruter par exemple des candidats issus de grandes
écoles, ou bien des agents d'autres organismes français, ou
surtout des étrangers (aux Etats-Unis, un
Senior Scientist
gagne
au minimum deux fois plus qu'un directeur de recherche CNRS, alors que la vie
n'est pas deux fois plus chère).
Enfin, je rejoins mon collègue Chatenay lorsqu'il soulève le
problème des lourdeurs des règlements de la fonction publique qui
ne prennent pas en compte les spécificités des métiers de
la recherche scientifique, et qui freinent terriblement la rentabilité
de l'organisme. Ce phénomène s'aggrave chaque jour, et il n'est
pas exagéré d'imaginer qu'il pourrait conduire à la longue
à l'asphyxie totale du système.
Point 3 : conséquences pour la gestion des personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche
Au niveau du recrutement des personnels, on doit s'intéresser à
l'impact des réformes sur la formation et la sélection des
candidats qui sont recrutés. Je considère que l'attribution de
bourses de thèses aux meilleurs des DEA est une mauvaise formule. Au
niveau bac + 5, on devrait d'abord évaluer la capacité future
à faire de la recherche, et non plus la capacité à
absorber un maximum de connaissances en un minimum de temps.
Ensuite, au niveau de la thèse de doctorat, les sujets de thèse
devraient être conçus en collaboration avec les
étudiants ; c'est le cas aux Etats-Unis ; c'est un gage de
motivation maximale pour les étudiants. Sinon, des étudiants sont
formés en thèse sur des sujets qui ne les intéressent pas
forcément, et on observe donc sur le marché des candidats en
recherche d'emploi qui ne sont pas en phase avec la demande, qui ont du mal
à vendre leur savoir-faire. Par ailleurs, lors de la soutenance de
thèse, on devrait supprimer les mentions. En effet, les critères
d'attribution retenus à un niveau national ne sont pas appliqués
de la même manière dans toutes les universités ;
ainsi, ces mentions n'ont qu'une valeur régionale, ce qui est
pénalisant pour certains candidats au moment des concours (car les
mentions rentrent alors dans les critères d'évaluation).
Enfin, on est en droit de se demander s'il ne conviendrait pas de supprimer
l'habilitation à diriger des recherches. Cette corvée
imposée à des chercheurs confirmés est avant tout une
perte de temps qui participe au ralentissement de l'activité de
l'organisme.
Points 4 et 5 : conséquences des mesures destinées
à favoriser la mobilité et à promouvoir la valorisation,
et les réformes souhaitables dans ce domaine
Si elle est forcée, la mobilité est vécue comme une
brimade ; elle ne peut pas générer de bonification
individuelle. A l'opposé, la mobilité choisie est tout à
fait souhaitable ; elle induit des effets positifs, stimule la motivation,
oxygène les chercheurs et permet des développements prolifiques.
La mobilité temporaire (1, 2 ans dans un autre centre de recherche, dans
une autre université, dans un laboratoire étranger) est courante,
et très bénéfique.
La mobilité définitive : les tentatives visant à
« pousser » les chercheurs du CNRS vers des postes
d'enseignant de l'éducation nationale n'ont pas vraiment réussi.
La raison principale de cet échec réside dans le fait qu'il n'y a
aucun avantage lié à la mobilité. Un chercheur à
temps plein, aimant son métier, habitué à travailler
à 1000 % en recherche, devrait tout d'un coup enseigner durant 50 % de
son temps et donc réduire de moitié son activité de
recherche. En contrepartie, on ne lui propose ni avantage financier personnel,
ni progression dans l'échelle indiciaire. Pour quelle raison un
directeur de recherche de 2
ème
classe au plus haut
échelon, qui n'aspire qu'à passer en première classe,
accepterait-il de candidater sur un poste de professeur de
2
ème
classe ? Il a actuellement plus
d'inconvénients que d'avantages à ce type de mobilité
proposée par les tutelles, ce qui ne peut que limiter la mobilité
depuis les organismes de recherche vers les universités. Par contre,
à l'inverse, on observe un fait nouveau : des enseignants
candidatant sur des postes de chercheur !
Une alternative à la mobilité imposée. Les unités
mixtes de recherche liant le CNRS et l'industrie offrent un contact avec le
milieu industriel qui paraît très bien perçu par les
acteurs de ces unités. On voit de plus en plus d'unités mixtes
CNRS/université/3
ème
partenaire, ce dernier pouvant
être un organisme industriel (la Société européenne
de propulsion, par exemple), public ou semi-public (INRA, CNES, IFREMER, etc.).
Cette formule semble très fertile et elle paraît à beaucoup
plus attractive que la mobilité définitive vers un des organismes
de l'association. Des transferts volontaires vers l'industrie peuvent alors se
produire spontanément.
La valorisation : autant elle est aisée à imaginer dans
certaines disciplines, autant elle est difficilement envisageable dans
d'autres ; la section 12 qui travaille sur des problèmes
d'environnement (modèles de prévision du climat, par exemple)
produit peu de brevets dans certains secteurs et noue peu de contacts avec les
industriels. Simplement parce que ces domaines fondamentaux sont
nécessaires à la connaissance amont, mais ne se prêtent pas
immédiatement à l'application. Au mieux, on peut vulgariser,
communiquer vers le grand public. Il y a donc une forte
hétérogénéité entre les sections, entre les
disciplines. C'est une des spécificités d'un organisme comme le
CNRS. Les tutelles nous demandent de plus en plus de prendre en compte la
valorisation dans nos évaluations. Mais comment comparer 1) le dossier
d'un physicien de l'atmosphère, théoricien, dont le champs de
recherche est fondamental, mais qui ne peut pas valoriser, sinon par des
publications scientifiques, 2) avec le dossier d'un chimiste qui étudie
la pollution des fumées d'usines et qui va lier des contacts avec des
industriels, mettre au point des équipements, déposer des
brevets. Comment les interclasser ?
Je me joins à mon collègue Chatenay, lorsqu'il s'inquiète
du risque qu'il y a à penser la recherche fondamentale uniquement en
termes de retombées socio-économiques. Par contre, nous sommes
beaucoup à être convaincus (en particulier en section 12) que nous
avons le devoir d'écouter la demande sociétale, et d'orienter nos
activités non seulement en fonction des axes prioritaires, des
programmes, des découvertes, etc. mais aussi en fonction de la demande
de la société. C'est un problème qui concerne
particulièrement l'environnement (effet de serre, évolution
climatique, pollutions diverses, érosion, inondations, etc.), et donc la
section 12 du CNRS en particulier.
M.
Henri-Claude Nataf, président de la section 13
« Physique et chimie de la Terre »
1.
Politique ministérielle de répartition des emplois, en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements
L'Europe ne compte que 5 chercheurs pour 1.000 habitants, contre 7,5 aux
Etats-Unis et 8,5 au Japon (cf. direction de la recherche de la Commission
européenne). Le CNRS et l'université ont été les
premiers groupes de fonctionnaires à s'ouvrir largement sur
l'étranger. La construction de l'Europe va accentuer cette ouverture,
qui doit se traduire par un plus grand nombre de postes de type directeur de
recherche ou professeur, vraiment accessibles aux candidats étrangers.
Le CNRS (et les universités) permettent l'accueil temporaire de
chercheurs étrangers ou d'industriels. Ces postes d'accueil sont une
source de vitalité importante de la recherche et ils doivent être
maintenus.
Contrairement aux universités, le CNRS a su et pu anticiper la vague de
départs à la retraite qui s'amorce. C'est très important,
d'une part, afin d'éviter le découragement des jeunes chercheurs
qui postulent au CNRS avant cette vague, et, d'autre, part, pour ne pas
reproduire une pyramide d'âge déséquilibrée. Il est
clair que ce renouvellement important des effectifs de chercheurs ne doit pas
se faire en conservant les mêmes équilibres disciplinaires, mais
qu'il faut au contraire en profiter pour développer les
thématiques nouvelles. C'est ce que fait le CNRS en ouvrant un plus
grand nombre de postes en sciences et techniques de l'information et de la
communication, ainsi qu'en sciences de la vie. L'effort est moins marqué
dans les sciences de l'environnement, qui sont pourtant une priorité du
gouvernement, et pour lesquelles la pression sociétale est forte.
Dans ce même domaine de l'environnement et des sciences de la
planète, qui sont les objets d'études centraux de la section 13
du CNRS, nous souffrons de la faible implication des universités. Les
filières lourdes d'enseignement n'ont en effet guère
évolué depuis cinquante ans et, dans le domaine des sciences
dures, la physique microscopique (quantique, atomique et nucléaire)
constitue toujours le noyau dur des filières et donc des recrutements
d'enseignants-chercheurs. Par ailleurs, ces filières attirent moins
d'étudiants qu'auparavant. Dans l'enseignement secondaire, malgré
de nombreux efforts, les sciences de la planète restent une
sous-discipline des sciences de la vie, et il n'y a pas de formation de type
agrégation ni donc de recrutement dans ce domaine.
Il est donc heureux que le CNRS (et dans une moindre mesure les observatoires)
permette un recrutement de qualité de chercheurs dans les Sciences de
l'univers. Cet effort doit être amplifié.
La recherche n'est pas seulement une affaire de chercheurs. Une équipe
de recherche comprend également des étudiants et des ITA
(ingénieurs, techniciens, administratifs). En ce qui concerne les ITA,
leur recrutement a été trop fortement limité au CNRS dans
les dix dernières années. On a voulu palier une gestion
médiocre du personnel ITA en en diminuant le nombre. La
conséquence en est que les chercheurs consacrent trop de temps à
des tâches qui leur sont normalement dévolues, au détriment
de la recherche. Par ailleurs, l'essor des nouvelles technologies de
l'information et de la communication a fait naître de nouveaux
métiers qui tardent à être reconnus dans la fonction
publique. Afin de donner aux organismes de recherche et à leurs acteurs
l'écho qu'ils doivent avoir dans la société, un effort
devra être fait pour recruter des personnels formés à ces
nouveaux métiers. La forte demande actuelle dans le privé ne
rendra pas l'opération facile à réaliser.
En ce qui concerne les étudiants, leur nombre est en diminution dans de
nombreux domaines. La mise sur pied des écoles doctorales, qui
consacrent la formation par la recherche et remettent les doctorants (et leur
avenir) au coeur des laboratoires, peut permettre d'enrayer cette tendance
à la baisse. Cela passe par une plus grande ouverture des laboratoires
vers le tissu industriel (le nombre de chercheurs dans les entreprises est de
2,5 pour 1.000 habitants en Europe contre 6,7 aux Etats-Unis.
2. Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs, notamment au regard des
spécificités statutaires de ces corps et de l'autonomie des
organismes de recherche et des universités
Recrutement
Le CNRS continue à attirer les meilleurs chercheurs. Ainsi la pression
pour le concours des chargés de recherche est-elle de plus de 10 dans le
département des sciences de l'univers. On note également une
forte augmentation des candidatures de chercheurs étrangers et
d'enseignants-chercheurs sur les postes de directeur de recherche, ce qui
souligne la forte attractivité scientifique du CNRS.
La sélection des candidats est assurée par les jurys
d'admissibilité, composés des experts élus et
nommés dans chacune des 40 sections du comité national de la
Recherche Scientifique (CN). Les critères de sélection apportent
une place importante à la formation et à l'excellence du candidat
dans le domaine de la recherche, mais aussi à son aptitude au travail en
équipe et à ses qualités humaines. La sélection sur
dossier et audition est assurée avec une très grande
compétence et impartialité par la section du comité
national.
Des règles très rigides encadrent ce travail. Comme souvent dans
l'administration française, on a voulu éviter une
éventuelle partialité du jury en balisant le parcours de
règles qui, s'appliquant à tous, donnent l'illusion d'une
réelle égalité. Ainsi décrétera-t-on juste
et impartial l'obligation d'auditionner tous les candidats dans des conditions
strictement identiques, même si pour cela l'un des candidats aura
dû effectuer, à ses frais, le déplacement depuis l'autre
bout du monde. Le nombre croissant de recours administratifs de candidats
malheureux (qui démontrent à leur manière la forte
attractivité du CNRS) ne fait qu'amplifier cette tendance rigoriste et
le cercle vicieux qui en résulte.
Malgré ces vicissitudes, les sections du comité national
accomplissent leur rôle de recruteurs avec un très grand
sérieux et une réelle efficacité. Il reste à
améliorer l'articulation des critères d'excellence des candidats
avec les priorités de l'établissement et des laboratoires.
Carrières
Je ne ferai que mentionner ici le problème du blocage des
carrières des ITA. Les possibilités d'avancement sont ridicules
et découragent les meilleurs, en particulier dans les métiers
où l'offre privée est forte (comme en informatique et
communication).
Les possibilités de recrutements de directeurs de recherche de
2
ème
classe (DR2) sont très insuffisantes. Il en
est de même pour les promotions DR2 DR1, où le nombre de
candidats qui mériteraient incontestablement cette promotion est de
près de cinq fois supérieur aux postes disponibles dans nos
disciplines. Il en résulte un découragement et un sentiment
d'injustice pour ces chercheurs qui ne ménagent pourtant pas leurs
efforts.
Le recrutement de DR « externes » (c'est-à-dire de
chercheurs qui ne sont pas déjà au CNRS) est encore plus
réduit, alors que la pression est en forte augmentation (candidatures
d'enseignants-chercheurs, et de chercheurs en poste dans les pays de l'Union
européenne ou d'autres pays). Il est clair que, dans le cadre de
l'intégration européenne, des efforts devront être faits
dans ce domaine. Il convient néanmoins de noter que la France est
probablement l'un des pays les plus ouverts de l'Union dans le domaine de la
recherche publique.
Notons enfin la très grande diversité des fonctions
assurées par les chercheurs. On ne réalise pas toujours qu'avec
la même « casquette » de chercheur, nous et nos
collègues assumons des tâches qui, dans d'autres organismes ou
entreprises incomberaient, par exemple, à des « responsables
des ressources humaines », « chefs de projet »,
« chargés de la communication »,
« chargés de la formation », etc. La
multiplicité de ces tâches est certes source de richesse pour les
individus comme pour le CNRS. Elle est encouragée et prise en compte
dans l'évaluation et l'évolution de carrière. Elle
amène néanmoins parfois à une dispersion qui peut nuire
aux objectifs de recherche.
Évaluation
L'une des missions du comité national est l'évaluation de
l'activité des chercheurs et des unités (laboratoires)
liées au CNRS.
L'activité de chaque chercheur est évaluée tous les 2 ans
et, en particulier, lors des demandes de contractualisation des unités
(tous les 4 ans). Le système permet une évaluation suivie et de
qualité.
Les outils de l'évaluation se modernisent avec la mise à
disposition par le CNRS des dossiers des chercheurs sous forme
électronique, et l'accès (encore limité) aux bases de
données bibliométriques (mesure de l'impact des articles
écrits par les chercheurs). Le métier de chercheur est difficile
et exigeant. Les cas de chercheurs qui remplissent mal les missions qui leur
sont confiées sont rares. Grâce au suivi de l'évaluation,
le comité national arrive souvent à remettre ces quelques
chercheurs sur la bonne voie. Il subsiste parfois quelques cas insolubles.
Notons que l'expertise du comité national a vocation à s'exercer
au-delà du CNRS et pourrait en particulier être sollicitée
au niveau des régions et de l'Europe.
3. Les conséquences pour la gestion de ces personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche, introduites depuis une dizaine d'années.
J'ai déjà mentionné à plusieurs reprises l'apport
positif du nouveau système des écoles doctorales. L'extension du
monitorat à l'enseignement supérieur a également permis de
revaloriser le statut de doctorant pour une petite minorité. Cependant,
le montant des allocations de recherche, 7400 francs bruts mensuels,
inchangé depuis plus de 10 ans, est devenu trop faible et
décourage les meilleurs étudiants.
Le statut d'ATER a aidé à une certaine mobilité en France
et à une meilleure préparation au métier d'enseignant. Il
s'apparente néanmoins de plus en plus à l'ancien statut
d'assistant et manque comme lui de perspectives.
La contractualisation des universités et des unités de recherche
a enfin permis la définition d'une politique à plus long terme.
Elle s'est accompagnée d'un réel accroissement d'autonomie des
universités (y compris dans la gestion des allocations de recherche). Il
reste cependant difficile dans les laboratoires d'articuler recrutements
universitaires et du CNRS, et, dans les universités, de concilier
autonomie et qualité de recrutement.
4. Les conséquences des mesures destinées, d'une part,
à favoriser la mobilité des enseignants-chercheurs, tant en
France que vers l'étranger, et, d'autre part, à promouvoir la
valorisation de la recherche.
Les chercheurs du CNRS peuvent facilement obtenir d'être
détachés à l'étranger ou dans l'industrie. Dans
notre domaine des sciences de la planète où les grands programmes
internationaux ne sont pas rares, la mobilité vers l'étranger est
monnaie courante, et c'est une source d'enrichissement et de rayonnement de la
recherche française.
Il est plus difficile pour un enseignant-chercheur de partir à
l'étranger, et souvent il aura recours à une
délégation au CNRS pour pouvoir passer un an ou deux ans dans un
laboratoire étranger.
En ce qui concerne la mobilité vers la France
,
nous souffrons
d'un grave manque de possibilités d'accueillir des post-docs. Alors que
dans des pays comme les Etats-Unis, les post-docs constituent le fer de lance
de la recherche, il est très difficile de financer des post-docs en
Francs. Un gros effort a été fait au niveau de l'Union
européenne, mais uniquement pour des échanges en son sein.
Au niveau des études doctorales, nous avons également des
difficultés à attirer des étudiants étrangers,
plutôt à cause des problèmes de langue et de
disparité des cursus et des diplômes en Europe. Là aussi,
les assouplissements récents des critères d'attribution
d'allocations de recherche, la mise sur pied des écoles doctorales et
les efforts d'homogénéisation au sein de l'Union
européenne vont dans le bon sens.
En ce qui concerne la valorisation de la recherche, les nouveaux dispositifs
fournissent une réelle incitation. Pour autant, de grands efforts
restent à faire pour rapprocher les mondes universitaire et industriel.
Un véritable changement de mentalité a commencé, en
particulier avec les efforts déployés au niveau des études
doctorales. Les programmes intégrés européens jouent
également un rôle positif. Mais la valorisation a avant tout
besoin d'une recherche fondamentale de haut niveau. Les nouvelles orientations
de l'Union européenne dans cette direction avec la construction de
l'espace européen de la recherche sont très encourageantes mais
demanderont une politique très volontariste en France.
Notons que la valorisation de la recherche en tant que valeur culturelle aurait
également besoin d'être amplifiée. Il y a une forte demande
de la société, des jeunes, des enseignants, des média pour
profiter davantage des savoirs des chercheurs. La communication et la diffusion
des connaissances font donc partie de la panoplie des tâches des
chercheurs. Faute de moyens et de personnels suffisamment formés et
disponibles, nous avons du mal à donner à cette valorisation
l'ampleur requise.
5 - Les réformes souhaitables dans ce domaine
La recherche fondamentale française est de grande qualité.
Comme une grande partie de l'Administration française, elle souffre de
règles obsolètes et rigides et d'un manque d'efficacité
dans la gestion. Le soutien de base des laboratoires ne représente plus
qu'une toute petite fraction des sommes gérées par eux. Ceux-ci
font appel à de très nombreux contrats (publics et privés)
qui amènent un cloisonnement et une lourdeur qui handicapent la
recherche. S'il est bien sûr nécessaire de
« piloter » la recherche et d'encourager les meilleurs, la
dispersion actuelle des moyens est lourdement ressentie comme une entrave
à la compétitivité. Ce système augmente par
ailleurs (paradoxalement) les reliquats, crédits attribués non
dépensés en fin d'année.
Un autre blocage important concerne les règles des marchés
publics et leurs seuils, qui sont très mal adaptés aux
spécificités des activités de recherche.
En ce qui concerne les carrières, j'ai déjà
mentionné le manque d'évolution des carrières des ITA et
la forte insuffisance des promotions directeurs de recherche au CNRS. Un gros
effort devrait être aussi fait pour reconnaître les nouveaux
métiers (communication en particulier) et recruter (ou former) dans ces
domaines.
Les règles qui régissent le recrutement au CNRS comme à
l'université sont beaucoup trop lourdes. Les chercheurs sont
obligés de consacrer beaucoup trop de temps à des réunions
où les responsabilités sont diluées. Ils sont
sollicités pour des rapports de toute sorte qui restent souvent sans
suite.
Enfin, la France doit se doter de réelles possibilités
d'accueillir des post-docs.
M.
Jean-Claude Vial, président de la section 14
« Système solaire et univers lointain »
1.- La
politique ministérielle de répartition des emplois, en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements.
Il faut distinguer la politique d'emploi des années passées de la
politique menée cette année.
Dans les années passées, rien n'avait été
prévu pour commencer à anticiper les forts départs en
retraite (1/3 d'ici 2010). L'effort de 2001, dont il faut espérer qu'il
se poursuivra, commence à corriger cette fâcheuse tendance. Il est
toutefois important de remarquer ici que l'augmentation notable de postes en
2001 est allée vers les sciences de la vie et vers le tout nouveau
département STIC (sciences et technologies de l'information et de la
communication), d'où notre discipline, et les sciences de l'univers en
général, sont exclues pour des raisons qui nous sont encore
obscures.
Bien sûr, il faut partir des besoins, difficiles à quantifier
à l'avance. Nous pouvons nous appuyer sur les travaux de prospective
d'Arcachon qui datent de 1998, distinguer les besoins des thématiques
« traditionnelles » de ceux des thématiques
émergentes, et mesurer sur trois années (1998 à 2000) la
façon dont la stratégie annoncée est mise en oeuvre en
termes de recrutements. On constate alors que malgré le faible nombre de
recrutements annuels (37 recrutements entre 1996 et 2000, soit une moyenne
de 7 recrutements par an dans notre section), il a été possible
de faire place à des recrutements sur thématique nouvelle
(exobiologie), ou en plein essor (cosmologie, exploration planétaire) ou
sur préparation de projet majeur (ALMA), ainsi que dans des domaines
à caractère nettement pluridisciplinaire (astroparticules,
physico-chimie du milieu interstellaire...). Les postes affichés cette
année traduisent d'ailleurs ce souci.
Remarquons ici que, si certaines thématiques, telle la physique des
relations Soleil-Terre, peuvent répondre à telle ou telle demande
technologique ou économique de la société, notre
discipline a sa logique et sa vocation propre, et que le CNRS lui-même a
vocation d'organisme de recherche fondamentale sur l'ensemble du spectre de la
connaissance.
2.- Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et des enseignants-chercheurs, notamment au regard des
spécificités statutaires de ces corps et de l'autonomie des
organismes de recherche et des universités.
Recrutement :
Les jeunes chercheurs sont confrontés,
dans notre discipline, à une entrée tardive dans la
carrière par la multiplication et la durée des stages
post-doctoraux effectués à la sortie de thèse. Ces stages
peuvent être vus comme nécessaires à l'amélioration
de leur dossier dans des concours très sélectifs. Ils sont aussi,
nous semble-t-il, nécessaires au mûrissement des projets de
recherche de candidats qui seront embauchés pour plus de 35 ans.
Le nombre limité de recrutements par rapport à la demande pose
évidemment la question du sort des candidats non retenus, ni au CNRS, ni
dans les autres concours, candidats dont l'âge tourne autour de la
trentaine.
Cette année, le taux de pression à l'entrée CR2 est voisin
de 20 en astronomie, un taux pratiquement deux fois plus élevé
que la moyenne du CNRS.
Nous plaidons certes pour une formation forte par la recherche en
astronomie : par son caractère pluridisciplinaire, l'astronomie
offre des possibilités de formation en physique, en instrumentation, en
informatique (disons en « STIC »), en simulation
numérique, etc. Et la qualité de la formation en astronomie
semble conduire à des embauches sans problèmes de ses doctorants
dans des secteurs divers. Toutefois, notre discipline a besoin d'un effort de
recrutement soutenu pour mener à bien les tâches ambitieuses de
son programme et préparer correctement son renouvellement.
Carrière :
Les chercheurs confirmés sont
confrontés à un dramatique blocage de carrière lors des
passages CR1-DR2 et DR2-DR1. Ce blocage peut être
générateur de frustration, de découragement et aller ainsi
à l'encontre de la qualité des recherches.
Une proportion non négligeable de chercheurs restera bloquée au
grade de CR1 et les chercheurs le savent. Cette année, par exemple, plus
de 55 CR1 candidatent au concours DR2 pour un nombre (exceptionnellement
élevé) de 7 postes. Ces chiffres cachent une autocensure
certaine et, en particulier, la renonciation à la candidature à
partir d'un certain âge. Même si le nombre de postes DR2 restait
à 7 par an, nous aurions à faire face à un
« bourrelet » de 25 candidats ayant aujourd'hui entre 40 et
45 ans. Nous ne prétendons pas que le passage CR-DR soit
« automatique » mais nous estimons anormal, injuste, que
des chercheurs effectuant un travail de qualité plafonnent pendant
près de vingt ans au même échelon.
Nous nous demandons d'ailleurs si la création d'une hors-classe des CR
(qui nous rapprocherait de la situation des enseignants-chercheurs)
n'améliorerait pas la situation.
Évaluation :
Comme l'ensemble du comité
national, notre section effectue cette évaluation sur la base de la
qualité scientifique, des publications, des responsabilités
prises (dans le cas des chercheurs en poste) ainsi que des travaux
d'encadrement et de valorisation. De ce point de vue, nous vous invitons
à consulter la liste des critères d'évaluation.
Notre commission tient aussi implicitement et explicitement (à travers
ses propositions d'affichage de postes, par exemple) des orientations
stratégiques.
Par ailleurs, comme noté dans le rapport sur l'évaluation de
J.-P. Bourguignon pour la mission CNRS-Avenir, le métier de
chercheur a évolué vers une diversification des missions qui lui
sont assignées (recherche, responsabilités diverses, diffusion,
enseignement, valorisation, expertise...), ce qui conduit à une
diversité des profils des chercheurs. Ceci rend l'évaluation
comparative délicate quand le nombre de promotions est faible et devient
carrément préoccupante dans le cas de recherches
pluridisciplinaires qui risquent de tomber entre les mailles des diverses
expertises. Cette situation désoriente aussi le chercheur, tenté
de satisfaire à tous les critères, au risque d'une certaine
dispersion.
On constate ainsi que nos chercheurs s'investissent de plus en plus dans
l'enseignement, en particulier en 3
ème
cycle. C'est
évidemment une excellente chose qui concourt à un bon
positionnement de l'astronomie et du CNRS dans les universités (souvent,
mais pas toujours...). En règle générale, cet engagement
des chercheurs se fait sur une base individuelle, ce qui rend plus difficile la
cohérence du projet pédagogique. De plus, outre évidemment
les enseignants-chercheurs, les chercheurs du corps des astronomes ont
déjà des tâches de service et une charge d'enseignement et
il n'est pas souhaitable que la possibilité - unique - du chercheur CNRS
de faire de la « recherche à plein temps »
disparaisse.
Pour ce qui est des enseignants-chercheurs, même si la gestion de leur
carrière n'est pas dans le champ d'action des sections du comité
national, nous voudrions souligner les points suivants :
- la mobilité géographique des enseignants-chercheurs est,
dans le statut actuel, extrêmement difficile ;
- les charges d'enseignement et les tâches administratives ont pris
une ampleur telle que l'activité de recherche de ces personnels est
maintenant très freinée, en particulier pour les jeunes
maîtres de conférences.
Pour l'astronomie, il existe donc le corps des astronomes et
astronomes-adjoints dont le statut est spécifique. Ces personnels ont un
statut proche de celui des enseignants-chercheurs et une triple mission :
recherche, tâches de service et enseignement. Contrairement aux
enseignants-chercheurs, leur recrutement et la gestion de leur carrière
se fait au niveau national, ce qui permet une mobilité
géographique et l'envoi de ces personnels dans des observatoires
à l'étranger (IRAM, ESO, CFHT). Le statut de ce corps est
actuellement en évolution. Notre section et l'ensemble de la discipline
astronomie jugent que le maintien de cette gestion nationale est
extrêmement important.
Les sections du comité national effectuent toutefois une certaine
évaluation de manière globale sur une unité, et de
manière individuelle, à l'occasion des demandes de
délégation ou détachement au CNRS, où est aussi
examiné le projet de recherche. L'évaluation des unités,
effectuée à mi-parcours ou en fin de contractualisation, devrait
permettre d'appréhender la totalité des tâches
supportées par les enseignants-chercheurs. Malheureusement,
l'information fait souvent défaut. La généralisation des
fiches individuelles des enseignants-chercheurs (au même titre que les
fiches individuelles des chercheurs CNRS) devrait permettre de mieux cerner
leur contribution et de comprendre le fonctionnement des équipes
scientifiques.
Nous attirons également l'attention sur la lourdeur des charges
administratives qui pèsent sur les directeurs de laboratoire, un
problème qui pourrait se résoudre en grande partie par la
création de postes administratifs.
3.- Les conséquences pour la gestion de ces personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche, introduites depuis une quinzaine d'années.
L'astronomie bénéficie de ses propres écoles doctorales
(notamment celle de la région parisienne) mais son caractère
pluridisciplinaire fait qu'elle a besoin de spécialistes formés
dans d'autres écoles doctorales. Ce double caractère rend assez
complexe pour les laboratoires le « recrutement » de jeunes
thésards à partir d'écoles situées (ou non) sur
leurs campus ou thématiquement proches (ou non) de l'astronomie.
De fait, la politique de « site » menée ces
dernières années par le ministère pour les écoles
doctorales pose des problèmes au niveau des attributions de bourses de
thèses. Le problème se pose également au niveau du
positionnement de la thématique « astrophysique »
dans les écoles non astrophysiques : or, notre discipline, par sa
nature même, a aussi besoin de gens formés dans des domaines
pointus de physique atomique, de physique des plasmas, de chimie, voire de
biologie.
4.- Les conséquences des mesures destinées, d'une part,
à favoriser la mobilité des chercheurs et enseignants-chercheurs,
tant en France que vers l'étranger, et, d'autre part, à
promouvoir la valorisation de la recherche.
Comme l'a reconnu notre directeur général, Mme G. Berger, la
carrière des chercheurs au niveau des passages CR1-DR2 et DR2-DR1 a
été volontairement bloquée dans le passé afin
d'inciter à la mobilité, notamment vers l'enseignement. Ce type
d'incitation négative a été mal vécu par une
communauté qui aime son métier malgré de pauvres
perspectives de carrière. Il est à remarquer que certains
départs de notre discipline ont conduit à de très
brillantes carrières dans l'industrie pétrolière et
informatique, médaille dont le revers est que le CNRS a perdu des
chercheurs de grande valeur en astronomie.
En ce qui concerne la valorisation, elle porte notamment sur la vulgarisation
scientifique : comme vous le savez, l'astronomie rencontre une grande
curiosité du public. Les chercheurs y répondent sous les formes
les plus diverses : rencontres avec le public, avec les scolaires, portes
ouvertes, animations de clubs d'astronomie, émissions radio et
télé, films, livres, articles de journaux, etc. Ils n'ont pas
attendu la création (puis la suppression) d'une section
dédiée du comité national. Dans la section 14, cette
activité est évaluée au même titre que les
activités de production scientifique. Il serait bon toutefois que les
instances pèsent bien le nombre de sollicitations dont ces chercheurs
font l'objet, et donc la lourdeur des tâches effectuées, le plus
souvent, entièrement bénévolement...
La valorisation porte aussi sur l'application des travaux technologiques
effectués dans les laboratoires d'astronomie. Le champ de ces
applications est très vaste et va de la micro-optique jusqu'au
traitement d'images. Le pas décisif nous paraît être d'ordre
psychologique dans la mesure où ces actions de valorisation ne sont plus
vécues comme des actions isolées et susceptibles de
« faire tache » sur les dossiers scientifiques mais au
contraire comme un prolongement logique de leurs travaux.
En ce qui concerne les demandes de délégation et
détachement (qui ont tendance à croître, ce qui prouve
qu'il est difficile de concilier recherche et enseignement dans le
système actuel), nous regrettons de devoir reléguer les demandes
de détachement en dernière priorité, car coûteuses
en postes. Nous avons des exemples d'enseignants du secondaire qui ont
préparé leur thèse en même temps qu'ils
enseignaient, que n'a pas quitté leur désir de faire de la
recherche mais qui ne peuvent bénéficier de
délégation pour des raisons statutaires. Quel gâchis pour
eux, les thématiques et les laboratoires dans lesquels ils veulent
travailler !
5.- Les réformes souhaitables dans ce domaine.
*Recrutements pour anticipation des départs en retraite.
*Déblocage des carrières (passages DR2-DR1, concours CR1-DR2,
hors-classe des CR, ITA).
*Possibilité de délégations (courte durée) vers
l'enseignement.
*Politique forte de bourses post-doctorales en France. Les années
post-doctorales sont souvent des années très fructueuses pour les
jeunes docteurs. Que certains les passent à l'étranger est
normal ; mais ce qui est moins normal, c'est que nous n'ayons pas en
France la possibilité d'accueillir un nombre raisonnable de post-docs.
*Suppression de l'HDR (habilitation à diriger des recherches). La
suppression de l'HDR, telle qu'elle fonctionne, est souhaitée mais la
question de l'instance qui donne son autorisation pour la direction de
thèse reste posée. Nous attirons l'attention sur le fait que de
nombreux chargés de recherche qui n'ont pas demandé l'HDR
dirigent aujourd'hui fort bien des thèses sous
« couvert » de collègues directeurs ou professeurs.
Cette situation n'est pas saine.
*Évaluation des formations avec dossiers complets sur l'ensemble des
personnels, CNRS et non CNRS.
M.
Didier Chatenay, président de la section 15
« Systèmes moléculaires complexes »
Point
1 : La politique ministérielle de répartition des emplois
Les membres de la section ont unanimement souligné le manque de
visibilité d'une réelle politique ministérielle de
l'emploi scientifique. Par ailleurs, alors qu'au CNRS le problème de la
pyramide des âges (en particulier avec l'existence éventuelle
d'une génération sacrifiée du fait de la distribution
bimodale de cette pyramide) ne se manifeste pas de façon flagrante, il
semble clair que ce problème se pose de manière aigu en ce qui
concerne le recrutement à l'université.
Le passé récent, voire très récent, démontre
une très grande souplesse du CNRS dans la détermination de
priorités au niveau du recrutement ; ces priorités se
traduisent de façon visible dans la répartition des postes entre
disciplines. Il est important de souligner que le CNRS doit continuer de
bénéficier des moyens de mener cette politique volontariste
visant à accompagner les évolutions scientifiques de notre
époque, sans sacrifier certains domaines de la recherche qui peuvent
momentanément sembler d'une actualité moins brûlante. De
même, et afin d'accompagner les évolutions scientifiques et
démographiques, le CNRS, dans un contexte de stagnation voire de
décroissance de son effectif global, a mis dans un passé
récent l'accent sur le recrutement de jeunes chercheurs (au
détriment du recrutement d'agents techniques). Une telle politique a
bien évidemment des aspects tant positifs que négatifs (avec, en
particulier, la disparition de certaines fonctions de soutien direct à
la recherche assurées par les agents techniques du CNRS).
En ce qui concerne l'université, il est clair qu'une politique de
l'emploi basée uniquement sur des critères d'enseignement pose
parfois des problèmes aux laboratoires. Bien évidemment, chaque
laboratoire se doit d'avoir une politique de recrutement prenant en compte les
possibilités offertes simultanément par l'université et le
CNRS, mais il ne fait aucun doute que les évolutions des filières
d'enseignement à l'université (avec en particulier la
création de filières professionnalisées telles que les
DESS ou les IUP) peuvent avoir des répercussions importantes sur le
développement des activités de recherche des laboratoires, tant
d'un point de vue quantitatif que qualificatif. En ce qui concerne l'aspect
quantitatif, les évolutions universitaires créent des situations
qui ne sont en aucun cas compensées par les possibilités de
recrutement au CNRS.
Il est important de noter qu'à l'heure actuelle, les métiers de
la recherche continuent à attirer des candidats de très grande
valeur. En ce qui nous concerne (et malgré la baisse des effectifs
étudiants dans les sciences dures), il est clair que nous avons beaucoup
plus de candidats d'excellent niveau que de postes offerts au concours
d'entrée au CNRS.
Point 2 : Problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs
L'ensemble des membres de la section se sont déclarés très
attachés au fait que les diverses procédures de recrutement,
d'évaluation et de promotion pratiquées au CNRS se
déroulent au niveau national. Ce niveau de discussion est un gage de
qualité scientifique et d'impartialité qu'il semble important de
préserver.
Dans le cas de notre section (dont il est important de souligner la nature
interdisciplinaire, nature visible sous la forme d'un rattachement à
deux départements scientifiques du CNRS, les sciences physiques et
mathématiques ainsi que les sciences chimiques), plusieurs facteurs
oeuvrent de façon positive à l'accompagnement des
évolutions scientifiques. Parmi ces facteurs, citons le spectre large
couvert par les 21 membres, ainsi que la liberté laissée
à la section dans les recrutements et les promotions.
Que ce soit dans les procédures de recrutement, d'évaluation ou
de promotion, nous regrettons unanimement une certaine lourdeur des
règlements de la fonction publique qui ne prennent pas en compte les
spécificités des métiers de la recherche scientifique. Il
nous semble important que ces spécificités puissent être
prises en compte dans un proche avenir afin de garantir un fonctionnement
harmonieux des diverses sections du comité national de la recherche
scientifique. De ce point de vue, toutes les mesures qui pourraient être
prises visant à favoriser et améliorer les mécanismes de
mobilité entre tous les corps de métier impliqués dans la
recherche devraient être une des priorités de nos organismes de
tutelle. Ceci concerne tant les passerelles entre le corps des ITA et des
chercheurs au CNRS, que des mesures (tant financières qu'humaines)
visant à inciter ou à améliorer la mobilité des
professeurs et des maîtres de conférences entre
universités, et entre universités et les autres EPST. Il serait
également souhaitable de faciliter pour ces personnels l'obtention de
périodes de formation ou de contact avec les centres de recherche
étrangers (stages post-doctoraux, années sabbatiques...) ou
l'industrie.
Nous sommes unanimes à souligner la situation difficile des
maîtres de conférences de l'université. Les charges
d'enseignement qui leur sont imposées sont d'une lourdeur extrême
(sans parler de la multiplication des tâches administratives) et ne leur
permettent pas toujours une participation satisfaisante aux activités de
recherche de leurs laboratoires. Il y a là une situation humainement
difficile pour eux et qu'il n'est pas toujours simple de gérer au niveau
des laboratoires. Cette situation est d'autant plus regrettable que,
malgré la volonté d'un bon nombre de jeunes chercheurs du CNRS de
participer aux enseignements des universités, cette possibilité
ne leur est pas offerte de façon simple. Parmi les possibilités
souvent évoquées, citons l'affectation d'une charge globale de
service à une unité de recherche, en lui laissant le soin d'une
juste répartition entre enseignants-chercheurs et chercheurs. Une telle
possibilité pourrait donner naissance à de véritables
équipes pédagogiques qui constituent un des moyens les plus
efficaces pour redonner un peu de vigueur à certains enseignements
très déstructurés. Elle faciliterait aussi l'accès
aux laboratoires des étudiants de deuxième cycle pour des
périodes de stage.
Il nous a semblé également utile d'attirer votre attention sur
les procédures de recrutement des personnels ITA qui ont fait l'objet de
modifications profondes ces dernières années. La mise en place
progressive de recrutement au travers de concours dits
« génériques » peut avoir des
conséquences importantes à moyen terme. Les
spécificités des métiers de la recherche y sont
très souvent ignorées. A l'opposé, la qualité des
recrutements au travers des concours « spécifiques »
reste inchangée. Cette procédure prend en compte les
réelles spécificités des laboratoires : on ne recrute
pas selon les mêmes critères un ingénieur chimiste à
Strasbourg ou un ingénieur chimiste analyste sur un navire
océanographique à Marseille. Dans un souci d'économie, il
est légitime de constituer des jurys qui procèdent aux
recrutements de plusieurs personnes mais pas dans un contexte de concours
unique qui requiert l'établissement d'une liste de classement unique.
Point 3 : Conséquences pour la gestion des personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche
Nous avons été unanimes à souhaiter la disparition des
mentions décernées à l'occasion des soutenances de
thèses de doctorat ainsi que la disparition de la procédure
d'habilitation à diriger des recherches (HDR), cette dernière
procédure étant doublée par la procédure de
qualification.
En ce qui concerne les DEA et les écoles doctorales, le ministère
de l'éducation nationale a mis en place une réforme très
mal adaptée aux grands centres scientifiques. En effet, la
volonté d'avoir des écoles doctorales locales orientant par les
attributions de bourses de thèses la recherche universitaire peut
fonctionner dans les petits centres, mais conduit à de grosses
difficultés dans les régions de fort développement
scientifique, où les laboratoires sont en relation avec de nombreux DEA
et souvent plusieurs universités ou grandes écoles. Le
résultat, par rapport au système antérieur qui
était basé sur l'attribution des bourses de thèse au
mérite par les DEA, conduit à des décisions
technocratiques très lourdes, et dissuasives pour les étudiants
qui perdent la liberté de choix de leur sujet de thèse, et par
suite l'enthousiasme indispensable pour débuter une carrière de
chercheur. Deux situations d'attribution sont observées :
- des attributions par des écoles doctorales thématiques ;
mais les règles en place interdisent toute interdisciplinarité
(par exemple, impossibilité pour un laboratoire relevant d'une
école doctorale en physique de la matière condensée de
prendre en thèse un étudiant ayant fait un DEA de biophysique ou
même de chimie),
- des attributions par des écoles doctorales regroupant toute la
recherche d'une université ; mais alors le responsable de cette
école allant de la biologie aux sciences humaines et sociales n'a aucun
contact avec les étudiants concernés, et gère
bureaucratiquement un monstre.
Une fois de plus, un trop grand désir d'uniformisation des règles
nuit au bon fonctionnement de l'ensemble du système qui présente
trop d'hétérogénéité dans ses modes de
fonctionnement pour pouvoir être régi par un seul mode de
réglementation.
Par ailleurs, les règles actuelles ne favorisent pas la mobilité
des doctorants : la résistance des universités à
accorder une bourse de thèse à d'excellents étudiants
ayant fait leur DEA dans une autre université, préférant
attribuer les bourses à leurs propres étudiants. Il faudrait
prévoir un système de bourses délocalisées
attribuables à des étudiants mobiles sans nuire aux
intérêts d'une université donnée pour ses propres
étudiants. L'attribution de telles bourses se ferait sur
évaluation au niveau national de la qualité de l'étudiant
et du projet et favoriserait l'émulation entre universités. De
manière générale, il serait bon de favoriser la
mobilité en cours de formation afin d'éviter d'avoir les purs
produits de telle ou telle université.
Points 4 et 5 : Conséquences des mesures destinées
à favoriser la mobilité et à promouvoir la valorisation,
et les réformes souhaitables dans ce domaine
Le problème de la mobilité a été
évoqué à de multiples reprises ci-dessus et nous ne le
reprendrons pas ici.
En ce qui concerne la valorisation, les membres de notre section
interdisciplinaire, depuis qu'elle existe, ont appris à évaluer
ensemble les travaux des deux disciplines auxquelles nous nous rattachons (la
physique et la chimie), qu'ils soient strictement des travaux de chimie, des
travaux de physique ou des travaux impliquant les deux approches. Mais il
s'avère qu'il nous est plus difficile d'évaluer des travaux dans
lesquels la valorisation est fortement présente. Il nous reste à
trouver des critères et surtout d'être capables de classer
ensemble des individus qui mènent une recherche fondamentale et d'autres
plus attachés à des projets liés à la valorisation
de cette recherche fondamentale. La mobilité temporaire ou
définitive sera plus facile le jour où nous saurons
évaluer à la même aune les travaux impliquant les deux
cultures. Notre section tient à réaffirmer cependant que la
tâche première de la recherche scientifique publique est
l'approche fondamentale, y compris dans ses interactions avec la recherche
finalisée ; un haut niveau de performance dans les domaines
couverts par la recherche fondamentale est absolument nécessaire si on
veut espérer des perspectives à long terme dans les domaines
relevant de l'innovation et de la valorisation. Rappelons à ce propos
qu'il ne s'agit pas ici d'opposer recherche fondamentale et recherche
appliquée (les excellents chercheurs appliqués sont souvent
d'excellents fondamentalistes), mais bien de favoriser les meilleures
conditions de valorisation des activités de recherche de nos organismes
ainsi que les meilleures conditions d'évaluation de ces activités.
Peut-être la situation serait-elle plus aisée à
gérer s'il était possible de créer des centres de
recherche (à l'image de ce qui se fait aux Pays-Bas ou au Japon)
étroitement liés aux universités, aux organismes de
recherche publique et aux industries concernées qui prendraient en
charge certains aspects liés à l'innovation et à la
valorisation des activités issues de la recherche fondamentale.
Là-encore, une telle situation ne pourrait être viable qu'à
la condition de maintenir une très grande mobilité entre les
partenaires concernés (c'est-à-dire des flux permanents entre ces
centres et les laboratoires, les universités et les partenaires
industriels). De tels endroits fonctionneraient sur la base de programmes
définis par les besoins de groupes industriels sur une période de
durée déterminée et avec un financement clair des
coûts réels de la recherche par les industriels. Il semblerait que
les industriels néerlandais de l'agroalimentaire aient réussi
à faire fonctionner un tel centre (le centre NIZO
Food Research
),
malgré les problèmes inévitables de compétition
industrielle. Signalons quand même, qu'à l'heure actuelle, les
unités mixtes de recherche entre le CNRS et l'industrie constituent une
expérience qui est globalement jugée positive et ce par les deux
partenaires (il suffit de voir la durée de vie de certaines d'entre
elles pour s'en convaincre).
J'ajouterai pour conclure cette partie, que nous sommes unanimes à
penser qu'il serait dangereux pour une multitude de raisons, tant
philosophiques, que culturelles, économiques ou politiques, de ne penser
à la recherche fondamentale qu'en termes d'éventuelles
retombées socio-économiques. Nous sommes très
sincèrement et profondément convaincus de la profonde
utilité de cette activité. Il est clair qu'il s'agit-là
d'un luxe de société développée mais nous croyons
utile de rappeler les divers exemples, que l'on pourrait tirer tant de la
conception que nous avons du monde dans lequel nous vivons que du haut niveau
de confort de nos vies quotidiennes, qui pourraient justifier de la justesse de
cette approche intellectuelle de la recherche. Il y a fort à parier que
vouloir sans cesse remettre en cause, pour des raisons de manque de
visibilité de son impact économique, cette activité
profondément ancrée dans l'histoire humaine conduirait à
des résultats totalement opposés à ceux attendus. Nous
pensons utile et indispensable de vous faire part de l'inquiétude de
nombreux chercheurs face à cette remise en cause permanente, à ce
besoin permanent de devoir justifier l'intérêt de la recherche
fondamentale et de l'importance pour un pays d'avoir une politique ambitieuse
dans ce domaine. Comme souvent en France, nous sommes en train d'assister
à un basculement probablement exagéré d'une situation
passée où les chercheurs se désintéressaient
hautainement des problèmes d'innovation ou de valorisation, à une
situation où la recherche fondamentale ne trouverait grâce qu'au
travers de ses retombées économiques. Il est urgent de trouver un
équilibre entre ces deux visions et nous pensons que de très
nombreux chercheurs ont accompli une bonne partie du chemin. De ce point de
vue, les mesures prises récemment concernant les personnels de la
recherche en vue de promouvoir la valorisation de la recherche ont
été (à notre connaissance) unanimement
appréciées.
Mme
Liliane Gorrichon, présidente de la section 16
« Molécules : synthèse et
propriétés »
La présidente de la section 16 du CNRS a souhaité conserver un caractère confidentiel à sa contribution.
M.
Richard Lavery, président de la section 17
« Molécules : structures et interactions »
1.-
Politique ministérielle de répartition des emplois, en fonction
des évolutions démographiques, des besoins de la recherche et des
spécificités des établissements
La distribution irrégulière de la pyramide des âges des
chercheurs du CNRS et les « bosses » encore plus frappantes
dans la distribution des âges des enseignants-chercheurs sont la
conséquence évidente des politiques oscillantes de recrutement
des chercheurs. Néanmoins, pour assurer la qualité et la
continuité de la recherche fondamentale et pour permettre un
déroulement normal des carrières des chercheurs, il est essentiel
de tenter de lisser ces oscillations. Nous ne pouvons que féliciter le
CNRS pour l'effort consenti cette année pour compenser les
départs à la retraite. Il est certain que cet effort doit
être poursuivi pendant les quelques années à venir.
Ces recrutements permettront de maintenir le rôle du CNRS comme acteur
central dans la recherche fondamentale. Ils permettront aussi d'effectuer les
changements d'équilibre thématique nécessaires pour tenir
compte de l'évolution de nos connaissances et des besoins de l'industrie
et de la société. Il faut néanmoins veiller à ne
pas perdre l'expertise acquise dans les domaines qui sont temporairement moins
à la mode. L'histoire des sciences montre très clairement qu'il
est extrêmement difficile de prévoir l'évolution de la
recherche et pratiquement impossible de juger de l'éventuelle
utilité pratique d'un domaine spécifique. Par conséquent,
il faut éviter que les lignes directrices du moment polarisent la
recherche au point de faire disparaître des disciplines qui seront
difficilement récupérables. Nous pouvons citer un exemple qui
concerne directement notre section, à savoir la radiochimie. La
désaffection des étudiants pour cette discipline a conduit
à la fois à un rétrécissement très
inquiétant de la communauté des radiochimistes au CNRS et
à l'appauvrissement des enseignements universitaires, et ceci à
un moment où notre société est confrontée aux
problèmes majeurs liés au traitement et au stockage des
déchets nucléaires.
Le développement de la recherche au niveau européen jouera sans
doute un rôle croissant dans l'avenir de notre recherche nationale. Le
regroupement des moyens pour faciliter le développement et
l'accès aux très grands équipements et la mobilité
accrue des chercheurs sont des conséquences très positives de
l'existence de programmes de recherche européens. Mais, comme au niveau
national, il faut éviter que des objectifs prioritaires trop
ciblés, ou trop technologiques, nuisent à l'efficacité et
à la flexibilité de notre recherche fondamentale.
Un soutien gouvernemental renforcé et stable pour la recherche
fondamentale est aussi nécessaire si nous devons continuer à
recruter les meilleurs des jeunes diplômés à un moment
où il y a une offre croissante de la part de l'industrie et de
nombreuses possibilités d'emploi à l'étranger. Il y a
aussi un effort de communication à entreprendre et des évolutions
dans l'enseignement à envisager pour contrer la baisse du nombre
d'étudiants optant pour les filières des sciences physiques. Ce
problème est particulièrement sensible en chimie, une discipline
qui souffre d'une mauvaise image de marque, mais qui tient également les
clés pour résoudre de nombreux problèmes que rencontre
notre société. La revalorisation du montant des allocations de
recherche est aussi indispensable si l'on veut former des docteurs en nombre
suffisant pour les recrutements de demain.
2.- Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs, notamment au regard des
spécificités statutaires de ces corps et de l'autonomie des
organismes de recherche et des universités
Ma propre expérience du comité national m'a convaincu de
l'importance d'évaluer la recherche et les chercheurs au niveau
national. Même si une division quelque peu arbitraire des domaines
scientifiques ne facilite pas toujours le développement des recherches
interdisciplinaires, je crois que, dans la grande majorité des cas, le
comité national est capable de jouer efficacement son rôle dans le
recrutement des chercheurs, dans le suivi de leurs carrières et dans la
formulation de propositions concernant l'évolution de la recherche.
Dans l'ensemble, le recrutement des chercheurs par dossier et audition
fonctionne correctement mais ce travail n'est pas facilité par
l'application des règles strictes de la fonction publique, qui ne sont
pas toujours compatibles avec les spécificités de la recherche.
Citons les règlements qui nous imposent la parité du temps
consacré à chaque candidat à l'entrée, tout en
empêchant la présélection des dossiers. Ces
problèmes ont été accrus, au moins cette année et
pour un certain nombre de sections, par les difficultés
rencontrées au secrétariat général du comité
national, suite à l'augmentation du nombre de candidatures.
Concernant la nature des postes proposés aux candidats à
l'entrée, nous constatons souvent que les postes fléchés
pour un laboratoire, dont la sélection échappe au comité
national, attirent proportionnellement moins de candidats que les autres
postes. Ce fait semble argumenter en faveur des affichages de sujets
plutôt que du ciblage de laboratoires particuliers et incite
également à la reprise de diffusions entre la direction des
départements et le comité national concernant le choix des
affichages. Nous constatons également que l'ouverture des postes au
niveau CR1 attire généralement des candidats de grande
qualité qui, de surcroît, ont déjà fait preuve de
leur indépendance en tant que chercheurs. Leur recrutement
représente une richesse indéniable pour le CNRS.
Le recrutement des enseignants-chercheurs n'est pas du ressort du comité
national, mais il semble important que la politique des universités dans
ce domaine tienne compte des contrats quadriennaux signés avec les
laboratoires de recherche, et donc reflète les axes prioritaires de
recherche et non seulement des besoins au niveau de l'enseignement. Une
meilleure adéquation des recrutements et des choix stratégiques
de recherche peuvent même être un moyen efficace de faire
évoluer la structure de l'enseignement des universités. Par
ailleurs, en ce qui concerne la procédure de recrutement des
enseignants-chercheurs elle-même, nous nous félicitons que le
ministère vienne dans un texte récent (JO du 19 mai 2001) de
redonner au conseil national des universités un droit de regard sur les
listes de classement proposées par les universités. Tout en
préservant l'indépendance des établissements, cette
disposition constitue un gage de qualité et d'équité pour
les recrutements à venir.
Un dernier problème au niveau du recrutement concerne les chercheurs
étrangers de haut niveau. Il n'y pas de doute que l'inflexibilité
des règlements de la fonction publique freine les recrutements, en tant
que directeur de recherche ou professeur, des chercheurs qui pourraient
beaucoup contribuer au progrès de la recherche en France. Plusieurs
personnes dans cette catégorie sont attirées par la
possibilité de travailler en France, mais, trop souvent, ils sont
finalement recrutés par d'autres pays qui leur offrent des conditions
d'emploi tenant compte de leur stature sur la scène internationale.
Concernant les carrières des chercheurs, l'effet démobilisant des
barrières difficilement franchissables au niveau CR1-DR2 et, encore
plus, au niveau DR2-DR1, sont une triste réalité au CNRS depuis
de nombreuses années. Pour les enseignants-chercheurs, ce
problème est partiellement atténué par l'existence de
grades hors-classe, mais les jeunes maîtres de conférence sont
confrontés à un problème autrement plus grave, à
savoir le temps tout à fait déraisonnable qu'ils doivent
consacrer à l'enseignement. Des moyens pour diminuer ces charges doivent
être une des priorités du gouvernement. Ce problème est
considéré comme une priorité urgente par tous les
responsables universitaires.
L'évaluation des chercheurs et des unités de recherche est une
des tâches majeures du comité national. Cette évaluation
repose sur une connaissance détaillée de l'activité des
chercheurs et des choix stratégiques des laboratoires. Elle ne peut pas
se réduire à une évaluation chiffrée des
publications et de leurs facteurs d'impact, même si un accès
facilité à de telles données sera utile pour les instances
d'évaluation comme pour les chercheurs eux-mêmes.
Il est clair que nous sommes appelés à tenir compte d'un nombre
croissant de facteurs dans notre travail d'évaluation. Pour donner un
exemple, la création de plus de postes interdisciplinaires
représente une évolution positive qui devra permettre de franchir
les barrières imposées par les contours des départements
et par le découpage du comité national. Ceci est
particulièrement important dans une section comme la nôtre
où la chimie s'ouvre vers la physique et la biologie. Néanmoins,
il faut constater que le suivi des jeunes chercheurs recrutés sur de
tels postes nécessitera une évolution dans nos procédures
d'évaluation. La même remarque s'applique à
l'évaluation de la valorisation pour laquelle nous avons peu
d'expérience et où nous manquons souvent d'outils de mesure
efficaces.
Nous sommes également confrontés aux difficultés
liées à l'évaluation des laboratoires où les
chercheurs du CNRS travaillent à côté des
enseignants-chercheurs (c'est-à-dire la plupart des laboratoires
aujourd'hui) ou à côté des chercheurs venant d'autres
organismes tels que le CEA, l'INRA ou l'INSERM. Dans tous ces cas, nous
manquons même des informations succinctes qui permettraient de juger
l'activité des chercheurs n'appartenant pas au CNRS et d'évaluer
leur rôle dans les différentes actions entreprises par les
laboratoires.
Une dernière difficulté se pose dans le cas des dossiers des
chercheurs ayant une activité essentiellement administrative qui, depuis
la suppression de la section 41, sont évalués par leurs
sections d'origine. Dans beaucoup de cas, les personnes en question n'ont pas
fait de recherche depuis plusieurs années et, par conséquent,
n'ont pas de lien réel avec les disciplines normalement
évaluées par la section en question. Malgré nos efforts,
il faut constater que nous sommes très mal équipés pour
juger de tels dossiers et nous avons de réelles difficultés
à les interclasser parmi les dossiers de chercheurs
« traditionnels ».
3.- Les conséquences, pour la gestion des personnels, des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche, introduites depuis une dizaine d'années
Pour commencer avec les études doctorales, la création et le
développement progressif des écoles doctorales permet d'offrir
aux étudiants une formation à la recherche plus complète,
plus flexible et probablement plus facilement adaptable aux évolutions
scientifiques. Il est néanmoins clair que dans les grands centres
universitaires la création d'écoles mono-thématiques pose
plusieurs problèmes. Ceci est notamment le cas pour des laboratoires qui
se trouvent aux interfaces scientifiques et qui sont, par conséquent,
pénalisés par l'appartenance à une seule école
doctorale. Il faut aussi constater que les contraintes géographiques
imposées sur les laboratoires d'accueil ont rompu les liens qui
existaient avec de très bons laboratoires
« hors-site ». On peut espérer que les allocations
de recherche réservées à la mobilité permettront de
recréer ces liens à travers des accords entre des écoles
doctorales de différents centres.
Concernant spécifiquement les diplômes, je pense que l'ensemble de
mes collègues seront très contents de voir disparaître les
mentions au niveau du doctorat. Mentions qui, devant la variabilité des
règles imposées par les différentes universités, et
aussi les inégalités de comportement des jurys de thèse,
ont perdu tout leur intérêt.
Au sujet de la HDR, je suis favorable au maintien de ce diplôme pour
l'ensemble des chercheurs et enseignants-chercheurs, mais sous une forme un peu
différente de celle qu'on voit aujourd'hui. Devant les contraintes de
productivité et le besoin de s'occuper de plus en plus de tâches
autres que la recherche, la préparation d'une HDR pourrait marquer un
moment de réflexion important dans la vie d'un jeune chercheur. Une
réflexion sérieuse après les premières
années de recherche permettrait de prendre du recul par rapport aux
travaux accomplis, mais surtout de formuler un projet de recherche approfondi,
qui pourrait prendre beaucoup plus de poids dans l'attribution du
diplôme, et servirait à faciliter une prise d'indépendance
au sein du laboratoire.
Au niveau des universités, la mise en place de la contractualisation
permet de définir une politique scientifique à long terme qui
profite à l'ensemble de la communauté scientifique. Mais pour que
cette politique porte réellement ses fruits, il faut que les engagements
au niveau des recrutements et des financements soient réellement
respectés. La contractualisation doit être aussi l'occasion de
réfléchir, au niveau des universités, mais aussi au niveau
des laboratoires, à l'évolution des enseignements qui
conditionneront notre capacité à réagir devant les
développements de la recherche et de répondre aux exigences de la
société. Ces réflexions devront concerner les chercheurs
du CNRS comme les enseignants-chercheurs et pourront aussi s'appuyer sur les
travaux de prospective menés par le comité national et par les
organismes de recherche. Ce travail de réflexion doit pouvoir être
conduit en permanence sous l'impulsion des directeurs de laboratoires, des
directeurs d'écoles doctorales et d'UFR. Mais, pour être efficace,
il nécessite une plus grande disponibilité des
enseignants-chercheurs, dont les charges pédagogiques et administratives
sont souvent trop lourdes. L'absence ou la faiblesse des effectifs en personnel
administratif est un handicap pour les directeurs de laboratoires et
d'écoles doctorales. La nécessaire, mais lourde pression des
organismes de tutelle (ministère en particulier) sur les directeurs
d'écoles doctorales pour alimenter les bases de données sur les
effectifs d'étudiants de DEA et de docteurs, crée actuellement un
malaise dans les universités.
4.- Les conséquences des mesures destinées, d'une part,
à favoriser la mobilité des enseignants-chercheurs, tant en
France que vers l'étranger, et, d'autre part, à promouvoir la
valorisation de la recherche
La mobilité des chercheurs au sein de leur propre pays, comme au niveau
international, est, aujourd'hui, une condition essentielle pour garantir la
qualité de la recherche scientifique. En dépit du
développement des moyens de communication, la possibilité de
travailler dans d'autres environnements permet non seulement de rapporter de
nouvelles connaissances, mais aussi de faire évoluer sa façon de
travailler. Le rôle de plus en plus important des grands
équipements renforce également le besoin de se déplacer et
d'interagir fortement avec la communauté internationale. De ce point de
vue, les chercheurs du CNRS ont clairement une situation
privilégiée et il sera important de réfléchir aux
moyens de favoriser la mobilité des enseignants-chercheurs, entre
autres, par le renforcement des possibilités de détachement et de
délégation avec le CNRS. Pour les chercheurs confirmés, il
faut aussi renforcer les moyens d'encourager ceux qui sont prêts à
utiliser la mobilité pour fonder de nouvelles équipes de
recherche, comme ceux qui sont prêts à accepter la
responsabilité d'une direction de laboratoire.
Les questions de mobilité concernent aussi l'accueil des chercheurs
étrangers en France. Pour encourager cette possibilité, une
augmentation dans le nombre de bourses post-doctorales semble être
incontournable. Ces financements ne devront pas être restreints aux
ressortissants de l'Union européenne, même si nos interactions
avec les autres pays de la Communauté européenne deviendront
nécessairement de plus en plus fortes.
Si l'importance de la mobilité est largement acceptée et
pratiquée au sein de la communauté académique, la
situation est beaucoup moins satisfaisante en ce qui concerne les relations
avec l'industrie. Il est encore beaucoup trop difficile de faire fructifier les
résultats de la recherche par leur développement industriel. La
réglementation lourde, la lenteur des démarches de valorisation
et une certaine frilosité, qui est loin d'être
réservée au monde académique, freinent encore des rapports
qui sont pourtant vitaux pour la santé d'un pays fortement
industrialisé. Dans ce contexte difficile, la création des
laboratoires mixtes CNRS-industrie est une approche qui semble avoir fait ses
preuves dans de nombreux cas.
5.- Les réformes souhaitables dans ce domaine
La recherche fondamentale en France est d'une grande qualité et dans
plusieurs domaines-clés, au meilleur niveau mondial. Éviter que
cette situation se dégrade nécessitera des investissements
à un niveau au moins égal à celui de nos partenaires
européens. La réussite passera aussi par une gestion de la
recherche qui sera à la fois suffisamment souple pour conserver la
liberté essentielle au progrès de la recherche fondamentale et
suffisamment efficace pour accompagner les développements et faciliter
leur valorisation. La loi des marchés publics, dans sa version actuelle,
est un exemple frappant de règlements qui sont parfaitement justifiables
mais, étant inadaptés au domaine de la recherche, entravent son
bon fonctionnement.
Au sein de notre propre communauté, il faut sans doute agir avec plus de
rigueur pour faciliter l'évolution de nos organismes de recherche, en
favorisant efficacement les thèmes émergents, en
remplaçant les structures qui ne fonctionnent plus, et en évitant
une dispersion trop importante des moyens qui seront toujours limités.
Pour assurer l'avenir de la recherche, il faut aussi un réel effort de
communication auprès de la société et, tout
particulièrement, auprès des jeunes, pour expliquer les enjeux
qui nous font face et les efforts scientifiques qu'il faut mettre en oeuvre
pour trouver des solutions. Les décennies à venir ne manquent pas
de challenges pour les prochaines générations de scientifiques,
qu'il s'agisse de la santé, de l'environnement, de la production
d'énergie, de la création de nouveaux matériaux, ou, plus
généralement, de la compréhension et de la manipulation de
la matière au niveau le plus fondamental.
M.
Jean Etourneau, président de la section 19
« Élaboration, caractérisation et modélisation
du solide »
Point
1 : La politique ministérielle de répartition des emplois
Les membres de la section ont unanimement souligné le manque de
visibilité d'une réelle politique ministérielle de
l'emploi scientifique. Par ailleurs, alors qu'au CNRS le problème de la
pyramide des âges (en particulier avec l'existence éventuelle
d'une génération sacrifiée du fait de la distribution
bimodale de cette pyramide) ne se manifeste pas de façon flagrante, il
semble clair que ce problème se pose de manière aiguë en ce
qui concerne le recrutement à l'université.
Le passé récent, voire très récent, démontre
une très grande souplesse du CNRS dans la détermination de
priorités au niveau du recrutement ; ces priorités se
traduisent de façon visible dans la répartition des postes entre
disciplines. Il est important de souligner que le CNRS doit continuer de
bénéficier des moyens de mener une politique volontariste visant
à accompagner les évolutions scientifiques de notre
époque, sans sacrifier certains domaines de la recherche qui peuvent
momentanément sembler d'une actualité moins brûlante. De
même, et afin d'accompagner les évolutions scientifiques et
démographiques, le CNRS, dans un contexte de stagnation, voire de
décroissance de son effectif global, a mis dans un passé
récent l'accent sur le recrutement de jeunes chercheurs (au
détriment du recrutement d'agents techniques). Une telle politique a
bien évidemment des aspects tant positifs que négatifs (avec en
particulier la disparition de certaines fonctions de soutien direct à la
recherche assurées par les agents techniques du CNRS).
En ce qui concerne l'université, il est clair qu'une politique de
l'emploi basée uniquement sur des critères d'enseignement pose
parfois des problèmes aux laboratoires. Bien évidemment, chaque
laboratoire se doit d'avoir une politique de recrutement prenant en compte les
possibilités offertes simultanément par l'université et le
CNRS mais il fait aucun doute que les évolutions des filières
d'enseignement à l'université (avec en particulier la
création de filières professionnalisées telles que les
DESS ou les IUP) peuvent avoir des répercussions importantes sur le
développement des activités de recherche des laboratoires, tant
d'un point de vue quantitatif que qualitatif. En ce qui concerne l'aspect
quantitatif, les évolutions universitaires créent des situations
qui ne sont en aucun cas compensées par les possibilités de
recrutement au CNRS.
Il est important de noter qu'à l'heure actuelle, les métiers de
la recherche continent à attirer des candidats de très grande
valeur. En ce qui nous concerne (et malgré la baisse des effectifs
étudiants dans les sciences dures), il est clair que nous avons beaucoup
plus de candidats d'excellent niveau que de postes offerts au concours
d'entrée au CNRS.
Point 2 : Problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs
Que ce soit dans les procédures de recrutement, d'évaluation ou
de promotion, nous regrettons unanimement une certaine lourdeur des
règlements de la fonction publique qui ne prennent pas en compte les
spécificités des métiers de la recherche scientifique. Il
nous semble important que ces spécificités puissent être
prises en compte dans un proche avenir afin de garantir un fonctionnement
harmonieux des diverses sections du comité national de la recherche
scientifique. De ce point de vue, toutes les mesures qui pourraient être
prises visant à favoriser et améliorer les mécanismes de
mobilité entre tous les corps de métier impliqués dans la
recherche devraient être une des priorités de nos organismes de
tutelle. Ceci concerne tant les passerelles entre le corps des ITA et des
chercheurs au CNRS, que des mesures (tant financières qu'humaines)
visant à inciter ou à améliorer la mobilité des
professeurs et des maîtres de conférences entre les
universités et les autres EPST. Il serait également souhaitable
de faciliter pour ces personnels l'obtention de périodes de formation ou
de contacts avec les centres de recherche étrangers (stages
post-doctoraux, années sabbatiques, ...) ou l'industrie.
Nous sommes unanimes à souligner la situation difficile des
maîtres de conférences de l'université. Les charges
d'enseignement qui leur sont imposées sont d'une lourdeur extrême
(sans parler de la multiplication des tâches administratives) et ne leur
permettent pas toujours une participation satisfaisante aux activités de
recherche de leurs laboratoires. Il y a là une situation humainement
difficile pour eux et qu'il n'est pas toujours simple de gérer au niveau
des laboratoires. Cette situation est d'autant plus regrettable que,
malgré la volonté d'un bon nombre de jeunes chercheurs du CNRS de
participer aux enseignements des universités, cette possibilité
ne leur est pas offerte de façon simple. Parmi les possibilités
souvent évoquées, citons l'affectation d'une charge globale de
service à une unité de recherche, en lui laissant le soin d'une
juste répartition entre enseignants-chercheurs et chercheurs. Une telle
possibilité pourrait donner naissance à de véritables
équipes pédagogiques qui constituent un des moyens les plus
efficaces pour redonner un peu de vigueur à certains enseignements
très déstructurés. Elle faciliterait aussi l'accès
aux laboratoires des étudiants de deuxième cycle pour les
périodes de stage.
Il nous a semblé également utile d'attirer votre attention sur
les procédures de recrutement des personnels ITA qui ont fait l'objet de
modifications profondes ces dernières années. La mise en place
progressive de recrutements au travers de concours dits
« génériques » peut avoir des
conséquences importantes à moyen terme. Les
spécificités des métiers de la recherche y sont
très souvent ignorées. A l'opposé, la qualité des
recrutements au travers des concours spécifiques reste
« inchangée ». Cette procédure prend en
compte les réelles spécificités des laboratoires : on
ne recrute pas selon les mêmes critères un ingénieur
chimiste à Strasbourg ou un ingénieur chimiste analyste sur un
navire océanographique à Marseille. Dans un souci
d'économie, il est légitime de constituer des jurys qui
procèdent aux recrutements de plusieurs personnes, mais pas dans un
contexte de concours unique qui requiert l'établissement d'une liste de
classement unique.
Points 4 et 5 : Conséquences des mesures destinées
à favoriser la mobilité et à promouvoir la valorisation et
les réformes souhaitables dans ce domaine
Le problème de la mobilité a été
évoqué à de multiples reprises ci-dessus et nous ne le
reprendrons donc pas ici.
En ce qui concerne la valorisation, les membres de notre section
interdisciplinaire ont appris à évaluer ensemble les travaux des
disciplines auxquelles nous nous rattachons (la chimie du solide, la science
des matériaux, la métallurgie et la thermodynamique). Mais il
s'avère qu'il nous est plus difficile d'évaluer des travaux dans
lesquels la valorisation est fortement présente. Cependant, il nous
reste à trouver des critères et surtout à être
capables de classer ensemble des individus qui mènent une recherche
fondamentale et d'autres, plus attachés à des projets liés
à la valorisation de cette recherche fondamentale. Un témoignage
écrit précis et quantitatif des industriels sur les
activités des chercheurs avec lesquels ils sont en relation devrait
aider à mieux évaluer leurs travaux. Notre section tient à
réaffirmer cependant que la tâche première de la recherche
scientifique publique est l'approche fondamentale, y compris dans ses
interactions avec la recherche finalisée ; un haut niveau de
performance dans les domaines couverts par la recherche fondamentale est
absolument nécessaire, si on veut espérer des perspectives
à long terme dans les domaines relevant de l'innovation et de la
valorisation. Rappelons à ce propos qu'il ne s'agit pas ici d'opposer
recherche fondamentale et recherche appliquée (les excellents chercheurs
appliqués sont souvent d'excellents fondamentalistes), mais bien de
favoriser les meilleures conditions de valorisation des activités de
recherche de nos organismes ainsi que les meilleures conditions
d'évaluation de ces activités. Un véritable partenariat
entre la recherche publique et l'industrie doit s'instaurer.
Peut-être la situation serait-elle plus aisée à
gérer s'il était possible de créer des centres de
recherche (à l'image de ce qui se fait aux Pays-Bas ou au Japon)
étroitement liés aux universités, aux organismes de
recherche publique et aux industries concernées qui prendraient en
charge certains aspects liés à l'innovation et à la
valorisation des activités issues de la recherche fondamentale.
Là encore, une telle situation ne pourrait être viable qu'à
la condition de maintenir une très grande mobilité entre les
partenaires concernés (c'est-à-dire des flux permanents entre ces
centres et les laboratoires, les universités et les partenaires
industriels). De tels endroits fonctionneraient sur la base de programmes
définis par les besoins de groupes industriels sur une période de
durée déterminée et avec un financement clair des
coûts réels de la recherche par les industriels. Il semblerait que
les industriels néerlandais de l'agroalimentaire aient réussi
à faire fonctionner un tel centre (le centre NIZO
Food Research
),
malgré les problèmes inévitables de compétition
industrielle. Signalons quand même, qu'à l'heure actuelle, des
universités mixtes de recherche entre le CNRS et l'industrie constituent
une expérience qui est globalement jugée positive et ce par les
deux partenaires (il suffit de voir la durée de vie de certaines d'entre
elles pour s'en convaincre).
J'ajouterai, pour conclure cette partie, que nous sommes unanimes à
penser qu'il serait dangereux pour une multitude de raisons tant
philosophiques, que culturelles, économiques ou politiques de ne penser
à la recherche fondamentale qu'en termes d'éventuelles
retombées socio-économiques. Nous sommes très
sincèrement et profondément convaincus de la profonde
utilité de cette activité. Il est clair qu'il s'agit là
d'un luxe de société développée mais nous croyons
inutile de rappeler les divers exemples, que l'on pourrait tirer tant de la
conception que nous avons du monde dans lequel nous vivons que du haut niveau
de confort de nos vies quotidiennes, qui pourraient justifier de la justesse de
cette approche intellectuelle de la recherche. Il y a fort à parier que
vouloir sans cesse remettre en cause, pour des raisons de manque de
visibilité de son impact économique, cette activité
profondément ancrée dans l'histoire humaine conduirait à
des résultats totalement opposés à ceux attendus. Nous
pensons utile et indispensable de vous faire part de l'inquiétude de
nombreux chercheurs face à cette remise en cause permanente, à ce
besoin permanent de devoir justifier l'intérêt de la recherche
fondamentale et de l'importance pour un pays d'avoir une politique ambitieuse
dans ce domaine. Comme souvent en France, nous sommes en train d'assister
à un basculement probablement exagéré d'une situation
passée où les chercheurs se désintéressaient
hautement des problèmes d'innovation ou de valorisation, à une
situation où la recherche fondamentale ne trouverait grâce
qu'à travers ses retombées économiques. Il est urgent de
trouver un équilibre entre ces deux visions et nous pensons que de
très nombreux chercheurs ont accompli une bonne partie du chemin. De ce
point de vue, les mesures prises récemment concernant les personnels de
la recherche en vue de promouvoir la valorisation de la recherche ont
été (à notre connaissance) unanimement
appréciées.
M.
Jean-Claude Beloeil, président de la section 20
« Biomolécules : structures et mécanismes
d'action »
1 - La politique ministérielle de
répartition des emplois
Il serait incorrect, dans une analyse de la politique ministérielle de
l'emploi scientifique, de séparer les chercheurs et les
enseignants-chercheurs. Au niveau du laboratoire, les deux populations se
côtoient et s'équilibrent plus ou moins bien. Dans les deux cas,
une remarque évidente se fait jour : il y a eu un manque cruel de
politique à long terme de l'emploi scientifique qui s'est traduit par de
très forts coups « d'accordéon » parfaitement
repérables dans la courbe bimodale des répartitions par âge
dans les deux populations. Par exemple, le CNRS est un organisme jeune qui voit
arriver ses premiers forts contingents de retraités. Ce
phénomène parfaitement prévisible n'a pas
été anticipé : il s'ensuivra obligatoirement des
perturbations graves qui vont toucher plus ou moins certaines disciplines ou
certains laboratoires.
Un des problèmes majeurs de l'emploi scientifique en France,
comparé aux pays étrangers, est la charge d'enseignement des
enseignants-chercheurs, surtout les jeunes. Si, dans une période
récente, la volonté ministérielle était d'engager
une réforme brutale du CNRS, l'objectif était erroné, le
principal problème se situant, qualitativement et quantitativement,
à l'université. A l'étranger, un enseignant-chercheur
effectue une charge d'enseignement de l'ordre de 40 à
60 heures annuelles, en France nous approchons les 200 heures !
Les enseignants-chercheurs, malgré leur bonne volonté, leur
courage et leur excellent niveau ne peuvent pas matériellement faire une
recherche compétitive. Cette situation est particulièrement
catastrophique dans le cas des jeunes maîtres de conférences, qui,
dans leurs deux premières années, alors qu'ils devraient pouvoir
être les plus productifs en recherche, ne peuvent pratiquement pas en
faire. Chiffres à l'appui, même si une majorité de
chercheurs pense qu'il est tout à fait profitable à tout
chercheur de faire de l'enseignement, le transfert de tout le CNRS dans
l'université ne résoudrait pas ce problème, tout en
supprimant cet outil de recherche particulièrement efficace. Le
problème est plus grave et plus profond et nécessite une remise
à plat du rôle de l'université et de l'agencement des
études, principalement au niveau du premier cycle, qui pourrait
être assuré par des enseignants à plein temps. Il faut bien
être conscient que ce problème ne trouvera de solution que dans
une modification de l'organisation de l'enseignement universitaire.
En ce qui concerne la répartition chercheurs/enseignants-chercheurs, ces
dernières années, la tendance a été de favoriser le
départ des chercheurs vers l'enseignement supérieur. Cette
volonté était traduite par un blocage très fort au niveau
de la promotion DR2-DR1. On peut discuter l'efficacité d'une mesure
incitative par blocage, il serait certainement plus pertinent d'attirer les
chercheurs vers l'enseignement plutôt que de les contraindre à la
mutation, mais en plus, cette contrainte arrive trop tard dans la
carrière. Il serait certainement plus profitable de favoriser une
mobilité plus tôt, au niveau CR1. Malgré le succès
pour le moins mitigé de ces mesures, elles ont entraîné,
dans certains laboratoires mixtes, un fort déséquilibre au profit
des enseignants-chercheurs. On est passé d'une population majoritaire en
chercheurs à une population majoritaire en enseignants chercheurs. Vu
les charges d'enseignement proprement écrasantes, cela revient à
une perte importante des capacités de recherche d'un nombre important de
laboratoires, ce qui se traduit par une baisse de leur taux de réussite
et met en péril leur survie. Un rééquilibrage vers les
chercheurs à plein temps serait nécessaire.
La volonté de compression du budget « salaires » au
CNRS s'est traduite par une forte réduction des postes ITA
(ingénieurs, techniciens, administratifs), réduction qui va
être aggravée par les prochains départs massifs en
retraite. Les chercheurs et ITA ont chacun des compétences
spécifiques qui sont complémentaires. Par exemple, la conception,
la construction, la mise au point, l'amélioration et l'entretien
d'appareillages performants (rayonnement synchrotron, résonance
magnétique nucléaire, spectrométrie de masse) sont du
ressort des ingénieurs et techniciens. Ces travaux nécessitent
des compétences de haut niveau. Ces appareils sont des outils
indispensables pour les travaux des chercheurs. La baisse de l'emploi ITA est
telle qu'elle va mettre en péril l'avenir de certains laboratoires. Les
chercheurs ne peuvent pas tout faire. Par exemple, est-il réellement
raisonnable, en termes de salaire, comme en termes d'efficacité de la
recherche, de payer un directeur de laboratoire 25 % de son temps à
faire du secrétariat, car la plupart du temps il n'a désormais
plus de secrétaire ?
Les évolutions démographiques prévisibles dans les
prochaines années, compte tenu des nombreux départs à la
retraite à venir et qui affectent tous les corps, laissent cependant
entrevoir une tout autre façon de mettre en place une réelle
politique de l'emploi scientifique. Dans le cadre d'une véritable
gestion prévisionnelle de l'emploi scientifique, associant
décideurs et acteurs de la recherche, il est parfaitement envisageable
de prendre en compte les besoins en postes de chercheurs,
d'enseignants-chercheurs, d'ingénieurs et de personnels techniques et
d'administration, créés tant par les nombreux départs
à la retraite attendus que par les évolutions de la science et
les compétences existantes, et de croiser ces deux préoccupations
pour arriver à une programmation pluriannuelle de l'emploi scientifique,
qui seule permettra à notre pays de disposer de l'outil performant de
recherche qui lui est nécessaire. L'adoption par le Parlement d'une loi
de programmation pluriannuelle de l'emploi scientifique devient ainsi une sorte
d'ardente obligation, à laquelle le parlementaire que vous êtes
saura probablement donner une suite appropriée.
2 - Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs
Le problème le plus important rencontré actuellement lors de
l'embauche des chercheurs et des enseignants-chercheurs est certainement la
perte d'attractivité de ces emplois. On observe une baisse du nombre
global d'étudiants dans les filières scientifiques, mais on
observe une baisse encore plus forte du nombre d'étudiants inscrits en
3
ème
cycle « long » (DEA + thèse).
Si l'on analyse plus finement ces phénomènes, on constate des
faits encore plus graves. Les effectifs moyens des DEA sont désormais de
l'ordre de la dizaine, alors qu'ils oscillaient entre 20 et 50 dans les
années précédentes ; à l'inverse, les
formations courtes, débouchant directement sur la vie active, telles que
les mastères ou les DESS, sont écrasées sous les demandes
d'inscriptions. Si la baisse quantitative est clairement visible, il y a
également une baisse qualitative. Les meilleurs étudiants
(mentions bien et très bien) en maîtrise se retrouvent en DESS ou
en école d'ingénieur. Les élèves d'école
d'ingénieur qui faisaient un DEA durant leur 3
ème
année d'étude ne le font souvent plus. Ce problème va nous
amener à une situation critique, déjà constatée
chez nos voisins allemands, c'est-à-dire un manque profond de docteurs
dans certaines disciplines comme la chimie.
Dans ce contexte, le montant de l'allocation de recherche (7 400 francs bruts
mensuels) qui est versée aux étudiants thésards et qui n'a
pas été revalorisée depuis 10 ans, constitue à
l'évidence un frein au recrutement des meilleurs.
Quels seraient les moyens pour endiguer cette fonte quantitative et qualitative
du recrutement ? Il serait certainement judicieux de rassembler DEA et
DESS en un seul diplôme d'entrée dans le 3
ème
cycle donnant accès, soit directement au monde du travail, soit à
l'entrée en thèse. Le second point important est
désormais, sans conteste, le niveau des rémunérations. Il
est impensable d'attirer des jeunes scientifiques brillants vers une
profession, certes passionnante, qui demande souvent des horaires librement
consentis de l'ordre de 60 heures par semaine, avec des salaires qui
s'étagent de 10.000 francs à 30.000 francs mensuels dans le
meilleur des cas, quand la carrière se termine au niveau DR1. Ce salaire
de fin de carrière constitue désormais souvent le salaire de
début de carrière dans les domaines de l'informatique, sans
même qu'un diplôme d'ingénieur soit indispensable ! Il
est absolument normal que la sécurité de l'emploi se traduise par
une différence de salaire avec le secteur privé, mais une
différence du simple au triple est absolument insupportable, et
détourne les éléments les plus brillants d'une
carrière de chercheur dans le secteur public, mais également bien
souvent d'une carrière dans la recherche en général, car
le secteur privé en France, presque par tradition, fait relativement peu
de recherche comparativement aux pays étrangers.
Il faut également souligner ici le problème du blocage des
carrières ITA, cet état de fait désespérant les
meilleurs et les plus motivés. Dans les situations les plus critiques,
cette mauvaise gestion des carrières peut entraîner une baisse de
rentabilité des laboratoires.
Le comité national de la recherche scientifique assure
l'évaluation des unités propres au CNRS ou mixtes
(CNRS/université), ainsi que celle des personnels chercheurs. Il
présente l'avantage d'être une structure nationale, bien moins
sujette aux groupes de pression que les structures locales. Il est basé
sur le jugement par les pairs. Ce système n'est peut-être pas le
meilleur, mais il est sûrement le moins mauvais !
L'expérience montre que lorsqu'il y a un problème avec la
qualité du travail d'un agent, le comité national met en
évidence celui-ci. C'est la lourdeur des procédures
administratives qui est ensuite la cause d'un apparent laxisme qui lui est
parfois reproché. Toute section du comité national peut faire
appel à des experts, français ou étrangers. Cette
procédure n'est certainement pas assez souvent utilisée. La
raison en est bien souvent l'impossibilité de rémunérer
l'expert étranger. L'introduction obligatoire d'experts étrangers
est souvent proposée. Le meilleur moyen de juger cette proposition est
d'observer les instances internationales qui fonctionnent sur ce principe. Tous
ceux qui ont pu participer aux instances d'évaluation européennes
ont une réponse sans arrière pensée : inutile de
multiplier la lourdeur de l'administration française par le facteur au
moins décuple de l'administration européenne ! Si la
structure même du comité national limite l'effet des groupes de
pression, les structures européennes d'évaluation de la recherche
ne fonctionnent que sous la forme de groupes de pression. Si le membre du
comité national a pour motivation la volonté de faire fonctionner
au mieux la structure dans laquelle il travaille, l'expert étranger
limite naturellement souvent sa motivation aux structures avec lesquelles il
collabore et qu'il aura intérêt à développer.
3 - Les conséquences pour la gestion de ces personnels des
différentes réformes des études universitaires et de la
recherche
La réforme des études de 3
ème
cycle est
maintenant bien engagée, un premier bilan peut être fait. La
situation précédente relevait de la liberté totale, les
étudiants pouvaient s'inscrire dans le DEA de leur choix, et les
laboratoires pouvaient être pratiquement associés à autant
de DEA qu'ils le voulaient, tout cela en gardant des chances égales
d'obtenir des bourses de thèse. Cette situation avait le mérite
d'une souplesse maximum, mais contenait par là-même le
défaut de manque de transparence, avec pour conséquence une
gestion très difficile au niveau ministériel.
La réforme actuelle comporte une forte diminution de l'importance des
DEA au profit de la notion d'école doctorale, qui suit l'étudiant
durant tout son travail de thèse. Les cours ne s'arrêtent plus
après le DEA, mais sur le modèle des pays anglo-saxons : ils
se poursuivent durant toute la thèse sous une forme moins scolaire
(conférences...). Ce dernier point est certainement à mettre
à l'actif de cette réforme. L'organisation est désormais
en écoles doctorales de site. Ce type d'organisation, qui permet
à la France de se rapprocher des standards européens, constitue
certainement un progrès, mais l'application rigide qui en est faite
conduit à de graves dysfonctionnements. Si cette organisation est assez
bien adaptée à des petites universités, elle engendre des
conséquences absurdes et conduit à des situations intenables dans
les grandes universités associées aux grands centres urbains. De
multiples exemples de pures aberrations peuvent être
présentés comme le cas d'un laboratoire travaillant sur une
discipline isolée dans son université qui n'a pas le droit de se
rattacher à une école doctorale d'une université voisine
qui enseigne pourtant cette discipline. Le défaut évident de la
nouvelle structure est sa rigidité. Une équipe d'accueil doit
être rattachée à une seule école doctorale, ce qui
exclut très souvent les structures pluridisciplinaires que l'on cherche
par ailleurs à promouvoir. Les bourses de thèse sont la clef du
système, même si des processus d'accord entre écoles
doctorales sont prévus pour assurer l'échange d'étudiants
entre ces écoles, dans la réalité ils fonctionnent mal ou
très peu. Les résultats sont particulièrement
catastrophiques en région parisienne. Des laboratoires sont
condamnés à une mort lente faute de recrutement étudiant.
Des enseignements de 3
ème
cycle ont perdu les trois quarts
des laboratoires qui leur étaient rattachés. Un
rééquilibrage entre les deux situations extrêmes serait
certainement nécessaire.
4 - Les conséquences des mesures destinées à
favoriser la mobilité et promouvoir la valorisation de la recherche
La mobilité recherche/enseignement a déjà
été traitée en partie ci-dessus. Jusqu'à
présent, les mesures incitatives à sens unique
recherche/enseignement se sont révélées peu efficaces et
parfois dangereuses pour l'équilibre des laboratoires. Une
activité d'enseignement est certainement profitable à tout
chercheur à plein temps et devrait être favorisée,
c'est-à-dire qu'elle devrait être prise en compte dans
l'évaluation du travail du chercheur. Cette activité, pour ne pas
interférer négativement avec l'activité de recherche, doit
obligatoirement être sous la seule condition du volontariat strict. Il
faudrait pour cela que les chercheurs se voient ouvrir la possibilité
d'enseigner ailleurs qu'en 3
ème
cycle.
La réciprocité, c'est-à-dire l'accueil de façon
temporaire ou définitive d'enseignants-chercheurs dans les organismes de
recherche, reçoit une réponse variable selon les secteurs
scientifiques. Forte dans d'autres secteurs, en sciences humaines et sociales
au CNRS par exemple, elle est très limitée dans les domaines qui
sont les nôtres, sciences chimiques et sciences de la vie. Sans
réciprocité dans les échanges, et sans perspective
d'amélioration de carrière, aucune politique de mobilité
n'apportera les résultats escomptés. Ouvrir pendant quelques
années des concours promotionnels réservés aux chercheurs
souhaitant intégrer l'enseignement supérieur (et
réciproquement aux enseignants-chercheurs souhaitant faire de la
recherche à plein temps) représente un des moyens
privilégiés d'amorcer une réelle mobilité entre
organismes de recherche et établissements d'enseignement
supérieur. Les quelques efforts menés en la matière par le
gouvernement paraissent bien timides. Pour favoriser le retour des
enseignants-chercheurs après une période plus ou moins longue
dans un organisme de recherche, il serait souhaitable qu'ils puissent retrouver
au sein de leur établissement leur position précédente
avant détachement.
Si l'on ne peut nier que la recherche doit aboutir à plus ou moins long
ou très long terme à des applications, il faudrait éviter,
dans ce domaine comme dans d'autres, les a-coups. S'il y a une dizaine
d'année, on pouvait reprocher à la recherche publique de rester
dans sa « tour d'ivoire », on assiste actuellement à
une volonté de guidage exclusif de la recherche par l'aval, avec une
floraison de
start up
, dont on constate qu'une bonne partie
disparaît déjà. Le secteur public doit certainement se
pencher beaucoup plus sur la valorisation de ses résultats, mais sans
oublier sa raison d'être première, qui est de faire de la
recherche fondamentale. On profère une évidence en disant que
tous les développements informatiques actuels ne seraient rien sans la
recherche fondamentale qui a permis la découverte du transistor. Mais si
la recherche fondamentale conduit, comme c'est souvent le cas, à des
résultats valorisables, le CNRS doit alors se montrer plus efficace
qu'il ne l'a été jusqu'à présent dans ce domaine.
Par contre, il est facile de constater que la volonté absolue de guider
la recherche par l'objectif d'obtenir à très court terme une
valorisation se solde dans la plupart des cas, comme on peut le constater
aujourd'hui, par des échecs très coûteux pour les fonds
publics. Le premier problème à régler serait une meilleure
gestion des résultats existants, sans construire des structures qui
amènent le CNRS à compenser les lacunes des industriels
français.
Rappelons également qu'une pratique de collaboration contractuelle entre
laboratoires publics et industries, petites ou grandes, est largement
développée au CNRS. Les laboratoires de notre section, dont les
préoccupations se situent à l'interface de la chimie et de la
biologie, sont ainsi largement engagés dans des collaborations avec
l'industrie, voire dans l'exploitation de brevets pris en commun. Une
collaboration raisonnée, respectant la nature de chacun des partenaires
et mettant en commun les savoirs et les savoir-faire différents de
chacun des partenaires est souvent préférable à des
aventures industrielles menées par des chercheurs non
préparés à cette fin.
5 - Les réformes souhaitables dans ce domaine
Les différentes propositions ont été discutées dans
le texte ci-dessus. Celles-ci sont rassemblées ci-dessous :
- Développer des mesures permettant de ramener le temps
d'enseignement des enseignants-chercheurs et principalement les jeunes
maîtres de conférences à des valeurs comparables à
celles qui sont pratiquées dans les pays étrangers.
- Favoriser les échanges chercheurs/enseignants-chercheurs, dans
les deux sens.
- Rééquilibrer les rapports
chercheurs/enseignants-chercheurs dans les laboratoires mixtes au profit des
chercheurs.
- Rassembler DEA et DESS en un seul diplôme ouvrant soit sur un
emploi immédiat, soit sur la poursuite en thèse.
- Revaloriser l'allocation de recherche.
- Supprimer les graves aberrations causées par la réforme
récente des études de 3
ème
cycle en
introduisant beaucoup plus de souplesse dans son application prenant en compte
les importantes différences de taille des centres universitaires.
- Rendre les métiers de la recherche publique plus attractifs, en
particulier en terme de salaire.
- Combler l'important déficit en ITA qui s'accroît de jour en
jour.
Mme
Margaret Buckingham, présidente de la section 28
« Biologie du développement et de la reproduction »
La
recherche
Tout d'abord, en ce qui concerne la recherche par rapport à
l'enseignement, il est à regretter qu'il n'y ait pas plus
d'équilibre entre les deux. Les charges d'enseignement sont beaucoup
trop lourdes avec un nombre d'heures qui rendent une recherche
compétitive très difficile, surtout pour les jeunes qui
débutent avec une petite équipe. C'est sans doute en grande
partie la raison pour laquelle toute tentative de recruter les chercheurs
du CNRS pour le corps enseignement n'a pas eu de succès. Il y a un bon
nombre de chercheurs CNRS qui seraient contents d'enseigner, mais dans des
conditions raisonnables. Une façon d'améliorer la situation
serait de réduire le nombre d'heures des enseignants, en sous-traitant
les cours auprès des chercheurs du CNRS, avec une
rémunération appropriée. Vu le bas niveau des salaires
scientifiques en France, une rémunération, même
relativement modeste, serait incitative.
Les chercheurs du CNRS
En ce qui concerne les chercheurs du CNRS, le problème des salaires
devient majeur. Un directeur de recherche en France gagne actuellement à
peu près l'équivalent d'un scientifique post-doctoral
débutant aux Etats-Unis, et les salaires dans d'autres pays d'Europe
sont également plus élevés. Non seulement il est difficile
de recruter des étrangers de haut niveau, mais de plus en plus de
Français éduqués ici préfèrent travailler
ailleurs. La floraison de l'industrie de biotechnologie a aggravé cette
situation. En France aussi, les « boîtes » de
biotechnologies, les start-up, commencent à apparaître et ce
phénomène récent ici, tout en étant positif pour
l'économie du pays, risque de réduire davantage l'enthousiasme
des jeunes pour un poste mal payé au CNRS. Bien évidemment, il
est essentiel de garder une recherche fondamentale forte, investissement
incontournable pour le futur de la France. Actuellement, le nombre
d'étudiants dans les disciplines biologiques est en baisse, sans doute
liés aux problèmes évoqués ci-dessus. Il est
très important de réagir maintenant.
Les bourses post-doctorales
Un autre problème majeur lié au recrutement est le manque d'un
système de bourses post-doctorales pour les Français. Nos jeunes,
après une thèse, partent pour l'étranger et, dans la
plupart des cas, ne peuvent revenir que s'ils ont été
recrutés ou ont une bonne chance de l'être sur un des rares postes
disponibles. Nos concurrents bénéficient de cette main-d'oeuvre
de haut niveau, tandis que les laboratoires français en sont
privés. Même s'ils ont obtenu un salaire ou une bourse sur un
contrat étranger, de la Communauté européenne par exemple,
la législation française interdit l'emploi sur CDD d'une personne
de nationalité française au-delà d'une période
très limitée. Lors du récent concours pour le recrutement
des chargés de recherche, nous avons vu d'excellents candidats,
très désireux de retourner en France, obligés de rester
à l'étranger.
Le recrutement des chercheurs
Des changements radicaux dans la gestion du recrutement des chercheurs seraient
souhaitables. Actuellement, le nombre de postes accessibles par concours est
plus important au niveau CR2, avec une limite d'âge de 31 ans. La
section préfère recruter après un stage post-doctoral dans
la mesure où il est plus facile de juger la qualité du candidat
quand il a fait ses preuves dans deux laboratoires différents.
Étant donné que les thèses en biologie prennent du temps,
beaucoup de candidats ont dépassé la limite d'âge avant
d'avoir accompli le parcours souhaité. Il y a donc beaucoup d'excellents
candidats au niveau CR1 avec nettement moins de postes. Dans le système
actuel, on recrute un candidat à vie et il est donc essentiel
d'être sûr de sa qualité, non seulement actuelle, mais aussi
future. Ceci veut dire qu'il faut essayer de discerner les futurs directeurs de
recherche. Cet exercice est très périlleux au niveau CR2, un peu
moins au niveau CR1. Peut-être, d'ailleurs, faudrait-il recruter sur des
postes à vie au niveau DR2, uniquement. Actuellement, bien
évidemment, cette proposition n'est pas tenable faute de toute structure
salariale correcte autre que permanente. Néanmoins, vu ce qui se fait
sur le plan international, il devient de plus en plus difficile de rester
compétitif sans une telle structure. Il y a actuellement un conflit
entre le besoin de recruter relativement jeune pour ne pas décourager,
voire perdre les bons scientifiques, et le souhait de recruter plus tard pour
mieux assurer la performance à long terme de quelqu'un recruté
sur un poste à vie. Les jeunes qui sont motivés pour la science
et qui ont, dans la plupart des cas, pu constater le fonctionnement dans les
pays autres que la France, sont moins concernés pour la performance de
leur poste et plus anxieux d'avoir un salaire correct qui leur permette de
faire la recherche qu'ils veulent faire et de montrer de quoi ils sont capables
dans le moyen terme.
Le financement des laboratoires
Un autre problème de base concerne le financement des laboratoires du
CNRS. Actuellement, les dotations ne permettent pas de fonctionner et les
responsables passent une partie importante de leur temps à chercher des
crédits à droite et à gauche. A part la perte de temps qui
devrait être consacré à la recherche, un autre effet
néfaste de cette situation est que les subventions données par
les associations caritatives ou par la Communauté européenne sont
souvent orientées vers des buts appliqués à court terme,
au détriment d'une recherche fondamentale d'envergure.
Le statut de la fonction publique
Enfin, il faut évoquer les difficultés rencontrées dans le
recrutement et la gestion de la recherche liées au statut de la fonction
publique. Même avec quelques dérogations, le CNRS reste tributaire
d'un carcan de règles complètement inadaptées à la
recherche scientifique. L'énorme difficulté rencontrée,
pour acheter les produits/équipements performants, par la
réglementation du marché public, en est un exemple. Un autre en
est les concours d'ITA où les candidats se présentent sans
curriculum vitae
, donc sans possibilité d'obtenir des
références, et sont examinés sans aucun test sur leur
capacité à manipuler à la paillasse. Il faut que le CNRS
et les autres organismes de recherche puissent avoir un statut particulier, pas
celui universel de la fonction publique.
M.
François Azouvi, président de la section 35
« Pensée philosophique - Sciences des textes - Création
artistique, scientifique et technique »
1/ En ce
qui concerne la politique ministérielle des emplois, le principal point,
selon moi et pour les disciplines que je représente (philosophie,
littératures, histoire des sciences, musicologie), est le trop faible
nombre de postes de CR1 mis au concours. En effet, l'imposition d'un âge
limite de candidature en CR2 a pour nos disciplines un effet pervers de grande
conséquence : nous sommes conduits à recruter presque
exclusivement des « bons élèves » dont le
profil-type -- école normale, agrégation, thèse -- est
rassurant mais pas toujours indicatif de réelles aptitudes à la
recherche. Davantage de postes en CR1 nous donnerait plus d'assurance de
pouvoir recruter des véritables chercheurs, ayant déjà
fait leurs preuves.
2/ Pour ce qui concerne le recrutement, je suis particulièrement
sensible au fait que, contrairement à ce qui se fait ailleurs dans
l'enseignement supérieur, il n'est pas requis que les candidats aient
deux rapporteurs et, donc, fournissent deux dossiers complets. Dans la section
35, comme d'ailleurs dans quelques autres, nous avons décidé de
remédier à cet état de fait, mais ce ne peut être
qu'au moyen de bricolages.
Pour ce qui concerne le déroulement de carrière, le principal
obstacle réside dans l'extrême pénurie de postes de
DR1 ; je n'ignore pas que cette pénurie a pour fonction d'inciter
les chercheurs à aller vers l'enseignement supérieur mais elle
est anormale tout de même dans un organisme qui prévoit dans ses
statuts qu'il est loisible à quiconque de faire toute sa carrière
en son sein.
3/ Les conséquences des différentes réformes
universitaires depuis une dizaine d'années se sont traduites par une
implication plus forte au sein des laboratoires, et c'est une bonne chose.
4/ La mobilité vers l'enseignement supérieur demeure
entièrement négative, sous la forme d'une difficulté
à l'avancement à l'intérieur du CNRS. La situation
dégradée des universités ne les rend pas attractives.
D'autre part, demeure une inégalité entre la
représentation des enseignants au sein du comité national et
celle des chercheurs au sein du CNU.
5/ Les réformes souhaitables. Il faudrait inventer de réelles
procédures attractives pour favoriser le passage du CNRS à
l'université ; que des enseignants souhaitent avoir deux
années de disponibilité pour travailler commodément au
CNRS, cela se comprend sans peine et la chose est en elle-même assez
incitative ; mais que des chercheurs souhaitent faire la démarche
inverse pour se retrouver, comme c'est souvent le cas, devant des
étudiants de DEUG, on comprend que ce ne soit pas vraiment attractif. Il
faudrait que de réelles conventions lient le CNRS et les
universités, qu'il soit entendu que les chercheurs seraient
chargés de cours en rapport avec leur spécialité et leur
niveau, et que cette mobilité soit comptée dans leur passage au
grade supérieur.
Mme Marie-Christine Kessler, présidente de la section 40 « Politique, pouvoir, organisation »
Préambule
La section 40 gère 229 chercheurs. Sous son titre « Politique,
pouvoir, organisation » se range un ensemble de trois
disciplines : science politique, sociologie des organisations, sociologie
du travail. La science politique tient la plus grande place avec 160 chercheurs.
La section 40 fonctionne en bonne cohérence et
complémentarité. Il n'y a pas de hiatus entre les
différentes sciences qui y sont représentées et entre
lesquelles les passerelles sont nombreuses. Toutefois, la science politique
possède une spécificité liée à l'existence
d'une agrégation de l'enseignement supérieur, ce qui n'est pas
sans introduire de fortes distorsions entre les différents types de
professionnels se réclamant de cette discipline, ceci au niveau du
recrutement comme de la gestion de carrière. Les
inégalités se révèlent très fortes entre les
agrégés et les autres personnels, ne serait-ce que parce que le
CNRS recrute au niveau du collège B alors que l'agrégation
recrute au niveau du collège A directement.
Question 1. - La politique ministérielle de répartition des
emplois, en fonction des évolutions démographiques, des besoins
de la recherche et des spécificités des établissements.
Cette question pose un préalable : une telle politique
existe-t-elle et est-elle même possible ?
Une politique scientifique, pour avoir une réalité, doit
posséder une cohérence et s'inscrire dans la durée. Pour
former un chercheur et l'orienter dans une direction déterminée,
un laps de temps de quatre ou cinq ans est nécessaire, compte tenu des
investissements cognitifs, méthodologiques, théoriques, voire
linguistiques nécessaires. Or les décideurs et les
opérateurs changent, que ce soit au niveau ministériel ou
administratif. Le même cap est rarement gardé plus de trois ans.
Les « besoins de la recherche » ne sont pas définis
de façon stable et continue, ce qui obère l'efficacité
d'une politique scientifique. De plus, une politique scientifique réelle
demande l'existence d'un vivier, et celui-ci est long à constituer.
Les évolutions démographiques sont plus faciles à
prévoir. Les statistiques sont claires et nettes : dans les dix
prochaines années, près de trois quarts des chercheurs partiront
à la retraite. La survie du CNRS est liée à un recrutement
qui compense au moins les départs à la retraite.
Une politique scientifique de base doit s'appuyer sur un nombre significatif de
recrutements dans tous les domaines où la France s'est constitué
une place de choix ainsi que dans ceux où une expansion est
considérée comme nécessaire.
Ici devraient prendre place les éléments tirés du rapport
de conjoncture dont je vous rappelle qu'il est programmé pour 2002.
Les statistiques montrent une évolution globalement positive au niveau
du nombre des recrutements à la base comme chargés de
recherche :
1996 : 2
1997 : 4
1998 : 6
1999 : 6
2000 : 8
2001 : 8
Les recrutements s'opèrent essentiellement en CR2, ce qui correspond
à une volonté politique de rajeunissement des chercheurs tout
à fait louable. Mais le fait qu'il n'y ait eu ces dernières
années qu'un seul poste de CR1 au concours méconnaît
l'existence de carrières préalables, la nécessité
de formations longues, notamment dans les domaines où un investissement
linguistique important est nécessaire (arabe, langues africaines...).
Le fléchage de certains postes autour de thématiques
précises, pratiqué depuis trois ans après une interruption
de quelques années, est appréciable dans la mesure où
cette pratique représente un des rares instruments d'une politique de
recherche incitative.
Mais il faut savoir qu'une telle pratique est plus efficace à long terme
qu'à court terme, surtout dans la mesure où l'on s'interdit de
recruter des CR1. La durée de formation est longue et le
« marché » actuel ne comporte pas forcément
les spécialistes recherchés. Les commissions peuvent donc
être amenées à recruter des candidats très moyens.
Il existe par ailleurs des « sous-politiques » beaucoup
plus fermes et fortes que les politiques ministérielles globales, dans
la mesure où les Universités et les établissements du
supérieur ont pouvoir et autonomie. Ils peuvent conduire leurs propres
politiques au niveau des recrutements et des programmes. Le rôle des
commissions de spécialistes des universités et écoles
ne doit pas être sous-estimé.
La Fondation nationale des sciences politiques possède des fonds
suffisants pour recruter et entretenir un certain nombre de chercheurs. Il en
est de même de certaines grandes écoles scientifiques qui
développent des laboratoires de sciences sociales à leurs propres
frais en leur sein.
Par ailleurs, il faut souligner que la politique conduite par le
ministère et par le CNRS, et visant à constituer
systématiquement des unités mixtes de recherche (UMR) comportant
un partenariat CNRS-universités conduit en fait le pouvoir
politico-administratif à se dessaisir de ses instruments d'action en
matière de politique scientifique. Le CNRS possède, par
l'intermédiaire des unités propres de recherche (UPR), des moyens
d'action beaucoup plus directs et efficaces que les UMR, qui l'obligent
à des négociations avec les universités. En multipliant
les UMR, l'Etat émiette son pouvoir en matière de politique
scientifique.
Question 2. - Les problèmes rencontrés à l'occasion du
recrutement, du déroulement de carrière et de l'évaluation
des chercheurs et enseignants-chercheurs, notamment au regard des
spécificités des établissements.
Recrutement de base
Les concours de CR2 et CR1 ne posent pas de problèmes particuliers, si
ce n'est au niveau du nombre de postes ouverts au recrutement, qui ont
été au cours de ces dernières années peu nombreux.
La qualité des candidats ainsi que leur CV antérieur ne cessent
de s'améliorer. La plupart d'entre eux ont de nombreuses publications
à leur actif. On peut estimer que chaque année, sur un total
d'une centaine de candidats, une quinzaine seraient de bonnes recrues pour une
recherche d'Etat digne de ce nom.
La totalité des candidats au concours de CR2, voire de CR1, dans la
section 40 se présente simultanément à la maîtrise
de conférences dans les universités et même, depuis peu,
à l'agrégation de sciences politiques. Il n'y a guère de
logique qui préside au choix des carrières de ces jeunes gens qui
frappent à toutes les portes pour obtenir un poste.
Déroulement des carrières
Il existe un blocage des carrières des agents du CNRS qui
accèdent très difficilement à la catégorie A, le
nombre des postes disponibles au concours de recherche de directeur de
deuxième classe étant limité par rapport au nombre de
candidats déclarés. La « pression » au
concours de DR2 est importante.
Sur 35 candidats en moyenne ont été ouverts au concours :
4 postes en 1996,
4 postes en 1997,
4 postes en 1998,
4 postes en 1999,
3 postes en 2000,
5 sont annoncés pour 2001.
L'accès à la première classe et plus encore à la
classe exceptionnelle relève de l'exploit et de l'exception : un
poste par an est disponible pour la première classe et un poste tous les
quatre ou cinq ans pour la classe exceptionnelle.
L'inégalité est criante par rapport aux carrières
universitaires, où l'accès à la première classe, et
même à la classe exceptionnelle, peut être
considéré comme faisant partie du déroulement normal d'une
carrière.
La pyramide actuelle de la section 40 est la suivante :
CR2 : 18
CR1 : 126
DR2 : 62
DR1 : 18
DRCE : 3
émérites : 2
L'évaluation, quoique sérieusement pratiquée au
comité national du CNRS (la section 40 fait un examen
systématique des dossiers des chercheurs tous les deux ans ; le
bilan évaluatif fait par un rapporteur est discuté par la section
et, depuis 2001, envoyé aux intéressés), perd de son sens
dans un monde où les promotions sont extrêmement difficiles pour
la majorité des CR1 (ceux-ci représentent presque la
moitié des effectifs de la section).
Ceux-ci ne peuvent bénéficier d'aucun avancement de grade et
restent bloqués à un même stade pendant des années,
sinon à perpétuité.
La tentation de multiplier les travaux totalement individuels, les
carrières parallèles, est grande pour ces personnels que rien ne
peut récompenser ou sanctionner.
Les passages vers l'enseignement supérieur - vivement conseillés
par le ministère - n'ont guère d'intérêt dans le
monde de la science politique, verrouillé par une agrégation de
l'enseignement supérieur.
L'évaluation des enseignants-chercheurs devrait en principe être
réalisée par le comité national dans la mesure où
ces enseignants-chercheurs font partie d'équipes associées au
CNRS, ce qui devient de plus en plus fréquent. Pour l'instant, cette
pratique n'est aucunement entrée dans les moeurs. Les
enseignants-chercheurs ne fournissent pas de rapport d'activité au CNRS,
à de très rares exceptions près.
Signalons aussi les effets pervers de dispositions parfaitement bien
intentionnées qui visent à prendre en considération, dans
l'évaluation des équipes, le nombre de doctorants qui y sont
rattachés (équipes d'accueil). Le nombre de doctorats
dirigés par les chercheurs est également pris en compte dans
l'évaluation individuelle de ceux-ci.
Ceci provoque des rivalités parfois féroces entre enseignants et
chercheurs, chaque groupe cherchant à se garder les doctorants, de
même qu'entre responsables des DEA et les directeurs de laboratoires,
notamment lors de la distribution des allocations de recherche.
Par ailleurs, ce système a conduit à une inflation pas toujours
souhaitable des doctorants. Les différents responsables scientifiques et
universitaires ont tendance à inciter des étudiants moyens, si ce
n'est médiocres, à se lancer dans des doctorats pour gonfler leur
laboratoire, leurs équipes et leur « cheptel » de
doctorants. Dans de nombreux cas, les thèses ne sont pas achevées
au bout de sept ans....
Question 4. - Les conséquences des mesures destinées, d'une
part, à favoriser la mobilité des chercheurs et
enseignants-chercheurs, tant en France que vers l'étranger, et, d'autre
part, à promouvoir la valorisation de la recherche
En France
La mobilité inter-laboratoires en France recouvre rarement des
mobilités thématiques voulues et organisées
scientifiquement. Elle s'inscrit le plus souvent dans une progression qui va de
la province vers Paris. Les efforts effectués dans les années
1995-1996 pour envoyer en province les chercheurs recrutés en CR2, CR1
ou même DR2 ont largement tourné court. Dans le cadre de la
commission 40, on a pu observer plusieurs retours de la province vers Paris en
quatre ans.
La mobilité à l'étranger
La mobilité des chercheurs vers l'étranger se fait
essentiellement par l'intermédiaire des centres de recherche en sciences
humaines et sociales du ministère des affaires étrangères
à l'étranger. Le CNRS y est de plus en plus directement et
étroitement associé institutionnellement et y envoie des
chercheurs, généralement pour une période de deux à
trois ans (création d'une URA à Berlin et d'une URA à
Oxford).
Le CNRS y affecte des chercheurs pour une durée de deux à trois
ans en général.
En dépit des accords passés avec certains centres à
l'étranger, il est rare qu'un chercheur français puisse effectuer
dans le cadre du CNRS un séjour de longue durée à
l'étranger du type « année sabbatique ».
La valorisation
est un des maîtres-mots du vocabulaire
politico-administratif officiel à l'heure actuelle. Mais il faut
signaler que la section 42, dite de valorisation, a été
supprimée en 2001, ce qui semble regrettable car elle permettait
d'institutionnaliser la variable « valorisation » et de lui
donner une assise plus ferme. Les différentes sections du comité
national ont été invitées à tenir compte de la
valorisation dans leurs évaluations et les présidents des
sections ont été informés que 19 postes
étaient réservés à la valorisation sans que l'on
sache réellement selon quelles procédures et quels
critères. On ignore s'il y aura des quotas réservés
à la valorisation.
La valorisation ne peut avoir une signification simple et univoque. Elle varie
en fait selon les disciplines. Elle n'a pas la même acception dans les
secteurs scientifiques, dans lesquels elle peut prendre la forme du
dépôt de brevet, qu'en histoire ou en science politique, où
son contenu est infiniment plus fluctuant et difficile à définir
(participation à des films ? commentaires des soirées
électorales ? conseils en organisation ?).
Il faut accepter que cette notion ait un sens variable et en jouer souplement.
Par ailleurs, il faut remarquer que la valorisation passe par la mise en oeuvre
de procédés modernes que les laboratoires moyens ont des
difficultés à mettre efficacement en oeuvre faute de
crédits.
Les gros laboratoires de notre discipline, notamment ceux de la Fondation
nationale des sciences politiques, disposent de crédits suffisants pour
avoir un responsable permanent du site Internet, constamment tenu à jour
et comportant un accès en langue anglaise, un attaché de presse,
des moyens pour envoyer des chercheurs à l'étranger dans des
colloques et consortiums internationaux.
Rappelons que le budget moyen alloué par le CNRS à un laboratoire
moyen dans nos disciplines est de 150 000 francs, ce qui suffit
à peine pour faire face aux dépenses courantes. Le
fund
raising
auprès des organismes dispensateurs de crédits, en
particulier au niveau européen, demanderait des moyens en personnels,
notamment de très bons collaborateurs techniques qui n'existent pas dans
un petit laboratoire.
Conclusion
A partir du moment où le CNRS existe et où l'on reconnaît
qu'il représente un instrument de la politique scientifique du
gouvernement, il faut tenter de l'utiliser en ce sens. Il ne semble pas
raisonnable de le diluer systématiquement progressivement dans les
universités qui ne sont pas réellement en mesure de l'utiliser.
La recherche fondamentale est nécessaire, surtout dans certaines
disciplines ou dans certains secteurs disciplinaires. Le CNRS est le lieu
où elle peut être poursuivie en tant que telle.
La mobilité thématique et institutionnelle devrait être
beaucoup plus systématiquement encouragée et
récompensée, sinon par un avancement, du moins par un
système de primes temporaires. Il pourrait être intéressant
de passer des accords, sinon des contrats, avec des chercheurs pour les inciter
à travailler sur tel ou tel programme prioritaire pendant une
période déterminée, programme européen notamment.
Il existe une inadaptation entre l'offre et la demande en France, contrairement
à ce qui se passe dans la plupart des pays européens où
les chercheurs sont recrutés et évalués dans le cadre d'un
programme précis, pour lequel ils disposent de moyens financiers
réels gérés souplement.
On pourrait rêver de la mise en place, au niveau des
délégations régionales, d'un système
multilaboratoires souple. Actuellement, les directions régionales
gèrent au sens le plus strict du terme. Elles n'aident pas les
chercheurs et la recherche. Il semble que leur rôle devrait être de
procurer une assistance technique dans la recherche des contrats, dans la mise
en place et l'entretien de sites Internet, voire dans les rapports avec la
presse et les moyens audiovisuels. Leur rôle serait à repenser
entièrement et devrait être dynamisé.
SYNDICAT
M. Jean-Louis Charlet, secrétaire général de la
Fédération nationale des syndicats autonomes de l'enseignement
supérieur et de la recherche
Les
représentants de la Nation doivent s'interroger sur la politique
universitaire de notre pays à l'aube du XXI
ème
siècle. Il faut définir ce que la Nation attend de
l'université. L'exigence d'excellence requise par la compétition
internationale est-elle compatible avec une université de masse
chargée d'accueillir tous les étudiants quels que soient leur
formation et leur niveau ? Ne faudrait-il pas plutôt diversifier les
filières après le baccalauréat pour les adapter aux
exigences de la société française (formations
universitaires, technologiques ou professionnalisées de courte ou de
moyenne durée) ? On doit aussi s'interroger sur la finalité
des délocalisations et de la création d'universités
nouvelles dans les perspectives démographiques, économiques et
politiques qui s'ouvrent à la France.
1. Politique ministérielle de répartition des emplois
Toute programmation est rendue difficile par la séparation, dans deux
ministères différents, de la recherche et de l'enseignement
universitaire. Les pouvoirs publics doivent anticiper les évolutions
démographiques pour lisser les courbes : un renouvellement massif
entraînera une baisse de qualité ; une absence de
renouvellement induirait une sclérose. Dans ces prévisions, on
doit prendre en compte l'évolution de la recherche et l'émergence
de nouvelles disciplines ou de nouveaux champs d'étude. Pour être
efficace, cette programmation devrait être établie conjointement
par les ministères, les grands organismes de recherche et les
universités.
Dans la politique des moyens, il faut prendre en compte les
nécessités et de l'enseignement et de la recherche, sans oublier
les disciplines émergentes et celles qu'impose le rôle culturel et
politique de la France dans le monde (nécessités d'étudier
et d'enseigner non seulement toutes les langues de l'Union européenne,
mais encore toutes les grandes langues du monde contemporain, sans
négliger la dimension culturelle de l'enseignement supérieur).
Les délocalisations demandent, pour être réussies, des
moyens considérables non seulement en locaux, mais en personnel
(enseignants, ATOS, de bibliothèques), en moyens de documentation et
d'expérimentation.
Les normes SANREMO établies sans la moindre concertation sont
inacceptables. Il est urgent que le ministère engage des
négociations sur ce point. Les besoins sont importants, non seulement
dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et de l'encadrement
administratif, mais dans le domaine documentaire où la France doit
rattraper un retard considérable. Dans ce domaine, les crédits
doivent être fléchés. Nous sommes partisans de normes
nationales, à condition qu'elles soient établies dans la
clarté et dans la concertation... et que le ministère les
applique !
2. Les problèmes de carrière
Garant du caractère national de notre statut et seul organisme qui ait
une vue d'ensemble de la gestion des carrières et le souci de pourvoir
tous les postes, le CNU doit décider en dernière instance du
recrutement des professeurs et maîtres de conférences, sauf dans
les disciplines de droit, économie, gestion et sciences politiques
où le concours d'agrégation du supérieur, auquel nous
sommes très attachés, remplit cette fonction nationale (dans ces
disciplines, le concours externe doit être la voie principale
d'accès au corps des professeurs).
Concernant la composition du CNU, les nominations, qui pourraient se limiter
à un quart au lieu d'un tiers de l'effectif, devraient permettre un
rééquilibrage scientifique et géographique.
Pour l'évaluation des enseignants-chercheurs, l'instance
qualifiée est le CNU. Encore faudrait-il que cette évaluation
débouche sur de réelles promotions au mérite. Dans les
conditions de carrière et de travail actuelles, les étudiants
brillants ne sont pas attirés par l'enseignement supérieur. Il
est donc urgent de rendre plus attractive la fonction universitaire (conditions
financières et matérielles, vrais semestres sabbatiques pour
recherche et conversion thématiques...). La même remarque s'impose
pour les personnels ATOS et de bibliothèques, secteur dans lequel il est
urgent de prendre en compte les responsabilités particulières des
conservateurs généraux.
Pour les commissions de spécialistes, ci-joint le texte du comité
directeur du 5 mars 2001. Nous sommes très attachés au maintien
de deux corps (professeurs et maîtres de conférences)
définis sur critères scientifiques. Pour assurer la
qualité de l'université, une part importante des promotions doit
se faire au choix par le CNU. Le statut d'enseignant-chercheur est incompatible
avec l'accroissement infini des charges administratives et de gestion. Aussi
toutes les nouvelles responsabilités pédagogiques doivent-elles
être intégrées à nos obligations statutaires
d'enseignement. Dans les disciplines cliniques (médecine, odontologie,
pharmacie), les activités praticiennes doivent être prises en
compte dans la carrière. Il est souhaitable que les enseignements pour
non-spécialistes soient assurés par des PRAG plutôt que par
des PRCE. Et il faut mettre en oeuvre une politique contractuelle pour
permettre, d'une part, aux PRCE de passer l'agrégation interne, et,
d'autre part, pour les PRCE et PRAG qui le souhaitent, d'avoir un service
d'enseignement allégé pour préparer une thèse et
devenir maître de conférences.
3. Gestion des personnels
La réforme Bayrou a désorganisé la vie universitaire. Elle
prétendait permettre une réorientation des étudiants au
bout d'un semestre et faciliter les échanges internationaux. Les
réorientations effectives concernent environ 1 % des
étudiants... qui, la plupart, échouent en fin d'année et
qui ne peuvent bénéficier, par suite de l'absence de moyens, des
dispositions de rattrapage imposées par les textes (quand des
étudiants porteront le problème devant les tribunaux, ce sont les
diplômes nationaux qui seront mis en cause).
Quant aux échanges avec l'étranger, la semestrialisation a
compliqué les procédures, dans la mesure où il n'y a pas
de date européenne pour le début des semestres et où la
location des chambres universitaires pour 5 ou 6 mois est très
difficile.
Si l'on maintient l'organisation en semestres (actuellement, nos faux semestres
combinent les inconvénients de l'annualisation et de la
semestrialisation), il faudra établir de larges coupures entre semestres
pour respecter les exigences de la recherche et s'interroger sur
l'opportunité de deux sessions annuelles d'examen.
4. Mobilité
Nous y sommes très favorables, à condition qu'elle soit
réciproque, aussi bien entre l'université et les grands
organismes de recherche (il faut y accroître les postes d'accueil),
qu'entre la France et ses partenaires européens ou internationaux.
Nous sommes favorables à des bonifications qui incitent à la
mobilité, à condition que ces bonifications ne soient pas
discriminatoires.
Valorisation de la recherche, il faut :
encourager financièrement la publication scientifique française,
prendre en compte le dépôt d'un brevet au même titre qu'une
très bonne publication.
Annexe : texte du comité directeur du 5 mars 2001
Commissions de spécialistes
La F.N.S.A.E.S.R. constate que le fonctionnement des commissions de
spécialistes tel qu'il a été mis en place par la
réforme Allègre est désastreux :
La procédure d'élection fixée par cette réforme
conduit à éliminer certaines disciplines ou sous-disciplines et
certaines écoles scientifiques, sans parler des règlements de
compte personnels ou idéologiques.
La désignation de membres internes à l'université relevant
d'autres disciplines permet de nombreuses manipulations partisanes.
Le système des suppléants est très difficile à
mettre en place : il ne peut fonctionner que s'il y a accord parfait entre
les collègues. Quand les suppléants sont désignés
par le conseil d'administration dans d'autres disciplines de la même
université, le jeu des départs à la retraite et des
mutations conduit rapidement à une dénaturation de la commission.
De ces trois observations, il résulte que ces commissions ne sont
souvent plus de vraies commissions de spécialistes.
Par ailleurs, le nombre des membres extérieurs, titulaires et
suppléants, à convoquer au moins pour la première
réunion, est trop important et grève lourdement le budget des
départements ou des UFR, sur lequel l'université reporte souvent
la dépense. Aussi est-on bien souvent amené, par raison
d'économie, à des pratiques illégales qui aboutissent
à ne pas faire venir les membres extérieurs.
Pour toutes ces raisons, la F.N.S.A.E.S.R. propose un système simple,
juste et efficace, qui empêche les exclusions dénoncées
plus haut, permet une meilleure participation et garantit la
représentation de toutes les disciplines :
Les commissions de spécialistes sont constituées par section du
CNU.
Tous les professeurs sont membres de droit de la commission de
spécialistes de leur section dans leur université.
Le nombre de maîtres de conférences est égal à celui
des professeurs. Si le nombre des maîtres de conférences de la
section considérée dépasse celui des professeurs, il est
procédé à une élection au scrutin de liste à
la proportionnelle au plus fort reste sans panachage, les listes
incomplètes étant admises.
Les membres extérieurs (professeurs et maîtres de
conférences) représentent 20 % au maximum de la commission.
Ils sont proposés par les 80 % de membres locaux (de droit ou
élus).